B. L'ATTENTISME DU GOUVERNEMENT CONSTITUE DÉJÀ UNE FORME DE CHOIX

1. Les dangers de l'attentisme

Peut-on encore attendre pour prendre les mesures qui s'imposent ?

Votre commission considère pour sa part qu'il y a urgence .

Le Président de la République l'a lui-même solennellement rappelé lors de la remise à l'Elysée, le 31 mai dernier, de la Médaille de la Famille française :

" Il n'est pas de grand enjeu collectif qui n'ait aussi une dimension démographique. Prenons par exemple le problème des retraites, qui préoccupe à juste titre tous les Français. 7( * ) Il n'est pas seulement financier, il est d'abord (...) démographique. La question du financement des retraites, dont le traitement ne peut plus être différé aujourd'hui , n'est qu'une des conséquences d'un problème plus crucial encore, celui du renouvellement de notre population. (...)

" Au-delà, il importe que les réformes nécessaires et maintenant urgentes qui devront être conduites pour sauvegarder nos régimes de retraite ne pénalisent pas les familles. "


Ces propos contrastent avec la relative insouciance du Premier ministre qui déclarait au Parisien, le 29 avril dernier : " La précipitation serait une erreur : les problèmes financiers ne se posent, je le répète, qu'à partir de 2005. Nous avons le temps. "

Dans un entretien accordé au mensuel " Liaison sociales " de mai 1999, M. Jean-Michel Charpin met pourtant lui-même l'accent " sur l'urgence de décisions à prendre ".

Comme le souligne très pertinemment M. Jean-Michel Charpin, " si l'on décide de ponctionner les revenus des actifs pour rééquilibrer financièrement le système, sans faire de capitalisation, il n'y a aucune nécessité de le faire aujourd'hui. En clair, si l'on veut atteindre l'équilibre financier par une hausse des cotisations, il suffit de commencer en 2005. ".

En revanche, " si l'on décide d'agir autrement, il faut démarrer tout de suite. Si l'on veut constituer un complément au financement du régime par répartition, en accumulant du capital dans un fonds de réserve, il faut prendre de l'avance par rapport à la dégradation des comptes. Et si l'on veut jouer sur l'âge de la retraite, il faut que l'ajustement soit étalé sur une très longue période pour préserver l'équité entre les générations. ".

Selon M. Jean-Michel Charpin, " Le principal danger serait précisément de refuser d'affronter le problème en temps utile . On se placerait alors vers 2010 dans une situation où les arbitrages seraient extrêmement douloureux à prendre. Faute de les avoir anticipés, on risquerait justement de faire porter tout le poids du rééquilibrage des retraites sur un nombre relativement faible de générations qui pourraient alors refuser un effort supplémentaire. ".

Votre commission ne peut que partager la teneur des propos du Commissaire général du Plan. En repoussant des décisions indispensables, le Gouvernement fait en réalité un choix implicite : celui de la hausse future des cotisations.

2. L'urgence des réformes

a) La nécessaire réforme des régimes spéciaux de retraite

Votre rapporteur a bien conscience que la question des régimes spéciaux est un sujet délicat. L'annonce d'une possible réforme de ces régimes dans le cadre du plan Juppé présenté à l'automne 1995 a en effet été en partie à l'origine des mouvements sociaux des mois de novembre-décembre 1995 et l'ampleur des protestations a conduit au retrait des projets annoncés et, plus largement, à un blocage des processus de réforme dans ce secteur.

Or, le rapport Charpin a confirmé de manière irréfutable que les perspectives financières de ces régimes ne sont pas plus favorables que celles du régime des salariés.

Il a également montré que ces régimes sont en réalité plus avantageux que ceux des salariés du secteur privé : calculé par rapport à la cotisation payée par le salarié, le retour sur contributions apparaît beaucoup plus favorable pour les retraités des régimes spéciaux. L'équilibre de ces régimes est en effet assuré par une contribution massive de l'employeur sous forme d'une subvention d'équilibre ou d'une " contribution fictive ".

Les écarts vont donc encore s'accroître entre les assurés des régimes spéciaux et les assurés des régimes qui ont déjà connu des réformes, au détriment de ces derniers. Ce phénomène n'est pas acceptable.

