ZONE FRANCHE DE CORSE

Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 126, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la zone franche de Corse. [Rapport n° 147 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la Corse fait partie intégrante de la France. Elle n'en forme ni une part dont on pourrait se séparer par contrat à l'amiable ni un membre malade qu'il faudrait amputer pour assurer la survie de l'ensemble. Non, elle participe à la substance même de la nation, de sa culture, de son histoire, tout comme la Provence ou l'Auvergne.
J'entends parfois dire que la Corse, trop petite pour résister longtemps et trop montagneuse pour que l'occupant s'impose, a été envahie sept fois en trois mille ans et, pourtant, jamais soumise. A ceux qui tirent prétexte de ce passé pour justifier l'injustifiable, je réponds que la République française n'est pas celle de Gênes et que les valeurs de liberté et de démocratie défendues par Pascal Paoli sont bien devenues celles de la Révolution française quelques décennies plus tard.
Les représentants corses sont, paraît-il, arrivés avec trois jours de retard aux états généraux, mais ils y étaient. Et faut-il rappeler la part prise par le plus célèbre des insulaires dans la suite des événements ? Chacun connaît son histoire. Les heures les plus glorieuses, comme les plus tragiques de notre histoire, je pense à la Résistance, ont vu s'illustrer les enfants de la Corse aux côtés de ceux des autres régions de notre pays, tous sous les mêmes couleurs et au nom d'un idéal partagé.
Aussi, prétendre aujourd'hui, au nom du peuple corse, se soulever contre la République, présentée comme colonisatrice et dominatrice, non seulement relève d'une véritable imposture, mais, de plus, constitue un affront à la démocratie ; n'en déplaise aux amateurs de sondages, toutes les élections confirment l'attachement des Corses à la France et leur volonté d'être français à part entière !
Le Gouvernement a donc choisi d'appliquer la rigueur des lois républicaines à ceux qui ont choisi la voie sans issue des armes. Certains diront qu'il ne faut pas exagérer le climat de violence et que les Corses sont d'ailleurs les premiers à s'en accommoder. Certes, Ajaccio n'est ni Beyrouth ni Sarajevo, mais, pour autant, en Corse comme partout, l'Etat faillirait à la première de ses missions s'il tolérait sans réagir que la loi républicaine soit bafouée.
M. Paul d'Ornano. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Non seulement la violence en Corse est stupide et oppressante, mais l'image que donnent de l'île les exactions qui s'y commettent, dans une affreuse banalisation, aboutit à une catastrophe économique. Qui parle encore d'île de Beauté quand, depuis des années, il ne se passe pas une semaine sans quelque nouveau méfait ?
Or, même si cette île reste le joyau de la Méditerranée grâce à son relief et à son climat, son image actuelle fait fuir, et les deux dernières saisons touristiques, qui constituent sa principale ressource, ont été catastrophiques.
Il faudra certes du temps pour que la fermeté et la justice fassent taire les armes, car il n'y a qu'au café du commerce que les coupables sont toujours connus... Il faudra encore plus de temps pour que, la paix publique revenue, la Corse retrouve la voie du développement.
Mais, au-delà du temps et de la constance qui seront nécessaires, trois conditions devront aussi être réunies pour atteindre les objectifs que la nation s'assigne pour la Corse.
Première condition : le Gouvernement doit engager les moyens qu'implique le choix de la fermeté. Mes collègues chargés de l'intérieur et de la justice s'y emploient. Les effectifs de police ont été renforcés et le traitement judiciaire des dossiers terroristes a été transféré à Paris, pour qu'il soit statué dans un climat plus serein. Les premiers résultats sont là. D'autres suivront et l'ordre républicain sera rétabli en Corse ; que nul n'en doute !
Deuxième condition : il faut redynamiser l'activité économique en renforçant la rentabilité des entreprises pour maintenir et créer des emplois. C'est le but du projet de loi qui vous est soumis et qui, en instituant une zone franche, symbolise la main tendue de la République.
La troisième condition, mesdames, messieurs les sénateurs, ne dépend que des Corses eux-mêmes. Tous ces efforts seront vains si les Corses ne se ressaisissent pas collectivement et immédiatement, comme l'a souhaité le Président de la République.
Un récent sondage affirmait qu'un Corse sur deux ne témoignerait pas devant la justice contre les prétendus indépendantistes. Si ce sondage dit vrai, tous les républicains doivent protester de toutes leurs forces : il est en effet proprement inadmissible que la complaisance, le conformisme ou la lâcheté autorisent les atteintes à la démocratie que nous constatons et qui condamnent l'avenir de l'île, que la République s'attache par tous les moyens à garantir.
Heureusement, des signes montrent que les choses changent. Je pense à la marche des femmes corses du printemps dernier ou aux prises de position d'autres mouvements associatifs qui expriment plus que de la lassitude face à la violence endémique. Il faut que ce mouvement s'amplifie pour que la Corse sorte d'une passivité quelque peu morbide et retrouve la voie d'un avenir pour ses enfants.
Mme Hélène Luc. Il faut montrer l'exemple !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour accompagner cette évolution des mentalités et inciter l'ensemble des Corses à la confiance dans leur économie que le Gouvernement veut mettre en place la zone franche.
Acte politique au meilleur sens du terme, l'instauration de la zone franche est aussi une nécessité économique puisqu'elle vise à compenser les handicaps auxquels la Corse est confrontée et à lutter contre la dégradation profonde de la situation économique de l'île.
Ces handicaps sont le fait de la géographie : l'éloignement du continent et, à l'intérieur même de l'île, l'enclavement des vallées qui ont pour conséquence une forte dépendance à l'égard de l'extérieur pour les approvisionnements.
Avec un produit intérieur brut par habitant ne dépassant pas 77 % de la moyenne communautaire, la Corse est la plus pauvre des régions métropolitaines ; de surcroît, ce produit décroît régulièrement depuis plusieurs années.
M. Michel Charasse. Vive le terrorisme !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Il ne rend d'ailleurs pas fidèlement compte de la réalité économique marchande puisqu'il résulte, pour une partie non négligeable, de la forte présence des services publics dans l'île.
Sur le plan démographique, la situation n'est pas meilleure. La population est vieillissante : 23 % des habitants ont plus de soixante ans. Cette population est concentrée à Bastia, Ajaccio et Porto-Vecchio. Si on fait exception de ces villes, la densité moyenne de peuplement de la région, qui est la plus faible de France, est encore divisée par deux, mesdames, messieurs les sénateurs.
Cette situation démographique n'est ni un signe ni un facteur de dynamisme économique. Ainsi, moins d'une centaine d'entreprises implantées en Corse ont une taille qui dépasse cinquante salariés.
Devant ce constat, et pour redonner confiance en l'avenir de la Corse, le Premier ministre a choisi la création d'une zone franche, par référence aux dispositifs mis en place au titre de l'aménagement du territoire.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas cela qui arrangera les problèmes économiques de la Corse.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Mais il a fallu concevoir une mesure spécialement adaptée. En effet, les zones de revitalisation rurale ne couvraient qu'une partie de l'île. Celles-là, madame Luc, vous ne pouvez pas les reprocher au Gouvernement. En effet, la création des zones de revitalisation rurale a été adoptée par le Parlement, notamment par la Haute Assemblée.
Mme Hélène Luc. Nous faisons des propositions, vous ne les entendez pas !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Madame Luc, je ne vais pas me laisser aller - alors que j'en ai envie ! - à « ferrailler » courtoisement avec vous. Je vous dirai seulement que ce n'est qu'un début, qu'un premier pas. Encore faut-il savoir le franchir. Je ne doute pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous aiderez le Gouvernement à faire, justement, ce premier pas.
A situation d'exception, traitement exceptionnel : c'est cette logique qui a conduit le Gouvernement à concevoir un dispositif spécifique, qui n'est transposable nulle part ailleurs en France.
La zone franche de Corse bénéficiera aux entreprises, parce que ce sont elles qui créent des emplois. Ce principe devra constamment nous guider lorsque nous aborderons les amendements et, pour en faciliter le respect, je rappelle que, à côté de la zone franche, le Premier ministre a décidé, pour répondre aux préoccupation des sénateurs élus de Corse, un ensemble de mesures en faveur des routes, des services publics, de la culture, de l'environnement ou encore de l'agriculture, qui complètent le dispositif qui vous est aujourd'hui soumis.
Ce dispositif, vous le savez, exonère pendant cinq ans les entreprises : d'impôt sur les sociétés et sur les bénéfices industriels et commerciaux dans la limite d'un résultat annuel de 400 000 francs ; de taxe professionnelle dans la limite d'une base taxable annuelle de 3 millions de francs ; de charges sociales patronales, dans la limite de 1 500 francs par emploi, cette exonération étant dégressive entre un SMIC et deux SMIC.
A ces plafonds d'exonérations s'ajoutent les conditions qui ont été nécessaires pour obtenir l'autorisation de la Commission européenne. Même si elles compliquent le texte qui vous est soumis, il me paraît important de souligner que 95 % de l'activité agricole, commerciale, artisanale et industrielle bénéficiera de la zone franche.
Comme vous le savez, la négociation avec Bruxelles n'a pas été facile. En témoigne le pessimisme de tous ceux qui jugeaient impossible une issue favorable. Mais le résultat est là, particulièrement satisfaisant puisque l'autorisation a été donnée par la Commission et dans des conditions qui garantissent l'absence de distorsion de concurrence, non seulement vis-à-vis des pays étrangers, mais aussi entre la Corse et le continent. Cela est très important car le Conseil d'Etat comme le Conseil constitutionnel veillent très soigneusement au respect de cette garantie.
Un élargissement du champ de la zone franche ne paraît donc pas justifié, sauf à sortir des principes qui ont présidé à sa conception et de l'autorisation donnée par la Commission européenne.
La voie est donc étroite, j'en conviens, entre les contraintes budgétaires, communautaires et -, j'ajoute -, constitutionnelles. En effet, toute adaptation du principe de l'égalité devant l'impôt doit rester, vous le savez mieux que quiconque, proportionnée aux difficultés et aux handicaps que connaissent les territoires concernés.
La marge est d'autant plus restreinte, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'Assemblée nationale a déjà élargi la portée du dispositif. Je pense en particulier aux professions libérales, aux entreprises de gestion et de location d'immeubles. Je pense également aux pêcheurs. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale en leur faveur s'ajoute au soutien que va leur apporter la collectivité territoriale de Corse, comme le font des départements du continent, ou même des régions, pour leurs pêcheurs.
Ces dispositions ont rendu l'espoir à cette profession. Mais je tiens à souligner que l'Assemblée nationale a eu à coeur d'assortir de conditions les extensions qu'elle a apportées au champ de la zone franche. Je pense en particulier à l'introduction d'une obligation de maintien dans l'entreprise des bénéfices exonérés.
Je ne doute pas que la Haute Assemblée saura, elle aussi, tout à la fois respecter les contraintes qui entourent le texte que je lui soumets et en améliorer les conditions d'application.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure où des voix de plus en plus nombreuses, y compris quelquefois dans les rangs de la Haute Assemblée, s'élèvent pour dénoncer la dérive maffieuse de certaines franges du nationalisme, une réaction, qui doit être décisive, s'impose.
