EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Sous la présidence de Mme Dinah DERYCKE, la Délégation a examiné, le mercredi 17 mai 2000, le rapport d'information de M. Gérard Cornu, rapporteur, sur la proposition de loi n° 258 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

A Mme Paulette Brisepierre qui estimait nécessaire, prenant l'exemple de récentes nominations au Conseil économique et social, d'inciter le Gouvernement à promouvoir des femmes en chaque occasion utile, M. Gérard Cornu , rapporteur , a indiqué que son rapport insistait sur l'impératif, pour l'État, d'être exemplaire en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes.

M. Xavier Darcos a attiré l'attention sur l'excessive féminisation de certaines professions, par exemple dans l'éducation nationale ou la magistrature, et souhaité que dans ses recommandations, la délégation insiste sur le fait que l'objectif de mixité des métiers doit jouer " dans les deux sens ".

M. Claude Domeizel a insisté sur les handicaps professionnels résultant de la maternité, en ce qui concerne tant les congés en cas de grossesse à risques que les recrutements.

Mme Annick Bocandé a ajouté que les handicaps n'apparaissaient pas seulement au moment de la maternité, mais se poursuivaient ensuite, lorsqu'il s'agissait d'être disponible pour répondre aux besoins des enfants liés à leur éducation ou leur santé. Elle a souligné que si l'on notait une légère évolution des mentalités dans les couples où la femme occupe une meilleure position professionnelle que son conjoint, on ne pouvait pas encore considérer que les hommes prenaient suffisamment leur part de responsabilité en la matière. Elle a insisté sur l'importance qu'il y aurait à réformer en profondeur la politique familiale et sur le problème du retour dans l'entreprise après une absence prolongée, retour qui doit pouvoir s'exercer à des niveaux professionnel et de responsabilité identiques à ceux qu'occupaient la femme au moment de son départ.

M. Gérard Cornu, rapporteur , est revenu sur la nécessité d'aider matériellement les femmes en prenant appui sur les expériences menées dans les pays d'Europe du nord, qui prouvaient que lorsqu'on aidait massivement les femmes à concilier vies professionnelle et familiale, on enregistrait à la fois un fort taux d'activité féminine et une stabilisation, voire une remontée, de la fécondité. A l'inverse, a-t-il ajouté, lorsque les tensions sont trop fortes entre famille et travail, les femmes ou bien reportent le moment de leur maternité, et le taux de fécondité baisse, ou bien renoncent à travailler pour élever leurs enfants, et le taux d'activité des femmes est plus faible qu'ailleurs.

Relevant que M. Gérard Cornu, rapporteur, avait déclaré que le bilan de la loi Roudy était médiocre et dit qu'on pouvait s'interroger sur l'opportunité de légiférer à nouveau sur l'égalité professionnelle alors même que ce thème devait être examiné dans le cadre paritaire de la "refondation sociale", Mme Gisèle Printz a demandé ce qu'il convenait de faire pour que la loi Roudy soit appliquée. M. Gérard Cornu, rapporteur , a rappelé que toutes les personnalités auditionnées par la délégation avaient reconnu que la loi Roudy était une bonne loi, mais qu'elle n'avait pas été appliquée, et souligné que le contexte des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, caractérisées par un fort taux de chômage, n'avait sans doute pas été favorable au thème de l'égalité professionnelle. L'actuelle reprise économique, a-t-il espéré, devrait permettre d'y porter un intérêt plus soutenu, mais, a-t-il ajouté, un alourdissement des textes et des obligations peut être davantage un frein qu'un accélérateur. Il a considéré à cet égard que la sanction pénale que la proposition de loi visait à instituer à l'encontre des entreprises, sans modulation, était malvenue. Il a placé dans les syndicats ses espoirs d'une meilleure application de la loi et dans les vertus du dialogue social ceux d'une meilleure prise en compte des objectifs d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Après avoir reconnu que le rapport de M. Gérard Cornu, rapporteur, lui semblait bien synthétiser les différentes auditions auxquelles avait procédé la délégation, Mme Dinah Derycke , présidente , a fait part de ses observations sur les propositions de recommandations. Elle a estimé qu'une des principales raisons de la mauvaise application de la loi Roudy était l'absence de sanctions et que, même si l'on était convaincu des vertus du dialogue social, force était de constater qu'à défaut de sanctions, les obligations étaient rarement respectées. S'agissant du caractère pénal de la sanction, elle a fait valoir que de simples sanctions financières n'étaient pas suffisantes, les grandes entreprises préférant en général les acquitter plutôt que d'appliquer la loi, et leur caractère dissuasif ne jouant en réalité que pour les petites entreprises. Aussi, tout en se déclarant hostile aux sanctions " à tout prix ", elle a fait valoir que seule la sanction pénale paraissait de nature à ne pas créer de distorsions entre les entreprises en matière d'application de la législation sur l'égalité professionnelle. Elle a par ailleurs jugé opportune la suggestion du rapporteur en faveur d'un système de progressivité.

Mme Dinah Derycke , présidente , a ensuite regretté " la connotation négative " retenue par le rapporteur s'agissant de l'opportunité de légiférer à nouveau en matière d'égalité professionnelle.

S'agissant des contraintes familiales et domestiques qui pèsent sur les femmes, elle a vivement souhaité qu'il soit insisté sur l'absolue nécessité de " revisiter " toute la politique familiale, et notamment les différents textes et les dispositions sociales relatifs à l'accueil de l'enfant, au regard de l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Revenant sur la sur-représentation des femmes dans l'éducation nationale ou la magistrature, Mme Dinah Derycke , présidente , a fait observer que les métiers excessivement masculinisés l'emportaient nettement en nombre.

M. Claude Domeizel a évoqué les inégalités existant entre les hommes et les femmes en matière de retraite : si 60 % des salariés prennent leur retraite avant 60 ans, a-t-il déclaré, 70 % des 40 % restants sont des femmes, ce qui devrait inciter à la réflexion. Il est par ailleurs revenu sur la nécessité de féminiser davantage les jurys de concours.

M. Gérard Cornu, rapporteur , a justifié à nouveau, en réponse à ces différentes interventions, certaines des recommandations qu'il proposait et reconnu, s'agissant des inégalités en matière de retraite, l'opportunité d'une réflexion ultérieure.

Après que M. Serge Lepeltier et Mme Dinah Derycke , présidente , eurent estimé une nouvelle fois qu'entrepreneurs et syndicats étaient conjointement responsables de la mauvaise application de la loi Roudy, la délégation a approuvé , Mme Dinah Derycke , présidente , s'abstenant, les recommandations proposées par le rapporteur , amendées par quelques modifications rédactionnelles et complétées par le souhait, exprimé à l'initiative de Mme Dinah Derycke, présidente , de voir la politique familiale réexaminée à l'aune de l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

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