Le taux d'effort en 1996 (1)

 

Taux légal salarié

Taux légal employeur

Taux légal global

Taux de cotisation réel

Points de cotisations pour les pensions

Points de cotisations pour la vieillesse

Part des pensions couvertes par les cotisations

CNRACL

7,85 %

25,10 %

32,95 %

33,1 %

22,0 %

33,6 %

150,3 %

RATP

7,85 %

15,34 %

23,19 %

22,3 %

63,1 %

66,2 %

35,3 %

SNCF

7,85 %

28,44 %

36,29 %

38,5 %

114,7 %

114,7 %

33,5 %

IEG (1997)

7,85 %

contribution
employeur

 

63,6 %

59,6 %

64,3 %

106,7 %

FP civils et militaires (1997) (1)

7,85 %

contribution
employeur

 

7,4 %

45,5 %

51,7 %

18,2 %

FP civils et militaires (1997) (2)

7,85 %

contribution
employeur

 

51,7 %

45,5 %

51,7 %

113,7 %

CNAVTS

6,55 %

8,20 %/
1,60 %

16,35 %

17,0 %

20,8 %

22,5 %

81,8 %

ARRCO (taux moyen appelé 1996) (3)

2,92 %

4,38 %

7,30 %

10,0 %

10,1 %

10,1 %

99,5 %

AGIRC (taux moyen
appelé 1996) (3)

6,96 %

11,96 %

18,92 %

24,7 %

27,0 %

27,0 %

91,7 %

CARMF

 
 
 

16,7 %

13,4 %

15,7 %

124,3 %

Source : Commissariat général du Plan

(1) Le taux de cotisation réel rapporte les cotisations vieillesse à la masse cotisable, les cotisations vieillesse étant définies comme les cotisations totales auxquelles sont retirées les charges correspondant aux autres risques (invalidité, accidents du travail...). Pour les régimes complémentaires, sont ajoutées aux cotisations les prestations et cotisations prises en charge par l'UNEDIC et l'ASF. Les calculs des nombres de points de cotisation rapportent les charges à la masse cotisable. Parmi les charges, on distingue les charges de pensions (droits directs + droits dérivés + frais de gestion + action sociale...) et les charges vieillesse qui comprennent les pensions et les charges de compensation. La part des pensions couvertes par les cotisations est le rapport des cotisations vieillesse aux charges de pensions.

(2) Les cotisations comprennent, outre les cotisations des salariés, la contribution d'équilibre de l'Etat et les contributions des établissements publics (La Poste, France Télécom).

(3) Les taux de cotisation pour l'ASF en 1996 étaient 1,96 sur la tranche A et 2,18 sur la tranche B.


Dans un souci d'équité et afin de limiter les déséquilibres futurs des régimes spéciaux, il apparaît nécessaire d'aligner progressivement la durée de cotisation exigée sur celle en vigueur dans le régime général, soit 40 années de cotisation à partir de 2003.

Si le régime général et les régimes alignés sont encore en phase de réforme progressive jusqu'en 2003 - il est donc possible d'attendre jusqu'à cette date pour décider d'un éventuel prolongement de la réforme pour atteindre 170 trimestres de cotisation -, il est indispensable, pour les régimes spéciaux, qui n'ont pas été réformés, de commencer dès maintenant à rattraper leur retard.

Cela exige du temps et il convient par conséquent d'engager cette réforme sans tarder.

b) Le fonds de réserve pour les retraites : un fonds de lissage ?

L'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé, au sein du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), un fonds de réserve destiné à " consolider les régimes par répartition ". Dans l'immédiat, ce fonds ne serait destiné qu'à certains régimes, ceux qui se sont réformés en 1993 : le régime général et les régimes alignés (salariés agricoles, ORGANIC et CANCAVA).

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, votre rapporteur avait été amené, en tant que rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, à formuler au sujet de ce fonds de réserve un certain nombre de remarques et d'interrogations : quels étaient les véritables objectifs de ce fonds ? S'agissait-il d'un fonds destiné à lisser la hausse prévue des taux de cotisation, afin d'en réduire le rythme au moment du choc démographique, ou bien d'un fonds permanent dont les revenus compléteraient les ressources des régimes ? Comment ce fonds allait-il être alimenté ? Quel serait l'horizon de placement -et par conséquent les supports financiers- de ce fonds ? Qui serait chargé de sa gestion et selon quelles modalités de contrôle ?

Il apparaissait en effet pour le moins paradoxal de créer un tel fonds sans savoir exactement quelle serait sa mission.