Mme Hélène Luc. Ne croyez-vous pas que cela va augmenter cette dérive ?
M. le président. Madame Luc, un orateur de votre groupe aura neuf minutes pour s'exprimer tout à l'heure. Pour l'instant laissez parler M. le ministre !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. La voie des armes ne mène en effet nulle part, sinon à l'injustice et, finalement, au malheur. Ceux qui s'y sont engagés doivent le comprendre et revenir dans la légalité car, en Corse comme partout et à toute époque, la prospérité économique est la seule façon de préserver et de pouvoir exprimer une identité régionale.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le souhait du Gouvernement pour la Corse et nos compatriotes qui vivent dans cette île que nous aimons tant. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Vous êtes très conservateur, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi créant une zone franche en Corse qui nous est soumis aujourd'hui a été annoncé par le Premier ministre au cours de son voyage dans l'île le 17 juillet dernier, dans un contexte politique local très tendu.
Naturellement, ce texte n'apporte pas, à lui seul, une solution aux problèmes de la Corse. Il répond toutefois à une situation économique très dégradée, que l'on a trop souvent tendance à méconnaître, car les médias sont plus intéressés par la violence, devenue, hélas ! quotidienne.
La situation économique de la Corse est traditionnellement décrite comme mauvaise du fait de l'éloignement insulaire et des difficultés du relief.
Ces deux données objectives expliquent la faible densité de la population : moins de vingt-neuf habitants au kilomètre carré. Cette population est au total de 250 000 habitants, soit près de 50 000 habitants de moins qu'au début du siècle. A cela s'ajoute un phénomène de désertification de l'intérieur de l'île, où 153 communes, sur 360, comptent moins de 100 habitants.
L'insularité et les obstacles à la communication interne déterminent aussi largement la répartition des activités, dominées par le commerce et la fonction publique : le tertiaire représente en effet les trois quarts des effectifs et de la valeur ajoutée, tandis que l'industrie regroupe 7 % des effectifs et apporte 10 % de la valeur ajoutée. Le tourisme représente à lui seul, malgré la très grande concentration de la fréquentation sur le mois d'août, 15 % d'un produit intérieur brut qui classe la Corse au dernier rang des régions françaises.
L'étroitesse du marché local ainsi que la dépendance en énergie et en produits manufacturés sont d'autres données objectives défavorables.
L'analyse de la situation des agents économiques révèle également des faiblesses importantes. Ainsi, sur quelque 20 000 établissements recensés en 1996, plus de 95 % comptent moins de dix salariés. Les statistiques récentes de la Banque de France montrent que l'effectif moyen, qui est de dix-huit salariés, est très inférieur à la moyenne nationale, de même que le taux de valeur ajoutée ou la part des fonds propres.
Par ailleurs, selon une étude qui date de quelques jours, le salaire moyen en Corse est inférieur de 19 % au salaire moyen national.
Enfin, il faut souligner que les prestations sociales représentent près de la moitié du revenu disponible des ménages, contre un tiers en moyenne nationale.
Une telle situation justifie, me semble-t-il, un statut particulier sur les plans économique et fiscal.
Quels sont les instruments spécifiques dont dispose déjà la Corse ?
Elle dispose, d'abord, non pas tant d'un statut fiscal spécifique que d'une juxtaposition historique de mesures favorables.
Une première série de mesures, anciennes puisqu'elles remontent au Consulat et au Premier Empire, était destinée à compenser le faible niveau de revenu des insulaires et à alléger les coûts de fonctionnement de l'administration fiscale.
C'est ainsi que le défaut de déclaration des successions n'est pas sanctionné et que l'évaluation des biens est opérée d'après le revenu cadastral, et non pas selon la valeur vénale.
Par ailleurs, à un régime d'exonération de droits indirects a succédé un régime de réfactions, puis de taux spécifiques de TVA, qui existe encore aujourd'hui.
Un train de mesures fiscales plus modernes, a été adopté à partir de 1988 pour essayer de réduire le retard de développement économique. C'est ainsi qu'ont été mises en place des dispositions d'exonération d'impôt sur les sociétés pour les entreprises nouvelles, puis pour les activités nouvelles développées en Corse.
Enfin, la loi du 27 décembre 1994 a institué une exonération de la part régionale et départementale de la taxe professionnelle et un abattement de 25 % sur les bases de la part communale, ainsi qu'une exonération totale de la taxe foncière sur les propriétés bâties à usage agricole.
Le coût total de l'ensemble de ces mesures dérogatoires est important puisqu'il atteint près de 1,3 milliard de francs.
Par ailleurs, la Corse dispose d'outils institutionnels spécifiques.
La loi portant statut de la collectivité territoriale a en effet doté la collectivité d'une assemblée et d'un conseil exécutif de sept membres, chaque conseiller présidant un office à compétences spécifiques : équipement hydraulique, transports, environnement, développement agricole, tourisme...
La Corse dispose également d'outils financiers, avec le contrat de plan Etat-région, qui s'intègre dans la programmation des aides communautaires pour la période 1994-1999, la Corse étant classée, comme la plupart des îles de la Méditerranée, en zone d'objectif n° 1.
L'assemblée de la collectivité territoriale a adopté à cet effet un plan de développement quinquennal en 1993, pour lequel le total des moyens prévus s'élève à plus de 3 milliards de francs, dont la moitié à peu près sera versée par l'Union européenne.
Au total, on peut affirmer, sans craindre d'être démenti, que l'argent public ne manque pas en Corse.
MM. Christian Bonnet, Jacques Oudin et Michel Charasse. Ça non !
M. Guy Allouche. Il coule à flot !
M. Michel Mercier, rapporteur. D'ailleurs, tous les responsables politiques et socioprofessionnels que j'ai rencontrés ces derniers jours en sont convenus.
Toutefois, le projet de zone franche intervient dans un contexte d'aggravation des difficultés économiques, et aussi dans la perspective d'une suppression à terme des avantages relatifs à la TVA, suppression liée à la mise en place de la TVA intracommunautaire.
A la fin de l'année 1995, le chômage en Corse a dépassé à nouveau la barre des 12 %. Au mois de février 1996, des mesures de traitement des dettes fiscales et sociales des entreprises ont dû être prises. A l'issue d'un moratoire, près de 1 500 entreprises - hors secteur hôtelier - ont demandé un plan d'apurement de leur dette.
En mars 1996, l'Assemblée nationale a réclamé le bénéfice d'un programme européen, le POSEI, programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, qui aurait permis l'application de mesures dérogatoires telles que le relèvement des aides aux entreprises, à l'agriculture, à la pêche. Toutefois, la France n'a pu obtenir cet avantage pour la Corse, qui ne répond pas aux critères d'ultrapériphéricité nécessaires : une formule bien difficile à prononcer pour dire que la Corse est trop proche du continent pour bénéficier d'un tel programme. (Sourires.) Le choix de la zone franche a donc été fait.
Le projet a été soumis à la Commission européenne au mois d'août dernier et a fait l'objet d'un avis favorable au mois d'octobre, après que plusieurs compléments d'information eurent été apportés par le Gouvernement français.
La Commission a distingué les mesures selon qu'elles bénéficient à des entreprises existantes, à des entreprises en voie de création ou d'extension, ou à des entreprises en difficulté.
Pour les aides en faveur des entreprises existantes, la Commission a pris acte de la limitation des aides, soit au de minimis, portant donc sur un montant jugé négligeable à l'échelon communautaire, soit aux petites entreprises, c'est-à-dire employant moins de cinquante personnes. La Commission a noté qu'étaient exclus de ce régime d'aides l'agriculture, la pêche et le transport aérien ou maritime.
Pour les aides aux entreprises en création ou en extension, les exonérations seront accordées en proportion de l'augmentation de l'activité ou de l'emploi. La Commission a estimé que l'intensité cumulée des aides ne dépassait pas 30 % des investissements nouveaux, plafond fixé pour les aides régionales.
Pour les aides aux entreprises en difficulté, la Commission a tenu compte du fait que la définition retenait un ratio d'endettement sur fonds propres supérieur d'au moins 20 % à la moyenne des PME du secteur et que les aides seraient accordées sur agrément de l'Etat, qui fixera la durée des exonérations au niveau strictement nécessaire.
La Commission a tenu compte, enfin, de l'exclusion des secteurs aérien et maritime.
Ces aides ont été limitées aux moyennes entreprises au sens communautaire, c'est-à-dire employant moins de 250 personnes.
Le projet de loi qui nous est soumis intègre l'ensemble de ces préoccupations. Le dispositif proposé est valable pour cinq ans et retient les conditions fixées par la Commission, sous réserve de quelques extensions adoptées par l'Assemblée nationale.
Pour notre part, nous proposerons plusieurs amendements tendant à clarifier un texte souvent touffu. Nous proposerons également une légère extension de son champ d'application.
Sur le fond, j'ai pu constater que tous les interlocuteurs de l'île, élus et socio-professionnels, que j'ai consultés étaient, à des degrés divers, favorables à la zone franche, la considérant comme une bouffée d'oxygène pour les entreprises. J'ai tendance à le penser également, et la commission des finances a bien voulu partager ce point de vue.
Toutefois, il convient d'y insister, ce nouvel instrument ne vaudra qu'après le rétablissement de la paix publique et de l'ordre républicain en Corse. Sur ce point, votre intervention, monsieur le ministre, nous a fait une impression plus que favorable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici une nouvelle fois réunis pour parler de la Corse, cette Corse qui suscite bien des interrogations, qui fait éprouver à nos concitoyens de la lassitude, voire de l'exaspération.
Je vous le disais déjà à cette même tribune au mois de juin dernier, en fait, la Corse est malade et les manifestations de cette maladie sont de deux ordres : les unes sont économiques, les autres sont morales et politiques.
Tous les gouvernements, depuis plus de vingt ans, ont essayé d'apporter à cette crise des remèdes, pour la plupart institutionnels.
Ce fut le cas en 1981, avec le statut particulier préfigurant les lois de décentralisation qui devaient concerner, dès l'année suivante, tout le territoire métropolitain.
Le statut de 1991 était plus innovant puisqu'il érigeait la Corse en collectivité territoriale de plein exercice.
Enfin, en 1994, le statut fiscal a permis de pérenniser certains avantages fiscaux qui peuvent être assimilés à des mesures de compensation des inconvénients liés à l'insularité.
La leçon que l'on peut tirer de ces quatorze années, c'est qu'aucun de ces remèdes, souvent dispensés à grands frais, n'a été de nature à provoquer ne fût-ce qu'une rémission, pour ne pas parler de guérison.
Si l'arrivée de Jacques Chirac et d'Alain Juppé a suscité quelques espoirs très forts, dont la « trêve » dans les plasticages a été la manifestation visible, malheureusement, ces espoirs ont été déçus, et la violence a repris ses droits avec encore plus d'acuité.
Comme vous l'avez justement souligné, monsieur le ministre, c'est à l'Etat d'apporter, grâce à ses missions régaliennes, une réponse appropriée aux problèmes liés au maintien de l'ordre public en Corse.
