M. le président. « Art. 20. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les impositions à la taxe foncière sur les propriétés bâties à la taxe foncière sur les propriétés non bâties et à la taxe d'habitation, établies au profit du département de la Haute-Corse au titre de l'année 1995 sont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de l'incompétence de la commission permanente du conseil général pour en fixer les taux. »
Par amendement n° 37, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement porte sur l'une des questions posées à l'occasion de ce collectif par la validation de décisions soumises aujourd'hui à un contentieux en juridiction administrative.
En effet, en 1991, le conseil général de la Haute-Corse avait délégué à sa commission permanente la faculté de déterminer les taux d'imposition des taxes locales acquittées par les ménages.
Cette disposition particulièrement discutable - elle a d'ailleurs été discutée - a fait l'objet d'une décision du tribunal administratif de Bastia, qui a annulé la décision prise par la commission permanente du conseil général.
Il est tout de même particulièrement problèmatique qu'il nous soit proposé, à l'article 20, de valider rétroactivement, d'une certaine façon, cette décision, au moment même où nous débattons d'une série de dispositions particulièrement coûteuses et favorables uniquement aux entreprises par le biais de la mise en place d'une zone franche fiscale - et je pense ici au débat qui nous a réunis hier soir.
L'établissement de cette zone franche - est-ce vraiment un hasard ? - ne concerne d'ailleurs pas les impôts locaux payés par les ménages et permet surtout d'alléger la seule taxe professionnelle.
Un examen attentif de la situation des finances locales en Corse est pourtant parlant.
On apprend, en particulier - c'est là l'effet de la loi Pasqua portant sur le statut fiscal de l'île -, que la taxe d'habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties rapportent aujourd'hui plus aux collectivités territoriales que la taxe professionnelle.
Celle-ci ne constitue en effet aujourd'hui que 29 % du produit fiscal local dans l'île, contre 50 % - ou peu s'en faut - en France métropolitaine.
S'agissant des taux d'imposition, ils sont actuellement les suivants : en matière de taxe d'habitation, le taux de 1995 est de cinq points supérieur à la moyenne nationale, tandis que, pour ce qui concerne la taxe foncière, il est inférieur de cinq points. Quant au taux de la taxe professionnelle, il est deux points au-dessous de la moyenne nationale.
Il convient toutefois de noter que le taux de la taxe sur le foncier bâti est plus élevé en Haute-Corse qu'en Corse-du-Sud !
Dans les faits, il y a donc une incontestable inégalité de traitement entre contribuables locaux. Il importe de la corriger.
En dernière instance, je ne suis pas convaincue que la faculté de recourir aux procédures contentieuses sera forcément utilisée par les contribuables, l'essentiel ayant d'ores et déjà été accompli.
C'est aussi ce qui motive le dépôt de cet amendement de suppression de l'article 20, le droit devant tout simplement s'appliquer sans contrainte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a estimé que la validation prévue à l'article 20 était conforme à la jurisprudence constitutionnelle en matière de validation législative.
Il s'agit néanmoins d'une question dont l'interprétation est délicate. La commission des finances écoutera donc avec attention la réponse du Gouvernement. Si ses explications ne sont pas contraires à ce que je viens d'exprimer, l'avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. La proposition de validation qui vous est soumise à travers cet article 20 a simplement pour objet de rétablir le caractère régulier des impositions départementales en Haute-Corse. Ce dispositif ne conduit donc pas, madame Beaudeau, à créer une charge supplémentaire au préjudice des redevables. Il tend à valider la contribution aux charges publiques départementales des contribuables de Haute-Corse. Il s'agit là d'une question d'équité. En effet, à défaut du vote d'une telle disposition, on aboutirait à faire supporter au contribuable national le poids de la fiscalité locale revenant au département de la Haute-Corse.
Le Sénat s'est prononcé hier soir sur le projet de loi relatif à la zone franche en Corse et donc sur la relance de l'activité économique, qui comprend des allégements fiscaux substantiels. En revanche, cet article 20 consiste uniquement à permettre une validation législative dont nous ne pouvons pas faire l'économie. Aussi le Gouvernement est-il hostile à cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Je confirme notre avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles 21 et 22