M. le président. « Art. 5. - I. - 1° Avant le premier alinéa de l'article L. 122-18 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat de travail d'un salarié ou d'un apprenti, appelé au service national en application du livre II du code du service national, est suspendu pendant toute la durée du service national actif. » ;
« 1° bis Le premier alinéa de l'article L. 122-18 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La réintégration dans l'entreprise est de droit. » ;
« 2° Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 122-18 ainsi que l'article L. 122-19 du même code sont abrogés. Toutefois, ces dispositions restent applicables aux salariés qui, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, accomplissent leur service national en application du livre II du code du service national.
« II. - Il est inséré, dans le code du travail, un article L. 122-20-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-20-1 . - Tout salarié ou apprenti, âgé de seize à vingt-cinq ans, qui doit participer à l'appel de préparation à la défense, bénéficie d'une autorisation d'absence exceptionnelle de un jour. »
« Ce jour d'absence exceptionnelle a pour but exclusif de permettre au salarié ou à l'apprenti de participer à l'appel de préparation à la défense. Il n'entraîne pas de réduction de rémunération. Il est assimilé à un jour de travail effectif pour la détermination de la durée de congé annuel. »
« III. - L'article L. 122-21 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-21 . - Aucun employeur ne peut résilier le contrat de travail d'un salarié ou d'un apprenti au motif que lui-même, le salarié ou l'apprenti se trouve astreint aux obligations du service national, ou se trouve appelé au service national en exécution d'un engagement pour la durée de la guerre, ou rappelé au service national à un titre quelconque.
« Toutefois, l'employeur peut résilier le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé, non liée aux obligations de l'alinéa précédent, ou s'il se trouve dans l'impossibilité de maintenir ledit contrat pour un motif étranger auxdites obligations. »
Sur l'article, la parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Par cette intervention, je rejoins les préoccupations exprimées par mes collègues MM. Robert Calmejane et Philippe Richert.
A l'occasion de ce débat, je suis conforté dans la conviction de la nécessité de mettre en place la réforme des armées et d'adapter le service national à cette mutation. Toutefois, je continue à m'interroger sur la validité de la substitution des missions de l'appel de préparation à la défense ou de la Rencontre armées-jeunesse, comme je l'avais fait pour le rendez-vous citoyen. Que la professionnalisation s'impose, soit, mais ce temps au service de la nation avait plusieurs justifications.
En l'absence de repères que n'offrent plus les familles éclatées et un réseau social cahotique, les deux systèmes structurés dans lesquels certains jeunes étaient appelés à évoluer étaient la scolarité et le temps passé sous les drapeaux. La violence qui règne dans certains établissements relève d'un positionnement que les élèves sont incapables de trouver ailleurs.
Leur seconde chance, à beaucoup d'égards, était le service national. A l'occasion de ce bilan et du constat de certaines carences, notamment l'illettrisme, des remèdes étaient mis en place. Cette période était également un sas qui préparait à une vie autonome.
La vocation, la conception et le contenu du service national appelaient une refonte en fonction des nécessités et des objectifs du dispositif de défense de notre pays et des nouvelles formes que pourraient revêtir les conflits. A côté de ces impératifs, la formation du citoyen méritait qu'on s'y attache.
Toute démarche volontariste est en train d'être abandonnée en ce qui concerne la reconnaissance de la qualité d'appartenance à une nation : l'inscription sur les listes électorales sera automatique dès la majorité, l'obtention de la nationalité française ne résultera plus, dans certains cas, d'une demande expresse et la Rencontre armées-jeunesse sera fugitive.
Puisqu'on en arrive là, je ne comprends pas, monsieur le ministre, votre refus de dispenser du service national ou de faire bénéficier d'un report d'incorporation les jeunes qui sont sous contrat à durée indéterminée et qui seront appelés d'ici à l'application du présent projet de loi, lequel comporte des mesures relatives au maintien de l'emploi faisant l'objet d'un accord entre les deux assemblées.
Les dispositions de l'article L. 122-18 du code du travail n'assurent pas à l'appelé, lors de sa libération, le droit à la réintégration dans son emploi. Il ne bénéficie que d'une priorité d'embauche, essentiellement théorique, pendant l'année de son retour à la vie civile puisqu'il y a eu rupture du lien juridique.