J'en accepte d'autant plus volontiers l'augure que cette position vient d'être rappelée de façon très ferme par le Président de la République, lors de sa récente allocution télévisée, dans laquelle il a mis en exergue deux notions clés, sécurité et solidarité, et que, semble-t-il, les premiers résultats positifs commencent à se faire sentir, notamment avec les événements de ces derniers jours.
Aujourd'hui, nous traitons de l'aspect purement économique du malaise corse en examinant ce projet de zone franche, qui vient, après d'autres, manifester la solidarité de la France envers la Corse.
Un seul mot résume l'état économique de la Corse : le marasme.
Le taux de chômage s'accroît chaque année d'un point et s'élève aujourd'hui à 13,7 %.
L'activité touristique, principal moteur de l'économie insulaire, est un secteur sinistré pour de multiples raisons, telles que les perturbations liées aux conflits sociaux qui entraînent un manque de fiabilité dans la desserte de l'île, le prix des transports, le coût de la vie insulaire et, surtout, le climat de violence que les médias ne manquent jamais de mettre en relief.
Actuellement, 75 % de l'activité économique de l'île est sous-tendue par les marchés publics des administrations de l'Etat ou des collectivités locales. Les 25 % restants concernent le marché privé. Cette tendance, il est important de le souligner, s'est complètement inversée en dix ans. Les entreprises locales se caractérisent par un taux de faillite élevé et par leur impossibilité à faire face aux charges fiscales et sociales.
L'Union européenne, dans le cadre de sa politique régionale, a admis la Corse au bénéfice des objectifs 1 et 5 b. Toutefois, la fragilité financière des collectivités bénéficiaires des crédits européens au titre du contrat de plan ou du DOCUP est telle qu'elles sont dans l'impossibilité de mobiliser les financements croisés.
Face à cette situation dégradée, le Gouvernement a décidé de provoquer une sorte de catalyse de l'économie corse en créant une zone franche. Dès son annonce, celle-ci a suscité, par son caractère éminemment symbolique, une forte attente dans la communauté insulaire et a entraîné des espoirs ou des craintes exagérés.
Ainsi que M. le ministre l'a déjà souligné, le présent projet de loi va plus loin que les dispositions de la loi du 4 février 1995, en prenant en compte l'intégralité du territoire insulaire pour l'application des mesures d'exonération de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle.
Les cantons jusqu'alors exclus, représentant 80 % de la population de l'île, se trouvent donc de ce fait concernés par les présentes dispositions. Il faut bien entendu s'en réjouir, mais chaque médaille a son revers.
Si la Corse souffre globalement d'un retard en matière de développement, toutes les parties de l'île ne sont pas placées sur un pied d'égalité en ce domaine. Les zones de l'intérieur, montagneuses pour l'essentiel, sont les plus fragiles à cet égard et les plus exposées au risque d'abandon, faute d'emplois susceptibles de maintenir les populations actives sur place. Par un traitement homogène du territoire, ne va-t-on pas accentuer le déséquilibre entre les milieux urbain et rural ? La question reste ouverte.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet d'agir sur trois variables de l'activité des entreprises et, partant, de l'emploi, à savoir l'impôt sur les bénéfices, la taxe professionnelle et les charges sociales patronales.
Considéré sous l'angle du soutien à l'économie, conformément aux voeux du Premier ministre, le projet de loi constitue une réelle avancée dans la mesure où il permettra aux entreprises de poursuivre, voire, pour les plus saines, de développer leur activité par l'allégement des charges pesant sur elles.
Au-delà des dispositions du projet de loi, je tiens tout spécialement à saluer l'excellent travail réalisé à l'Assemblée nationale, tant par le rapporteur, M. Patrick Ollier, que par mes collègues députés, et les avancées importantes obtenues.
En premier lieu, l'exonération des charges sociales et de l'impôt sur les bénéfices est étendue aux professions libérales lorsque celles-ci sont constituées en sociétés et que leur effectif est égal ou supérieur à trois salariés. Ce travail a été complété par la commission des finances du Sénat qui a ajouté l'exonération de taxe professionnelle, réparant ainsi un oubli.
En second lieu, au sujet de la pêche, domaine très important de l'économie corse, l'ensemble des acteurs, à savoir les députés et la collectivité territoriale de Corse, en concertation avec l'Etat, ont su prendre en compte et régler, au moins dans un premier temps, cette préoccupante question.
Enfin, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, l'Assemblée nationale a intégré dans le champ des activités exonérées la gestion et la location d'immeubles pour les entreprises implantées en Corse dont les prestations portent exclusivement sur des biens situés dans l'île. Cette disposition est, elle aussi, fondamentale pour un secteur essentiel de l'activité économique de l'île, le tourisme.
S'il est vrai que notre débat doit porter sur les apports non négligeables de la zone franche à l'économie insulaire, il n'en reste pas moins vrai que des interrogations, des incertitudes, voire des limites aux mesures proposées subsistent.
En excluant certains acteurs économiques, ce dispositif risque d'avoir une efficacité très relative et je crains que la fracture sociale n'en sorte encore accentuée dans une île déjà à la dérive.
Aussi, il me semble essentiel d'optimiser les effets du dispositif proposé en incluant dans le mécanisme de la zone franche certains secteurs de l'économie insulaire. Tel est l'objet des trois amendements que j'ai déposés et que je défendrai tout à l'heure.
Tout d'abord, en ce qui concerne les cas d'exonération de taxe professionnelle, l'élu de base que je suis, en prise directe avec les réalités du terrain, considère que ceux-ci doivent être examinés avec attention. Nous savons que, en contrepartie des allégements de taxe professionnelle décidés ces dernières années, l'Etat verse aux collectivités une compensation.
Depuis 1995, les collectivités territoriales de Corse sont placées sous un régime particulier caractérisé, d'une part, par la suppression des parts départementale et régionale de taxe professionnelle, la part communale étant réduite de 25 %, et, d'autre part, par la compensation par l'Etat des pertes de recettes subies par les collectivités.
Dans le texte qui nous est soumis, la possibilité est donnée aux communes de recourir à l'exonération totale de taxe professionnelle. Ce mécanisme conduirait à les appauvrir dans la mesure où la compensation est calculée en appliquant au montant des bases exonérées le taux de la commune voté en 1996.
Ce mécanisme comporte l'inconvénient de ne pas tenir compte des évolutions de cette taxe, puisque le mode de calcul proposé gèle pour cinq ans la compensation au niveau des impositions pour l'année 1996.
Cette possibilité, qui reste facultative pour les communes, n'est qu'apparente et sera de nature à accentuer un peu plus les disparités.
C'est pourquoi, afin de ne pas les pénaliser, j'appelle l'attention du Gouvernement et de chacun de nous ici sur cette question primordiale de la compensation de la taxe professionnelle. Les communes corses, déjà largement en difficulté, ne pourront faire les frais d'une telle mesure ; elles n'en ont pas les moyens.
Aussi devons-nous nous entourer de toutes les précautions nécessaires afin de préserver les moyens de fonctionnement et d'investissement des collectivités territoriales de Corse tout en veillant à ne pas concentrer de manière excessive les prélèvements sur les contribuables, car la seule possibilité pour les communes consistera à ne pouvoir faire évoluer que les taux de taxe d'habitation et de foncier bâti.
Deuxièmement, en ce qui concerne les professions libérales, nul ne peut nier qu'elles sont nombreuses dans l'île, tant en milieu urbain qu'en milieu rural et, par là même, génératrices d'emplois.
Je me réjouis qu'elles aient pu, lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, être intégrées dans la zone franche, tout au moins pour une partie d'entre elles. Mais cela demeure, à mon sens, insuffisant car il sera difficile de concevoir que des entreprises se livrant à la même activité connaissent une différence de régime selon qu'elles emploient trois salariés ou moins. J'y reviendrai lors de la discussion des articles au travers d'un amendement.
S'agissant, enfin, des transporteurs routiers, mes collègues députés ont souhaité qu'ils puissent bénéficier de l'exonération des impôts sur les bénéfices, non seulement pour les activités exercées en zone courte comme le prévoit le texte qui nous est soumis, mais aussi pour celles qui le sont en zone longue. Il s'agit là d'une revendication très forte de cette catégorie socioprofessionnelle.
A la suite des débats à l'Assemblée nationale, il semble que ces dispositions nouvelles relèvent du domaine réglementaire et que seul un arrêté du ministre compétent soit de nature à améliorer le dispositif déjà existant. Je ne sais si, conformément à ce que vous avez annoncé à l'Assemblée nationale, ce problème est en voie d'être résolu.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, j'ai déposé un nouvel amendement en ce sens. J'attends que vous m'apportiez quelques éclaircissements sur ce point capital pour la profession.
J'approuve les mesures conjoncturelles visant à alléger les charges sociales des entreprises. Il apparaît néanmoins, à la lecture de l'alinéa VI de l'article 3, qui oblige celles-ci à être à jour de leurs cotisations au 1er janvier 1997, qu'un grand nombre d'entre elles, fortement endettées, seront exclues du champ d'application de la zone franche. C'est pourquoi je demande une certaine souplesse dans l'application de cette règle. Je crois que certains, en d'autres enceintes, ont formulé le même voeu.
Il reste, bien entendu, que seront exclus du dispositif proposé les salariés du secteur privé et ceux des associations, pourtant créatrices d'emploi reconnues.
La démarche du Gouvernement qui a sous-tendu le projet était faite d'ouverture et de concertation, et je lui en reconnais le mérite. C'est pourquoi je reste confiant en l'avenir et dans l'action que le Gouvernement continuera à mener. Elle sera d'autant moins facile qu'elle impose une bataille sur deux fronts, à savoir le front économique auquel le présent projet de loi s'attaque et le front du rétablissement de l'ordre et de la sécurité publique, point de passage obligé de toute politique de développement économique harmonieux et durable de la Corse, sans le succès duquel toute mesure économique, aussi excellente soit-elle, demeurera lettre morte.
Mais, avant de conclure, je ne peux m'empêcher de regretter, en accord avec les insulaires, toutes tendances confondues, que la France n'ait pas su obtenir pour la Corse ce que l'Espagne et le Portugal ont négocié pour leurs îles, c'est-à-dire le programme d'options spécifiques à l'isolement et à l'insularité, le POSEI.
En effet, au-delà de la reconnaissance du particularisme fiscal, seul ce dispositif présente les garanties durables d'un véritable mécanisme global du droit communautaire. Il conduirait l'Union européenne à mettre en place un système d'aides en faveur du relèvement de la production locale qui permettrait de faire échec au droit commun des politiques communautaires prenant en compte les activités économiques dans leur globalité.
Pourquoi le Gouvernement français ne profiterait-il pas de la Conférence intergouvernementale de Turin pour faire avancer, s'il le peut, ce dossier ? Vous le savez, monsieur le ministre, cette question a fait l'objet d'une prise de position très forte de la part de la collectivité territoriale de Corse. M. le rapporteur l'a rappelé voilà un instant.
Voilà, monsieur le ministre, l'essentiel des observations et des propositions que je souhaitais formuler. Je tiens tout spécialement à rendre hommage à la détermination et au courage dont vous avez fait preuve pour rechercher, pour la Corse et avec les Corses, des solutions novatrices complétant un dispositif important de mesures déjà en vigueur.
