M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Allouche, pour explication de vote.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre ami Robert Badinter, a précisé, voilà un instant, la position du groupe socialiste. Il a souligné les réserves qu'appelle le placement sous surveillance électronique, que nous approuvons par ailleurs, et les difficultés que ne manquera pas de soulever l'application de cette disposition.
Avocats, juges, éducateurs, personnels pénitentiaires et experts s'accordent à dire qu'à bien des égards le passage en prison est loin de susciter la crainte de la récidive et qu'il fait au contraire basculer dans la marginalité ceux qui le subissent.
Il est donc souhaitable, dans cette perspective, et en vue de lutter contre la surpopulation carcérale, de trouver des solutions alternatives à l'emprisonnement. Je rappellerai d'ailleurs que, depuis 1981, le garde des sceaux de l'époque, notre collègue et ami Robert Badinter, s'emploie à la recherche de ces dernières.
La proposition de loi qui nous est soumise prévoit le placement sous surveillance électronique des personnes condamnées à de courtes peines ou en fin de peine, et apporte ainsi une solution alternative à l'emprisonnement, solution qui emporte notre adhésion.
Cette solution a fait ses preuves dans de nombreux pays comme les Etats-Unis, la Suède, le Canada, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne.
Toutefois, cette proposition de loi mériterait, pour sa mise en oeuvre effective, un approfondissement et une concertation à différents niveaux.
Pour toutes ces raisons et malgré les réserves qui ont été évoquées, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Je me réjouis de voir que se dessine dans l'hémicycle du Sénat une quasi-unanimité, malgré les quelques réserves, dont je tiens compte, exprimées par le groupe communiste républicain et citoyen.
C'est peut-être le moment d'essayer de bien comprendre le fonctionnement du dispositif de surveillance électronique : il ne s'agit ni d'une balise Argos qui suivrait la personne à travers son existence ni d'une caméra invisible qui la filmerait à son domicile ; il s'agit simplement - l'exemple de la Grande-Bretagne le démontre en particulier - d'un lien électronique continu entre l'ordinateur de l'organisme de surveillance et une toute petite montre-bracelet contenant une puce électronique et une pile au lithium, qui ne marque pas d'infamie la personne qui la porte dans la mesure où elle peut-être dissimulée sous la manche de la veste ou de la chemise.
L'ordinateur de l'organisme de surveillance contient le programme de la vie de cette personne, laquelle peut continuer à travailler et à participer à des efforts de réinsertion. Tel est le cas en particulier en Suède où, parallèlement, a été mis en place tout un programme de réinsertion.
Grâce à ce système, peuvent être évités le plus simplement du monde la promiscuité de la prison, cette école de la récidive qu'est malheureusement la prison, ainsi que le climat difficile que crée la surpopulation carcérale tant du point de vue sanitaire que pour l'intimité même des condamnés. Ces derniers ont en effet droit, dans l'exécution de leur peine, au respect de leur personne, et de leur intimité. Malheureusement, tel n'est pas le cas dans tous les établissements de notre système pénitentiaire.
Par conséquent, en développant les mesures d'exécution des peines hors les murs, en particulier le placement sous surveillance électronique, nous rendrons un service à l'administration de la justice française.
Telles sont les raisons pour lesquelles je serais heureux que le Sénat apporte ses suffrages à cette proposition qui a fait un long cheminement depuis plusieurs années. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Le groupe de l'Union centriste se réjouit de voter cette mesure, qui est attendue déjà depuis un certain temps.
Nous sommes persuadés que les raisons évoquées par M. Cabanel sont justes. J'ajoute, à titre personnel, que nous devons être aussi conscients de l'évolution des mentalités et de la psychologie des hommes. Dans ce cadre, il ne faut pas désespérer du caractère éducatif d'une telle mesure qui ne violente pas, qui ne brutalise pas et qui, dans un certain nombre de cas - il appartiendra aux magistrats d'apprécier les choses en fonction des personnes qu'ils auront en face d'eux - sera peut-être, plus que la prison, l'occasion d'exprimer un regret de ce qui s'est fait et d'engager une certaine réflexion sur le lien social et sur les obligations qui en découlent. Cette mesure me paraît donc constituer un véritable progrès en matière de politique pénitentiaire.
Monsieur le ministre, il ne faut pas, dans une telle affaire, s'arrêter à des considérations financières et arguer du fait que ce système, s'il devait demain être appliqué partout, coûterait trop cher au budget de la justice.
M. le président de la commission des lois a déjà répondu sur ce point. J'ajouterai que le système des peines constitue un secteur dans lequel il est possible de procéder de manière expérimentale ; en effet, alors que beaucoup d'autres domaines, telle l'organisation judiciaire, interdisent des expérimentations, il n'y a pas d'obstacle, dans le cas présent, à commencer à appliquer la réforme ici ou là, dès que l'on aura pu se procurer les équipements, ce qui permettra d'apprécier les résultats au cours d'une approche expérimentale. Une telle démarche ne devrait pas entraîner de difficultés financières. C'est dans cet esprit que nous voterons ce texte. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je tiens à m'associer à l'hommage unanime rendu à M. Guy Cabanel, qui a toujours beaucoup d'idées intéressantes. La persévérance qu'il a montrée dans cette affaire du placement sous surveillance électronique, qui soulevait au départ un certain scepticisme, est tout à fait louable.
En cette occasion, nous avons à mon avis fait un bon travail. La surpopulation carcérale est l'une des plaies de notre société, l'un des problèmes dont il est fréquemment question, et que M. Badinter a très souvent évoqué.
Je m'associe totalement aux propos tenus tout à l'heure par M. le président de la commission des lois. Bien évidemment, les sénateurs siégeant de ce côté-ci de l'hémicycle (L'orateur désigne la droite de l'hémicycle.) voteront unanimement la proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(La proposition de loi est adoptée.)

4