Par voie d'amendement, le texte retenu prévoit que le contrat de travail des jeunes qui, d'ici à 2002, accompliront leur service national selon les modalités actuellement en vigueur sera suspendu, et non plus résilié.
Toutefois, reste à régler le sort de ceux qui doivent rejoindre aujourd'hui leur unité. Je ne vois pas au nom de quoi on scelle sciemment leur sort en en faisant des chômeurs à terme au moment où les dispositions « emplois-jeunes » sont en discussion.
Si la dispense uniquement motivée par cette insertion dans le monde du travail pose problème en apparaissant comme inique par rapport aux demandeurs d'emploi, la mesure de report d'incorporation doit être systématiquement accordée jusqu'à la promulgation de ce texte à tous ceux qui en font la demande pour ce motif. Sinon, on peut alors parler d'inégalité dans le traitement de situations identiques essentiellement pour une affaire de dates, de différence de jours.
La solution ne peut être trouvée par voie d'amendement, les dispositions ne pouvant être rétroactives. C'est donc vers vous que je me tourne, monsieur le ministre, en vous demandant de vous engager, au nom du Gouvernement, à accorder ces reports dans les circonstances que je viens d'exposer.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je ne veux pas laisser sans réponse l'interrogation de M. Joly.
La position du Gouvernement est claire et elle a déjà très largement tenu compte des préoccupations en matière d'insertion professionnelle qui ont été exprimées sur toutes les travées des deux assemblées.
Nous sommes favorables à des reports, et seulement à des reports, afin que les jeunes puissent s'acclimater dans l'entreprise, y faire leur place et répondre malgré tout à l'obligation militaire qui est celle de toute la classe d'âge à laquelle ils appartiennent.
Sur la suggestion de sa commission de la défense, le Sénat a prévu une durée maximale de deux années. L'Assemblée nationale, adoptant la proposition du Gouvernement, avait prévu une durée de deux ans pouvant être prolongée. Ce report, vous le constatez, donne beaucoup de souplesse. Vous faites bien de noter que l'une des dispositions de ce projet de loi prévoit que le contrat de travail des jeunes ayant un emploi et faisant l'objet d'une incorporation est seulement suspendu et - c'est précisément la nouveauté - que ceux-ci ont un droit à réintégration.
En revanche, demander au Gouvernement de dispenser d'une obligation qui est la leur aujourd'hui des jeunes alors que la loi n'est pas votée, ce n'est pas possible, vous le comprenez. Toute loi crée une situation nouvelle, qui ne peut être rétroactive. De surcroît, et cela n'a pas été discuté, la disposition prévue par le texte s'applique aux jeunes qui ont un contrat de travail d'au moins trois mois. Il ne saurait être question de tenir en compte de simples promesses de contrats de travail. On ne peut faire varier une obligation aussi importante que celle du service national en fonction de documents qui n'ont aucune valeur juridique.
Inévitablement, les jeunes qui n'auront pas trois mois d'activité professionnelle dans le cadre d'un contrat au moment de la promulgation de la loi seront donc dans la situation antérieure à la loi. Chacun peut comprendre que ce principe de base s'impose au Gouvernement.
M. le président. Par amendement n° 22, M. Vinçon, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le texte présenté par le II de l'article 5 pour l'article L. 122-20-1 du code du travail ;
« Art. L. 122-20-1 . - Tout salarié ou apprenti, âgé de seize à vingt-cinq ans, qui doit participer à la Rencontre armées-jeunesse, bénéficie d'une autorisation d'absence exceptionnelle pour la durée de celle-ci.
« Cette absence exceptionnelle a pour but exclusif de permettre au salarié ou à l'apprenti de participer à la Rencontre armées-jeunesse. Elle n'entraîne pas de réduction de rémunération. Elle est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée de congé annuel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Vinçon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Sur le fond, il n'y a pas, entre le Gouvernement et la commission, de grande divergence, excepté le fait que cet amendement réitère le choix de la commission et de la majorité du Sénat de ne pas fixer une durée à la Rencontre armées-jeunesse, ou à l'appel de préparation à la défense.
Donc, pour le motif que j'ai développé tout à l'heure, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement.
Le Gouvernement est d'accord sur les autres dispositions, à savoir le fait que la journée de convocation donne lieu à une autorisation d'absence exceptionnelle et n'entraîne pas de perte de rémunération.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6