Je souhaite que nos compatriotes continentaux comprennent la situation de la Corse et n'analysent pas ce nouveau coup de pouce donné par le Gouvernement, dans un contexte national de grande rigueur, comme un avantage indu supplémentaire.
La remise en route de l'économie corse sera longue et encore parsemée d'embûches. Mais la grande détermination affichée par le Président de la République et le Premier ministre pour que cette région retrouve, au sein de la République française qu'elle n'a jamais souhaité quitter, les voies d'un développement durable dans un climat politique apaisé, ne peut que me réconforter et m'amener à saluer les efforts consentis. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Rocca Serra.
M. Jacques Rocca Serra. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion, en mai 1991, du projet de loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, j'avais ici même exprimé mon inquiétude quant aux résultats escomptés, car ce texte n'était accompagné d'aucun projet économique.
J'avais avec force réclamé une loi-cadre pour le développement de l'île, en attirant l'attention sur le fait que, si tel n'était pas le cas, la Corse resterait politiquement française mais deviendrait économiquement italienne. Or c'est ce qui est en train de se passer, les relations avec l'Italie étant beaucoup plus simples et surtout beaucoup moins chères. Les chiffres de l'INSEE, sur lesquels je me fondais lors de mon intervention, étaient plus qu'alarmants tant sur les plans économique et politique que sur les plans social et culturel. Comme plusieurs intervenants l'ont souligné aujourd'hui, la Corse est la plus pauvre et la plus défavorisée des régions françaises.
Je me suis amusé, si je puis m'exprimer ainsi, à rechercher à la bibliothèque du Sénat tous les chiffres de l'INSEE relatifs à la Corse, en partant d'une année marquante dans l'histoire récente de l'île, l'année 1975, au cours de laquelle se sont déroulés les événements d'Aléria. Les chiffres, de 1975 jusqu'à 1996, sont toujours les mêmes : dans tous les domaines, la Corse est toujours la dernière des régions françaises. Cette situation est donc très antérieure à tous les événements récents. La Corse est même la seule région française qui soit classée « en retard de développement » par la Commission européenne.
A la fin de l'année 1996, le constat est toujours désolant. En effet, tout le monde l'a dit avant moi, la Corse connaît toujours le taux de chômage le plus élevé ; celui-ci touche surtout les jeunes, pour lesquels il n'existe que peu de possibilités de formation dans l'île.
En ce qui concerne le produit intérieur brut, d'après l'Observatoire des prix, c'est la région où la vie est la plus chère. Vous l'avez bien remarqué !
S'agissant de la situation démographique, je n'y reviendrai pas, car on en a déjà parlé. Aujourd'hui, la Corse est trois fois moins peuplée que la moins peuplée des autres régions françaises. Et s'il n'est de richesses que d'hommes, alors la Corse est encore plus pauvre qu'on ne le pense. Les dérives intellectuelles et les événements graves qui se sont produits ces dernières années se sont amplement nourris, me semble-t-il, de cette situation.
Toutes les grandes îles de la Méditerranée - Sardaigne, Sicile, Baléares - ont, à l'inverse, vu leur population multipliée par trois. La Sardaigne, avec un tourisme en pleine expansion et bien organisé, est même passée de 500 000 habitants au début du siècle à près de 2 millions d'habitants. Les Baléares enregistrent la croissance la plus élevée de toute l'Espagne - 7,5 % depuis trois ans - un PIB par habitant de 60 % supérieur à celui de la péninsule Ibérique, et un revenu qui dépasse de 50 % celui du reste de l'Espagne. Or, aux Baléares comme en Corse, l'économie est essentiellement fondée sur les services.
Malte, avec un PNB qui a crû de plus de 5 % en moyenne par an depuis 1992, montre également qu'il n'existe pas de fatalité et que le développement économique est possible pour les îles méditerranéennes.
La Corse, comme l'a dit le Président de la République, devrait être « le joyau de la Méditerranée ». Malheureusement, elle se trouve dans une situation désastreuse.
La politique en matière de transport a nettement contribué à l'isolement de la Corse et a eu un effet excessivement néfaste, autant sur la vie de la population insulaire que sur le développement du tourisme et le trafic des marchandises.
En un mot, cette politique de monopole des transports maritimes et aériens a fortement freiné le développement économique ; le fameux rapport Prada, publié il y a déjà quelques années, en a fait la démonstration.
Il faudrait une véritable volonté gouvernementale pour diminuer encore le coût des transports et assurer un service minimal qui éviterait l'isolement complet de l'île lors des différentes et multiples grèves. Malgré les efforts accomplis pour la continuité territoriale, les transports restent trop cher.
Les voies de communication à l'intérieur de l'île sont tout aussi mauvaises et les trois villes principales - Ajaccio, Bastia et Porto-Vecchio - sont piètrement reliées par des routes très dangereuses.
Lorsque l'on sait que le primum movens d'une économie réside dans les voies de communication, on comprend pleinement quel handicap l'île doit surmonter pour organiser son développement économique.
La Corse peut donc légitimement revendiquer que l'on s'intéresse à son avenir : c'est un devoir de solidarité de la nation.
Pour toutes ces raisons, je suis très heureux que le Gouvernement, sous votre impulsion, monsieur le ministre, ait pris la décision de proposer enfin une véritable mesure économique, puisque la situation de l'île le justifie pleinement.
Je ne rentrerai pas dans le détail de la loi, d'autres l'ont fait mieux que moi, mais vous avez dit, monsieur le ministre, que 600 millions de francs seraient consacrés chaque année à la Corse pendant cinq ans. En ces temps de restriction budgétaire, il s'agit d'un effort considérable.
Aussi, je souhaite vous féliciter et vous remercier d'avoir su convaincre Bruxelles d'accorder ces avantages à la Corse. Je sais que cela n'a pas été facile.
D'ailleurs, lors de la discussion du statut fiscal présenté en 1994 au Sénat, j'avais défendu un amendement allant dans le sens de l'établissement de zones franches en Corse ; mais, à l'époque, cet amendement avait été rejeté.
Cette zone franche rompra, je l'espère, la spirale infernale dans laquelle la Corse est engagée et lui redonnera espoir en conférant un nouveau souffle à son économie.
Il s'agit d'une initiative opportune du Gouvernement, qui correspond à sa préoccupation de faire aller de pair, dans l'île, rétablissement de l'ordre et développement économique.
Si les deux sont évoqués simultanément, c'est parce qu'il ne faut pas perdre de vue que le développement économique constitue aussi un atout majeur pour lutter contre la violence, car celle-ci trouve, dans le sous-développement, l'un de ses vecteurs les plus puissants.
Nous le savons, la zone franche ne pourra, à elle seule, stimuler l'économie insulaire au point de la tirer de la situation dramatique dans laquelle elle se trouve. Ce serait lui attribuer des mérites que seule elle ne peut avoir.
Après toutes ces constatations, je ne pense pas - malgré ce qu'a dit mon ami Michel Mercier - que, comme l'a écrit récemment un grand journal du matin, la Corse soit « l'enfant gâtée de la République ».
Face à des problèmes de développement et d'aménagement, jusqu'à présent l'Etat n'a répondu que par des solutions institutionnelles, en 1982 puis en 1991.
L'intention du Gouvernement, en inversant la tendance et en proposant des solutions économiques, est louable. L'énergie qui vous anime et le courage dont vous faites preuve, monsieur le ministre, pour les mettre en oeuvre sont à souligner.
C'est un signe politique fort - vous l'avez dit tout à l'heure - en direction de la Corse. C'est la première proposition économique concrète que le Gouvernement fait à la Corse depuis des décennies. Elle doit être accompagnée d'autres mesures comme l'élargissement des débouchés sur le plan de la production agroalimentaire ou peut-être des délocalisations de structures pédagogiques, ministérielles ou financières.
Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé, la Corse a participé à toutes les pages de l'histoire de France, qu'elles soient prestigieuses ou plus sombres. Elle a largement contribué à former la nation et elle a connu le privilège d'être française par le prix du sang versé.
Lors de la période coloniale, des milliers de Corses ont été éparpillés dans le monde entier pour sauver et former la structure de l'Etat français. Elle peut donc légitimement prétendre que l'on s'intéresse dignement à son avenir.
Elle doit pouvoir espérer devenir un atout stratégique et économique pour la France dans le cadre de la future Europe.
Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de réussir, tout d'abord parce que vous êtes le ministre en charge de ce dossier, ensuite - rappelons-le - parce que vous êtes le maire de la plus grande des villes corses ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plus de vingt ans, et en dépit de toutes les réformes institutionnelles, la Corse est en proie à un véritable malaise marqué par une instabilité tragique. Cette instabilité s'est malheureusement installée au détriment du développement économique de l'île.
Cette île, dont la force est d'avoir su préserver ses traditions et sa langue, est aujourd'hui plongée dans un marasme économique qui se traduit par un taux de chômage très élevé - près de 14 % - en augmentation d'un point par an et par un PIB par habitant très faible : 71 % de la moyenne nationale et 79 % de la moyenne communautaire.
Cette situation s'est encore aggravée au cours des dernières années. En effet, les saisons touristiques ont été très mauvaises en raison du climat politique particulièrement délicat.
Aussi, je ne peux qu'approuver la politique du Gouvernement à l'égard de la Corse, qui comporte nécessairement deux volets : la lutte contre les atteintes à l'Etat de droit et l'action en faveur du développement économique.
En effet, le respect des lois républicaines devant rester le préalable à la solidarité, nous ne pouvons que nous féliciter de l'engagement du Gouvernement sur la voie de la fermeté, comme nous l'ont récemment rappelé le Président de la République et le Premier ministre.
M. Christian Bonnet. Il était temps !
M. Jean-Patrick Courtois. Seule la sécurité, que l'Etat doit assurer car elle est l'une de ses missions régaliennes, permettra de réhabiliter l'image de l'« île de beauté » aux yeux de tous.
La réhabilitation est urgente et nécessaire, afin de permettre le développement de deux secteurs particulièrement importants en Corse, le tourisme et la construction, qui représentent à eux seuls 50 % du PIB de l'île.
Les mesures que vous nous proposez, monsieur le ministre, permettront de rendre à la Corse la dimension économique et sociale qui doit être la sienne et de mieux coordonner insularité et ouverture. Elles permettront, comme vous l'avez déclaré le 13 novembre dernier, « de donner un signal d'espoir à tous les Corses qui veulent travailler pour l'avenir de l'île et qui ont accepté le dialogue avec les pouvoirs publics ».
Toutefois, le dispositif de zone franche n'aura de sens que dans le cadre d'une politique durable et globale. L'Etat doit, en effet, accentuer sa politique d'aménagement et de développement du territoire sur l'île, améliorer les réseaux de communication et plus particulièrement les infrastructures routières. La modernisation de l'agriculture, la relance de l'activité touristique, l'assainissement de la situation financière des PME représentent autant d'éléments qui doivent faire l'objet d'un soin particulier.
La zone franche semble être le meilleur moyen de participer, par des mesures d'exonérations que vous avez citées, monsieur le ministre, au redressement de l'économie insulaire, à la diminution du taux de chômage, et de répondre ainsi aux objectifs d'une politique volontariste tendant à assurer le développement et la pérennité de l'activité.