Huit mois plus tard, le Gouvernement n'a apporté aucune précision quant à intentions réelles. Les interrogations que nous avions formulées sont d'ailleurs reprises dans le rapport de M. Jean-Michel Charpin, qui constate : " si la création de ce fonds a été décidée, les modalités de son fonctionnement restent à préciser ".

Ce préalable n'est toujours pas défini mais le fonds de réserve continue de servir en quelque sorte d'alibi : on ne saurait en quelque sorte reprocher au Gouvernement de ne rien faire puisqu'il alimente le fonds de réserve.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoyait ainsi que 2 milliards de francs lui seraient versés au titre des excédents de la C3S ; le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière le fait bénéficier du reversement du produit de la souscription du capital des caisses d'épargne, soit 15 milliards de francs sur quatre ans. Le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire, qui tient pour acquis un excédent du régime général en 2000, prévoit que " les premiers excédents du régime général depuis pratiquement 15 ans pourraient ainsi nourrir le fonds de réserve pour les retraites et permettraient de " lisser " les effets du choc démographique qui affectera les régimes de retraites à partir de 2005. "

Il reste toutefois une question de principe. Comment peut-on faire des réserves et tolérer dans le même temps une aggravation du déficit du régime général, toutes branches confondues ? Comment, en quelque sorte, alimenter un compte d'épargne tout en étant dans le " rouge " sur son compte courant ?

Dans une étude récente 8( * ) , M. Laurent Vernière rappelle qu'un fonds de réserve peut avoir trois objectifs :

- le fonds de réserve est utilisé comme épargne de précaution afin d'atténuer les à-coups du cycle économique sur les soldes financiers . Les réserves sont équivalentes à de la trésorerie destinée à couvrir les besoins de financement temporaires en période de basse conjoncture. Cela suppose que le régime de retraite est équilibré sur longue période ;

- les réserves collectives d'un régime par répartition sont accumulées puis utilisées pour lisser sur une longue période l'évolution des taux de cotisation. Le transfert d'épargne par l'intermédiaire des réserves collectives capitalisées est un moyen de préfinancer une fraction des charges et, en conséquence, d'atténuer l'ampleur des hausses de cotisations pesant sur certaines générations de cotisants. Les Etats-Unis ont adopté cette démarche à partir de 1983 ;

- les réserves sont accumulées pour constituer un patrimoine de rapport permettant au régime par répartition de compléter ses recettes courantes, tirées des cotisations sociales, par les produits financiers encaissés . Lorsque les taux d'intérêt à long terme sont plus élevés que le taux de croissance de la masse salariale, un fonds de réserve important est similaire à un " troisième financeur " des pensions, à côté des employeurs et des salariés. C'est la voie qui semble être suivie par le Canada après la réforme du régime des pensions en 1997.

Les trois objectifs diffèrent essentiellement par la taille du fonds de réserve qui sera effectivement accumulé mais seuls les deux derniers s'inscrivent dans un cadre de régulation à très long terme des régimes de retraite.

Ils reviennent à rechercher une programmation à long terme des variations de taux de cotisation, et donc un lissage des taux, de sorte que, dans un premier temps une surcotisation temporaire permet d'accumuler des réserves pour, dans un second temps, diminuer le taux de cotisation par rapport à celui de la répartition pure. Cependant, cette opération de programmation des taux de cotisation ne constitue pas et ne se substitue pas à une réforme du régime de retraite lorsque celui-ci n'est pas actuariellement équilibré. C'est une politique d'accompagnement destinée à atténuer le choc de ruptures brutales qu'impliquerait le maintien de la répartition pure.

Pour sa part, lors de son audition par votre commission, le 5 mai dernier, M. Jean-Michel Charpin avait considéré qu'il était déjà trop tard pour envisager la création d'un fonds permanent et que seul un fond de lissage apparaissait aujourd'hui réalisable.

Un fonds de réserve peut être alimenté par deux sources : une surcotisation temporaire (appel des cotisations à un taux supérieur à celui de la répartition pure pendant la période d'accumulation des réserves), un abondement externe (affectation d'apports financiers externes au régime de retraite).

Les expériences étrangères en matière de réserves dans les régimes par répartition (Etats-Unis, Canada, Japon, etc.) enseignent que les réserves accumulées résultent toujours d'un effort de surcotisation demandé aux actifs, effort d'autant mieux accepté qu'il est modéré et qu'il a lieu lors de périodes favorables sur le plan démographique et économique. La surcotisation est une forme d'épargne retraite non individualisée qui permet de préfinancer collectivement une partie des droits futurs à la retraite, en investissant l'épargne accumulée dans des actifs financiers qui permettront de transférer vers le futur les revenus nécessaires au financement de ces droits.

