M. le président. « Art. 9. - Le chapitre premier du titre II du livre II du code des postes et télécommunications est intitulé : "Droits de passage et servitudes" et est ainsi modifié :
« I. - Les articles L. 45-1, L. 46, L. 47, L. 47-1 et L. 48 sont remplacés par quatre articles ainsi rédigés :
« Art. L. 45-1. - Les opérateurs titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 33-1 bénéficient d'un droit de passage sur le domaine public routier et de servitudes sur les propriétés privées mentionnées à l'article L. 48, dans les conditions indiquées ci-après.
« Les autorités concessionnaires du domaine public ou gestionnaires du domaine public non routier, lorsqu'elles donnent accès à des opérateurs titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 33-1, doivent le faire dans des conditions transparentes et non discriminatoires et dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation.
« L'installation des infrastructures et des équipements doit être réalisée dans le respect de l'environnement et de la qualité esthétique des lieux, et dans les conditions les moins dommageables pour les propriétés privées et le domaine public.
« Art. L. 46. - Les exploitants autorisés à établir les réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine publir routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation.
« Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des réseaux sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière.
« Art. L. 47. - L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie, délivrée par l'autorité compétente, suivant la nature de la voie empruntée, dans les conditions fixées par le code de la voirie routière. La permission peut préciser les prescriptions d'implantation et d'exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie.
« L'autorité mentionnée à l'alinéa précédent doit prendre toutes dispositions utiles pour permettre l'accomplissement de l'obligation d'assurer le service universel des télécommunications. Elle ne peut faire obstacle au droit de passage des opérateurs autorisés qu'en vue d'assurer, dans les limites de ses compétences, le respect des exigences essentielles.
« Lorsqu'il est constaté que le droit de passage de l'opérateur peut être assuré, dans des conditions équivalentes à celles qui résulteraient d'une occupation autorisée, par l'utilisation des installations existantes d'un autre occupant du domaine public et que cette utilisation ne compromettrait pas la mission propre de service public de cet occupant, l'autorité mentionnée au premier alinéa peut inviter les deux parties à se rapprocher pour convenir des conditions techniques et financières d'une utilisation partagée des installations en cause. Dans ce cas, et sauf accord contraire, le propriétaire des installations accueillant l'opérateur autorisé assume l'entretien des infrastructures et des équipements qui empruntent les installations placées sous sa responsabilité, moyennant paiement d'une contribution négociée avec l'opérateur. En cas de litige entre opérateurs, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie, dans les conditions fixées à l'article L. 36-8.
« La permission de voirie ne peut contenir des dispositions relatives aux conditions commerciales de l'exploitation. Elle donne lieu à versement de redevances dues à la collectivité publique concernée pour l'occupation de son domaine public dans le respect du principe d'égalité entre tous les opérateurs.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article et notamment le montant maximum de la redevance mentionnée à l'alinéa ci-dessus.
« Art. L. 48. - La servitude mentionnée à l'article L. 45-1 est instituée en vue de permettre l'installation et l'exploitation des équipements du réseau, d'une part dans les parties des immeubles collectifs et des lotissements affectées à un usage commun, d'autre part sur le sol et dans le sous-sol des propriétés non bâties.
« La mise en oeuvre de la servitude est subordonnée à une autorisation délivrée au nom de l'Etat par le maire après que les propriétaires ou, en cas de copropriété, le syndicat représenté par le syndic, ont été informés des motifs qui justifient l'institution de la servitude et le choix de son emplacement, et mis à même, dans un délai qui ne peut pas être inférieur à trois mois, de présenter leurs observations sur le projet. Les travaux ne peuvent commencer avant l'expiration de ce délai. En cas de contestation, les modalités de mise en oeuvre de la servitude sont fixées par le président du tribunal de grande instance.
« Lorsqu'il est constaté que la servitude de l'opérateur sur une propriété privée peut être assurée, dans des conditions équivalentes à celles qui résulteraient du bénéfice de cette servitude, par l'utilisation de l'installation existante d'un autre bénéficiaire de servitude sur la propriété concernée et que cette utilisation ne compromettrait pas, le cas échéant, la mission propre de service public du bénéficiaire de la servitude, l'autorité concernée mentionnée au deuxième alinéa peut inviter les deux parties à se rapprocher pour convenir des conditions techniques et financières d'une utilisation partagée des installations en cause. Dans ce cas, et sauf accord contraire, le propriétaire des installations accueillant un opérateur autorisé assume l'entretien des infrastructures et des équiments qui empruntent les installations placées sous sa responsabilité, moyennant paiement d'une contribution négociée avec l'opérateur. En cas de litige entre opérateurs, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie, dans les conditions fixées à l'article L. 36-8.
« L'installation des ouvrages prévus au premier alinéa ne peut faire obstacle au droit des propriétaires ou copropriétaires de démolir, réparer, modifier ou clore leur propriété. Toutefois, les propriétaires ou copropriétaires doivent, au moins trois mois avant d'entreprendre des travaux de nature à affecter les ouvrages, prévenir le bénéficiaire de la servitude.