Le projet de loi que notre Haute Assemblée doit examiner se traduit par des mesures incitatives prises dans le respect des contraintes réglementaires européennes.
Nous ne pouvons que nous réjouir de l'accord des autorités de Bruxelles pour une mise en oeuvre des aides projetées, qui représentent, sur cinq ans, 3 milliards de francs, soit 600 millions de francs par an. Je sais que la négociation n'a pas été facile et que certains jugeaient même impossible une issue positive à ce dossier. Nous ne pouvons que vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour la détermination dont vous avez fait preuve auprès de la Commission de Bruxelles.
Trois milliards de francs, c'est un effort important, bien entendu, proportionnel aux besoins insulaires et nous sommes certains que nos compatriotes corses sauront l'apprécier à sa juste mesure.
Aussi, ce projet de loi s'inscrit dans la logique de la loi d'orientation pour l'aménagemnet et le développement du territoire et de la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.
La zone franche de Corse est en effet conçue comme un nouvel instrument de la politique d'aménagement du territoire. Elle applique donc le principe selon lequel l'égalité des chances passe parfois par une inégalité des traitements.
Le dispositif proposé a pour objectif de remédier à une situation économique dégradée en instituant, pendant cinq ans, trois types d'exonérations : la première porte sur l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux et sur les bénéfices agricoles ; la deuxième concerne la taxe professionnelle et permet de réduire la base nette imposable ; la troisième a trait aux cotisations sociales patronales et permet de les minorer.
La durée des exonérations étant limitée dans le temps, il ne s'agit donc pas de mettre en place un nouveau statut fiscal de la Corse.
Par ailleurs, nous ne pouvons qu'approuver les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, qui ont enrichi le projet de loi.
Je pense, notamment, à l'extension de l'exonération de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux aux professions libérales, qui exercent leur activité sous la forme sociétaire et emploient au moins trois salariés.
Je pense, en particulier, à l'extension de l'exonération de l'impôt sur les sociétés aux activités de gestionnaires et loueurs d'immeubles implantés en Corse, dont les prestations portent exclusivement sur les biens situés dans l'île.
Je pense, également, à l'intégration des forfaits agricoles dans le dispositif d'exonération fiscale.
Je pense, enfin, à l'extension de l'exonération de cotisations sociales patronales aux professions libérales qui exercent leur activité en société à partir du troisième salarié, et à l'exonération de charges patronales au secteur de la pêche dans la limite de la législation européenne.
M. le Premier ministre a déclaré en présentant ce projet de loi qu'il souhaitait donner par ce texte un nouveau souffle à l'économie corse, en prenant en compte la spécificité de l'île.
Le temps est venu aujourd'hui de dissiper toutes les ambiguïtés et de tracer pour la Corse un avenir clair qui assure à cette partie de notre territoire des perspectives de paix et de développement auxquelles elle aspire tant.
En votant ce projet de loi, le groupe du Rassemblement pour la République exprimera son attachement à cette région et la confiance qu'il met en ses concitoyens corses. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, curieusement, ce débat sur des dispositions fiscales plutôt techniques n'est pas un débat classique et je ne le considère pas comme un débat de politique habituelle, je dirai même de politique politicienne, puisqu'il met en cause des principes de fond qui touchent à l'essence même de la République.
Mes chers collègues, la Corse est une région gavée d'argent public ; je l'ai dit en commission et je reprends l'expression. Tout à l'heure, M. le rapporteur - je le félicite et le remercie - a tenu, dans son rapport, à donner vraiment le détail - autant qu'il le pouvait - des dispositions spéciales qui s'appliquent en Corse et qui s'ajoutent au droit commun.
Que la Corse ait des dotations qui lui reviennent comme n'importe quelle autre région française, c'est normal. Mais s'y ajoutent, sous diverses formes, entre la compensation de ceci, les exonérations de cela, l'aide de Bruxelles qui, avec 167 écus, est la plus forte par habitant en dehors des départements d'outre-mer, le contrat de plan avec le montant le plus fort par habitant - 2 700 francs contre 1 365 francs de moyenne nationale - l'ensemble du dispositif fiscal, bref, 4,3 milliards de francs, selon mes chiffres - M. le rapporteur a, pour sa part, parlé de plus de 4 milliards de francs - et encore ai-je dû en oublier puisque, dans le tableau, d'ailleurs très bien fait, qui figure dans le rapport écrit, figurent un certain nombre de dispositions non chiffrées parce qu'on ne sait pas trop ce qu'elles recouvrent. Donc, 4 milliards de francs et quelques pour 250 000 habitants à peine.
La République fait donc plus que son devoir en Corse, et je connais beaucoup de régions continentales qui voudraient recevoir ne serait-ce qu'une petite part de cet énorme gâteau.
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Dans ces conditions, on comprend, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait dû - mais c'était méconnaître votre imagination - se triturer les méninges pour trouver ce qu'on pourrait encore ajouter à cette liste et comment pressurer un peu plus le citron contribuable français en faveur de la Corse.
Que l'Union européenne se soit fait tirer l'oreille pour entendre et examiner favorablement votre demande de dérogation, monsieur le ministre, n'est pas vraiment étonnant ; mais qu'elle ait donné son accord est un peu stupéfiant - monsieur le ministre, quel avocat et que de talent gâché ! (Sourires.) - comme si on tremblait devant la Corse autant à Bruxelles qu'à Paris. Je n'ai pas une très grande considération pour les eurocrates, mais je ne les savais pas, en plus, peureux.
Pourtant, il serait inutile de rappeler cette litanie de chiffres si ces aides, aussi nombreuses qu'exagérées, avaient abouti au développement économique de l'île, à un afflux d'entreprises, à des milliers de créations d'emplois. Malheureusement, le rapport coût-rendement de l'effort considérable consenti par le contribuable national est nul et catastrophique.
Car l'effet réel de toutes ces mesures particulières accumulées au fil des ans - ce que je viens d'entendre, ici et là, me conforte dans cette idée ; j'ajouterai d'ailleurs que Napoléon Ier n'avait fait qu'un très modeste premier pas avec les arrêtés Miot et le décret impérial de 1811 - l'effet, donc, est nul, et même sans doute négatif.
Nul, assurément, car aucune entreprise importante et vraiment nouvelle n'est venue s'installer en Corse, où le taux de chômage n'est d'ailleurs pas aussi astronomique que dans bien des banlieues ou villes du continent. La Corse apparaît à la fois suréquipée dans de nombreux domaines et sous-équipée dans d'autres, avec des coûts de travaux tellement astronomiques qu'ils en deviennent suspects, une disparition de l'argent public dans des méandres infinis - ah, ces crédits pour des routes corses que l'on ne voit jamais ! - et pas toujours reluisants, un record pour la métropole de communes en grandes difficultés financières qui accumulent les impayés, bref, un échec qui génère un mécontentement général. Monsieur le ministre - mais vous n'êtes pas personnellement en cause, rassurez-vous ! - la République a, dans cette affaire, une histoire peu glorieuse qu'il faudra bien écrire un jour.
Je dis même un effet négatif, car cet argent public facile qui coule à flots a démobilisé et démoralisé la Corse, tandis qu'il a favorisé de scandaleuses rentes de situations. Ceux qui sont sur place s'arrangent pour arrondir leur bas de laine avec tous ces avantages, plutôt que d'en faire bénéficier la Corse, sa population et sa jeunesse qui attend des emplois toujours promis et qui ne viennent jamais. Cette attitude d'avachissement moral et de mépris vis-à-vis de la collectivité nationale, qui paye à guichet ouvert, est évidente lorsqu'on voit les diverses corporations se mobiliser les unes après les autres pour revendiquer - commediante et tragediante - et obtenir de l'Etat, sans vrai combat, l'extension des avantages réservés à certains, le dernier exemple en date étant celui des marins-pêcheurs à qui on vient encore de lâcher 12 millions de francs.
Sans oublier, je vous le signale au passage, monsieur le ministre, tout ce qui profite aux nationalistes - j'ai aimé une partie de votre ton ferme tout à l'heure, et je n'en doutais d'ailleurs pas - par le biais d'associations largement subventionnées qui sapent tous les jours les fondements de la présence de l'Etat et qui nourrissent des voyous dans le genre Santoni.
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. Michel Charasse. On dira : mais c'est ainsi depuis Napoléon Ier, qui avait pourtant une conception plutôt raide de la gestion des affaires publiques et qui a consenti à la Corse sans succès les premiers cadeaux fiscaux.
J'ai entendu cette analyse dans la bouche de M. le rapporteur en commission, mais je lui dis amicalement qu'il commet une petite erreur historique.
En effet, Napoléon n'a accordé que deux grandes mesures fiscales : l'une qui autorise les Corses à ne pas déposer de déclarations de succession dans les délais de droit commun, ce qui évitait, certes, provisoirement, les droits, mais qui obligeait à les payer le jour où le règlement de la succession intervenait - les successions sont aujourd'hui exonérées en vertu d'un arrêt de la Cour de cassation dans lequel Napoléon n'a aucune responsabilité ! - l'autre qui supprime les droits indirects en Corse, mais ce n'était pas un cadeau. En effet, l'empereur, que l'on encense tous les 15 août à Ajaccio, ayant constaté que les Corses, qui commençaient à l'énerver, fraudaient massivement les droits indirects a supprimé ces droits et les a remplacés par un doublement de la contribution foncière, à laquelle ils ne pouvaient échapper. A la Libération, les Corses se sont vengés de leur compatriote puisqu'ils ont obtenu, par simple lettre du ministre des finances totalement illégale - vous le voyez, monsieur le ministre, la faiblesse ne date pas d'aujourd'hui ! - des modalités de calcul des bases du foncier beaucoup plus favorables que sur le continent. Ce système illégal est toujours en vigueur, et je ne cesse de regretter de ne pas l'avoir mis à bas.
Mais pourquoi donc, mes chers collègues, cet effet nul ou négatif sur l'économie locale ?
Je crois que l'absence d'ordre public en est la seule cause.
M. Christian Bonnet. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Comment veut-on, monsieur le ministre, et je connais votre volonté, que des entreprises nouvelles s'installent en Corse, venant du continent ou même de l'étranger ?
Quelle société, quelle compagnie, quel industriel ayant un mental normal peut avoir aujourd'hui l'idée d'investir en Corse, alors qu'il sait qu'il sera menacé, racketté et plastiqué ? Souvenons-nous de la triste expérience d'une grande mutuelle installée pendant quelques semaines à Ajaccio et qui a vite filé planter sa tente ailleurs lorsqu'elle a compris que ses jours étaient comptés.
Quel industriel normalement constitué et psychologiquement équilibré viendra investir en Corse lorsqu'il sait que ses interlocuteurs seront surtout les syndicats créés par les terroristes, qui présenteront des revendications débiles et exorbitantes qui ruineront l'entreprise avant même qu'elle ne soit inscrite au registre du commerce ?
Quel homme d'affaires prendra le risque de venir s'installer en Corse, alors qu'on y entend en permanence et d'une façon lancinante des discours moyenâgeux, conservateurs, xénophobes, réactionnaires et pétainistes qui refusent tout modernisme, et tout ce qui vient de l'extérieur ? Je pense en particulier aux menaces dirigées contre un journaliste de Libération parce qu'il est juif. je ne l'ai pas inventé. Cela a paru plusieurs fois dans Le Ribombu qui n'est toujours pas condamné. On continue à s'interroger à la Chancellerie sur la question de savoir si l'on poursuit ou pas et comment faire...