La taille du fonds de réserve va varier au cours du temps et dépendre de plusieurs paramètres :

- la longueur de la période pendant laquelle la procédure de lissage est mise en oeuvre. Au terme de cette période, deux situations peuvent se présenter : soit le taux de cotisation rejoint le taux de cotisation de la répartition pure après épuisement du fonds de réserve, soit il est fixé à un niveau inférieur au taux de la répartition pure avec un fonds de réserve positif produisant des revenus financiers qui complètent les recettes du régime ;

- le montant des abondements externes durant toute la période de lissage ;

- le taux de surcotisation temporaire pendant la phase d'accumulation des réserves ;

- les taux de rendement des actifs financiers dans lesquels les réserves sont investies.

Les trois premiers paramètres peuvent être considérés comme des instruments entre les mains du décideur qui pourra les choisir en fonction des cibles qu'il vise : la longueur de la période de lissage et le montant du fonds de réserve au terme du lissage. Cette notion de cibles est importante car elle permet, d'une part, de structurer la politique de retraite pour les vingt ou trente années à venir et, d'autre part, de fixer le taux de cotisation souhaité.

Après avoir effectué plusieurs simulations de scénarios d'accumulation et d'utilisation des réserves, M. Laurent Vernière parvient aux conclusions suivantes :

- mettre en place un fonds de réserve signifie que les pouvoirs publics conduisent effectivement la politique de retraite dans une perspective de long terme. Il faut en effet programmer l'accumulation puis l'utilisation des réserves et, en conséquence, fixer un calendrier des taux de cotisation sur une période suffisamment longue. Cette programmation devrait s'accompagner rapidement de la création d'une instance chargée d'examiner à intervalles réguliers l'équilibre à long terme des régimes de retraite bénéficiaires du fonds de réserve ;

- un fonds de réserve capitalisée n'est qu'un dispositif qui réaménage le calendrier des taux de cotisation. L'examen des différents scénarios a montré que, en l'absence de réformes destinées à maîtriser le coût des retraites, les hausses de taux de cotisation nécessaires pour équilibrer les comptes des régimes de retraite seront importantes (près de 11 points en 40 ans), ne laissant quasiment qu'une marge infime pour ajouter une surcotisation temporaire. Pour que le provisionnement partiel des engagements des régimes ait un effet sensible sur le coût des retraites après 2020, il faut avoir accumulé des réserves représentant au bout de 20 ans au moins l'équivalent de 4 points de PIB. Cet effort pourra être d'autant mieux accompli et accepté si des réformes allégeant le coût des retraites sont mises en oeuvre rapidement ;

- les différents scénarios ont montré que les réserves accumulées dans le fonds pouvaient atteindre un niveau important et que leur rendement financier pouvait orienter la politique mise en oeuvre, en particulier si l'objectif est d'aboutir à un fonds permanent jouant le rôle de " troisième financeur ". Dans ce cadre, la gestion financière du fonds de réserve devient une composante essentielle de la politique de retraite et les performances financières du fonds un atout supplémentaire pour alléger le coût des retraites. Le Canada a montré la voie puisque la réforme de 1997 a créé un Office d'investissement chargé de la gestion financière du fonds de réserve et de l'optimisation du rendement. Les Etats-Unis s'orientent également dans cette voie puisque, après de longs débats, le président Clinton vient d'annoncer qu'une partie des excédents budgétaires abonderait le fonds de réserve dont une fraction serait investie sur les marchés financiers internationaux.

Pour votre rapporteur, il apparaît à l'évidence que si le Gouvernement souhaite réellement donner une signification à la création de ce fonds de réserve, il convient d'en définir sans délai les finalités et les modalités d'alimentation.

c) L'introduction d'un complément de retraite par capitalisation

S'agissant de l'introduction d'un complément de retraite par capitalisation, sous la forme de fonds d'épargne retraite, le Gouvernement semble aujourd'hui prendre conscience du caractère indispensable de cet apport.