« Lorsque, pour l'étude, la réalisation et l'exploitation des installations, l'introduction des agents des exploitants autorisés dans les propriétés privées définies au premier alinéa est nécessaire, elle est, à défaut d'accord amiable, autorisée par le président du tribunal de grande instance, statuant comme en matière de référé, qui s'assure que la présence des agents est nécessaire.
« Le bénéficiaire de la servitude est responsable de tous les dommages qui trouvent leur origine dans les équipements du réseau. Il est tenu d'indemniser l'ensemble des préjudices directs et certains causés tant par les travaux d'installation et d'entretien que par l'existence ou le fonctionnement des ouvrages. A défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par la juridiction de l'expropriation saisie par la partie la plus diligente.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
« II. - Les articles L. 49 à L. 52 sont abrogés.
« III. - A l'article L. 53, le mot : « préfectoral » est remplacé par les mots : « de l'autorité compétente ».
Sur l'article, la parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 9 est tout à fait symptomatique de l'économie générale de ce projet de loi qui prétend assurer le développement des réseaux de télécommunications, alors que nous savons bien qu'il ne s'agit pratiquement que de permettre l'utilisation des réseaux existants par des opérateurs privés et à des fins lucratives.
Cet article 9 tend à prévoir les conditions de réalisation et d'implantation de nouvelles infrastructures dans le cadre de l'ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence.
Le seul problème, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est que, précisément, l'ouverture à la concurrence suppose une compétition acharnée entre opérateurs sur les créneaux actuellement existants et qu'elle limite considérablement l'intérêt d'implanter de nouvelles infrastructures dans un pays où le maillage des réseaux est déjà très serré, grâce aux investissements publics.
Nous comprenons qu'il faille prévoir dans un tel texte de déréglementation des dispositions organisant le régime juridique de la réalisation de nouvelles infrastructures.
Cependant cet article 9 pose un important problème d'ordre juridique concernant les droits fondamentaux des citoyens.
Même si nous ne nous faisons aucune illusion sur la volonté des opérateurs privés de créer des réseaux, cette simple éventualité pose problème.
En effet, s'il est concevable que la loi permette à une entreprise publique comme France Télécom, qui assure la mise en oeuvre d'un service public, de creuser et de restreindre le droit de propriété des particuliers par l'établissement de servitudes, en revanche, il paraît plus difficile d'accorder les mêmes droits à un opérateur privé.
Si la pose d'une ligne de télécommunications par une entreprise de service public comme France Télécom répond par définition aux nécessités de l'intérêt général, en revanche, rien n'indique que la même opération effectuée par un opérateur privé poursuive le même objectif.
Avec cet article 9, vous prévoyez, monsieur le ministre, d'obliger des particuliers à collaborer gratuitement à la réalisation d'un équipement dont l'objectif est de permettre à un opérateur privé de faire du profit, ce qui n'est ni juste, sur le plan des principes, ni sans doute très constitutionnel.
De plus, il apparaît que le nouvel article L. 48 du code des postes et télécommunications permettrait d'obliger des entreprises comme la SNCF, la RATP, Aéroport de Paris ou encore EDF-GDF à ouvrir leurs réseaux à des opérateurs privés conçus pour concurrencer France Télécom.
Nous ne pourrons donc, dans ces conditions, que nous opposer résolument à l'adoption de l'article 9.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Par amendement n° 125, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Notre amendement tend à supprimer l'article 9.
Jusqu'à présent, il était tout à fait normal que l'entreprise publique, en charge du service public, puisse utiliser le domaine public et, sous certaines conditions, le domaine privé pour réaliser les infrastructures de télécommunications. En effet, il s'agit de l'intérêt général, voire de l'intérêt national.
Or l'objet de ce projet de loi n'est pas de développer l'infrastructure des télécommunications, c'est au contraire, de permettre l'utilisation des réseaux existants par des opérateurs privés. Le meilleur exemple nous est donné par nos voisins britanniques puisque, quinze ans après la privatisation du réseau des télécommunications, British Telecom détient encore plus de 90 p. 100 des infrastructures !
Et quand bien même certains opérateurs privés souhaiteraient construire des réseaux, au nom de quelle autorisation, Bouygues ou la Générale des Eaux auraient-ils le droit de percer des tranchées sur le domaine privé ? Croyez-vous que les citoyens accepteront, au nom de la recherche de profits maximums, qu'on empiète sur leur propriété ?
Enfin, l'article L. 47 est la cerise sur le gâteau, si je puis dire. Avec cet article L. 47, vous souhaitez obliger les entreprises publiques possédant des réseaux, c'est-à-dire la SNCF, EDF-GDF, la RATP, notamment, à servir le privé.
C'est pourquoi, mes chers collègues, au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, je vous invite à adopter cet amendement et à supprimer l'article 9.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il est défavorable, car cet amendement s'oppose à la multiplicité des réseaux et vide donc le texte de sa substance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Même avis.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 125, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE L. 45-1 DU CODE DES POSTES
ET TÉLÉCOMMUNICATIONS