Et quels touristes, sauf les inconscients ou ceux qui ignorent l'actualité, accepteront encore de venir passer leurs vacances en Corse, où tout saute partout tous les jours et où on s'entretue dans les rues ?
Alors, à quoi bon rajouter aujourd'hui quelque 600 millions de francs par an - cette somme a été détaillée, je n'y reviens pas - de pertes de recettes pour la zone franche, dont on sait qu'ils retomberont dans les mêmes poches et qu'ils iront engraisser les mêmes ? Ceux qui vivent de la manne publique pour leur compte personnel sans restituer un centime à l'économie locale et à l'emploi, et qui le font parfois confortablement à l'abri des menées nationalistes dont ils profitent abondamment et pour un prix - le racket - somme toute modeste au regard des énormes avantages qu'ils encaissent. Faut-il, en outre, bloquer le taux de la taxe professionnelle en gênant ainsi les collectivités locales, qui sont déjà souvent en crise financière, qui accumulent les factures impayées et qui auront enfin un prétexte pour se tourner vers l'Etat, pour obtenir l'apurement de leurs dettes et que l'on passe l'éponge sur leur mauvaise gestion passée ? Quand on sait avec quelle rigueur justifiée l'Etat aide les communes en difficulté financière sur le continent et les mesures draconiennes qu'il leur impose et qu'on sait comment les choses vont se passer demain en Corse avec des gestionnaires incompétents et parfois compromis dans des opérations douteuses, on voit bien que vous instituez entre collectivités locales le régime des deux poids, deux mesures et que vous inaugurez une autre formule : le « selon que vous serez puissant ou misérable... » devient « selon que vous serez corse et accessoirement voyou, ou continental et malheureux... » (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RPR.)
M. François Autain. Très bien !
M. Michel Charasse. Avant de songer à donner plus et encore à la Corse, il faudrait d'abord voir, mes chers collègues, si les nombreuses mesures actuelles produisent l'effet qu'elles produiraient partout ailleurs, là où le calme règne.
Oui, la condition préalable, nécessaire et indispensable - vous l'avez d'ailleurs dit, monsieur le ministre - avant tout nouveau cadeau financier à la Corse - c'est ce qui nous différencie - c'est de rétablir l'ordre public dans l'île - la commission des finances est un peu sur cette longueur d'onde - et d'y appliquer normalement et comme ailleurs toutes les lois de la République.
Nous en sommes loin et malgré les consignes de fermeté approuvées par M. le Président de la République et données par M. le Premier ministre, qui doit souvent se sentir bien seul dans l'ambiance de lâcheté et de peur qui caractérise depuis longtemps les couloirs de la République chaque fois qu'il est question de sévir un peu en Corse, les attentats continuent, le racket continue, et on menace aujourd'hui directement le continent après s'être fait les dents sur la belle mairie de Bordeaux et sur divers édifices publics dans le Midi, à Marseille et aux alentours !
Pour l'instant, mes chers collègues, je veux croire que la fermeté du Premier ministre est totale, et je le soutiens, je le lui ai dit. (M. Bonnet fait un signe d'assentiment.)
M. Jean-Claude Gaudin, M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Il apprécie !
M. Michel Charasse. Mais je ne suis pas sûr qu'il soit vraiment obéi : les enquêtes policières et judiciaires échouent toutes les unes après les autres ou presque et se perdent dans les méandres d'une procédure utilisée souvent pour ne rien faire ; des fuites organisées permettent aux individus recherchés d'échapper à des descentes de police - on a même mis en cause récemment un sous-préfet qui aurait alerté le nommé Rossi - la police et la gendarmerie sont menacées, y compris leurs familles ; des personnes recherchées se pavanent à la télévision et tout le monde sait où les trouver sauf la police judiciaire ; les administrations locales sont tétanisées, soutenues par leurs services centraux comme la corde soutient le pendu et n'osent plus appliquer la loi ; l'autorité de l'Etat est ridiculisée et bafouée tous les jours, ne serait-ce que par des interpellations sans suite organisées à grand renfort de télévision - je pense à une opération menée à Bonifacio - où l'on voit certains magistrats confondre justice et spectacle. Voilà la situation.
Et faut-il évoquer les négociations secrètes menées ici ou là plus ou moins au nom de l'Etat, sans que M. le Premier ministre le sache, ni même le Président de la République - il nous l'a dit l'autre jour - ce qui est honteux, car l'unité nationale est en jeu ? La Corse nous a habitués à être toujours à part pour tout : mais qu'elle aille jusqu'à gangréner le coeur de l'Etat en laissant le Président de la République lui-même hors de toute information sur des négociations - je dirai même des compromissions - dont lui seul pourrait apprécier si elles ont ou non un caractère normal au regard des grands intérêts nationaux, voilà qui est proprement ahurissant ! On murmure ces jours-ci en Corse que des concertations seraient engagées - je le dis au conditionnel - entre EDF et les voyous terroristes pour que, moyennant une rondelette somme d'argent, la contruction d'une nouvelle centrale électrique puisse se dérouler sans encombre. On imagine ce que risque d'être le montant de cette commission de lâcheté et de traîtrise lorsque l'on sait que la centrale doit coûter plus de 4 milliards de francs. Comme M. le Président de la République, je mets tout cela au conditionnel, monsieur le ministre, mais je ne suis pas sûr que cela soit complètement faux.
Ne croyez pas, mes chers collègues, que l'arrestation d'une trentaine de terroristes et la reddition de Santoni - ridicule pour ceux qui lui courent après en vain depuis des semaines alors que n'importe quel pigiste de la plus modeste feuille paroissiale savait où le trouver (Sourires) - soient de nature à nous rassurer.
En effet, une hirondelle ne fait pas le printemps, d'autant que nous savons qu'en Corse arrestation veut dire non pas condamnation, mais plutôt libération presque immédiate, à commencer par Santoni, dont je prédis - j'espère me tromper - qu'après trois ou quatre jours de garde à vue, il rentrera en Corse sous les vivats des fous criminels qui le soutiennent, narguera l'Etat, sa police, sa justice et passera Noël tranquillement en famille. En effet, la justice corse, dont on attend tellement, et d'abord du courage face aux forts et pas seulement face aux faibles, a prudemment oublié d'assortir la condamnation de Santoni d'un ordre d'arrestation immédiate. Et dire que les magistrats corses exigent sans cesse qu'on leur confie les actions terroristes : on en rirait si ce n'était tragique !
M. Christian Bonnet. Il y a eu l'amnistie de 1981 !
M. Michel Charasse. Je n'oublie rien, monsieur Bonnet, et ne croyez pas que les accusations que je peux porter aujourd'hui ne s'appliquent qu'à ce Gouvernement. Ce sont vingt ou vingt-cinq ans d'échec.
Quant à la dénonciation des racketteurs, ce courage vient non pas des Corses, mais d'un continental, et la nuance est de taille !
Faut-il enfin ajouter à l'infini à la panoplie financière de la Corse, qui a de quoi écoeurer le contribuable national, une zone franche dont on sait que, quelles que soient les précautions prises et l'ardeur des services fiscaux, elle sera utilisée par les plus malins comme une énorme et facile blanchisserie d'argent sale, leur évitant des voyages toujours plus ou moins risqués à l'étranger ? Ajouter aussi que pour la première fois sans doute des voix nombreuses et autorisées s'élèvent en Corse pour refuser la zone franche, pour la juger inutile, voire dangereuse, et même insultante dans une île qui a d'abord et avant tout besoin de calme et de la présence normale de la République ? Ajouter enfin qu'au moment où le Parlement délibère de cette affaire, les terroristes publient des communiqués annonçant benoîtement une reprise - doux euphémisme - des attentats et surtout leur extension sur le continent ? La réponse des terroristes est cinglante, injurieuse pour l'Etat, pour le Gouvernement, pour la représentation nationale. C'est en quelque sorte un méprisant « paye toujours, cause toujours, tu m'intéresses ! » et c'est en tout cas, comme je l'ai dit l'autre jour en commission des finances, une insupportable provocation pour ceux, Gouvernement et Parlement, qui ont en charge les intérêts de la République !
Ce projet, on le voit, on le sait ici comme en Corse, ne relancera pas la machine économique et l'emploi dans une île ruinée par tant d'actions terroristes et par tant de destructions qui ont coûté à la nation - il faut aussi ajouter cela dans ce tonneau des Danaïdes - plus de 600 millions de francs au titre des réparations de toute nature en 1995 et qui coûteront sans doute encore autant en 1996.
Le Gouvernement, qui court en zigzag et comme un perdu derrière un phénomène terroriste qui ne peut plus être rattrapé aujourd'hui que par la rigueur dans l'application des lois et par la fermeté dans le rétablissement de l'ordre public, me paraît mettre la charrue avant les boeufs : je vous l'ai dit en privé amicalement, monsieur le ministre, et je ne retire rien de cette analyse.
Il faut d'abord, mes chers collègues, la paix et l'ordre, car il ne peut y avoir nulle part de véritable développement sans cela. C'est ce que nous disons dans toutes les enceintes internationales aux pays du tiers monde qui nous appellent à l'aide, et encore dernièrement en Afrique à l'occasion du sommet franco-africain. Songez à l'exemple que nous donnons à ces pays en pratiquant ainsi le double langage : « Faites, vous qui êtes pauvres et malheureux, ce que je dis, moi grand pays riche et puissant, mais pas ce que je fais », la paille et la poutre en quelque sorte.
Vous me direz peut-être, monsieur le ministre, que c'est la politique de la carotte et du bâton. Mais la carotte - je devrais dire les tombereaux de carottes qui tombent sur la Corse ! - il y a beau temps que cela ne marche plus ! Laissez donc de côté la carotte, et servez-vous d'abord du bâton, là-bas, plutôt que de l'utiliser ici pour contraindre ceux qui ont le sens de l'honneur et qui souffrent, comme moi, dans ce débat.
Votre projet de loi, qui part d'une inspiration que je veux croire sincère mais que je considère en tout cas comme naïve, est une mauvaise action contraire à l'intérêt national qui ruinera un peu plus l'image et l'autorité de la République dans une portion de territoire qu'elle ne contrôle plus et qui, pourtant, est viscéralement, historiquement et profondément attachée à la France.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que, dans ces conditions, le groupe socialiste ne pourra pas apporter son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Mouly, Lombard, Braun, Neuwirth, Bonnet et Bourdin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la zone franche de Corse est simple. Comme solution aux problèmes de cette île, le Gouvernement propose un ensemble de mesures d'exonération d'impôts sur les bénéfices, de taxe professionnelle et d'allégement de charges sociales patronales.
Une telle disposition peut-elle répondre aux angoisses économiques de l'île et aux problèmes humains et politiques qu'elles génèrent ? Telle est la question qui nous est posée.
Je procéderai à quelques rappels, en exposant tout d'abord trois idées.
Premièrement, la Corse est sortie, dans les années soixante, d'une civilisation agraire méditerranéenne fondée sur l'agriculture, l'élevage, l'artisanat, avec une structure sociale organisée autour de la famille, du clan, du groupement de familles et des pratiques politiques épousant les structures clanistes.