L'actuelle majorité a été pendant très longtemps hostile à l'idée même de fonds de pension. Le Gouvernement avait ainsi annoncé depuis l'origine qu'il n'appliquerait pas la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne-retraite, dite " Loi Thomas ". Dans sa déclaration de politique générale, M. Lionel Jospin avait indiqué que " les dispositions récemment adoptées en faveur des fonds de pension qui peuvent porter atteinte aux régimes par répartition seront remises en cause. "

La loi du 25 mars 1997 est donc restée inappliquée, faute de décrets d'application. Le Gouvernement ne s'était pas résolu pour autant à l'abroger. Comme l'a souligné, non sans un certain cynisme institutionnel, M. Dominique Strauss-Kahn, " l'abrogation de cette loi serait même à la limite inutile car les décrets d'application n'ont jamais été pris par ce Gouvernement, en sorte qu'elle ne peut avoir d'application concrète ".

De manière assez ironique, la conversion soudaine du Gouvernement -et de sa majorité- à la capitalisation a été annoncée à l'occasion de la discussion à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, d'un amendement présenté par le groupe communiste abrogeant la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne-retraite.

Lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le 28 octobre 1998, Mme Martine Aubry avait ainsi déclaré que le Gouvernement n'était pas opposé " à la constitution d'une épargne à long terme, complétant, et non concurrençant, la retraite par répartition, contrairement à ce que faisait le dispositif prévu par la loi Thomas. ". La ministre avait précisé qu'elle travaillait en collaboration avec le ministre de l'économie et des finances, dans le cadre de la mission confiée à MM. Didier Migaud et Jérôme Cahuzac, sur l'architecture de ce troisième étage qui constituait " un complément de la retraite par répartition ".

Elle avait ensuite décrit les trois caractéristiques du système que le Gouvernement entendait mettre en place dès 1999 :

- " il sera conçu dans un cadre collectif et sera accessible réellement à l'ensemble des salariés, notamment grâce à des dispositifs de solidarité " ;

- " les avantages qu'il offrira devront profiter à l'ensemble des salariés et ne pas fragiliser les comptes de la sécurité sociale, aussi bien en ce qui concerne l'assurance maladie que les retraites " ;

- " les partenaires sociaux devront être associés à sa mise en oeuvre et à son contrôle ".


Après avoir répété que le Gouvernement allait abroger la loi Thomas -sans toutefois préciser de quelle façon il entendait le faire-, le Premier ministre a souligné pour sa part, dans l'entretien accordé au Parisien le 29 avril 1999 : " Toutes les options peuvent être discutées y compris une forme d'épargne collective consacrée au financement des retraites. Mais à deux conditions, d'abord que l'avenir des régimes des retraites par répartition soit au préalable garanti (...). Ensuite que syndicats et organisations professionnelles soient associés à la direction de ces fonds d'épargne ".

Que d'hésitations, que de volte-face, que de temps perdu !

Votre rapporteur se réjouit que le Gouvernement ait enfin pris conscience de la nécessité de créer un troisième étage de retraite complémentaire reposant sur la capitalisation.
Il attend maintenant avec impatience le dépôt de ce projet de loi.

En effet, outre que l'année 1999 s'achèvera sans décision importante sur les retraites par répartition, il est désormais également acquis qu'il n'y aura pas davantage de projet de loi relatif à l'épargne retraite.

La seule véritable " décision " du Gouvernement se limite aujourd'hui à l'engagement solennel d'abroger la loi Thomas.

*

* *

Au terme de cette analyse, votre rapporteur s'interroge : à quoi aura servi finalement le rapport Charpin ?

Il apparaît en effet que ce travail remarquable n'a fait que confirmer ce que l'on savait déjà : l'impérieuse nécessité de réformer nos régimes de retraite par répartition qui seront confrontés à un choc financier inéluctable à partir de 2006 ;

Ce rapport aurait pu remplir une fonction pédagogique et faciliter la prise de conscience, par les partenaires sociaux et l'opinion publique, de l'ampleur des défis qui menacent notre système de retraite. Cela n'a pas été le cas : le diagnostic, contrairement aux ambitions initiales, n'est pas " partagé ".

Ce rapport aurait également pu constituer une aide utile à la décision pour le Gouvernement. Il n'en a rien été. L'accent mis sur l'urgence des décisions à prendre n'a pas convaincu le Gouvernement : ce dernier annonce l'ouverture d'une nouvelle concertation ; les décisions sont, une fois encore, différées.

En affirmant que rien ne presse, en privilégiant l'attentisme et l'inaction, le Gouvernement prend implicitement des décisions graves pour l'avenir de notre pays et reporte sur les générations futures le poids des ajustements nécessaires.

Il est maintenant de sa responsabilité politique d'agir sans tarder pour garantir " L'avenir de nos retraites ".

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