Deuxièmement, émergeant de cette structure, les développements des transports et du tourisme, populaire au début, puis plus fortuné aujourd'hui, ont soulevé des espoirs, tout en démantelant totalement le potentiel agricole, industriel, forestier, pastoral et artisanal de l'île.
Une société s'est effondrée, alors que la nouvelle était livrée aux lois de l'argent sur lesquelles se sont développées des pratiques nouvelles de caractère mafieux et de profit.
Troisièmement, la réalité au plan économique est simple : la Corse compte un taux de chômage parmi les plus élevés de France, le niveau de salaires le plus bas du pays, un coût de la vie supérieur, pour bien des produits courants, de 30 % au coût continental. La Corse, avec un produit intérieur brut de 82 000 francs par habitant, est la région la plus pauvre de France. Ce produit intérieur brut se situe à 77 % du taux communautaire. La Corse est une île pauvre, endettée, qui sombre avec un montant de dettes de 1,7 milliard pour le secteur agricole, de 1,3 milliard de créances pour l'URSSAF, un déficit commercial en augmentation de 15 % en six ans et un volume d'importations évoluant, selon les secteurs d'activité, dans une fourchette de sept à quinze fois le volume des exportations.
Les Corses, qui ont le sens de l'intérêt insulaire et national, avaient pressenti cette marche. Dès 1955, au cours d'une grande réunion tenue à l'Aiglon-Cinéma à Corte, dans le cadre des Etats généraux de la Corse, les représentants des partis politiques, des syndicats, des milieux agricoles et industriels, des mouvements associatifs avaient lancé l'appel à la survie par une mise en valeur modernisée du patrimoine de la Corse. Ils n'ont pas été entendus !
Toutes les mesures ont greffé l'ultra-libéralisme sur le « tout tourisme » d'origine continentale, puis européenne, sur une Corse qui s'est de plus en plus fragilisée, cessant de produire des richesses propres. Ce fut la remise en cause des droits, des aides, des statuts démocratiques en vigueur ; si cela a été également vrai sur le continent, en Corse, les effets ont été plus dévastateurs.
Les récentes expériences faites en matière de desserte maritime montrent que la déréglementation maritime - la casse du service public - ne servent pas les intérêts de l'île.
Par ses actions populaires, la Corse a résisté. Elle a obtenu le maintien de sa voie de chemin de fer. Que serait devenue la Corse sans celle-ci ? Elle a conquis le droit à la formation pour sa jeunesse en arrachant à force de manifestations la création d'une université dans la citadelle de l'âme corse, la ville de Corte. Et si les 3 000 étudiants sortant chaque année expriment inquiétude et révolte, c'est que la Corse ne leur offre que l'ANPE ou l'exil comme perspective !
Les Corses n'ont pas été entendus. Que leur a-t-on offert ? Des mesures fiscales qui n'ont nullement servi l'économie, le développement et l'emploi. Si l'on considère seulement les mesures prises depuis l'institution de la collectivité territoriale corse en 1992 et celles du nouveau statut fiscal corse du 27 décembre 1994, que note-t-on ?
La loi sur le statut fiscal accorde déjà une exonération de 60 % de la taxe professionnelle, soit 300 millions de francs sur 500 millions de francs. L'exonération prévue dans ce projet de loi représente 170 millions de francs. Après ce statut fiscal qui n'a apporté aucune solution au chômage et la nouvelle disposition du projet de loi qui nous est soumis, les entreprises corses n'auront plus que 30 millions de francs à acquitter au titre de la taxe professionnelle.
La compensation aux collectivités territoriales sera certes assurée par l'Etat. Mais où est-elle prévue ?
Les mesures fiscales n'ont donné aucun résultat pour la prospérité de la Corse. Cette dernière bénéficie de 1,5 milliard de francs d'aides spécifiques consenties chaque année par l'Etat : 900 millions de francs au titre de la continuité territoriale, 400 millions de francs liés au taux réduit de TVA et accises sur le tabac et les alcools, et 370 millions de francs pour le statut fiscal de 1994.
Toutes ces mesures ont été d'une inefficacité totale. Le chômage, qui se maintenait un peu au-dessus de la moyenne nationale, a fait un bond de 12,5 % en un an. La dernière saison touristique a été la plus mauvaise depuis dix ans. Les faillites d'entreprises croissent, les crédits sont à la baisse. Depuis quatre ans, la Corse a perdu 600 000 passagers par an. La taxe sur les transports, à raison de 30 francs par passage et par personne, est devenue un obstacle au séjour des groupes de touristes. L'exonération de taxe professionnelle a aggravé le poids de la fiscalité locale pesant sur les familles.
La Corse attend des mesures en faveur de son développement. Vous répondez, monsieur le ministre, par des mesures de fiscalité injustes et pénalisantes, qui aggraveront la situation, comme nous le verrons au cours du débat. Votre projet de loi coûte cher : 3 milliards de francs en cinq ans. Ces exonérations fiscales ne seraient-elles pas plus rentables en crédits d'investissement ?
Ce projet de loi n'offre aucune garantie ; il rejette la Corse dans l'exception fiscale, au mépris du droit commun. Il favorise les exonérations patronales sans aucun contrôle, au détriment de l'emploi.
Le Conseil d'Etat a émis un avis négatif sur ce projet de loi. Le front commun des organisations patronales professionnelles corses, les syndicats, les pêcheurs, la fédération du secteur du bâtiment et des travaux publics et l'union professionnelle artisanale ont dénoncé la tricherie de la zone franche. L'assemblée régionale corse a voté un accord par vingt-six voix pour, vingt-quatre voix contre et une abstention.
Ces mesures ne semblent pas non plus séduire les mouvements autonomistes ; au contraire, elles les stimulent dans la voie de l'attentat, de la bombe aveugle en Corse et sur le continent. Votre projet de zone franche, qui aggrave la situation économique et l'inégalité sociale, crée de nouveaux privilèges et appelle au paradis fiscal.
La Corse attend de nouvelles mesures. Nous suggérons de discuter de nos propositions avec les représentants de l'île et des insulaires dans un grand « Grenelle-Corse ».
A la place des exonérations fiscales, nous proposons des mesures de relance de l'économie, de l'emploi, du pouvoir d'achat et de la consommation. Au lieu de l'assistance, nous suggérons le développement des richesses corses.
Les salaires doivent être relevés pour compenser les 20 % qui les séparent des salaires continentaux ; les 30 % de cherté de vie doivent être compensés par des primes de vie chère, par une diminution des taxes. De grands travaux doivent être engagés pour moderniser les voies routières de l'intérieur. La Corse ne vit pas seulement le long de deux ou trois axes routiers majeurs. Des milliers de kilomètres de routes de montagne sont à refaire. La construction d'un gazoduc peut à nouveau être envisagée avec l'Italie. Les voies de chemin de fer doivent être élargies et complétées pour recevoir les matériels modernes et confortables. La SNCF, France Télécom, l'industrie spatiale peuvent installer des centres de recherche. L'installation de la future source de rayonnement Synchrotron aurait des retombées économiques importantes.
En ce qui concerne les entreprises du bâtiment, particulièrement endettées - 150 millions de francs de dettes publiques - un programme de construction de plusieurs milliers de logements dont la Corse a besoin pourrait être négocié, de même qu'un programme de rénovation et de réhabilitation. Un emprunt public pourrait être lancé, garanti par l'Etat et consenti aux entreprises au taux de 3 %. Il avait été envisagé, et les secteurs de l'agriculture, du tourisme, ainsi que les petites et moyennes entreprises l'attendent pour envisager un renouveau.
La Corse paraît aujourd'hui vouloir s'exprimer en mettant en cause le droit républicain. Nous ne l'admettons pas. Mais nous n'admettons pas plus vos mesures la mettant en marge du droit commun fiscal, monsieur le ministre.
Notre vote négatif sur ce projet de loi exprime le refus de ces deux séparations de fait. La Corse a toujours montré qu'elle savait prendre ses responsabilités. Elle a été le premier département français à se libérer, et ce toute seule. Elle saura retrouver la voie de l'honneur, de la légalité républicaine et du développement. Nous avons confiance dans les Corses. Le Parlement français doit les aider et non les soumettre ou les rejeter. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, pour tout le travail accompli dans un délai très bref. Nous aurons l'occasion d'approfondir les thèmes qu'il vient d'évoquer au cours de la discussion des articles ; mais je tiens vraiment à le féliciter pour la qualité de son rapport. C'est à se demander quel lien unit les monts du Lyonnais et les montagnes de Corse ! (Sourires.) Cette bonne compréhension de la situation corse illustre pour moi la place intime de cette région dans notre pays.
Monsieur le rapporteur, vous brossez un tableau, hélas ! fidèle de la situation économique de la Corse, qui justifie pleinement le choix du Gouvernement d'instituer une zone franche.
Mais vous rappelez également les avantages dont la Corse bénéficie depuis deux siècles pour compenser l'insularité. Il fallait en effet le faire pour justifier que la zone franche ait une durée de cinq ans et non pas une application perpétuelle.
Ne laissons pas croire que la zone franche n'est qu'une première étape vers un avenir encore meilleur. Au regard de l'égalité de nos concitoyens devant l'impôt, au regard des règles communautaires sur les aides, le Conseil d'Etat et la Commission européenne nous ont clairement indiqué la ligne jaune qu'il ne fallait pas franchir.
Les amendements que vous avez déposés, au nom de la commission des finances, constituent, de ce point de vue, une bonne illustration des améliorations possibles du texte dans le cadre ainsi tracé.
Je remercie M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra de reconnaître les efforts de concertation engagés pour définir le contenu de la zone franche.
Le statut de la collectivité territoriale imposait au Gouvernement de consulter l'assemblée de Corse sur le projet de loi relatif à la zone franche, ce que j'ai, bien entendu, fait avec plaisir et intérêt.
Nous avons souhaité aller plus loin. Je me suis donc rendu sur l'île avec mon collègue du budget, M. Lamassoure, pour écouter l'ensemble des groupes de l'assemblée de Corse et les organes représentatifs des socio-professionnels. J'insiste sur ce point : ce sont les élus que nous avons entendus, et non pas tel ou tel qui s'autoproclamerait représentant de l'identité corse sans avoir le sacrement du suffrage universel.
Je sais - et vous avez raison de le rappeler aujourd'hui - que ce POSEI que vous appeliez de vos voeux a suscité des attentes très fortes en Corse, où l'on n'a peut-être pas toujours bien perçu qu'il n'était pas, comme d'aucuns ont voulu le faire croire, le moyen de pérenniser des avantages fiscaux hérités de l'histoire, légitime contrepartie de l'insularité.
Malgré tout, vous savez l'énergie que j'ai déployée - on m'a rendu hommage à cet égard, et cela me fait plaisir - pour l'obtenir : je venais d'entrer au gouvernement et je n'avais pas encore constitué mon cabinet que je répondais déjà ici même à une question que vous me posiez sur ce fameux POSEI. Mais, comme je le pensais, la voie s'est immédiatement révélée sans issue : ce que la Commission, monsieur le sénateur, avait admis pour nos départements d'outre-mer et pour les îles portugaises et espagnoles lointaines, elle ne l'autorisait pas pour la Corse, pas plus que pour les Baléares, la Sicile, la Sardaigne ou les îles grecques.
Il m'est aussi très vite apparu que cette formule était même dangereuse pour la Corse. Insister sur cette demande aurait conduit la Commission à remettre en cause certaines dispositions favorables dont bénéficie la Corse.
Pour ce qui concerne les dettes sociales des entreprises, je puis vous rassurer, monsieur le sénateur. En effet, le Gouvernement connaît bien la situation des entreprises en Corse. Aussi, la disposition de l'article 3 à laquelle vous vous référez imposera aux entreprises non pas d'être à jour, mais d'être convenues d'un moratoire avec les services de recouvrement des charges sociales. En effet, il aurait été paradoxal de prévoir, dans le dispositif de la zone franche, des dispositions particulières pour les entreprises en difficulté sans prévoir un règlement à l'amiable de leur dette sociale.
Je reviens un instant sur le POSEI, parce que je sais que cette affaire vous tient à coeur. Honnêtement, je l'ai défendue avec M. Van Miert, avec Mme Wulf-Mathies et avec un Irlandais, M. Kinnock, avec qui j'ai eu, mon accent méridional altérant mon anglais, des difficultés supplémentaires de compréhension. (Sourires.) Bref, je ne suis pas arrivé à faire passer le dossier du POSEI.
Je crois cependant que nous répondrons à votre attente, grâce à la volonté du Gouvernement et à celle du Premier ministre, d'une manière beaucoup plus précise et, finalement, beaucoup plus intéressante pour les Corses.
Monsieur Jacques Rocca Serra, vous avez eu raison de souligner la spirale où violence et difficultés économiques s'alimentent. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement accompagne sa politique de fermeté de la mise en place de la zone franche.
En effet, la violence ruinant l'image de l'île a accru ses difficultés économiques, je l'ai dit et répété. Mais l'inverse est aussi vrai : la situation économiqe désespérée de certains, l'absence de débouchés professionnels des jeunes acculent beaucoup de Corses à se réfugier dans un nationalisme qui promet des lendemains qui chantent...
La zone franche est un appel à tous les Corses de bonne volonté pour prendre en main le destin économique de leur île. En effet, ses possibilités de développement sont nombreuses. Vous avez aussi souligné, monsieur le sénateur, l'importance du tourisme, comme votre collègue M. Oudin l'avait fait en 1994 dans son excellent rapport sur la continuité territoriale et le développement économique, et comme Mme Beaudeau y a fait allusion à l'instant même.
Ainsi, l'identité corse, dont vous soulignez la valeur, pourra s'exprimer dans la paix civile et la prospérité économique à l'intérieur de la République. C'est capital ! En effet, fort heureusement, les élections ont sur les sondages la primauté du suffrage universel. Or, elles confirment toutes l'attachement des Corses à la République. Voilà qui me paraît important aussi.
M. Courtois a évoqué la nécessité d'accompagner la zone franche d'un ensemble de mesures en faveur des infrastructures, des PME, de l'agriculture. C'est bien évidemment le cas, monsieur le sénateur : la zone franche ne saurait à elle seule aplanir tous les obstacles au développement de l'île.
M. le Premier ministre a annoncé en juillet dernier des mesures pour l'amélioration du réseau routier départemental. Ces mesures financières s'ajoutent à l'effort important consenti par le contrat de plan et par les crédits européens pour l'ancien réseau national dévolu à la collectivité territoriale depuis 1994.
M. Courtois a également mentionné, à juste titre, les petites et moyennes entreprises. J'ai obtenu l'accord de la Commission pour un prêt de un milliard de francs destiné à améliorer les fonds propres des entreprises et mis en oeuvre par la collectivité territoriale avec la garantie de l'Etat.
Pour ce qui concerne l'agriculture, M. le Premier ministre a annoncé un ensemble de mesures, destinées notamment au développement de la production porcine traditionnelle et au débroussaillage des maquis.
Vous avez raison de souligner la place de la zone franche et de ces mesures dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire. En effet, la zone franche de Corse est non pas une faveur, mais un effort de la République en direction d'une région en difficulté, comme elle l'a fait en d'autres temps pour d'autres territoires.
La zone franche de Corse n'est le banc d'essai d'aucun dispositif destiné à s'étendre au continent, que ce soit pour des situations de conversion industrielle ou pour le développement rural, j'y insiste. Elle est la réponse que le Gouvernement juge appropriée à une situation de faible développement, qui, certes, se retrouve dans les départements ruraux, mais qui, en Corse, se trouve aggravé par la violence endémique et par l'insularité.
Monsieur Charasse, je vous remercie de l'honnêteté avec laquelle vous dites les choses. Cela ne me surprend pas, vous nous y avez habitués.
J'ai bien noté que je n'étais pas, en tant que ministre, mis en cause par vos propos. J'assume, certes, mon devoir de solidarité, mais j'ai bien fait la différence compte tenu de l'explication que vous avez bien voulu donner.
« Ce débat n'est pas classique », avez-vous dit. Mais vous conviendrez que la situation qui prévaut en Corse n'est pas non plus - et heureusement ! - classique.
Vous avez cité toutes les mesures dont bénéficie déjà la Corse, mais vous avez omis de rappeler que le revenu en Corse était de 19 % inférieur, en dépit de ces aides, à la moyenne nationale.
Vous avez en revanche raison, monsieur Charasse, de souligner que rien ne sera possible si, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, il n'y a pas un retour à la morale publique et au respect des lois de la République.
Le ministre des finances de Napoléon s'appelait Martin Gaudin, duc de Gaète. Il a créé la Banque de France. Vous comprendrez que je ne puisse pas faire moins que lui ! (Rires.)
Plus sérieusement, la situation en Corse exige un effort du pays.
Je ne peux enfin vous laisser sous-entendre, monsieur Charasse, que les fonctionnaires en Corse n'appliqueraient pas les directives du Premier ministre. Il me suffira de rappeler les interpellations récemment survenues en Corse pour vous apporter sur ce point un démenti.
M. Michel Charasse. Mais les salves les saluent !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Il n'y a pas, monsieur Charasse, une justice corse, comme vous l'avez dit, mais une justice tout court, et qui doit s'appliquer.
M. Michel Charasse. Et les explosions saluent les interpellations !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Enfin, la zone franche n'est pas rejetée. Faut-il vous rappeler la demande particulièrement pressante exprimée par les pêcheurs corses ces derniers jours ? La zone franche permettra, j'en suis convaincu, de relancer l'activité en Corse, car sa mise en place s'accompagne d'une action ferme des forces de police et de la justice.
Notre inspiration n'est pas naïve, elle est, au contraire, forte et claire, monsieur Charasse : c'est, d'une part, la main tendue...
M. Michel Charasse. Au chien qui vous l'a mordue ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... avec la zone franche en faveur des Corses, et c'est, d'autre part, le rétablissement de la paix publique, engagé par Alain Juppé après que beaucoup de gouvernements, monsieur Charasse, ont laissé - et c'est peu de le dire ! - pourrir la situation dans l'île.
Monsieur Charasse, la zone franche réussira. Et la paix publique sera rétablie, parce que la politique définie par Alain juppé, confortée par l'allocution du Président de la République - notamment dans sa partie consacrée à la Corse - est claire.
Monsieur Charasse, je ne veux pas un instant me laisser aller à polémiquer, surtout avec vous, car j'ai trop de considération et de respect pour vous ; mais, entre nous, cette fameuse expression de « peuple corse,...
M. Michel Charasse. Quelle calamité !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... composante du peuple français »,...
M. Michel Charasse. Quelle calamité !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... ce n'est pas cette majorité qui la voulait ! Elle l'a même très fortement combattue, parce qu'elle savait que c'était anticonstitutionnel.
M. Michel Charasse. Ce n'est pas un rapporteur de la majorité qui l'avait utilisée ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Ah ! que n'avez-vous prodigué à vos amis politiques, en leur temps, les bonnes paroles dont vous m'avez fait l'honneur tout à l'heure !
M. Michel Charasse. M. José Rossi, rapporteur du texte, n'appartient-il pas à la majorité actuelle ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Madame Beaudeau, vous avez évoqué la crise de société que traverse la Corse, et vous avez raison : c'est bien de cela qu'il s'agit. La situation de violence endémique depuis des années se traduit dans l'ensemble des domaines de la vie en Corse.
Mais je ne peux vous donner raison sur la critique de la zone franche que vous en tirez avant même qu'elle ne soit entrée en application : l'Etat ne peut intervenir sur l'ensemble des aspects de la vie économique et sociale. On a vu la catastrophe à laquelle une telle stratégie a abouti en Europe centrale et orientale.
Avec la zone franche, le Gouvernement a choisi d'intervenir pour l'économie productive, là où les effets de levier sur l'ensemble de l'économie sont les plus forts.
En effet, l'objectif de la zone franche est de parvenir à une meilleure valorisation des ressources de la Corse, qui sont réelles, on l'oublie souvent. Et, même si cette région ne comporte pas de ressources minérales, le tourisme y est un atout considérable.
Je m'inscris donc en faux contre les accusations sur les effets potentiels d'une zone franche présentée comme ultralibérale. Mais je peux vous dire qu'avec moi il n'y a pas trop de risques : la Corse ne sera pas Macao ou Tanger, les activités de jeux en sont exclues, ainsi que l'ensemble de celles qui sont sans rapport avec l'économie réelle.
Vous avez également évoqué - et je sais que Mme Luc y tient - l'affaire du Synchrotron. La Corse est effectivement candidate, par le biais de la ville de Bastia. Nous n'avons cependant pas encore arrêté de décision dans ce domaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de résumer en conclusion mon propos.
Je vous ai bien écoutés tous et, au fur et à mesure, je me suis rendu compte que ce dossier était un dossier difficile. Nous devons cependant bien distinguer deux éléments, madame Beaudeau : d'un côté - mais je crois que le Sénat a bien compris - il y a les ministres régaliens, qui ne me font pas particulièrement de confidences, et je ne crois d'ailleurs pas qu'ils en fassent beaucoup à quiconque - dont l'un est chargé du maintien de l'ordre, tandis que l'autre est chargé de la justice. Le Premier ministre, conforté encore une fois par le Président Jacques Chirac, a bien défini les missions sur ce point. D'un autre côté, pour ce qui me concerne, je suis simplement chargé depuis plusieurs mois d'essayer d'apporter une bouffée d'oxygène afin de relancer l'économie dans l'île. En un mot, madame Beaudeau, il s'agit - lancinant problème - de créer encore et toujours des emplois. Voilà pourquoi le Gouvernement tient beaucoup à ce texte.
Je ne voudrais pas terminer sans avoir répondu à M. Charasse et je reprendrai, pour ce faire, les mots fameux qu'aime à citer M. Giacobbi, tenu éloigné de cet hémicycle, à son grand désappointement, par une mauvaise sciatique : Hannibal est à nos portes, et nous délibérons. Oui, et nous délibérons utilement pour nos compatriotes corses, même si, quelquefois, ceux-ci ne nous le rendent pas comme nous le souhaiterions. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité