DIVERSES MESURES RELATIVES
À LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 302, 1997-1998) portant diverses mesures relatives à la sécurité routière. [Rapport n° 358 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser mon léger retard dû à la séance de questions au Gouvernement se déroulant à l'Assemblée nationale. Cette séance s'étant achevée à seize heures, il m'a fallu aller assez vite pour être au Sénat à cette heure, tout en prenant garde de ne pas commettre d'excès de vitesse. (Sourires.)
Chaque année, 8 000 personnes sont tuées sur les routes de France et notre pays se situe loin derrière les autres pays européens qui réussissent le mieux en matière de lutte contre l'insécurité routière.
Le risque d'être tué sur les routes, en France, est deux fois plus élevé qu'au Royaume-Uni ou dans les pays scandinaves. Chaque jour, 22 personnes sont tuées et près de 460 sont blessées, dont près d'une centaine gravement, lors des accidents de la route.
Il ne s'agit pas là, à mon avis, d'une fatalité, et c'est peut-être la question essentielle qui nous est posée.
C'est vrai que, depuis vingt-cinq ans, des progrès importants ont été accomplis dans notre pays, puisque le nombre de victimes a été divisé par deux alors que la circulation a pratiquement doublé.
Mais il ne faut pas se satisfaire de cette évolution. Depuis quelques années, la progression de la réduction s'est ralentie et nous constatons même aujourd'hui une stagnation, voire, dans certains départements de France, une inversion de tendance.
Les derniers chiffres portés à ma connaissance sont particulièrement préoccupants : en janvier 1998, il y a eu encore 9 532 accidents sérieux, graves, à la suite desquels 647 personnes ont été tuées et 12 625 personnes ont été blessées.
Le Gouvernement a pris la mesure de l'ampleur de ce fléau national dès son entrée en fonctions, et la décision de réunir un comité interministériel de la sécurité routière a été adoptée en conseil des ministres, sur ma proposition, le 25 juin 1997.
Lors du comité interministériel de la sécurité routière qui s'est réuni le 26 novembre 1997, le Gouvernement s'est fixé comme objectif de diviser par deux le nombre de personnes tuées au terme des cinq prochaines années.
Il s'agit, je le sais, d'un objectif très ambitieux ; mais c'est sur ce dernier que travaillent également les ministres des transports de l'Union européenne. Certains pays, comme le Royaume-Uni, se fixent même des objectifs encore plus bas.
Au-delà de l'objectif national, et y compris pour atteindre ce dernier, il nous faut créer les conditions pour que des entreprises, des communes, des départements, des agglomérations se fixent des objectifs de zéro mort autour de telle école, de tel village, de tel quartier, sur telle section de route ou d'autoroute. Je suis convaincu que nous devons nous engager dans cette voie pour que cette utopie prenne progressivement corps.
Si la demande sociale de sécurité s'est considérablement renforcée ces dernières années dans tous les domaines, notamment dans celui de la sécurité routière, elle a également qualitativement évolué. Les associations de victimes et de familles de victimes, qui se trouvaient à la pointe d'un combat digne et juste, sont aujourd'hui relayées par l'ensemble de l'opinion publique qui n'admet pas la fatalité des accidents dans les entreprises, dans les quartiers, dans les villes et les villages. Chacun connaît, dans sa famille ou dans son entourage, les souffrances terribles que causent ces accidents.
La mobilisation de l'opinion publique est d'ailleurs d'autant plus forte que la plupart des accidents se produisent tout près du domicile des victimes, en agglomération, sur des trajets familiers parce que souvent empruntés.
Les différentes catégories d'usagers expriment des exigences claires en matière de sécurité routière.
Tout d'abord, les chauffeurs routiers souhaitent un respect plus rigoureux des conditions de travail et de circulation, qui sont essentielles pour leur sécurité et celle des autres usagers. La loi sur l'amélioration des conditions d'exercice de la profession des transporteurs routiers du 6 février 1998, adoptée à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale, permettra des améliorations notables. Je vous proposerai d'y apporter par amendement gouvernemental deux précisions de manière à recouvrir sans ambiguïté le transport des personnes comme le transport des marchandises et à prévoir des sanctions de même nature tant pour l'absence de limiteurs de vitesse et de chronotachygraphes que pour leur falsification.
Par ailleurs, les automobilistes prennent désormais plus conscience du fait que la pratique exige une éducation, un apprentissage sérieux, une formation permanente, un certain comportement, dirai-je même. Nombre d'entreprises et d'administrations commencent d'ailleurs, en s'appuyant sur l'esprit de responsabilité de leurs salariés, à mettre en place des plans de prévention spécifiques, 55 % des 1 300 tués par accidents du travail enregistrés chaque année étant, en fait, des victimes d'accidents de la route.
En outre, les utilisateurs de deux-roues, motorisés ou non, soucieux de la qualité de la vie dans nos villes et de la sécurité des déplacements, sont aujourd'hui des partenaires à part entière des pouvoirs publics, à l'échelon national et local, pour tendre à une conduite apaisée - voilà un maître mot de la démarche - et à une harmonieuse coexistence des différentes catégories d'usagers.
Enfin, les piétons aspirent à une approche renouvelée des politiques de circulation en ville, prenant en compte un meilleur équilibre entre les différents modes de déplacement. Ces attentes appellent une politique novatrice et dynamique. Une meilleure mobilisation des compétences et des moyens existants est indispensable pour redresser la situation qui est la nôtre et nécessaire si nous voulons atteindre l'objectif qui consiste à réduire de moitié, en cinq ans, le nombre de tués sur la route.
Il s'agit tout d'abord - mais cette démarche mérite un véritable débat - de prendre appui sur les jeunes et leur capacité à promouvoir de nouveaux comportements.
Piétons, conducteurs de deux-roues ou de quatre-roues, automobilistes ou passagers, les jeunes sont les premières victimes de l'insécurité routière. Plus de 28 % des tués ont moins de vingt-cinq ans. Chaque jour, plus de six enfants et jeunes de moins de vingt-cinq ans meurent sur la route.
Les actions de prévention, de sensibilisation et de formation constituent l'axe majeur de la politique du Gouvernement : de victimes, les jeunes peuvent devenir prescripteurs.
Il s'agit, ensuite, de se donner les moyens de répondre à la forte demande sociale de sécurité.
Le Gouvernement entend, à cet égard, mobiliser l'ensemble des acteurs sociaux, les services de l'Etat, bien entendu, mais aussi les entreprises, les associations, les collectivités territoriales, les sociétés et les mutuelles d'assurance. Une mobilisation consciente et active de tous ces partenaires nationaux et locaux autour d'objectifs clairs et partagés est indispensable pour permettre de réels progrès qualitatifs et quantitatifs.
Il s'agit, enfin, de garantir la liberté de circuler en sécurité.
La conduite est, certes, un acte privé, mais c'est aussi - et j'ai envie de dire avant tout - un acte social qui doit prendre en compte les valeurs civiques de base que sont le respect de l'autre et la liberté d'aller et de venir en sécurité. Cela implique des règles simples, claires et intangibles.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, contient six mesures nécessaires à la politique de lutte contre l'insécurité routière.
La première vise à instaurer l'obligation de suivre un stage de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route pour les conducteurs novices, c'est-à-dire pour ceux qui sont titulaires du permis de conduire depuis moins de deux ans, qui ont commis une infraction grave.
On estime que, chaque année, 15 000 à 20 000 conducteurs novices commettent une infraction sanctionnée par un retrait d'au moins quatre points sur le permis de conduire.
Il faut prévenir le sur-risque que supportent ces conducteurs novices : ceux-ci ont, en effet, une probabilité d'être tués dans un accident de la route trois fois plus élevée que la moyenne des conducteurs. Il est donc indispensable de les aider et de les responsabiliser avant et après le permis de conduire, grâce à trois dispositions spécifiques.
Il est vrai que deux de ces dispositions ne sont pas d'ordre législatif.
Il s'agit, tout d'abord, d'inciter les conducteurs novices à suivre un rendez-vous d'évaluation avec un enseignant agréé dans le douzième mois qui suit l'obtention du permis de conduire. Ce stage ne doit pas induire de dépenses supplémentaires pour les jeunes, j'ai pris en ce sens des contacts, notamment avec les assureurs, pour le financement de cette formation.
Je pense aussi à la possibilité de passer l'épreuve théorique - le code - de l'examen du permis de conduire dès l'âge de seize ans. Le contenu de cette épreuve sera révisé et le chantier plus global de la réforme de l'apprentissage de la conduite et de l'examen du permis de conduire est ouvert.
Ces dispositions constituent un ensemble cohérent, proche dans sa forme de ce que nombre de pays ont mis en place sous l'appellation de « permis probatoire ».
La proposition du Gouvernement s'en distingue par une approche plus pédagogique et plus éducative. Ainsi, l'action en faveur des conducteurs novices s'inscrit bien dans la priorité du Gouvernement, qui est d'éduquer et de former, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie du conducteur. Bien avant le permis, c'est-à-dire dès la maternelle, des actions de formation seront engagées sous l'impulsion de Ségolène Royal, de Claude Allègre et de Marie-George Buffet, en milieu scolaire comme en milieu extrascolaire.
En outre, pour tous les conducteurs volontaires, un rendez-vous de perfectionnement dix ans après l'obtention du permis de conduire, qui s'apparentera à une formation continue, sera expérimenté dans certains départements, avec des opérateurs volontaires eux aussi.
La deuxième partie du projet de loi, la plus substantielle, vise à assainir le fonctionnement des établissements d'enseignement de la conduite et à améliorer la qualité de leurs prestations.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la France compte environ 15 000 établissements d'enseignement de la conduite, qui dispensent une formation au permis de conduire à près d'un million de candidats chaque année à titre onéreux, dans le cadre de prestations de services de nature commerciale.
Le secteur des auto-écoles se caractérise par la multiplication des créations d'établissements à l'existence souvent éphémère. Il en résulte une concurrence très vive, marquée par une guerre tarifaire et par l'apparition d'offres anormalement basses, au détriment de la qualité de la formation du futur conducteur. En outre, de nombreuses affaires d'escroquerie ont entamé la crédibilité et le capital de confiance qui sont indispensables à toute activité d'enseignement.
A la demande insistante non seulement des représentants de la profession, mais aussi des associations de consommateurs, qui souhaitent ensemble des mesures de moralisation et d'assainissement, le Gouvernement propose de consacrer dans la loi plusieurs règles existantes.
Premièrement, les enseignants devront être titulaires du BEPECASER, le brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière, ou d'un diplôme dont l'équivalence est reconnue.
Deuxièmement, l'enseignement dispensé devra être conforme au programme national de formation.
Troisièmement, l'enseignement ne pourra être dispensé que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par le préfet, après avis de la commission départementale de sécurité routière.
Nous vous proposons ensuite d'y ajouter trois éléments qui me semblent particulièrement importants : un contrat écrit devra être élaboré entre le candidat et l'établissement, portant sur les conditions et les modalités de l'enseignement et de la préparation au permis de conduire ; un contrat d'application du programme d'information sera mis en place ; enfin, les sanctions en cas de non-respect de ces dispositions fixées par la loi seront sensiblement renforcées.
Il ne s'agit pas, vous le comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, d'instaurer un quelconque numerus clausus, mais de fiabiliser l'ensemble du système de formation. Nous avons en effet besoin d'un système de formation fiable et reconnu.
Cet article du projet de loi a fait l'objet d'une concertation approfondie avec l'ensemble de la profession, dont je comprends et partage les attentes. Par ailleurs, la réflexion et la concertation nécessaires pour une labellisation correcte des formations sont d'ores et déjà engagées par la délégation interministérielle. Enfin, au-delà de ce projet de loi, le Gouvernement examine les dispositions utiles à l'ensemble des structures et associations qui oeuvrent dans le domaine de la sécurité routière. Celles-ci réalisent des formations très variées, qui englobent parfois l'apprentissage de la conduite. Je sais que ces associations sont indispensables et qu'elles font du très bon travail, notamment dans les quartiers défavorisés.
Avant d'envisager de légiférer dans ce domaine si cela s'avérait nécessaire, il faut prendre le temps, au préalable, de mener une concertation approfondie.
Les associations mobilisent énormément de bonnes volontés. Elles peuvent être amenées à se développer en créant de nouveaux emplois pour répondre à de nouveaux besoins.
La troisième partie de ce texte vise à créer une responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules. Je sais que ce point a fait l'objet de discussions. Qu'en est-il exactement ?
Le respect de la réglementation est une condition essentielle de l'efficacité en matière de sécurité routière. Or notre système de contrôle et de sanction souffre de nombreux dysfonctionnements aujourd'hui bien identifiés qui en altèrent la crédibilité.
Il me faut ici citer la très faible efficacité des contrôles automatiques sans interception. Cette faiblesse tient essentiellement à l'obstacle juridique que représente l'absence de responsabilité du titulaire de la carte grise. Les actions de contrôle sont ainsi notoirement affaiblies.
Enfin, ce qui est grave, de nombreux contrevenants échappent aux sanctions, l'égalité des citoyens devant la loi n'est pas toujours respectée.
La responsabilité du propriétaire du véhicule, déjà adoptée dans plusieurs autres pays voisins européens sous diverses formes - souvent très strictes, d'ailleurs - est indispensable pour rétablir en la matière un Etat de droit.
Il vous est donc proposé d'étendre celle qui existe déjà depuis 1972 pour le stationnement à trois autres infractions : l'excès de vitesse, le franchissement de feux rouges et le franchissement de panneaux « stop ». Cette extension constitue la réponse technique pour crédibiliser les contrôles. Elle aura un impact positif sur les résultats de sécurité routière à très court terme.
La démonstration de l'efficacité d'un tel dispositif dans les pays qui l'ont adopté est de nature à lever les quelques réserves que certains ont pu légitimement exprimer sur cette mesure ; mais nous reviendrons certainement sur les précisions à apporter, lors de la discussion des articles, afin d'éviter toute dérive.
La quatrième partie du projet de loi tend à instaurer un délit, en cas de récidive dans l'année, pour un excès de vitesse de cinquante kilomètres-heure ou plus au-delà de la vitesse maximale autorisée.
On constate aujourd'hui que les vitesses pratiquées sur les différentes catégories du réseau routier sont élevées, voire souvent bien supérieures aux limites réglementaires. Or la vitesse excessive ou inappropriée est à la fois à l'origine de nombreux accidents et facteur de gravité. Elle est en cause dans près d'un accident mortel sur deux. Il est donc essentiel de réduire cette dérive inacceptable des comportements, en ville comme sur les liaisons interurbaines.
A la suite des travaux réalisés sous l'impulsion de M. Robert Namias, le précédent gouvernement avait envisagé de créer un délit de grande vitesse, mais ce n'est pas ce dispositif que nous avons retenu.
Nous pensons, pour notre part, qu'il est préférable d'amener les conducteurs à réfléchir à leurs actes. Ainsi, les grands excès de vitesse seront passibles d'une contravention qui a été alourdie et la mesure législative qui vous est proposée, mesdames, messieurs les sénateurs, consiste simplement à considérer la récidive de grand excès de vitesse dans l'année comme un délit.
Ce dispositif a un caractère hautement pédagogique. Il reprend la logique des propositions de M. Namias et répond, sans démagogie, à une attente forte des associations de victimes de la route. Il devrait se révéler efficace pour inciter à l'abaissement de l'ensemble des vitesses pratiquées et au respect des vitesses maximales autorisées : trente, cinquante ou soixante-dix kilomètres-heure en ville ; quatre-vingt-dix, cent dix ou cent trente kilomètres-heure sur route et sur autoroute.
J'ai beaucoup discuté, beaucoup consulté, y compris des spécialistes de la vitesse, des sportifs et des professionnels de la prise de risque maîtrisée. Le respect des vitesses maximales autorisées appelle, à l'évidence, un effort sans précédent de la part des différents maîtres d'ouvrage de la voirie - communes, départements et Etat - pour remettre en ordre, quand cela n'a pas encore été fait, la signalisation.
A ce propos, je veux redire, parce que la question est revenue souvent dans le débat, que pour le Gouvernement et pour moi, il s'agit non pas de piéger les automobilistes, de les piéger pour les piéger, mais de favoriser une conduite apaisée tenant réellement compte de l'environnement social.
La cinquième partie du projet de loi vise à instaurer un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel.
La conduite automobile est une activité qui exige, naturellement, une vigilance de tous les instants.
La relation entre le médicament, la drogue et la sécurité routière a fait l'objet d'un rapport établi, sous la présidence du professeur Lagier, par des personnalités éminentes du milieu médical. Ce rapport avait d'ailleurs été demandé par le précédent gouvernement en 1994. Ma proposition s'appuie sur les conclusions de ces travaux, publiés en 1995.
La mesure proposée est pragmatique. En l'absence de données statistiques permettant d'apprécier sérieusement le phénomène, elle permettra de recueillir dans les deux ou trois ans à venir des indications épidémiologiques précises en la matière, ce qui me semble devoir être un préalable absolu pour fonder une législation spécifique sur la drogue et la conduite automobile.
La dernière conférence européenne des ministres des transports, qui s'est tenue le 3 mars dernier, a permis de faire le point sur la situation dans les autres pays européens. Le centre d'études et de recherches en médecine du trafic a montré que le lien d'implication entre prise de drogue et accident mortel est réel et qu'il est même significatif par rapport à d'autres facteurs d'accident.
L'obligation de dépistage de la drogue lors des accidents mortels répond donc à un souci de sérieux, d'une part, pour connaître et analyser le phénomène, d'autre part, pour étudier, valider et mettre en place rationnellement, avec le secrétariat d'Etat à la santé et l'Agence du médicament, le dispositif technique de prélèvement et d'analyse qui, aujourd'hui, n'existe pas.
A ce stade et en l'état actuel de notre législation en matière pénale, il n'y a pas lieu de fixer dans le code de la route - je dis bien « dans le code de la route » - une sanction spécifique en cas de dépistage positif.
S'agissant d'homicides, une instruction est obligatoirement ouverte puisque nous sommes dans le cas d'accidents mortels, et le juge pourra, bien sûr, tenir compte des résultats des analyses dans la sanction qu'il prononcera. Il dispose pour cela de l'arsenal juridique nécessaire dans le code pénal et dans le code de la santé publique.
La répression est loin d'être la panacée, en la matière. La prévention, l'éducation et la formation sont primordiales. C'est pourquoi un pictogramme spécifique sera imprimé sur toutes les boîtes de médicaments contenant des substances susceptibles d'entraîner des effets négatifs pour la conduite automobile. Des actions de communication et de sensibilisation du public, d'information et de formation des médecins et des pharmaciens, dont la responsabilité peut être mise en cause, seront engagées dès cette année.
La sixième partie du projet de loi tend à autoriser la suspension judiciaire du permis de conduire en cas de condamnation pour modification du dispositif de limitation de vitesse par construction. Une telle disposition s'applique déjà en cas d'alcoolémie, d'entrave ou de gêne à la circulation, de fausse immatriculation, de conduite sans permis. Elle complète la sanction de manipulation de l'appareil, instaurée par la loi du 1er février 1995 portant diverses dispositions en matière de transports routiers.
Afin d'éviter de laisser une faille dans le dispositif juridique actuel, je proposerai, par amendement, de faire en sorte que l'absence de limiteur de vitesse soit sanctionnée comme sa falsification.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a souhaité vous présenter un projet de loi exclusivement consacré à la sécurité routière. Ce projet, largement fondé sur le rapport qui m'a été remis dès mon arrivé par M. Verré, président de la table ronde voulue par mon prédécesseur, constitue la partie législative de la politique ambitieuse et globale que nous avons engagée.
J'ai eu l'occasion, au cours de ces derniers mois, de beaucoup consulter des élus nationaux et locaux, des représentants des organisations professionnelles, associatives et syndicales, des personnalités du monde du sport et de la presse. Je tiens à témoigner de la qualité et du caractère constructif de ces échanges. De nombreuses propositions m'ont été faites. Elles ne sont, bien sûr, pas toutes - heureusement, dirai-je ! - d'ordre législatif. Nombre d'entre elles peuvent être mises en oeuvre et contribuer à des progrès concrets.
Si, en matière de sécurité routière, l'essentiel tient à des actions locales, les mesures du présent projet de loi sont cependant nécessaires. Elles ne sont, bien sûr, pas suffisantes - j'y insiste - pour tendre vers l'objectif quantifié que nous avons fixé. Il importera d'assurer la publication rapide des textes réglementaires. J'y veillerai, car l'enjeu, c'est une meilleure prise en compte, sur le terrain, dans les entreprises, dans les écoles, collèges et lycées, dans les communes et les départements, de toutes les questions d'éducation, de prévention et de formation.
Réaliser des progrès en matière de sécurité routière, c'est - ne l'oublions pas - réaliser des progrès dans les rapports humains, les rapports sociaux. Une conduite apaisée, adaptée à l'environnement, c'est une meilleure qualité de vie dans les quartiers, les villes et les villages.
Le Gouvernement a décidé de se donner les moyens d'assurer la mise en oeuvre de cette politique et d'en suivre les résultats au plus près du terrain, de manière à permettre aux autorités locales de prendre les dispositions adaptées pour progresser.
Sur le plan national - c'est aussi, dans une certaine mesure, un événement - le comité interministériel de la sécurité routière se réunira désormais chaque année sous la présidence du Premier ministre. Ce sera l'occasion de dresser un constat public de l'évolution de la sécurité routière, d'apprécier les avancées vers une meilleure harmonisation de la réglementation européenne, d'analyser les différences de résultats sur le plan territorial et de décider, le cas échéant, les mesures législatives ou réglementaires qui pourront s'avérer indispensables.
Le Gouvernement reste, bien évidemment, ouvert aux propositions des parlementaires, aux vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs, comme à celles des députés, car, dans le domaine de la sécurité routière, les progrès que nous devons réaliser sont immenses. La sagesse de votre assemblée permettra, j'en suis convaincu, de forger dans la plus grande sérénité un texte qui confortera l'action de toutes celles et de tous ceux qui oeuvrent quotidiennement, sur le terrain, avec les moyens qui sont les leurs, pour faire reculer l'insécurité routière dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Nous avons applaudi le ministre, vous n'applaudissez pas le rapporteur !
Mme Joëlle Dusseau. Nous attendons qu'il ait fini de parler !
Un sénateur socialiste. On l'applaudira s'il le mérite !
M. Robert Pagès. Voilà !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. On ne va pas l'applaudir avant !
M. Charles Pasqua. Question de confiance ! (Sourires.)
M. Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 7 989 personnes tuées, en 1997, pour cause d'insécurité routière ! Je dis bien 7 989, car la dernière vaut autant que les 7 988 qui la précèdent.
Dans ce chiffre sont compris 2 061 jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans, soit le quart du nombre des victimes, alors que ces jeunes ne représentent que 14 % de notre population, dont ils sont cependant l'espoir et l'avenir.
Tels sont les chiffres, dont la sécheresse, dépourvue d'états d'âme, nous révèle crûment la vérité. Ils suscitent notre réflexion, motivent notre conscience autant que notre responsabilité, et ce plus encore si l'on prend en compte les 125 406 accidents corporels recensés en 1996, parmi lesquels on dénombre en moyenne cent blessés graves ou très graves par jour. En effet, la dureté des chiffres n'évalue pas les dramatiques conséquences que cache le fléau. Elles hypothèquent une part de la vie sociale de la nation. Elles influent profondément sur l'existence morale et matérielle des familles des victimes, profondément destabilisées. Elles pèsent ainsi sur la société française tout entière.
Nous ne pouvons continuer d'admettre que le risque routier demeure en France deux fois plus élevé qu'au Royaume-Uni, en Suède ou aux Pays-Bas et que notre pays soit parmi les derniers de l'Union européenne à cet égard, et ce quelles qu'en soient les raisons.
Quelque chose ne va donc pas ! Pourtant, depuis des années, le pouvoir législatif autant que le pouvoir exécutif, par des mesures qui sont certes de plus en plus contraignantes, se sont inquiétés de l'insécurité routière.
Bien des faits en sont la cause : l'intensification du trafic routier, la multiplication des conducteurs, la puissance et la disparité des véhicules, la diversité croissante des moyens de transport routier, la configuration des infractructures, la pluralité des réseaux, etc. Tout cela a, au fil des années, influé sur la sécurité routière, en la rendant plus complexe et plus menacée, et donc d'autant plus difficile à maintenir et à parfaire.
Tous ces faits ont considérablement modifié l'aptitude à conduire un véhicule quel qu'il soit. La conduite est aujourd'hui devenue affaire de vie en société ; elle concerne le comportement mental de l'individu autant que ses réflexes physiques ou techniques. On ne conduit plus seulement son véhicule, on le dirige au milieu des autres. C'est bien pourquoi la compréhension de la sécurité routière doit commencer dès l'école.
Une loi de juillet 1957 le prévoit ; elle a cependant besoin d'être repensée et adaptée à son temps.
L'adaptation indispensable des dispositions existantes a fait l'objet de réflexions récentes, approfondies, émanant tant du législatif, de l'exécutif que de spécialistes du sujet. Ces réflexions ont le mérite d'exister, même si elles ne recouvrent pas tous les aspects de cet immense sujet.
Elles se concentrent, en effet, sur trois points principaux : la formation des usagers et des conducteurs ; le dépistage de la drogue et des stupéfiants ; la répression des excès de vitesse, décelés comme facteur premier des accidents.
La formation des usagers et des conducteurs, d'abord, a fait l'objet d'un excellent rapport, demandé, en 1996, par le ministre des transports de l'époque, M. Bernard Pons. Ce rapport privilégie trois actions : la mise en place d'une chaîne éducative continue pendant la scolarité ; la mise en ordre d'un véritable apprentissage de la conduite comprenant, entre autres, rendez-vous d'évaluation, recyclage des novices en cas d'infraction et seuil d'alcoolémie zéro pour les novices de la conduite pendant deux ou trois ans ; l'amélioration de la formation des adultes par une remise en ordre urgente.
Le dépistage des drogues et stupéfiants a fait l'objet de nombreuses initiatives ministérielles ou parlementaires, donnant lieu à un livre blanc remis au Premier ministre en 1995, et le projet de loi qui nous est soumis en tient compte, y compris la proposition de loi de notre excellent collègue Edouard Le Jeune, jointe au présent rapport.
Enfin, la répression accentuée des excès de vitesse est une idée cent fois reprise, mais à l'évidence très impopulaire, et toujours actuellement en perce.
Tirant parti de ces réflexions et de ces études, tenant compte de la situation actuelle, le Gouvernement a fixé un objectif certes ambitieux, trop ambitieux disent certains - mais sans doute faut-il l'être trop pour l'être suffisamment - à savoir réduire de moitié dans un délai de cinq ans le nombre de tués par l'insécurité routière. Qui ne pourrait souhaiter le succès d'une telle ambition ?
Le projet de loi qui nous est soumis constitue donc un complément utile, voire indispensable au droit existant. Il en est même une adaptation pour mieux circonscrire les problèmes nombreux de la sécurité routière.
Les très larges auditions auxquelles nous avons procédé prouvent que ce projet fait l'objet d'un consensus concernant ses principales dispositions. Certains, cependant, et particulièrement au sein des médias de la presse automobile, ont soulevé de sérieuses objections concernant la répression accentuée des excès de vitesse. Cela a fait l'objet d'une attention soutenue de la commission des lois.
Disons nettement que le présent projet de loi cherche à redresser une situation fâcheuse, sans prétendre apporter de solutions définitives. Son objet, encore limité, ce que nous regrettons, reste d'améliorer le droit actuel.
Quel est-il ? Il comprend à la fois des éléments de répression et des éléments de prévention.
Le dispositif répressif s'est, à l'évidence, peu à peu alourdi au sein du code de la route, d'abord par le nombre des infractions retenues, dont certaines constituent des délits passibles d'emprisonnement - tel le taux d'alcool dans le sang supérieur à 0,8 grammes, ou le délit de fuite, mais également par le nombre des infractions passibles des amendes prévues pour les contraventions de quatrième et cinquième classe - limitation de vitesse, respect des signalisations, etc.
Mais, au-delà des infractions proprement dites, le dispositif répressif fait référence au code pénal pour homicides ou blessures, mais aussi aux comportements mettant en danger la vie d'autrui. S'ajoutent enfin de graves peines complémentaires, telle l'annulation du permis de conduire, qui est de plein droit en cas de récidive d'état alcoolique.
Cet arsenal répressif a été complété en 1992 par la création du permis à points avec une modulation des retraits de points proportionnelle à la gravité de l'infraction : 4 points pour un excès de vitesse supérieur à 40 kilomètres à l'heure, 3 points pour 30 kilomètres à l'heure et, 2 pour 20 kilomètres à l'heure.
La politique préventive apparaît donc, dans le droit actuel, comme un complément indispensable. Elle porte essentiellement sur la formation des conducteurs et sur leur préparation à l'examen du permis de conduire. Elle propose deux types de formation, l'une antérieure, l'autre ultérieure à l'obtention du permis à l'âge de dix-huit ans. L'apprentissage anticipé de la conduite dès l'âge de seize ans n'intéresse, hélas ! que moins de 15 % des futurs candidats, essentiellement parce qu'elle est facultative et onéreuse.
Il en est de même de la formation postérieure au permis. Elle est proposée en cas de retrait des points, suite à une infraction, avec restitution partielle des points si le conducteur se soumet à une éducation spécifique, mais elle est aussi facultative et onéreuse.
La politique préventive est donc loin d'être négligeable. Elle se heurte cependant aux frais qu'elle entraîne, et nous touchons là à l'un des sujets déterminants de la sécurité routière, à savoir l'organisation actuellement mal adaptée de la profession d'enseignant de conduite par la disparité des établissements d'enseignement, qui entraîne la disparité des coûts et du sérieux des formations, et quelquefois, il faut le dire, « l'arnaque » des candidats.
Certes, les efforts législatifs ou réglementaires consentis depuis vingt ans ont porté leurs fruits. En parant au plus pressé, ils ont probablement évité le pire. Le nombre des accidents mortels ou corporels, vous l'avez dit, monsieur le ministre, a substantiellement diminué.
Il n'en reste pas moins considérable - je le disais au début de mon intervention - et il appert des statistiques les plus récentes que la diminution de l'ampleur du fléau, qui a atteint 3,9 % entre 1995 et 1996, s'est limitée à 1,1 % entre 1996 et 1997 s'agissant du nombre d'accidents mortels. Nous constatons donc quasiment une reprise du nombre des accidents et un nouveau redressement de la courbe.
Comment considérer, dès lors, que les dispositifs préventifs ou répressifs donnent pour l'heure entière satisfaction ? Les premiers manquent de cohésion, les seconds sont bloqués car on ne peut, dans plus d'un tiers des cas, identifier le conducteur fautif.
Il était donc urgent d'agir, ce à quoi vise ce projet de loi, qui reprend d'ailleurs nombre des mesures prévues par des propositions de loi antérieures. La teneur du texte ne permettra pas de dominer l'ampleur du problème. Il s'agit d'un élément complémentaire en droit existant, complément nécessaire et non définitif pour tenter de réduire de moitié en cinq ans le nombre des tués sur les routes. Il tend à renforcer les mesures de prévention, et, même s'il aggrave sensiblement la répression des récidives, il met l'accent autant sur la notion que sur le sens de la responsabilité personnelle.
Le projet de loi comprend cinq dispositions essentielles.
La première, contenue dans la section 1, article 1er, du texte, rend obligatoire un stage de formation spécifique pour les conducteurs novices ayant obtenu le permis depuis moins de deux ans et ayant commis une infraction passible d'un retrait de quatre points - alcoolémie, non-respect des signaux, etc.
Ce stage obligatoire, d'une durée minimale de seize heures, se veut avant tout pédagogique, afin de prévenir les récidives. La commission des lois proposera un amendement tendant à rendre passibles de ce stage les auteurs d'une ou plusieurs infractions totalisant un retrait de quatre points.
La section 2 du projet de loi a pour objet de renforcer les garanties exigées pour l'exercice de la profession d'enseignant de conduite et pour l'exploitation des établissements d'enseignement.
Précisons bien qu'elle ne concerne que la formation à titre onéreux, c'est-à-dire environ 14 000 établissements dispensant une formation à un million de candidats chaque année, ce qui est considérable.
De quoi s'agit-il, en l'occurrence ?
Il s'agit d'éviter, tout d'abord, la multiplication d'établissements à l'existence éphémère, fauteurs d'une guerre des tarifs, d'une formation au rabais et parfois même sources d'arnaques par d'intempestives cessations d'activité à caractère d'escroquerie.
Il s'agit, ensuite, d'imposer un contrat écrit entre les établissements et leurs clients, de renforcer les garanties indispensables pour l'accès de la profession et pour son exercice et, surtout, de permettre un contrôle efficace.
Bref, il s'agit de moraliser autant que d'assainir une profession qui en a besoin, en établissant, par la loi, les conditions de l'exercice professionnel.
Notons bien que l'article 2 de cette section 2 ne s'applique qu'aux établissements exerçant « à titre onéreux », et non pas aux associations dont l'objet n'est pas de tirer profit de cet enseignement.
Cela doit être clairement précisé, et je vous demande instamment, monsieur le ministre, d'avoir l'obligeance de nous le dire formellement. C'est un souhait unanime des membres de la commission des lois.
Sur l'article 2, la commission proposera un amendement renvoyant au décret en Conseil d'Etat la liste des condamnations interdisant l'accès à la profession ainsi qu'un autre amendement visant à imposer une condition d'aptitude professionnelle pour diriger une auto-école.
La section 3 du projet de loi élargit la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule, déjà prévue en cas d'infraction au stationnement, d'infraction sur les vitesses maximales autorisées et sur les signalisations imposant l'arrêt des véhicules.
Cette disposition est due au fait qu'actuellement plus du tiers des infractions ne peuvent être poursuivies, je l'ai dit, faute d'identification du conducteur. La portée des sanctions s'en trouve réduite et, surtout, l'égalité du citoyen devant la loi est mise en cause. D'aucuns en profitent indûment et, parfois, dangereusement.
Mais cette disposition, selon certains, déroge au principe du droit pénal selon lequel « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». C'est pourquoi la commission proposera un amendement marquant clairement que le propriétaire du véhicule ne saurait être pénalement responsable si l'infraction n'est pas de son fait.
La section 4, par les articles 5 et 6, crée un délit en cas de récidive, en moins d'un an, de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure, après condamnation définitive pour la même infraction.
Ce délit est passible de six mois de prison et de 50 000 francs d'amende et d'un retrait de six points du permis.
Il s'agit certes là d'une aggravation sensible de la répression. Certains y voient de profondes objections et s'interrogent, d'abord, sur l'opportunité d'un nouveau délit, estimant le dispositif actuel suffisant, ensuite sur l'opportunité d'une graduation des sanctions prévues, enfin sur la difficile mise en oeuvre de cette disposition. Monsieur le ministre, nous en reparlerons au moment de la discussion des articles, lorsque certains vous feront des propositions.
Les auteurs du projet de loi souhaitent viser la grande vitesse, objet de la plus forte indiscipline et cause d'une grande partie des accidents graves.
A titre d'exemple, les statistiques indiquent qu'un conducteur sur trois dépasse la vitesse réglementée sur autoroute ; qu'un conducteur sur deux la dépasse en ville et sur les routes nationales, et que trois conducteurs sur cinq la dépassent sur les routes départementales.
Paradoxe, le bon état de notre réseau routier départemental et national est tel que les conducteurs se croient sur des autoroutes ! Dans des pays où les routes, plus petites et plus sinueuses, exigent une vitesse réduite, les accidents de la circulation sont moins graves.
La section 5 du projet de loi instaure un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel. Si le dépistage se révèle positif, des analyses plus précises doivent établir si le conducteur était sous influence de drogue, afin de mieux éclairer le juge.
Le projet de loi, en revanche, ne contient aucun dispositif répressif spécifique à ce sujet. Vous l'avez bien précisé, monsieur le ministre, et vous avez donné vos raisons.
La commission des lois proposera un amendement tendant à instaurer, pour l'usage de stupéfiants, les mêmes peines que celles qui sont prévues pour l'alcoolémie. Elle a suivi en cela certaines propositions précédentes émanant tant de l'Assemblée nationale - je pense, entre autres, au rapport de M. Dell'Agnola - que du Sénat, à travers la proposition de loi de notre excellent collègue Edouard Le Jeune, que la commission des lois a jointe au présent rapport, ainsi que j'ai pu l'indiquer.
En conclusion, nous restons plus que jamais convaincus que l'ampleur du problème de la sécurité routière mérite une réflexion plus générale, se situant probablement dans le cadre européen. Il convient, en effet, d'aboutir, dès que possible, à mieux coordonner les nombreuses mesures déjà existantes, car elles sont trop disparates, et à tenir davantage compte de l'ensemble des questions en cause, qu'elles concernent les individus, les véhicules, les infrastructures.
La répression n'est pas une fin en soi ; elle a ses limites au-delà desquelles elle perd toute efficacité. Mais la liberté individuelle ne signifie pas licence si l'on veut vivre en société, et le laxisme du « laissez-faire, laissez-passer » n'est pas plus de mise pour résoudre les problèmes de la sécurité routière !
C'est davantage la prévention qui peut apporter les solutions les plus efficaces, à condition qu'elle porte sur la formation autant morale que physique des conducteurs et tende - pourquoi pas ? - vers la conception d'une éthique de la conduite adaptée à son temps, en songeant que l'accident n'est pas toujours le fait des autres.
Le projet de loi qui nous est soumis est très loin de répondre à l'ampleur du problème ; il tend cependant à améliorer un dispositif aujourd'hui insuffisant. Il insiste sur la notion de la responsabilité individuelle qu'il faudra bien conjuguer, un jour, avec le respect de la liberté personnelle.
Nous sommes pour notre part aujourd'hui en face de notre propre responsabilité. Ne rien faire serait blâmable quand il est urgent d'agir contre un fléau qui n'est pas inéluctable.
C'est pourquoi, et sous réserve des amendements que nous allons étudier, votre commission des lois vous propose d'adopter le projet qui vous est soumis. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, du RDSE ainsi que sur les travées socialistes.)

(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité routière intéresse tous les Français, elle fait partie de notre vie quotidienne. Rares sont les familles qui n'ont eu à déplorer des morts, des blessés graves, des vies bouleversées par suite d'accidents de la circulation.
Le texte qui nous est proposé sera donc examiné par le Sénat avec une attention particulière.
Quand vous nous dites, monsieur le ministre, que 8 000 morts par an c'est un chiffre énorme, nous sommes d'accord ; quand vous nous dites que la France a le triste privilège d'avoir l'un des taux de mortalité et d'accidents graves les plus élevés d'Europe, nous sommes en harmonie avec vos propos ; quand vous présentez un texte qui tend à réduire de tels chiffres, comment ne pourrions-nous pas être d'accord ?
Vous projet de loi comporte diverses dispositions permettant, selon vous, de réduire de façon considérable le nombre des accidents de la route.
La première proposition porte sur la formation des conducteurs novices auteurs d'infractions graves. Je la trouve judicieuse. Il est vrai que les jeunes conducteurs représentent un facteur de risque tant pour eux-mêmes que pour les autres automobilistes ou piétons, beaucoup plus considérable que des conducteurs expérimentés et d'âge plus mûrs. Je voterai donc l'article 1er que vous nous proposez.
La deuxième disposition vise l'enseignement de la conduite et de la sécurité routière. Ces dispositions que vous nous présentez tant pour l'enseignement à titre onéreux que pour les établissements d'enseignement à titre onéreux me paraissent bonnes. Il était souhaitable de mettre un peu d'ordre et de moraliser, pour certains, cette profession.
L'article 3 de votre texte concerne des dispositions relatives à la responsabilité des propriétaires de véhicules. Si les premières propositions de votre texte avait un effet incitatif éducatif et moralisateur, cet article change de registre puisqu'il entend rendre responsables les propriétaires dont les véhicules auraient été l'objet d'un contrôle et dont le conducteur n'aurait pas été identifié. Sauf cas de force majeure, le propriétaire du véhicule aura donc deux possibilités : soit dénoncer le conducteur de son véhicule contrôlé, soit être tenu comme responsable s'il ne connaît pas ce dernier, cas de figure tout à fait possible, ou s'il refuse la délation.
Avez-vous réfléchi, monsieur le ministre, en présentant cet article, à la situation d'un responsable d'entreprise ou de collectivité disposant de plusieurs véhicules, avec de nombreux utilisateurs, qui va devoir faire une enquête de police pour trouver le responsable s'il veut éviter d'être condamné ?
Avez-vous pensé aux familles nombreuses dans lesquelles un véhicule est utilisé par plusieurs personnes ? Bravo pour l'ambiance familiale quand le titulaire de la carte grise va convoquer le conseil de famille !
Les forces de police et de gendarmerie ont les moyens d'intercepter les contrevenants ; ils le font régulièrement ; le délit est constaté.
Je ne voterai donc pas cet article dont la validité constitutionnelle me paraît douteuse, et qui crée une incitation à la délation. D'autres moyens sont possibles. Revoyez votre copie sur ce point.
L'article 5 de votre projet de loi traite des dispositions relatives à la création d'un délit en cas de récidive de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure.
Nous abordons là le point central de votre projet de loi et nous constatons que vous avez sorti la grosse matraque et que vous frappez fort les automobilistes.
Sur la forme, vous avez publié, voilà quelques jours, un décret requalifiant l'excès de vitesse en contravention de cinquième classe. Voilà un procédé nouveau. Vous présentez un projet de loi au Parlement et, préalablement, dans une intention précise, vous publiez un décret pour forcer la main au législateur. Mes collègues apprécieront la délicatesse du procédé et le respect que vous avez des élus du peuple !
Sur le fond, le délit proposé - six mois de prison et 50 000 francs d'amende en cas de récidive - paraît très excessif compte tenu de la faute commise, classant le conducteur parmi les délinquants sérieux.
Soyons clairs : monsieur le ministre, plusieurs fois par jour, des milliers d'automobilistes dépassent pour un moment de 50 kilomètres à l'heure la vitesse permise. Des files entières de véhicules le font. Je n'approuve pas ces excès de vitesse. Mais vous allez mettre en prison des milliers de conducteurs.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais non !
M. Jean-Pierre Cantegrit. C'est dérisoire ! Talleyrand disait : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». Votre article, par son excès, est insignifiant. C'est une agression contre les automobilistes qui vont se voir plus lourdement condamnés pour un excès de vitesse que les dizaines de milliers de voleurs de voitures, que ceux qui brûlent les véhicules dans nos banlieues, que ceux qui font des rodéos nocturnes en Seine-Saint-Denis, monsieur le ministre. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste et du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
Ah oui ! Je le sais bien, il est plus facile d'arrêter l'automobiliste qui commet un dépassement de vitesse que les jeunes qui se livrent à de graves exactions dans des banlieues chaudes ; ce sera plus confortable pour nos forces de police et de gendarmerie.
L'article 7 porte sur l'instauration d'un dépistage systématique de stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel. Je ne peux qu'approuver cette idée, d'autant que j'ai moi-même posé une question écrite sur ce sujet au ministre de l'intérieur, le 15 mai 1986. Mais, dans ma question, j'étais plus ambitieux que vous ne l'êtes dans votre article, monsieur le ministre.
En effet, si je comprends bien, vous pouvez, sous l'emprise de stupéfiants, causer un accident grave, et ne pas subir de contrôle s'il n'y a pas de morts. Votre texte est donc restrictif. En fait, les contrôles doivent être systématiques pour déterminer le taux d'alcoolémie et l'usage des stupéfiants.
Votre démonstration sur ce point ne me convainc pas ; la réponse à ma question écrite était beaucoup plus satisfaisante que votre projet de loi. J'en déduis que vous jugez qu'il est moins grave de consommer du cannabis, de l'ecstasy, de la cocaïne, que de boire du vin ou un autre alcool.
Monsieur le ministre, votre texte ne tient pas compte d'un certain nombre d'infractions graves que commettent tous les jours des milliers d'automobilistes et qui sont la cause d'accidents mortels.
Pourquoi n'envisagez-vous pas le cas des automobilistes qui doublent à droite sur les autoroutes ou sur les voies à grande circulation pour se rabattre ensuite sur la file de gauche afin de gagner dérisoirement quelques dizaines de mètres ? En réduisant les marges de sécurité, ils sont la cause de ces carambolages impliquant des dizaines de véhicules, avec les conséquences dramatiques que l'on sait.
Pourquoi n'abordez-vous pas le cas de ces automobilistes qui suivent à quelques mètres le véhicule qui les précède, les mettant à la merci d'un coup de frein ? Vous savez les conséquences de ce grave comportement en cas de brouillard ou de fort ralentissement. De nombreux accidents mortels sont la conséquence de tels agissements.
Pourquoi ne traitez-vous pas du cas des automobilistes qui n'entretiennent pas leurs véhicules ? Et ce ne sont pas les contrôles techniques - ils sont nécessaires, et je les approuve - qui feront que certains automobilistes gonfleront les pneus de leurs voitures. Certains roulent donc avec des pneus sous-gonflés. Ils sont ainsi de véritables dangers publics et ils causent de graves accidents.
Pourquoi n'abordez-vous pas, dans votre texte, le cas de certains établissements de contrôle technique - j'ai bien dit certains - qui, pour différentes raisons, montrent un laxisme coupable et permettent à des véhicules de rouler alors que des réparations urgentes sont à faire ?
Qu'attendez-vous, monsieur le ministre, pour moderniser le service des mines, qui est un des plus rétrogrades d'Europe et qui a à son palmarès d'avoir retardé la ceinture à enrouleur, le feu stop sur la vitre arrière, entre autres. Pourtant, beaucoup de mesures innovantes permettraient d'améliorer la sécurité des véhicules.
Pour conclure, je dirai, monsieur le ministre, qu'une fois de plus, dans ce texte, on considère les automobilistes comme des délinquants en puissance et que plutôt que d'améliorer la prévention, l'information, le sens de la responsabilité, vous appliquez une répression excessive et choquante.
Je ne crois pas que nous ayons la même conception de l'automobile, monsieur le ministre. Pour moi, ce qui compte, c'est le progrès technique, la sécurité renforcée et toutes les innovations en ce domaine ; ce sont des automobilistes responsabilisés et sensibilisés. J'imagine, en revanche, que votre rêve à vous, ce sont des petites voitures qui rouleraient toutes à 100 kilomètres à l'heure sur les autoroutes, à l'exception quand même de quelques Safrane qui les dépasseraient à grande vitesse pour les ministres pressés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Mahéas proteste.)
M. Pierre Lefebvre. Et pour quelques sénateurs !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Eh oui ! J'en connais !
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le ministre, « réduire de moitié en cinq ans le nombre de morts sur la route », telle est votre ambition et tel est l'objet de ce projet de loi. Autant le dire tout de suite : nous ne pouvons que souscrire à cette ambition tant les routes sont meurtrières dans notre pays.
Plus de 8 000 vies ont été fauchées en 1996. De plus, on recense actuellement 340 accidents de la circulation par jour, qui causent 22 tués et 485 blessés, dont 98 graves. Qui plus est, notre jeunesse paie un lourd tribut : la tranche d'âge des quinze-vingt-quatre ans, qui représente 14 % de la population, représente en effet le quart des tués sur la route.
Ces vies perdues, ces espérances brisées, toutes ces souffrances sont inacceptables.
Et il faut ajouter à ce coût humain un coût économique que vous évaluez à 200 milliards de francs par an, monsieur le ministre.
Oui, bien sûr, nous partageons votre objectif, encore faut-il s'en donner les moyens, les bons moyens.
Je le rappelle : on dénombrait 17 000 tués dans des accidents de la route en 1972. Il a donc fallu un quart de siècle pour diviser ce chiffre tragique par deux et ce, grâce à l'effet cumulé de mesures préventives et de mesures répressives. Cela nous montre le chemin à parcourir...
Votre texte, monsieur le ministre, contient donc indiscutablement des mesures positives que le rapporteur de la commission des lois, notre excellent collègue, M. Lucien Lanier, a très justement analysées et sur lesquelles je ne m'étendrai pas, qu'il s'agisse du renforcement de la formation ou de l'accroissement des garanties de la qualité de celle-ci.
Cependant, vous mettez encore et toujours l'accent sur la répression, sous prétexte d'accroître la sécurité.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non !
M. Bernard Plasait. Eh bien, monsieur le ministre, je serais heureux que vous me démontriez le contraire !
Vous proposez d'étendre aux contraventions à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées et sur les signalisations imposant l'arrêt des véhicules la présomption de responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule, qui est déjà applicable aux infractions en matière de stationnement. Soit !
Une telle mesure aura-t-elle toutefois un effet concret sur la sécurité routière ? Vous me permettrez d'en douter, tant il est peu commun d'emprunter le véhicule d'un tiers avec l'intention de commettre une infraction. En revanche, il est certain qu'ainsi la rentabilité des radars et autres appareils photos sera mieux assurée, ce dont l'Etat ne peut évidemment que se réjouir.
Il n'en demeure pas moins qu'une telle disposition recèle des effets pervers, au premier rang desquels une incitation à la délation que vous me permettrez de déplorer très profondément.
Enfin, je partage pleinement la proposition de la commission des lois pour que le titulaire de la carte grise - qui n'a pas commis l'infraction - ne subisse pas un retrait de points et les rigueurs pénales, même si je considère que la situation des loueurs professionnels de véhicules mérite d'être éclairée.
Cela dit, encore plus symbolique est la création d'un délit en cas de récidive de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 40 kilomètres à l'heure.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. 50 kilomètres à l'heure !
M. Bernard Plasait. La résurgence d'une telle disposition, assortie de la récidive - ce qui est encore moins compréhensible -, nous démontre bel et bien que, si « les gouvernements passent, les administrations restent ». Et la mesure est toujours aussi aveugle car, reposant sur un barème unique, elle entretient l'amalgame entre les conducteurs rapides et les conducteurs dangereux, ce qui n'est pas exactement la même chose !
Pire, elle fait de l'automobiliste un délinquant, et cela sans discernement.
Peut-on raisonnablement considérer que rouler à plus de 180 kilomètres à l'heure sur une autoroute dégagée avec une bonne visibilité et un bon véhicule - ce qui n'est pas bien, évidemment, et mérite d'être sanctionné - équivaut à débouler à 100 kilomètres à l'heure à quelques encablures d'ici, par exemple rue Danton ? Dans ce cas, un dépassement de 50 kilomètres à l'heure, soit une vitesse de 100 kilomètres à l'heure rue Danton, est proprement criminel, alors que le premier type de grand excès de vitesse, qui ne représente que moins de 5 % des infractions constatées, ne concerne qu'une poignée de « privilégiés », certes, qui disposent d'une bonne voiture et qui sont bien souvent des professionnels de la route !
Alors, je le sais bien, on ne va pas faire de distinction pour quelques-uns ; on va appliquer sans mesure une logique que je trouve collectiviste !
Eh bien, monsieur le ministre, cette logique n'est pas la mienne, car elle va à l'encontre même de la sécurité routière.
« Tous à la même vitesse, et il n'y aura plus d'accident. » Il suffirait d'y croire pour le faire, d'autant plus que cela est techniquement tout à fait réalisable.
Mais ce serait justement, je crois, la garantie d'un accroissement de l'insécurité routière. Car le secret de la sécurité routière - et les spécialistes sont unanimes sur ce point -, c'est un état permanent de vigilance afin d'adapter sa conduite aux conditions de circulation.
Il s'agit donc bel et bien d'une logique de responsabilité individuelle.
La responsabilité classique de l'automobiliste, c'est le bonus à l'assurance. Et, dans cette logique, il est grand temps de développer une notion de responsabilité par rapport à l'accident.
Il faut, en effet, en finir avec cet exemple caricatural, mais bien réel, de l'automobiliste qui, après cinquante ans de conduite sans accident, s'est vu décerner les palmes de la sécurité routière pour être, quelques mois après, traduit comme un délinquant devant un tribunal pour un banal excès de vitesse.
Aussi, monsieur le ministre, pourquoi ne pas réfléchir à la constitution d'un fichier national des automobilistes ayant causé un accident - dont la gravité serait à apprécier - et sur lesquels serait concentré un effort particulier de sensibilisation et de formation ?
C'est au prix de la responsabilisation de tous, je ne trouve pas d'autres mots, que le défi de la sécurité routière sera relevé. Je suis convaincu qu'une répression toujours plus draconienne et toujours plus aveugle ne résoudra rien.
Il est tout aussi évident qu'un effort particulier doit être fait concernant les infrastructures, leur mise en sécurité - je pense en particulier à l'extension du réseau autoroutier - et l'adaptation de la signalisation, notamment l'implantation des panneaux indicateurs de vitesse qui rend trop fréquemment la répression aisée, mais difficilement compréhensible, et qui transforme trop souvent la route en véritable piège. En tout cas, c'est ainsi que le ressent l'automobiliste.
Il est enfin un autre aspect essentiel de votre projet de loi, monsieur le ministre, qui constitue une véritable lacune.
Il s'agit de la disposition contenue à l'article 7 par laquelle est institué un dépistage des produits stupéfiants, mais uniquement en cas d'accident mortel.
Or, selon certaines statistiques, 10 % des conducteurs impliqués chaque année dans les accidents de la circulation sont sous l'emprise de produits psychotropes.
Dès lors, sauf à être une occasion manquée, votre texte doit clairement afficher la volonté d'engager efficacement la lutte contre la conduite sous l'emprise de stupéfiants, en rendant le dépistage systématique quelle que soit la nature de l'accident. N'attendons pas que l'accident soit mortel. Sinon, mes chers collègues, avec ce texte, mieux vaudra dans l'avenir être drogué au volant que récidiviste de la grande vitesse.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, si nous partageons l'objectif de votre texte, il est indispensable d'en améliorer les dispositions sur la base des propositions de la commission, mais aussi au-delà afin de dépasser les seuls effets d'annonce et d'ouvrir enfin une grande réflexion sur la sécurité routière en partenariat avec tous les professionnels et spécialistes concernés, démarche qui, je le crois, aurait dû présider à l'élaboration de ce texte. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. D'emblée, je tiens à souligner l'opportunité de votre projet de loi, monsieur le ministre. Il arrive « à point », si j'ose dire.
En effet, vous nous le présentez au moment où le Parlement européen vient d'adopter - c'était le 10 mars dernier - le rapport de M. Cornelissen sur la promotion de la sécurité routière et au lendemain du sondage IFOP de février qui révèle que la lutte contre l'insécurité routière répond aux préoccupations quotidiennes des Français et que les mesures que vous envisagez de prendre correspondent à leur attente.
Monsieur le ministre, vous avez donc eu raison de nous soumettre ce texte. La sécurité routière nous interpelle tous. C'est un bien collectif qui nous concerne tous dans la vie de tous les jours.
Chaque année, en Europe, 50 000 personnes sont tuées et 150 000 autres sont handicapées à vie à la suite d'un accident de la route.
Avec 8 000 morts par an sur les routes, 100 personnes grièvement blessées dans un accident de la circulation par jour, la France se situe au bas de la liste des pays européens en matière de sécurité routière. Il faut le dire à l'opinion publique, et mes collègues ne manqueront pas d'y revenir.
Le bilan est particulièrement lourd pour les jeunes de quinze à vingt-quatre ans avec 2 061 tués en 1997, soit une augmentation de 1,7 %. La route reste la première cause de mortalité des jeunes. Les utilisateurs de deux-roues paient un lourd tribut. L'an dernier, 329 cyclistes ont été tués, soit une hausse de 9,7 %, et 831 motards ont trouvé la mort, soit une augmentation de 12,1 %. Face à un bilan aussi lourd en vies humaines, il était temps, avouons-le, que la France s'aligne sur ses partenaires européens. Le Parlement européen souhaite, à juste titre, que tous les Etats membres prennent des dispositions radicales afin de réduire le nombre d'accidents, adoptent leurs propres programmes de sécurité routière, et que l'Union européenne établisse un objectif chiffré en termes de réduction du nombre annuel de décès.
Monsieur le ministre, votre projet de loi non seulement constitue une nécessité, mais s'insère parfaitement dans les perspectives du programme d'action 1997-2001 pour la sécurité routière adopté par la Commission européenne depuis avril 1997 et réaffirmé le mois dernier. Il est impératif de prendre d'urgence des mesures visant à réduire de manière drastique le nombre annuel des accidents de la route. Tout ce qui peut améliorer la sécurité routière et favoriser une mobilisation accrue de tous les efforts ne peut que recevoir l'assentiment du législateur.
L'objectif que vous vous fixez de réduire de moitié le nombre de tués sur les routes d'ici à cinq ans est d'autant plus ambitieux et louable qu'il constitue la ligne directrice d'un plan d'action global de lutte contre l'insécurité routière.
Il va effectivement de soi que ce projet de loi ne peut qu'être une infime composante de la politique générale menée par le Gouvernement en matière de transports, d'aménagement du territoire, d'éducation et de santé. Dans le cadre de cette approche intégrée, il ne doit représenter qu'une simple étape, qu'un premier pas dans le processus d'amélioration de la sécurité routière.
Toute politique de sécurité routière digne de ce nom passe non seulement par l'éducation, la formation, l'information, la sensibilisation, mais aussi par un contrôle efficace et des sanctions. Telle est la philosophie dont s'inspire le présent projet de loi.
Néanmoins, la politique du Gouvernement en ce domaine ne saurait se résumer à son seul contenu. Nous devons le replacer dans la cohérence d'une stratégie d'ensemble qui vise à développer et à rééquilibrer les modes de transport, à les moderniser et à veiller à la sécurité des infrastructures, en y impliquant tous les partenaires et acteurs de le « société civile ». C'est bien dans les perspectives du comité interministériel de sécurité routière du 26 novembre 1997 que s'inscrit le projet de loi que nous examinons.
De toute évidence, la lutte contre l'insécurité routière fait appel à des responsabilités partagées. Les collectivités locales - communes, groupements de communes ou conseils généraux - assurent la gestion de la voirie et s'associent à l'Etat pour mener des actions d'éducation, de formation et de communication dans le cadre des plans départementaux d'actions de sécurité routière.
Mais cette tâche n'incombe pas aux seules autorités. Rendre la route plus sûre, réduire le risque d'accident, former à la conduite et responsabiliser les conducteurs relèvent de la société tout entière.
L'acquisition du permis de conduire s'effectue généralement, à notre époque, vers l'âge de dix-huit ans, et ce permis de conduire reste valable toute une vie. Cependant, ce n'est pas un acquis. Le retrait de points en cas d'infraction contribue à fragiliser le permis. C'est pourquoi il importe de prévoir un volet préventif et pédagogique si l'on souhaite modifier les attitudes et les comportements dangereux des usagers des routes.
Prévention des accidents et répression des comportements générateurs d'insécurité sur la route ne peuvent pas être envisagées séparément. Il faut, certes, sanctionner les infractions au code de la route, mais il faut surtout favoriser l'éducation à la sécurité routière dès la plus tendre enfance, assurer une formation continue de la conduite par des campagnes de communication et d'information bien ciblées, et responsabiliser les conducteurs.
Les usagers de la route doivent savoir qu'ils risquent de se faire prendre s'ils commettent une infraction. Ils doivent être conscients des dangers que comporte la conduite d'un véhicule. Rappelons que les premières cause d'accidents mortels dont sont victimes en priorité les jeunes de quinze à vingt-quatre ans sont liées à l'inaptitude à la conduite, au goût du risque et au manque d'anticipation et d'appréciation des dangers auxquels ils s'exposent.
D'où la nécessité de la formation et des contrôles pour influencer le comportement au volant.
D'où l'intérêt de la législation que vous nous proposez, monsieur le ministre. D'une part, son objet correspond à une exigence globale de l'opinion ; d'autre part, il est considéré par les professionnels du secteur auto-école comme un instrument déterminant pour une meilleure formation des conducteurs.
Ce texte fixe, en effet, un début de cadre à l'exercice d'une profession qui, curieusement, n'est régi par aucun statut juridique alors qu'elle compte environ 14 000 établissements d'enseignement de la conduite qui dispensent à titre onéreux une formation à plus d'un million de candidats au permis de conduire chaque année. Ici encore, les dispositions envisagées constituent une amorce de réponse aux aspirations des acteurs du secteur auto-école.
Je reviendrai ultérieurement sur ce point car certains partenaires semblent d'office exclus.
Dans ce contexte consensuel, comment ne pas approuver votre démarche ?
Un projet de loi, dont l'objectif consiste à protéger par une réglementation plus contraignante, à réduire l'exposition au risque et à améliorer les compétences ne peut qu'obtenir notre assentiment. Toutefois, ses cinq dispositions principales - stage de sensibilisation, principe du propriétaire-payeur, assainissement et moralisation de la profession, création d'un délit de récidive, dépistage de l'usage de drogues illicites - suscitent quelques interrogations.
Mes remarques et les questions qui les accompagnent s'articulent autour de trois grands axes.
Concernant la responsabilisation des usagers de la route, monsieur le ministre, vous vous préoccupez en priorité des jeunes. Votre volonté d'éradiquer le sur-risque des conducteurs novices et d'éviter la récidive ne peut que nous réjouir.
En effet, les conducteurs novices sont considérés comme plus « accidentogènes » que les autres eu égard à leur inexpérience. Chacun sait que les 10 000 à 20 000 premiers kilomètres constituent pour les débutants une phase critique. Aussi est-il impératif d'aider le jeune conducteur pendant la période critique de la pratique initiale de la conduite.
De la même façon, n'est-il pas incohérent de les laisser conduire n'importe quelle cylindrée ? Ne serait-il pas souhaitable de mieux adapter les véhicules à leurs utilisateurs et surtout de se prémunir contre le sur-risque - risque multiplié par 3,5 - des jeunes conduisant les véhicules dits « à caractère sportif » ? Je déposerai un amendement en ce sens.
Au regard de ces paramètres, l'article 1er du présent projet de loi instaure un stage obligatoire pour les conducteurs novices commettant une infraction grave dans les deux premières années de conduite, infraction sanctionnée par un retrait d'au moins quatre points du permis. Ce stage de deux jours, à la charge de l'intéressé, est identique à celui qui a été institué par la loi de 1989 sur le permis à points pour récupérer ces derniers.
Cette formation complémentaire est, sans doute, de nature à susciter un infléchissement de comportement, mais cette sanction aux frais de l'auteur de l'infraction ne risque-t-elle pas de pénaliser davantage les jeunes d'origine sociale modeste ? De surcroît, si, comme le propose la commission des lois, on renforce le dispositif en prenant en compte le retrait cumulé de quatre points, on uniformise les infractions. L'accumulation de petites infractions entraînera donc la même sanction qu'une infraction dont la gravité n'est pas comparable. Cet assimilation me paraît excessive.
Autre sujet de controverse, s'agissant toujours de la responsabilisation des individus : l'extension du principe du « propriétaire-payeur » prévu à l'article 4. Déjà en vigueur pour les infractions de stationnement depuis la loi du 3 janvier 1972, il concernerait les franchissements de stops, de feux rouges, et les excès de vitesse constatés par les appareils automatiques.
Même si le véhicule n'est pas intercepté, même si le titulaire de la carte grise n'était pas au volant, il devra payer l'amende. N'est-ce pas contraire au principe de l'individualité des peines inscrit dans notre droit pénal ? Nul n'est responsable que de son propre fait. Certes, il ne s'agit que d'une responsabilité pécuniaire qui risque de dissuader beaucoup de conducteurs de prêter leur véhicule. Mais peut-on instituer une présomption de responsabilité du propriétaire du véhicule ?
J'en viens aux dispositions de la section 2 du projet de loi relative à l'enseignement de la conduite. Elle visent à assainir et à moraliser une profession qui, sur le plan réglementaire, est principalement régie par les articles R. 244 et R. 247 du code de la route, précisés par un arrêté et une circulaire ministériels du 5 mars 1991.
Ce texte tend à instaurer des règles d'organisation d'un secteur, à vrai dire complètement désorganisé. Il lui confère donc un cadre juridique, renforce les conditions d'accès et d'exercice de la profession et accroît les contrôles.
Il est tout à fait indispensable de prendre des mesures de nature législative pour réguler cette profession. De trop nombreuses pratiques répréhensibles en matière de gestion d'entreprise et du personnel, l'existence d'affaires d'escroquerie ou de corruption l'exigeaient pour garantir la qualité des prestations.
Par ailleurs, la protection des intérêts des candidats à l'examen du permis est assurée par la signature entre les auto-écoles et leurs clients d'un contrat écrit dont les clauses devront respecter les règles fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, en effet, nécessaire de clarifier les rapports entre les établissements et les candidats. Nous ne pouvons qu'être favorables à l'introduction de cette importante garantie qui évitera notamment d'éventuelles mauvaises surprises financières au candidat à la fin de son stage.
Nous ne pouvons qu'approuver les dispositions permettant de s'assurer d'un niveau maximum de bonne moralité, de compétences techniques et pédagogiques des acteurs de la sécurité routière.
S'il s'avère indispensable de fixer un cadre à l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite, il semble également important de définir, par voie réglementaire, une durée minimale de la pratique de la conduite. Nous avons affaire à une formation particulièrement courte par rapport aux autres systèmes de formation en général.
Hormis les conditions de diplômes, il conviendrait d'exiger une expérience de la conduite ne pouvant être inférieure à trois ans pour devenir moniteur. Or ce texte n'aborde pas la formation des moniteurs et n'apporte aucune précision sur les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière dont le recyclage et la formation pourraient être envisagés.
Par ailleurs, ce projet de loi ne prend pas en considération les auto-écoles associatives. Une centaine d'associations oeuvrent en matière de sécurité routière, à titre principal ou accessoire. Nombreuses sont celles qui utilisent l'apprentissage de la conduite comme élément d'insertion sociale ou professionnelle. Elles dispensent un enseignement de la conduite mieux adapté aux particularités de leurs candidats. Il s'agit en général de jeunes en situation d'échec, pour qui l'obtention du permis de conduire est une possibilité de reconnaissance sociale. C'est parfois le premier diplôme obtenu, le premier élément de remobilisation vers un processus de formation.
Nées d'un constat de carence dans la capacité des circuits commerciaux à prendre en charge des publics spécifiques, les auto-écoles associatives participent à la lutte contre l'insécurité routière chez les jeunes de seize à vingt-cinq ans et développent des actions de préparation au permis, comme vecteur privilégié d'insertion professionnelle. Qu'envisagez-vous, monsieur le ministre, à leur sujet ?
Eu égard à l'utilité sociale de ce secteur, confirmée au fil des années, je déposerai un amendement allant dans le sens de la connaissance des compétences de ces auto-écoles en matière de lutte contre l'insécurité routière.
Rappelons que naguère un certain nombre de jeunes étaient formés à la conduite automobile lors de leur service militaire. Ceux qui auraient pu être dans ce cas se trouveront donc pénalisés dorénavant. Aussi je pense que les autos-écoles associatives auraient tout lieu d'augmenter le nombre de leurs prestations.
J'insisterai enfin sur deux dispositions importantes du projet de loi touchant à la répression et au renforcement des contrôles.
Je commencerai par le délit de récidive.
L'article 5 du présent texte crée un délit en cas de récidive d'un grand excès de vitesse - dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure. Ce délit sera passible d'une amende de 50 000 francs et d'une peine de six mois de prison.
Cette disposition se justifie car l'excès de vitesse est un facteur très aggravant du risque de provoquer des accidents de la route : 80 % des usagers de la route estiment qu'une lutte plus rigoureuse contre les grands excès de vitesse permettrait de réduire le nombre et la gravité des accidents de façon importante.
En ce sens, le renforcement de la répression sera accueilli favorablement par l'opinion, qui juge très sévèremen les comportements irresponsables des chauffards.
Je regrette, en revanche, que la répression pénale soit la seule solution. N'y aurait-il pas d'autres solutions pour dissuader les récidivistes ?
Par ailleurs, les grands excès de vitesse sont désormais sanctionnés par une contravention de cinquième classe, quel que soit le réseau considéré - 10 000 francs d'amende, retrait de quatre points du permis de conduire, suspension du permis de trois mois. Ne faudrait-il pas commencer par réviser la réglementation de la vitesse ? La limitation de la vitesse à 30 kilmomètres à l'heure dans certaines zones n'est-elle pas inadaptée à la réalité de la conduite ?
Puisque j'aborde les limites de la réglementation existante, j'en soulignerai également les lacunes.
Nous sommes actuellement confrontés à une situation quasi anarchique dans les villes quant à la circulation des deux-roues, des multi-roues. Non seulement les motocyclettes, les vélos ne sont pas immatriculés, mais l'utilisation des patins à roulettes et des rollers aussi bien sur les trottoirs que sur la voie publique constitue un danger réel. Le développement de ces pratiques comporte d'autant plus de risques de chocs dangereux que leurs utilisateurs ne respectent aucune norme de circulation. Au vu des incidents et accidents qu'ils provoquent, une réglementation adaptée s'impose. Envisagez-vous, monsieur le ministre, d'en adopter une ? De même, dans les milieux urbains denses, ne peut-on pas concevoir un couloir spécifique, matérialisé sur les bandes d'arrêt d'urgence pour les motos ? J'en terminerai par le dépistage de l'absorption de stupéfiants.
L'article 7 du projet de loi instaure un dépistage systématique de drogues illicites en cas d'accidents mortels. Ce dépistage ne donnera pas lieu à une sanction spécifique, mais les résultats seront communiqués au juge, qui pourra en tenir compte.
Le dépistage systématique, les analyses et examens médicaux, chimiques et biologiques qui en résulteront permettront de mieux connaître les effets des stupéfiants sur la conduite. C'est dans cet état d'esprit que vous proposez cette mesure.
Or la commission des lois, s'inspirant de la proposition de loi de M. Edouard Le Jeune, veut rendre immédiate la portée de cette disposition en l'assortissant d'une sanction. Encore faudrait-il préalablement définir les substances susceptibles d'influencer le comportement sur la route, dont l'éventail s'étend des médicaments dangereux aux drogues illégales classiques. Encore faudrait-il, à partir de cette définition, informer les prescripteurs-pharmaciens et médecins ainsi que les patients quant aux effets néfastes de la consommation de certains produits sur le comportement en situation de conduite. Ce serait d'autant plus nécessaire que la France est l'un des plus grands consommateurs européens de tranquillisants, produits qui affecte la conduite. Il est préférable de s'en tenir au texte gouvernemental, qui a pour objet d'améliorer les connaissances, pour que, le moment venu, des mesures adaptées d'interdiction et de répression spécifiques soient prises.
En conclusion, monsieur le ministre, malgré les réserves que j'ai énoncées et les interrogations, auxquelles vous ne manquerez pas de répondre, je tiens à vous dire que le groupe socialiste et apparentés vous apporte son soutien. Ce texte, qui répond incontestablement à une attente, est globalement satisfaisant, d'autant qu'il ne constitue, répétons-le, qu'une infime étape dans le processus de lutte contre l'insécurité routière que vous avez engagé. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un peu moins de 8 000 morts sur les routes en 1997, ce qui représente tout de même vingt-deux morts par jour, la France continue d'occuper les plus mauvais rangs européens : douzième sur quinze par rapport au nombre d'habitants et, pis encore, quatorzième sur quinze par rapport au nombre de kilomètres parcourus.
Sans doute peut-on éprouver une certaine satisfaction à constater l'évolution positive enregistrée ces dernières années, qui ont vu la France passer de manière durable sous la barre des dix mille morts par an, et cela malgré l'augmentation du parc automobile.
Pour autant, nul ne peut se satisfaire de la situation actuelle : le nombre annuel de morts sur la route reste, dans notre pays, près de deux fois supérieur à la moyenne européenne ; et, à ces morts, s'ajoute un nombre important de personnes handicapées à vie, parfois très lourdement.
Il convient d'observer en outre que les accidents de la route touchent particulièrement les jeunes hommes, à la fois souvent auteurs et victimes des accidents. Outre le caractère tragique d'un tel fait, il en résulte une surmortalité masculine qui accentue de manière sensible le déséquilibre démographique entre hommes et femmes.
Chacun est bien conscient que ces mots et ces chiffres dissimulent des vies brisées à jamais : celles des victimes, disparues ou handicapées à vie, celles des proches, des parents, qui doivent vivre avec ce deuil terrible, insupportable, ou qui trouvent handicapés lourdement sur le plan physique ou psychique un être cher qui respirait jusqu'alors la joie de vivre. Laissez-moi avoir un instant une pensée pour ces veuves, pour ces mères qui portent à jamais le deuil de celui qu'elles aimaient et qui a disparu.
Je suis depuis longtemps attentive à cette question. J'avais déposé en 1995 une proposition de loi tendant à créer un délit de grand excès de vitesse. Il me semblait alors et il me semble toujours qu'il est nécessaire d'agir sur les comportements par une répression accrue et par la création, à la forte portée symbolique, d'un délit là où il y a simplement infraction.
C'est dire à quel point, monsieur le ministre, j'ai suivi avec intérêt l'annonce de votre projet de loi, qui va dans le sens des préoccupations d'un grand nombre de nos concitoyens, car l'opinion publique est heureusement en train de changer sur cette question.
J'aurais, certes, souhaité que ce projet de loi aille plus loin, mais j'en approuve les grandes lignes.
Oui au stage de sensibilisation des jeunes conducteurs ayant commis une infraction grave. Encore que l'on puisse se demander s'il ne conviendrait pas qu'il soit également rendu obligatoire pour des conducteurs non novices mais qui peuvent être aussi dangereux.
Oui à l'inscription dans le texte de la loi des conditions requises pour être exploitant d'une auto-école ou enseignant dans une auto-école. Il est nécessaire d'exercer un contrôle accru sur ces entreprises très particulières, chargées d'une formation dont nous connaissons tous l'importance. Je suis d'ailleurs favorable à l'amendement de la commission des lois tendant à introduire une condition d'aptitude professionnelle pour les candidats à l'exploitation d'un établissement d'enseignement de la conduite.
L'attention des médias a été, à juste titre, focalisée sur la création du délit de récidive de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure.
Pour être brève, je dirai sur ce point que j'aurais préféré la création d'un délit dès le premier grand dépassement de vitesse, alors que vous proposez simplement à cet égard, monsieur le ministre, l'institution par décret d'une infraction de cinquième catégorie. Je ne sous-estime pas la portée de cette mesure mais il me semble que, si l'on veut avoir un véritable impact sur l'opinion publique et donc sur les conduites - car c'est de cela qu'il s'agit - il faut créer un délit dès la première infraction.
Qu'on me permette de relever au passage que ces excès de vitesse, ces conduites dangereuses sont essentiellement le fait d'hommes. (Murmures sur certaines travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Hilaire Flandre. De machos !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Mais c'est vrai !
Mme Joëlle Dusseau. J'en suis désolée, mais il est exact qu'il y a, dans notre pays, une manière de conduire que l'on peut qualifier de « machiste » et que les grands excès de vitesse sont, à 95 %, le fait d'hommes ! Chacun le sait, une grande partie des accidents mortels sont le fait d'hommes. Il y a là un fait social qu'il faut déplorer mais qu'on ne peut nier. Je suis sûre qu'il peut être combattu par la promotion de ce que M. le ministre appelle très justement une « conduite apaisée ».
En tout cas, j'ai toujours considéré que, moins dans une perspective strictement répressive que dans le souci de frapper l'opinion publique et de modifier les conduites au volant, il fallait créer ce délit dès la première infraction. Nul ne s'étonnera que j'aie déposé un amendement allant dans ce sens.
En matière de récidive, monsieur le ministre, vous proposez un délai d'un an. Il me paraît trop court. Un délai de trois ans, qui est par ailleurs le délai nécessaire pour récupérer les points de permis de conduire, me paraît plus raisonnable si l'on veut que la loi ait un minimum d'efficacité.
Enfin, en ce qui concerne l'article 7, relatif en dépistage de substances ou plantes classées comme stupéfiants en cas d'accident mortel, j'aurais souhaité que soit également abordée la question des médicaments : calmants, euphorisants, etc.
Notre pays détient en effet le triste record non seulement de consommation d'alcool et mais aussi d'usage de psychotropes ; or cet usage a des conséquences importantes en termes de perte de vigilance. J'ai lu le livre blanc sur l'influence des drogues et des médicaments sur la sécurité routière et je suis consciente des difficultés que soulève l'application de toute mesure prise à cet égard, qu'il s'agisse des seuils ou de la mise en oeuvre des analyses. Il n'empêche qu'il y a là une lacune qu'il faudra bien combler un jour.
En tout état de cause, je propose l'apposition d'un pictogramme spécial sur l'emballage des médicaments. Vous venez d'indiquer, monsieur le ministre, que votre propre cheminement allait dans ce sens, et je m'en félicite.
Je propose aussi que médecins et pharmaciens informent effectivement la personne à qui est prescrit le médicament de ses éventuelles conséquences sur la vigilance.
Monsieur le ministre, vous l'avez certainement compris, au-delà de ces quelques remarques, je considère que votre projet de loi représente une avancée nécessaire. Votre préoccupation est partagée par les radicaux de gauche, au nom desquels je m'exprime ici : ils soutiennent pleinement votre démarche et voteront votre texte. (Mme Maryse Bergé-Lavigne applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité routière est l'affaire de tous. En légiférant dans un domaine qui concerne le quotidien de chacun d'entre nous et qui est un fait de société, nous devons impérativement mettre de côté toute considération catégorielle pour avoir uniquement le souci de l'intérêt général.
L'annonce des dispositions contenues dans le projet loi qu'il nous revient d'examiner aujourd'hui a donné lieu à un débat public ; ce débat fut utile, même si l'on peut penser qu'il fut parfois excessif.
Nous devons prendre garde à ne pas isoler ce texte des autres dispositions annoncées par le Gouvernement en matière de sécurité routière, à l'issue du comité interministériel du 26 novembre 1997. Il faut le juger dans son ensemble, en cohérence avec une politique globale dont l'objectif est clair et ambitieux : réduire de moitié, dans les cinq ans à venir, le nombre de tués sur les routes de notre pays.
C'est dans cet esprit que le groupe communiste républicain et citoyen entend contribuer au débat.
D'aucuns fustigent le caractère répressif de votre action, monsieur le ministre. Certes, plusieurs des mesures contenues dans votre projet de loi ont effectivement un tel caractère, mais on ne peut ignorer l'importance d'autres dispositions qui ont pour objet la formation, l'éducation et la prévention.
Ainsi, nous soutenons fermement les mesures visant les jeunes automobilistes, principales victimes de la route.
N'oublions pas non plus l'augmentation sensible du budget de la sécurité routière ainsi que celle des crédits destinés à l'entretien du patrimoine routier, même s'il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Il ne s'agit pas, pour autant, d'opposer une violence d'Etat à la violence routière, mais nous devons user de tous les moyens propres à limiter les risques d'accident de la route, tout en garantissant la liberté de circuler.
Il me semble qu'il nous faut avant tout responsabiliser les conducteurs. Conduire un véhicule, quelle que soit sa catégorie, n'est pas simplement un acte individuel, isolé ; c'est un acte social fort, qui peut mettre en danger la vie d'autrui.
On a trop longtemps considéré l'automobile comme étant exclusivement un moyen d'évasion, de vitesse et d'épanouissement familial. Force est de constater qu'elle peut être aussi un instrument de mort.
Dès lors, il est du devoir de tout gouvernement responsable d'intervenir et de mettre en oeuvre les moyens dont il dispose pour assurer la sécurité de tous les usagers de la route.
Les facteurs intervenant dans les accidents mortels sont connus : ce sont essentiellement la vitesse et l'alcool ; c'est donc sur ces deux points qu'il faut agir.
Cependant, notre réflexion devrait davantage porter sur l'origine de ces fléaux. L'insécurité routière, au même titre que l'insécurité en général, est en étroite corrélation avec les contraintes économiques et sociales qui oppriment chaque individu. N'est-on pas en droit de penser que des conducteurs ont l'illusion de trouver dans leur véhicule un espace de liberté et d'indépendance qui leur fait défaut dans la société ?
Toute mesure de sécurité routière, si elle veut réussir à long terme, est indissociable d'une politique de tranformation des mécanismes pervers de nos sociétés. C'est le message que nous avions tous retenus lors du dernier conflit des chauffeurs routiers.
Certes, aucun comportement criminel n'est excusable, mais il serait réducteur de le considérer comme un fait de nature. Je suis loin d'être convaincu que les Français sont intrinsèquement plus indisciplinés que d'autres.
Du reste, les résultats obtenus depuis vingt ans prouvent que des progrès sont possibles et qu'il n'y a pas, en la matière, de fatalité.
J'en viens plus précisément au projet de loi. Les cinq dispositions proposées ont le mérite d'être équilibrées, pédagogiques et dissuasives.
La formation offerte aux jeunes conducteurs auteurs d'une infraction grave doit leur permettre, dans leur propre intérêt, d'éviter la récidive.
Généraliser cette mesure, comme le suggère la commission des lois, en l'élargissant aux infractions moins graves, pourrait conduire à la banaliser et à en atténuer la vertu dissuasive.
De la même façon, le dispositif visant à assainir et à mieux réglementer la profession d'enseignant de la conduite et de la sécurité routière permettra d'améliorer la formation des candidats au permis de conduire et de sécuriser le consommateur. Le contrat écrit liant le candidat et l'auto-école, qui fixe les modalités et les conditions de cet enseignement, constitue une garantie contre les excès en ce domaine. Certaines pratiques actuellement observées ne sont pas acceptables, et la profession elle-même en souffre.
L'égalité des citoyens devant l'enseignement de la sécurité routière est loin d'être assurée. La nouvelle écriture du titre VII du code de la route permet de mieux contrôler l'accès à cette profession et de mieux sanctionner les abus.
Cepedant, le durcissement des conditions d'entrée dans la profession au fil des années, tel que le permettrait la nouvelle rédaction de l'article L. 29-7 proposée par la commission, serait de nature à introduire un numerus clausus dans ce secteur et à interdire, de fait, l'installation des jeunes. Aussi, nous invitons le Gouvernement à être vigilant sur ce point. L'équilibre trouvé dans le texte aujourd'hui pourrait s'en trouver menacé à l'avenir puisqu'un simple décret suffirait à rétablir un système d'autocontrôle avec les conséquences que l'on peut imaginer.
La troisième mesure concerne la responsabilité pécuniaire du propriétaire de véhicule. Les inconvénients du principe « propriétaire-payeur » sont, selon nous, réduits au regard des avantages attendus : améliorer l'efficacité et la sécurité des contrôles et assurer l'égalité des conducteurs devant la sanction. Nous le savons tous, une règle est mieux respectée lorsque la sanction s'applique à tous de la même façon.
S'agissant, ensuite, du délit de récidive de « grand excès de vitesse », notre position est claire : tout conducteur ayant dépassé la vitesse maximale autorisée de plus de 50 kilomètres à l'heure doit être mis devant ses propres responsabilités envers la société.
Non seulement cette disposition permettra de maîtriser l'infime minorité de personnes qui menacent la sécurité des usagers, mais, de surcroît, grâce à l'impact psychologique qu'elle a déjà créé dans l'opinion, elle conduira à une prise de conscience générale sur le niveau trop élevé des vitesses moyennes pratiquées sur tous les réseaux, sans exception. Cela est dissuasif pour les conducteurs qui seront concernés et pédagogique pour tous les autres.
Ainsi, ce processus en deux étapes - contravention de cinquième classe, puis peine délictuelle en cas de récidive - nous dote d'un dispositif incitatif, pédagogique et répressif seulement à la marge.
Enfin, la volonté du Gouvernement de s'attaquer au tabou de l'effet de la drogue sur la conduite doit être saluée. La rédaction proposée devra cependant être améliorée afin de ne pas porter atteinte aux libertés individuelles.
A ce titre, notre groupe émet un avis défavorable sur l'amendement n° 18 proposé par M. le rapporteur, au nom de la commission des lois. Cet amendement tend à introduire une règle uniforme et exclusivement sécuritaire, alors que les connaissances scientifiques sur l'influence des drogues illicites sont, pour le moins, imprécises ; tout le monde le reconnaît.
Nous pensons, quant à nous, que cette question mérite un autre débat, qui relève avant toute chose de la santé publique. L'aborder ainsi sous l'angle sécuritaire et répressif contribue, d'une part, à détourner le sujet de la sécurité routière de ses véritables enjeux et, d'autre part, à caricaturer le débat nécessaire autour de la législation de la drogue.
Je terminerai mon propos en faisant quelques observations à M. le ministre.
Le groupe communiste républicain et citoyen souhaite vivement que l'infléchissement budgétaire opéré lors de la loi de finances pour 1998 soit confirmé et amplifié pour 1999. Je pense ici à des efforts supplémentaires en faveur de l'entretien des routes et de la qualité de nos infrastructures. Nous saluons, à cet égard, la relance du programme de suppression et d'aménagement des passages à niveau.
Par ailleurs, afin de limiter les facteurs de risques liés à la circulation de grands transports routiers, nous devons aider davantage au développement des transports collectifs, qu'ils soient urbains ou interurbains, et promouvoir l'utilisation des chemins de fer et des voies navigables dans le transport des marchandises.
Enfin, nous vous proposons, monsieur le ministre, que soit conduite une réflexion sur deux pistes jusqu'ici délaissées, semble-t-il.
La première d'entre elles concerne le bridage des moteurs. Nous ne méconnaissons pas l'existence d'un débat sur cette question. Il me paraît possible, aujourd'hui, de dépasser l'hostilité des constructeurs automobiles. Nous aimerions connaître, monsieur le ministre, l'état de votre réflexion sur ce point.
La seconde piste a trait aux prix parfois trop élevés des accessoires de sécurité.
Par exemple, baisser le taux de TVA sur certains produits essentiels pour la protection des victimes - je pense en particulier au casque pour les motards - ...
Mme Hélène Luc. Ce serait une bonne chose !
M. Pierre Lefebvre ... contribuerait, sans pour autant creuser les déficits publics outre mesure, à sauver des vies humaines, notamment parmi les motocyclistes.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera ce texte dans l'espoir que l'équilibre trouvé par son rédacteur ne soit pas mis à mal par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons écouté avec attention l'excellent rapport présenté par Lucien Lanier, au nom de la commission des lois. M. le rapporteur et les différents orateurs l'ont souligné avant moi : la sécurité routière est, bien entendu, l'affaire de tous, qu'il s'agisse de la vie privée ou de la vie publique.
Nous devons constater que, depuis vingt-cinq ans, une politique coordonnée, cohérente, permanente a été menée par tous les gouvernements successifs en matière de sécurité routière. Ce texte n'est donc, monsieur le ministre, qu'un maillon d'une longue chaîne sécuritaire que nous cherchons en permanence à renforcer, afin de diminuer le nombre des accidents.
Je dresserai trois constats.
Le premier constat est que nous vivons dans une société de plus en plus motorisée, et nous n'y pouvons rien. Le taux d'équipement des ménages s'accroît en permanence. On compte au moins 25 millions de véhicules - parfois deux à trois par famille - et 86 % des Français déclarent ne plus pouvoir se passer de leur véhicule.
Le trafic augmente sous l'effet de nombreux phénomènes, tels les déplacements entre le domicile et le lieu de travail - 63 % des Français utilisent leur véhicule pour se rendre à leur travail - et l'accroissement des déplacements de loisirs, qui sont de plus en plus fractionnés, donc de plus en plus fréquents. Et la loi sur les 35 heures ne fera qu'accroître ce phénomène !
En outre, les modes de production et de commercialisation de nos entreprises se transforment. Les entreprises travaillent de plus en plus à flux tendus, en limitant leurs stocks. La circulation des produits accroît d'autant letrafic.
N'oublions pas que la France - vous devez le savoir, monsieur le ministre ! - est la plaque tournante routière et autoroutière de l'Europe.
Le trafic entre le Benelux et la presqu'île ibérique, par exemple, s'est accru de 87 % en cinq ans. De 1989 à 1995, le nombre des véhicules qui transitent par la France a augmenté, en moyenne, de 60 % et l'ouverture de l'Europe ne fera qu'accroître ce phénomène !
De 1972 à 1980, pendant la crise pétrolière, le trafic a augmenté de 26 %. De 1980 à 1996, il s'est accru de 44 % et, actuellement, il progresse de 1 à 3 % par an. Bref, on constate une augmentation constante du trafic !
Le deuxième constat concerne l'amélioration de la sécurité sur nos routes.
En 1972, époque à laquelle j'étais conseiller auprès de l'un de vos prédécesseurs, M. Olivier Guichard, on comptait seize mille morts par an. On en dénombre aujourd'hui huit mille, soit deux fois moins. Mais c'est encore trop, chacun le reconnaît.
Cette amélioration de la sécurité routière n'est pas le fruit du hasard. Elle est due, je le répète, à la politique cohérente, coordonnée qui a été conduite en la matière sur le long terme.
Tout d'abord, des lois de plus en plus complexes et sévères ont été élaborées. N'oublions pas que nous avons instauré le port de la ceinture de sécurité obligatoire, la limitation de vitesse et le permis à points. Toutes ces mesures se sont ajoutées au fil des années.
Ensuite, la sécurité des véhicules s'est améliorée. Le progrès technique est considérable en matière de tenue de route, de freinage, de conception même des véhicules. Le contrôle technique est maintenant obligatoire.
Enfin, les infrastructures routières sont meilleures. Nous avons tous vu se multiplier dans nos campagnes les sens giratoires, qui sont des éléments de sécurité. Dans mon département - mais vous pouvez dresser le même constat dans les vôtres, mes chers collègues - un sens giratoire remplaçant une intersection, parfois frontale, a pu améliorer la sécurité jusqu'à un coefficient de seize.
Nous avons assisté également à des déviations d'agglomération. Il est vrai que c'est en agglomération que se produit une grande partie des accidents.
La décentralisation qui est intervenue dans le milieu des années soixante-dix - soixante-dix mille kilomètres de routes nationales ont alors été transférées aux départements - a permis aux départements de procéder à des investissements massifs.
J'ai entendu un orateur soutenir que nos routes départementales étaient peut-être trop bonnes. Je ne le crois pas, tant il est vrai que les infrastructures routières de qualité sont des éléments de sécurité.
Les régions interviennent également de façon importante dans les contrats de plan Etat-région, ainsi que dans les liaisons interdépartementales.
Enfin, la France a mis au point, de façon peut-être tardive mais avec beaucoup d'efficacité, un système autoroutier qui nous place encore au neuvième rang en Europe. C'est un système récent, géré de manière efficace par des concessionnaires. N'oublions pas que, lorsqu'il a été lancé, dans le milieu des années soixante-dix, ce sont jusqu'à 500 kilomètres d'autoroutes qui ont été mis en oeuvre. Cette année, on devrait compter 300 kilomètres d'autoroutes supplémentaires, mais je crains que l'avenir ne soit pas aussi rose.
Quoi qu'il en soit, cette politique autoroutière a été le fruit d'actions engagées sous la présidence de Georges Pompidou, développées sous celle de M. Giscard d'Estaing, puis accentuées sous le gouvernement de M. Jacques Chirac. Mais c'est surtout la réforme d'Edouard Balladur qui, dans les années 1993-1994, a accéléré le processus, avec le regroupement des sociétés d'autoroutes et la conduite d'une nouvelle politique de péage permettant une meilleure péréquation entre les sections rentables et les sections non rentables.
Bref, si l'on constate que le trafic a été multiplié par deux et que, dans le même temps, le nombre de morts a été divisé par deux, on peut en déduire logiquement que le coefficient de sécurité sur nos routes a été multiplié par quatre.
J'en arrive au troisième constat. Malgré tous ces progrès, les insuffisances sont flagrantes et ce projet de loi vient apporter sa pierre à l'édifice.
Certes le nombre de morts sur nos routes est toujours trop important et le comportement des automobilistes est souvent en cause. Mais des questions peuvent se poser. La loi est-elle toujours appliquée ? Est-il nécessaire d'élaborer de nouvelles lois si l'on n'applique pas de façon efficace celles qui sont en vigueur ? En zone urbaine, notamment, ne constate-t-on pas en permanence des feux rouges grillés, des stops non respectés, des stationnements irréguliers ?
Par ailleurs, comment appliquer la loi si des véhicules à moteur ne peuvent pas être repérés parce qu'ils ne sont pas immatriculés ? Ne conviendrait-il pas d'envisager une immatriculation systématique de tous les véhicules à moteur ?
L'autre problème concerne les jeunes. Tous les orateurs l'ont souligné : 25 % des morts sont des jeunes, alors que ceux-ci ne représentent que 14 % de la population. Les morts du samedi soir sont une tragédie permanente dans notre société.
Les deux-roues constituent également un danger certain. Un orateur précédent a cité les chiffres : plus de 800 motards et 300 cyclistes décédés par an. C'est beaucoup trop !
A cet égard, une question se pose, monsieur le ministre. Le permis de conduire « voiture » actuel n'est pas adapté à tous les types de véhicules. Or il permet au jeune qui l'a obtenu de conduire une motocyclette de 125 centimètres cubes de cylindrée. Est-ce raisonnable ?
En tout cas, le projet de loi apporte des réponses à au moins deux problèmes : il prévoit le dépistage des drogues, après celui de l'alcool - je crois que c'était nécessaire - et il vise à remédier aux insuffisances de la formation.
Peut-être pouvons-nous également, à l'instar d'un orateur précédent, nous interroger sur les problèmes de l'harmonisation des dispositifs de sécurité en Europe.
Comme l'a dit M. le rapporteur, ce projet de loi apporte des améliorations au dispositif actuel. Mais, monsieur le ministre, vous pensez bien que je ne vais pas m'en tenir à ce constat de satisfaction. Je crois, en effet, que votre politique est néanmoins critiquable. Ainsi, il aurait fallu, au moins sur un point, conduire une politique cohérente d'infrastructure routière et autoroutière. Or tel n'a pas été le cas.
Je voudrais insister sur le problème autoroutier car l'autoroute est la voie routière de l'avenir, c'est la voie à grand trafic, c'est la voie de grande sécurité et c'est également la voie de l'aménagement du territoire.
D'abord, une autoroute est cinq fois plus sûre qu'une route nationale. Sur nos autoroutes, il y a 429 morts sur les quelque 8 000 qui sont dénombrés sur l'ensemble du réseau. Cela signifie que ce réseau autoroutier, qui draine plus de 20 % du trafic, engendre à peine plus de 5 % des morts.
Ensuite, l'autoroute incite moins au dépassement de la vitesse. Comme l'a précisé M. le rapporteur - vous avez sûrement retenu les chiffres qu'il a cités, monsieur le ministre - un conducteur sur trois dépasse la vitesse autorisée sur autoroute, contre un sur deux sur les voies nationales ou en agglomération et trois sur cinq sur les routes départementales. Cela signifie que l'autoroute, par sa conception, génère un comportement plus sécuritaire.
Enfin, l'autoroute permet de canaliser le trafic poids lourds, qui est particulièrement dangereux sur nos routes nationales et dans la traversée de nos petites agglomérations.
L'autoroute est donc un facteur de sécurité. Or, vous avez, monsieur le ministre, une politique autoroutière critiquable sous l'angle de son développement économique, je vous l'ai déjà dit, mais, surtout, au regard de la sécurité routière.
Je souhaite vous donner lecture de la liste de toutes les sections d'autoroute qui ont été remises en cause ou gelées depuis que le Gouvernement auquel vous appartenez a pris ses fonctions. Cela représente près de 1 500 kilomètres.
Il s'agit, d'abord, d'autoroutes retirées des conventions avec les sociétés d'autoroutes : l'autoroute A 28 entre Alençon et Rouen, 120 kilomètres ; l'autoroute A 51 entre le col du Fau et la Saulce, 70 kilomètres ;...
M. Louis Moinard. Eh oui !
M. Jacques Oudin. ... l'autoroute A 749 contournant Valence par l'Est, 30 kilomètres ; l'autoroute A 86 entre Versailles et Rueil-Malmaison, 12 kilomètres ; l'autoroute A 89 entre Lyon et Balbigny, 60 kilomètres.
Il s'agit, ensuite, d'autres autoroutes menacées ou différées, par divers procédés, mais la menace existe.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La A 86 !
M. Jacques Oudin. Je citerai tout d'abord celles qui étaient inscrites au schéma directeur : l'autoroute A 103 entre Noisy-le-Grand et Rosny-sous-Bois, 20 kilomètres ;...
M. Jacques Mahéas. Heureusement ! C'est une décision intelligente !
M. Jacques Oudin. ... l'autoroute A 150 entre Barentin et Yvetot, 15 kilomètres ; l'autoroute A 16 entre l'Isle-Adam et La Courneuve, 25 kilomètres ;...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous n'en voulez pas !
M. Jacques Oudin. ... l'autoroute A 19 entre Artenay et Courtenay, 100 kilomètres ; l'autoroute A 24 entre Amiens et Lille, 100 kilomètres ; l'autoroute A 26 entre Auxerre et Troyes, 60 kilomètres ; l'autoroute A 31 bis entre Nancy et Metz, 50 kilomètres ;...
M. Jacques Mahéas. Ce sont les élus du RPR qui n'en veulent pas !
M. Jacques Oudin. ... l'autoroute A 400 entre Annemasse et Thonon, 40 kilomètres ; l'autoroute A 45 entre Lyon et Saint-Etienne, 50 kilomètres ; l'autoroute A 48 entre Ambérieu et Bourgoin, 50 kilomètres ;...
M. Jacques Mahéas. Il veut des autoroutes en milieu urbain !
Mme Joëlle Dusseau. C'est clair : les autoroutes dans les villes sont bonnes pour la sécurité ! M. Jacques Oudin. Ces citations vous gêneraient-elles ?
Mme Joëlle Dusseau. Nullement ! Vous êtes hors sujet !
M. Jacques Oudin. Compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure, madame Dusseau, un kilomètre d'autoroute en moins, c'est souvent un mort en plus ! Il faut le dire !
Mme Joëlle Dusseau. Dans ce cas, faites des autoroutes sur toutes les départementales !
M. Jacques Oudin. Comme il n'y a jamais eu de débat sur le secteur autoroutier dans cet hémicycle, je poursuis mon énumération : l'autoroute A 510 entre Cadarache et Saint-Maximin, 30 kilomètres ; l'autoroute A 58 - doublement de l'A 8 - 100 kilomètres ; l'autoroute A 585 entre Digne et l'A 51, 25 kilomètres ; l'autoroute A 63 - doublement de la RN 10, la route la plus meurtrière de France - 90 kilomètres ; l'autoroute A 640 entre Pau et Oloron, 30 kilomètres ; l'autoroute A 88 entre Falaise et Sées, 50 kilomètres.
Viennent ensuite les autoroutes envisagées, dont les études avaient commencé et pour lesquelles la concertation avait débuté : l'A 65 entre Bordeaux et Pau, 150 kilomètres ; l'autoroute A 831 entre Fontenay-le-Comte et Rochefort, 60 kilomètres.
Mme Joëlle Dusseau. Je ne savais pas que M. le ministre avait une telle responsabilité !
M. Jacques Oudin. ... l'autoroute entre Poitiers et Limoges, 100 kilomètres ; l'autoroute entre Langres et Montbéliard, 140 kilomètres ; enfin, l'autoroute entre Tarbes et Lourdes, 20 kilomètres.
Mme Joëlle Dusseau. C'est fini ? Vous avez dû en oublier, monsieur Oudin !
M. Jacques Oudin. Je le répète : cela représente quelque 1 500 kilomètres.
Aussi, les regrets que vous avez exprimés s'agissant du nombre de tués doivent être encore plus grands compte tenu de l'énumération à laquelle je viens de procéder, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas raisonnable !
Mme Joëlle Dusseau. C'est n'importe quoi !
M. Jacques Oudin. Ce bilan est catastrophique, monsieur le ministre. Il risque de s'alourdir si vous persistez dans vos décisions.
Mme Joëlle Dusseau. Cela ne relève pas le niveau du débat !
M. Jacques Oudin. En outre, aucun orateur ne l'a encore dit jusqu'à présent, vous avez réduit les crédits de la sécurité routière dans votre budget pour cette année. Vous n'êtes pas en mesure d'honorer les engagements de l'Etat au titre des contrats Etat-région ; ces engagements seront différés d'un an.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas possible !
M. Jacques Oudin. Comme je l'ai dit, tout ce qui ira à l'encontre du développement du secteur autoroutier aura un effet négatif sur la sécurité routière, donc sur le nombre de victimes de la route.
Mme Joëlle Dusseau. Quelle honte !
M. Jacques Oudin. Au regard de l'histoire, votre responsabilité sera lourde, monsieur le ministre. Vous serez, je crois, jugé à la fois responsable et coupable.
Mme Joëlle Dusseau. Oh là là ! Tout de même !
M. Jacques Oudin. Compte tenu des enjeux, ce projet de loi est certes utile, comme l'a dit M. le rapporteur, mais votre politique routière et autoroutière aura, au regard de la sécurité routière, des effets autrement négatifs. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de la loi du 30 mai 1851 sur la police du roulage et des messageries publiques jusqu'au code de la route actuellement en vigueur, la réglementation a certainement perdu en efficacité. On est passé de 35 articles à sept volumes. Notre code de la route compte aujourd'hui 42 articles de loi et plus de 300 articles issus de décrets en Conseil d'Etat. En outre, ces dispositions doivent, pour la plupart, être rapprochées de celles qui sont contenues dans le code pénal, le code de procédure pénale, le code civil et le code des assurances. Autrement dit, il est quasiment impossible de s'y retrouver dans ce maquis législatif et réglementaire de plus de 900 pages. Nous attendons, avec une impatience non dissimulée, la publication des travaux de la commission supérieure de codification, qui doit mettre un peu d'ordre dans des textes très complexes.
Par ailleurs, on constate, depuis quelques années, une répression croissante des infractions au code de la route. Ainsi, la loi du 20 juillet 1989 a institué le permis à point et la loi du 16 décembre 1992 a augmenté le taux des amendes. Dans le nouveau code pénal a été introduite une nouvelle catégorie de délit : la mise en danger de la personne d'autrui.
Aujourd'hui, vous souhaitez, monsieur le ministre, durcir le dispositif répressif en instaurant le délit de grande vitesse et une responsabilité pécuniaire étendue au titulaire de la carte grise pour toute infraction aux règles sur la vitesse ou à la signalisation qui impose l'arrêt du véhicule.
A la sévérité des lois et règlements s'ajoute la sévérité de la jurisprudence de la Cour de cassation. Je rappellerai que les tribunaux correctionnels se montrent parfois plus nuancés et manifestent souvent des résistances à l'égard des positions qui sont adoptées par la juridiction suprême.
Tout cela entretient dans l'opinion un sentiment de malaise. Le commentateur de l'édition Litec du code de la route écrit à cet égard que « la justice n'est pas toujours au rendez-vous, en particulier en matière d'amendes forfaitaires ou pénales, dont le montant est parfois disproportionné avec l'infraction commise ».
L'action conjuguée des services de l'Etat, des collectivités locales et des associations d'usagers a mis vingt ans pour améliorer les statistiques en matière d'accidents, pour que le nombre annuel de tués passe de 16 000 à 8 000. Monsieur le ministre, vous souhaitez diviser ce chiffre par deux. C'est un objectif louable. Cependant, un tel objectif ne se décrète pas. Surtout, il ne résultera pas de mesures de répression dont l'impact réel reste à prouver. La sécurité passe par la répression, certes, mais aussi par la prévention, l'éducation, la formation et l'amélioration des infrastructures ; je reviendrai sur ce point. Il est certain que 8 000 morts sur nos routes, ce seront toujours 8 000 morts de trop.
Faire une lecture comptable des statistiques de mortalité routière pour justifier de mesures uniquement répressives me semble véritablement incomplet. A ce point de mon intervention, je voudrais, à mon tour, rendre hommage aux familles des victimes et à tous ceux qui militent pour combattre ce fléau de notre société mécanisée.
Monsieur le ministre, en concentrant l'essentiel de votre dispositif sur l'excès de vitesse, vous occultez une analyse plus précise des causes d'accidents et vous négligez de développer les actions de formation, les initiatives de prévention des forces de l'ordre et l'amélioration des infrastructures.
La sécurité de nos concitoyens est un ensemble dans lequel on trouve, bien sûr, des mesures répressives, mais également des mesures concernant les infrastructures routières et autoroutières, ainsi que des mesures de prévention et de formation.
Vous avez choisi la facilité budgétaire. En effet, modifier le code de la route, cela coûte moins cher que de supprimer un passage à niveau, refaire le bas-côté d'une route nationale, renforcer la sécurité d'un carrefour, éclairer les autoroutes et les voies rapides urbaines. A ce sujet, j'attire votre attention sur la non-application de la circulaire de 1974 aux termes de laquelle toute autoroute ou voie rapide urbaine dont le trafic est supérieur à 50 000 véhicules par jour doit être systématiquement éclairée. Qu'en est-il d'une rumeur persistante, reprise par un grand quotidien du soir, concernant votre volonté de modifier cette circulaire afin que ses conditions d'application soient moins draconiennes ?
A ce jour, 1 200 kilomètres de bitume seraient toujours plongés dans le noir, contrairement à ce qui était prévu. Pis encore, sur certaines sections autoroutières déjà équipées les lampadaires ont été éteints. Pourquoi constate-t-on ces carences ? Peut-être tout simplement pour des raisons qui sont purement financières.
Monsieur le ministre, cette nouvelle philosophie est-elle acceptable du point de vue de la sécurité routière ? Les élus de notre pays ne tarderont pas à s'insurger contre les carences et la défaillance de l'Etat et contre les retards accumulés en matière de travaux d'amélioration des infrastructures routières, plus particulièrement sur le réseau des routes nationales qui relève directement de votre responsabilité. S'agissant de la sécurité dans ce domaine, on glisse malheureusement d'un contrat de plan à l'autre, à tel point que, dans certains secteurs, nous sommes passés de la génération des projets à la génération des études - quand celles-ci ne sont pas seulement paysagères - qui ne débouchent souvent sur rien et sont très coûteuses. J'attire solennellement votre attention, en tant que parlementaire et comme élu local, sur la nécessité de redonner aux directions départementales de l'équipement les moyens financiers indispensables à la modernisation de nos routes nationales.
Il est indéniable que l'amélioration des infrastructures, leur éclairage et l'aménagement des routes contribuent réellement à la sécurité routière. Les Français le savent et attendent des mesures fortes dans ce domaine. Le délit d'excès de vitesse et la responsabilité pécuniaire du propriétaire d'un véhicule paraissent insuffisants.
En effet, la première mesure fait davantage figure d'un effet d'annonce. Le dispositif en vigueur me semble suffisamment répressif, surtout depuis que vous avez pris le décret du 24 mars 1998 faisant de l'excès de vitesse à partir de 50 kilomètres à l'heure au-delà de la vitesse autorisée une contravention de cinquième classe, et donc passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 10 000 francs. Cette disposition me paraît suffisante, même si la méthode est critiquable. En outre, rien n'indique que votre dispositif donnera les résultats attendus ; il convient, en effet, de ne pas assimiler excès de vitesse, c'est-à-dire dépassement des maxima autorisés, et vitesse excessive, c'est-à-dire inadaptation à l'environnement. Gardons-nous de l'amalgame entre rouler à 80 kilomètres à l'heure sur une route sinueuse où la vitesse est limitée à 90 kilomètres à l'heure et rouler à 180 kilomètres à l'heure sur une autoroute presque déserte où la vitesse est limitée à 130 kilomètres à l'heure.
Parmi les accidents mortels sur autoroute, 13 % sont imputables à des excès de vitesse, 22 % à des vitesses excessives - sans dépassement du maximum autorisé - et 28 % sont dues à l'inattention, à la fatigue ou à l'assoupissement.
La seconde mesure - je ne vois pas vraiment quel rapport elle a avec la sécurité routière - constitue, selon moi, une atteinte au droit du propriétaire du véhicule. Elle méconnaît la présomption d'innoncence, pourtant garantie d'une façon générale par notre droit. En outre, elle incite à la délation, au mépris du droit. Amende ou délation, il faudra choisir.
Par ailleurs, que dire des hypothèses de prêt de volant lorsque la verbalisation arrive plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, après les faits ? De même, qu'en est-il d'une erreur éventuelle d'identification d'un véhicule par les forces de l'ordre ? Avec votre dispositif, la tenue d'un carnet de bord d'utilisation de tout véhicule s'imposera à terme. Vous allez donner, monsieur le ministre, à la voiture les attributs d'un objet très personnel, c'est-à-dire d'un objet qui ne se prête pas !
Mon collègue M. Jean-Pierre Cantegrit et moi-même présenterons tout à l'heure deux amendements visant à empêcher de telles dispositions.
Cela étant dit, certaines mesures de votre projet de loi vont largement dans le bon sens. Ainsi, les dispositions relatives à la formation des conducteurs novices auteurs d'infractions graves ou celles qui concernent l'enseignement de la conduite et de la sécurité contribuent à l'objectif que vous vous êtes fixé.
De même, j'approuve votre volonté d'instaurer un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs qui sont impliqués dans un accident mortel. Cependant, il faudrait aller plus loin sur ce point. Mon collègue M. Edouard Le Jeune a d'ailleurs déposé une proposition de loi visant à réprimer la conduite automobile sous l'empire de produits stupéfiants. Pourquoi ne pas procéder à des contrôles de routine, au moyen d'un détecteur spécial, du type de ceux dont les forces de l'ordre sont dotés pour l'alcoolémie ?
Quoi qu'il en soit, le présent projet de loi ne contient pas les mesures qui sont susceptibles d'améliorer sensiblement la sécurité routière. En axant l'essentiel de votre dispositif sur la répression, vous négligez l'urgence de l'amélioration des infrastructures et le renforcement de la prévention et de la formation.
Cependant, si vous vous engagiez sur la globalité des mesures et si vous teniez le plus grand compte de nos deux amendements, nous pourrions voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous, un jour ou l'autre, confrontés à l'insécurité routière et à ses ravages, même si nous constatons depuis quelques années, grâce aux dispositions qui ont été prises, notamment l'abaissement du taux d'alcoolémie, le port de la ceinture de sécurité, le permis à points, les limitations de vitesse, une nette diminution des accidents mortels. En effet, comme d'autres orateurs l'ont souligné, le nombre de tués a été réduit de moitié depuis 1973 alors que l'indice de la circulation doublait dans le même temps. Il n'en reste pas moins affligeant et inacceptable que, avec 8 000 tués, auxquels nous nous devons d'ajouter les 35 000 blessés graves dont nombre restent handicapés à vie, notre pays figure en ce domaine parmi les derniers, après la Grande-Bretagne, les pays scandinaves et même l'Autriche, qui, je crois a devancé la France en 1996.
Nous ne pouvons donc qu'adhérer à l'objectif que vous vous proposez d'atteindre, monsieur le ministre, celui de réduire par deux en cinq ans le nombre de tués, objectif sans doute ambitieux mais que, très sincèrement, nous espérons voir se réaliser.
Je ne reprendrai pas toutes les dispositions du projet de loi soumis à la Haute Assemblée et les mesures préconisées par le comité interministériel de sécurité routière, mais je soulignerai quelques points particuliers.
J'aborderai tout d'abord la question de la formation des usagers de la route.
Pour les jeunes sous obligation scolaire, l'apprentissage et la formation sur ce sujet relèvent de l'éducation nationale, en vertu de la loi du 26 juillet 1957 et du décret d'application du 12 février 1993 concernant les écoles primaires et les collèges, et la place du système éducatif dans la formation des usagers de la route et du conducteur est celle d'un passage nécessaire : il a une part prépondérante dans la formation.
Mais le vrai problème se trouve dans une prise de conscience collective des dangers que nous courons en tant qu'usagers de la route. La première sensibilisation, à mon sens, doit intervenir le plus tôt possible, à l'âge où l'on est le plus réceptif, c'est-à-dire bien avant l'âge du permis de conduire, étant entendu que les jeunes constituent la catégorie la plus exposée aux dangers de la route.
Si la conduite est un acte social, elle est aussi affaire de comportement, et ce dernier doit être déterminé très tôt. Cette éducation routière, qui se fait dans le cadre de l'école au même titre que l'instruction civique, doit être particulièrement suivie et dispensée en étroite collaboration avec les familles, l'acquisition des réflexes ne s'arrêtant pas devant la porte de la maison ou de l'école. C'est donc un projet collectif que nous devons mettre en place.
J'en viens aux délits de vitesse excessive.
Sachant que la vitesse est aujourd'hui le premier facteur de mortalité routière en France - elle est en effet en cause dans 48 % des accidents - et que le simple respect des limitations de vitesse permettrait de sauver, chaque année, 3 300 vies, comment ne pas justifier la disposition du projet de loi prévoyant un délit en cas de récidive, dans un délai d'un an, de dépassement de la vitesse autorisée égal ou supérieur à cinquante kilomètres à l'heure, infraction passible d'une amende de 50 000 francs et d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à six mois ?
Mme Joëlle Dusseau. Très bien !
Mme Janine Bardou. Je regrette cependant qu'aucune modulation ne soit prévue dans ce type d'infraction dans la mesure où un dépassement de cinquante kilomètres à l'heure semble beaucoup plus grave en ville que sur autoroute, même s'il faut bien admettre que l'instauration d'une règle générale pour tous les réseaux est plus simple à appliquer et à contrôler. Mais un tel dépassement en ville, comme dans la traversée d'agglomérations, est non plus délictuel, mais véritablement criminel !
Mme Joëlle Dusseau. Très bien !
Mme Janine Bardou. Cette mesure est sans doute symbolique, peu de conducteurs étant concernés par cette disposition : en ville, c'est seulement 0,1 % des conducteurs qui dépasse de plus de 50 kilomètres à l'heure la vitesse limite, tandis que le pourcentage est de moins de 1,1 % sur les routes et de moins de 0,8 % sur les autoroutes.
Toutefois, la gravité de cette sanction fera, nous l'espérons, réellement prendre conscience du danger mortel que représente l'excès de vitesse.
Mme Joëlle Dusseau. Très bien !
Mme Janine Bardou. Je traiterai maintenant des infrastructures routières.
Si la sécurité routière dépend en grande partie du comportement des usagers de la route, elle dépend aussi du niveau de qualité des réseaux routiers.
Il n'est, pour s'en convaincre, que de rappeler le lien existant entre la qualité du réseau et le nombre d'accidents, les autoroutes restant le moyen le plus sûr puisque leur part dans le total des accidents corporels est de 5,3 %, contre 28,5 % pour les routes nationales et 51,2 % pour les routes départementales ; le plus grand nombre d'accidents a lieu en rase campagne, et les autoroutes, qui supportent 18 % de la circulation, ne comptent que 4,5 % des accidents et des victimes.
Cela nous donne à réfléchir sur la nécessité de maintenir un haut niveau de qualité de nos infrastructures, et notamment de ne pas freiner la construction d'autoroutes, lesquelles assurent tout de même la survie de nombreux usagers de la route.
La sécurité routière dépend aussi de l'état du réseau routier lui-même.
M. Jacques Oudin. Très vrai ! Mme Janine Bardou. Il y a dans ce réseau des « points noirs » identifiés par des analyses techniques ou par des statistiques d'accidents. Ils sont connus, et nous en avons tous dans nos communes et dans nos départements. Lorsqu'un accident mortel se produit en un tel endroit, il fait la « Une » des journaux. On parle alors de solutions ; mais le plus souvent, les choses demeurent ensuite en l'état pour des raisons financières, techniques ou réglementaires. Les morts s'ajoutant aux morts, l'opinion, à juste titre, s'en émeut, car rien ne bouge. Pourtant, dans la majorité des cas, il existe des solutions simples, telles que la mise en place d'un miroir de sécurité ou tout autre dispositif ne nécessitant pas de gros investissements ; souvent, une simple adaptation de la réglementation suffirait, mais c'est fréquemment le plus difficile à obtenir, monsieur le ministre !
Si, comme vous l'avez dit, il faut réduire progressivement puis supprimer totalement les passages à niveaux dangereux, il faut aussi se préoccuper de faire disparaître les « points noirs ».
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais vous soumettre deux réflexions rapides.
La première concerne la promotion du vélo en milieu urbain, idée qui me paraît séduisante. Cependant, le fait d'ouvrir aux vélos les zones piétonnières et d'autoriser les enfants de moins de huit ans, dont nous connaissons tous la vitalité, à circuler sur les trottoirs ne paraît pas sans danger pour les piétons. En effet, le vélo peut aussi être un facteur de risques. Il serait dommage d'être obligé de créer dans l'avenir des pistes pour piétons ! Il faudrait donc, à mon avis, mener une réflexion plus approfondie en ce domaine et mettre en place une nouvelle organisation.
Ma seconde réflexion porte sur l'instauration d'un audit de sécurité pour les projets routiers. Je croyais sincèrement, monsieur le ministre, que cela faisait déjà partie des éléments prioritaires de l'étude de tout projet d'infrastructure routière, et cela me semblait aller de soi. Mais peut-être souhaitiez-vous simplement le rappeler dans le projet de loi.
Si ce projet de loi traduit une volonté réelle de voir réduire le nombre de morts sur nos routes, l'insécurité routière reste encore un véritable fléau de notre société devant lequel nous nous sentons tous profondément désarmés.
Le problème de fond en effet demeure : il faut responsabiliser les conducteurs et, à cet égard, la meilleure voie possible reste encore, me semble-t-il, la prévention, à condition d'en avoir la volonté et d'y affecter des moyens suffisants. Je souhaite que notre discussion engage en ce domaine la réflexion nécessaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que j'accueille ce projet de loi. Il est en effet inacceptable de voir figurer la France dans les derniers rangs européens en matière de sécurité routière. Si nos alliés européens ont réussi à réduire considérablement cette cause de mortalité, nous pouvons, nous devons y parvenir également.
L'objectif de diminution de moitié du nombre de personnes tuées, que le Gouvernement s'est fixé en rouvrant le débat sur cette question, doit être atteint et même dépassé.
Cela devrait être relativement facile puisque, s'il existe un fléau dont on connaît les causes, c'est bien les accidents de la route. Il convient donc - c'est une évidence ! - de s'attaquer à ces causes.
Au risque de paraître sévère, je regrette que les dispositions du projet de loi, dont je salue pourtant le caractère efficace, ne soient pas plus nombreuses et plus fermes.
Je sais pertinemment que, parmi nos concitoyens, des voix s'élèveront à l'encontre de certaines des dispositions de ce texte. Je voudrais rétorquer par avance qu'il n'existe pas de façon plus stupide de perdre la vie que de mourir au volant, comme passager d'un véhicule ou comme piéton.
C'est pourquoi toutes les mesures dont l'effet est de réduire le nombre des accidents de la circulation doivent être adoptées.
Monsieur le ministre, je souhaite apporter une modeste contribution à ce débat en abordant non seulement certains des thèmes du projet de loi auxquels j'ai été sensible, mais également d'autres sujets qui, à mon sens, devraient aussi faire l'objet de dispositions particulières.
Le premier concerne la sécurité du transport des enfants. En 1995, j'avais présenté une proposition de loi sur ce thème, lequel appartient, hélas ! au domaine réglementaire, ce qui a empêché la poursuite de l'examen de ce texte. L'objet de ce dernier était essentiellement d'attirer l'attention sur un facteur d'accident qui peut être éradiqué aisément.
Chaque année, on déplore un nombre important d'accidents dont sont victimes les enfants à la montée ou à la descente d'un véhicule de transport en commun, notamment de transport scolaire. En effet, ces véhicules ne bénéficient pas d'une priorité particulière. Ils peuvent donc, lorsqu'ils sont à l'arrêt, être dépassés ou croisés par d'autres véhicules.
C'est ainsi que des enfants ont été renversés, en traversant la chaussée, par des véhicules qui doublaient ou croisaient leur autocar arrêté.
Reconnaissez, monsieur le ministre, qu'il existe une solution simple, que certains pays ont d'ailleurs adoptée : il s'agirait d'obliger les automobilistes à s'arrêter lorsqu'ils sont derrière un autocar ou qu'ils s'apprêtent à croiser un autocar à l'arrêt alors que des enfants en descendent ou y montent.
Le principe est exactement le même que lorsque des agents municipaux arrêtent la circulation urbaine pour laisser les enfants traverser. Aucun motif ne saurait justifier une différence de traitement hors des villes, surtout lorsque des solutions existent.
Le Sénat n'a pas le pouvoir de préciser les conditions dans lesquelles une telle mesure pourrait être appliquée. En revanche, j'ai tenu à déposer un amendement afin que le principe soit inscrit dans le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.
En second lieu, il me paraît prioritaire de placer également la vitesse au coeur du débat.
Je crois qu'il s'agit ici non pas de déterminer si les limitations actuelles sont adaptées ou non, mais plutôt de faire en sorte qu'elles soient, dans un premier temps, respectées.
Monsieur le ministre, je relève avec stupéfaction que, selon les statistiques communiquées par la sécurité routière, la vitesse moyenne des automobilistes est, dans de nombreux cas, supérieure à la vitesse maximale autorisée.
Pour 1996, les chiffres sont édifiants : 64 kilomètres à l'heure de moyenne en agglomération, soit bien plus que la vitesse maximale autorisée ; 111 kilomètres à l'heure sur les voies limitées à 110 kilomètres à l'heure et 93 kilomètres à l'heure sur les routes départementales limitées à 90 kilomètres à l'heure. Sachant qu'il s'agit de moyennes, on imagine aisément l'importance des dépassements qui ont pu être relevés !
Aussi, le Gouvernement doit prendre rapidement les mesures qui s'imposent pour que ces comportements ne se reproduisent plus. Ces mesures sont notamment comprises dans l'article 4 du projet de loi, mais elles doivent également être appliquées sur le terrain, ce qui impose un renforcement en moyens humains et matériels.
Enfin, j'ai été particulièrement satisfait de relever la naissance d'un consensus autour du problème lié à l'usage des stupéfiants.
Je reviendrai plus précisément sur cette question à l'occasion de l'examen de l'article 7, en abordant les difficultés invoquées qui empêchent qu'il soit procédé au dépistage des produits stupéfiants dans des conditions juridiques analogues à celles que l'on rencontre pour les contrôles d'alcoolémie.
D'ores et déjà, je vous indique, monsieur le ministre, que la solution préconisée, qui consiste à opérer une distinction entre les accidents mortels et les autres, ne me semble pas satisfaisante. Je sais que la commission a déjà ouvert ce débat lors de l'examen du rapport de notre excellent collègue M. Lanier. Je souhaiterais qu'il soit poursuivi tout à l'heure, notamment à l'occasion de l'examen des amendements que je vous soumettrai.
En conclusion, je me félicite de ce qu'un débat national se poursuive sur le thème de la sécurité routière. Je suis en effet convaincu que, grâce à notre réflexion, des progrès considérables pourront être accomplis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.) M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant la discussion des articles, je tiens à répondre aux différents orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.
M. Hérisson a fait état d'un projet dont l'objectif serait essentiellement la répression. Je veux insister à nouveau devant vous - mais je suis sûr que vous le savez - et vous rappeler que c'est dans un dispositif plus vaste que s'inscrit le projet de loi : je veux parler des vingt-cinq mesures prises par le Gouvernement lors du comité interministériel sur la sécurité routière. L'essentiel de notre démarche consiste à s'attaquer vraiment au problème de la formation, de l'éducation et de la maîtrise des comportements. Ne voir dans ce projet de loi que le volet répressif de notre dispositif, c'est passer à côté de la réalité, permettez-moi de le dire avec force et d'insister sur ce point.
Je tiens à remercier la commission des lois du travail sérieux qu'elle a accompli, de la réflexion qu'elle a conduite et des propositions qu'elle a présentées. Je remercie également les différents orateurs, même si j'ai beaucoup à dire sur certaines interventions.
M. le rapporteur et les différents orateurs ont, dans l'ensemble, fait part de leur soutien à l'objectif de fond du Gouvernement. Cela me paraît très important.
Comment réduire de moitié le nombre de tués et de blessés sur nos routes ? Je ne doute pas que l'examen des articles de ce projet de loi nous permettra d'apporter les éclaircissements et les améliorations souhaitables pour y parvenir, c'est en tout cas mon voeu le plus cher.
Vous avez considéré, monsieur le rapporteur, que l'adjonction de quelques mesures dans une matière où les dispositions législatives et réglementaires se sont multipliées au cours de ces dernières années n'était sûrement pas suffisante pour améliorer de manière significative la sécurité dans notre pays. Je partage totalement cette approche, et je considère que nous devons sans cesse remettre sur le métier bien des questions ayant des incidences sur la sécurité routière. Il convient également de prendre en considération - nombre d'entre vous l'ont souligné à juste titre - la question des infrastructures, y compris dans certains aspects spécifiques : je pense à la sécurité des motards, à la question des passages à niveau, au problème des contrôles techniques.
En ce qui concerne l'éclairage de certaines autoroutes, je veux dire à M. Hérisson que la rumeur dont il a fait état est totalement infondée. Il le sait fort bien, d'ailleurs ! Si vous ne vous limitiez pas à la lecture d'un article de presse et si vous vous intéressiez également aux communiqués ministériels, monsieur Hérisson, vous constateriez que cette rumeur n'a absolument aucun fondement.
A ce propos, je tiens à souligner - et je m'adresse ici plus particulièrement à M. Oudin - que, lors de ma prise de fonctions, non seulement de nombreuses autoroutes et avenues n'étaient pas éclairées - et ce depuis des années - mais les moyens budgétaires étaient totalement insuffisants pour en assurer l'entretien, y compris pour la sécurité. Quant à la politique de suppression des passages à niveau, elle était notoirement insuffisante.
S'agissant de l'inventaire des autoroutes dont la construction serait remise en cause, permettez-moi, monsieur Oudin, de vous dire qu'il ressemble à une liste à la Prévert. Vous avez même cité des opérations qui n'ont jamais été inscrites au schéma directeur ! Dans ces conditions, vous pouvez en ajouter à loisir ! Vous avez par ailleurs cité des autoroutes- je pense en particulier à l'autoroute A 400 - dont la réalisation avait été contestée par le Conseil d'Etat, sous le gouvernement de M. Juppé, que vous souteniez. A ce sujet, j'ai d'ailleurs discuté avec M. Mazeaud pour apprécier la manière dont nous pourrions tenir compte du problème de l'enclavement. Mais le Conseil d'Etat a considéré qu'il n'était pas raisonnable d'envisager la réalisation de cette autoroute, parce que c'était un gaspillage d'argent public.
M. Jacques Oudin. Qui détermine la politique ? Le Conseil d'Etat ou le Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je parle de ce qui s'est passé sous le gouvernement de M. Juppé !
Vous avez ajouté à votre inventaire des autoroutes à construire, comme celle qui relierait Tarbes à Lourdes. J'ai examiné cette question de près. Eh bien, figurez-vous que j'ai constaté que avec moins d'argent public qu'il n'en aurait fallu pour construire une autoroute entre ces deux villes, il était possible de réaliser une route à deux fois deux voies qui remplirait les mêmes fonctions et qui serait de surcroît moins coûteuse pour les contribuables et apporterait autant de sécurité aux utilisateurs. Nous avons pris la décision d'avancer dans cette direction et de réaliser cette liaison à deux fois deux voies.
Quant à des autoroutes comme l'A58 ou l'A51, elles font l'objet de controverses considérables, y compris avec les élus des deux régions concernées. Il s'agit de répondre aux besoins de fluidité de la circulation sans mettre en cause la préservation de l'environnement dans la traversée de l'arc alpin.
M. Lefebvre a dit que le projet de loi était à la fois équilibré, dissuasif et pédagogique. Je crois que notre démarche est la bonne, dans la mesure où nous ne nous engageons non pas dans une voie polémique et politicienne, les questions de sécurité routière étant trop graves et trop sérieuses. Au demeurant, peut-être vais-je choquer la Haute Assemblée, dans laquelle siège une majorité d'hommes, si je dis que je considère que les deux femmes sénateurs qui sont intervenues dans la discussion générale l'ont fait de la manière la plus raisonnable et la plus responsable qui soit. Je pense que cela méritait d'être souligné, et je les en félicite.
Certes, le Gouvernement a sûrement sa part de responsabilité dans le domaine de la sécurité routière, et je revendique la mienne ; mais je vous demande, messieurs de la majorité sénatoriale, de prendre la vôtre en reconnaissant aussi celle des précédents gouvernements !
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur des aspects qui relèvent non pas du domaine législatif, mais du sens à donner à notre action. M. Oudin a ainsi souligné l'importance primordiale qu'il faut attacher à l'éducation des jeunes, qui sont aujourd'hui parmi les principales victimes des accidents de la route.
L'action que nous avons engagée est essentiellement pédagogique, orientée vers l'éducation et la formation à toutes les étapes de la vie : je rappelle que l'attestation scolaire de sécurité routière concerne, dès la classe de cinquième, 800 000 jeunes par an et, à partir de la classe de troisième, 750 000 jeunes. Bien sûr, ces mesures ne figurent pas dans le projet de loi, car elles ne sont pas de nature législative. Cependant, elles existent et il faut les intégrer dans notre réflexion. Elles concourent à améliorer notre système de formation.
Des retards importants ont été pris, il est vrai, ces dernières années dans la réalisation du programme autoroutier, essentiellement d'ailleurs en milieu urbain. J'entends « corriger le tir » et faire en sorte que nos autoroutes urbaines bénéficient des moyens nécessaires en termes d'investissement, d'entretien et d'exploitation et en matière d'aménagements de sécurité.
Pour ce qui est des autoroutes interurbaines, vous n'avez cité que les chiffres qui vous arrangeaient, Monsieur Oudin, mais il faut être objectif et constater avec moi que les dernières statistiques font état d'une aggravation du nombre des accidents plutôt que d'accuser le ministre d'avoir « du sang sur les mains », si j'ai bien entendu vos propos,...
M. Jacques Oudin. Je n'ai pas dit cela de cette façon. Mais ce n'est pas loin !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... ce qui est quand même, reconnaissez-le, un peu excessif. Je pense que de telles affirmations ne correspondent pas au sérieux et au sens des responsabilités qui doivent prévaloir dans nos débats.
Les statistisques montrent en tout cas, pour l'année passée, une recrudescence des accidents sur les autoroutes.
En ce qui concerne la construction de nouvelles autoroutes, vous savez que le système de l'adossement n'a plus cours. S'agissant de l'A 28 et des autres autoroutes, un appel d'offres sera donc lancé tout à fait normalement, comme l'exige désormais la loi. Vous savez d'ailleurs ce qu'il est advenu quand certains ont pensé que l'on pouvait contourner la procédure légale. Je pense en particulier aux décisions prises au sujet de l'A 86 : les deux décrets pris par le précédent gouvernement ont été annulés par le Conseil d'Etat. Par conséquent, soyez, là aussi, raisonnables et responsables sans vous croire obligés de reprocher au gouvernement actuel des décisions qui relèvent malheureusement du précédent. Et je suis d'ailleurs le premier à regretter que nos prédécesseurs n'aient pas anticipé l'application des règles qui prévalent aujourd'hui, car cela aurait permis d'éviter le problème que j'évoque.
Par ailleurs, en arrivant au ministère, j'ai trouvé un système autoroutier endetté à hauteur de 120 milliards de francs.
M. Jacques Oudin Ce sont des emprunts normaux, destinés à financer des équipements !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui, mais vous savez ce que signifie une telle dette si l'on fait preuve de laxisme ! Là encore, il faut être raisonnable.
Mon budget est en baisse, avez-vous dit. Là encore, c'est une contrevérité !
M. Jacques Oudin. Les crédits inscrits au titre de la sécurité routière ont diminué !
M. Jean-Claude Gayssot ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non ! Ils sont en augmentation de 5 % en autorisations de programme et de 10 % en crédits de paiement, et le programme autoroutier s'élèvera, lui, à 18 milliards de francs.
M. Lanier ainsi que M. Mahéas ont souligné l'intérêt d'une harmonisation européenne. Celle-ci est tout à fait justifiée. Ce sont des questions qui, en effet, doivent être menées à ce niveau, et j'entends préparer, à l'issue de ce débat, une initiative française, en agissant d'abord sur l'harmonisation des taux d'alcoolémie.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais il s'agira alors d'une harmonisation par le bas ! En effet, nous sommes à 0,5 gramme par litre, tandis que les Anglais sont à 0,8 grammes par litre et d'autres à moins encore, et c'est dans ce sens-là qu'il faut aller.
Nous devrons agir ensuite sur l'harmonisation des vitesses et, enfin, sur un certain nombre d'aspects techniques que je ne développe pas. M. Mahéas a également insisté sur cette dimension et il a eu raison, car nous avons des retards à rattraper.
M. Cantegrit a appelé notre attention sur la gestion de la flotte des entreprises. Je ne partage pas son approche, mais je suis, comme lui, préoccupé par l'importance des accidents du travail, dont 55 % sont des accidents survenus sur le trajet, donc des accidents de la route.
Cela étant, je pense que tout ce qui est excessif est insignifiant. Non, la disposition proposée dans le projet de loi que nous examinons n'incite pas à la délation ! Je souhaite vraiment bannir d'emblée de notre débat l'idée que le présent projet de loi contiendrait une quelconque mesure incitant à la délation.
Nous mettons en place, je le répète, une contravention assortie d'une sanction pécuniaire qui, en tout état de cause, frappera le propriétaire du véhicule. Inutile, dès lors, de savoir qui était au volant ! D'ailleurs, la formule s'applique aujourd'hui en matière de stationnement, et qui peut prétendre qu'elle pousse à la délation ? Personne ! Si vous prêtez votre voiture à un copain et qu'il est « flashé », c'est vous qui paierez l'amende. Si votre copain est « sympa », il vous remboursera. Sinon, vous ne lui prêterez plus votre voiture ! (Sourires.)
Et les entreprises, me direz-vous ? Eh bien, les entreprises doivent, elles aussi, être responsabilisées ! Pourquoi, sous prétexte qu'une voiture appartiendrait à une entreprise, la laisserait-on conduire n'importe comment et par n'importe qui, sans respecter le code de la route ? Or de quoi s'agit-il ici ? D'excès de vitesse, de stops ou de feux rouges brûlés ! Ce sont bien les comportements graves dont vous avez dit les uns et les autres qu'ils étaient la cause des plus graves accidents !
La mesure que nous proposons est donc tout à fait raisonnable, elle responsabilise tout le monde. Personne ne pourra plus échapper, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui, à ses responsabilités. En disant qu'il ne fallait pas laisser place aux injustices dans ce domaine, M. Lefebvre a eu tout à fait raison.
MM. Plasait et Hérisson ont souligné le retard de notre pays en matière d'infrastructures. Comme je l'ai dit, en particulier en agglomération et notamment pour ce qui est de la signalisation, j'attache la plus grande attention à la qualité des infrastructures, qu'elles soient nationales, départementales ou communales.
Sur le réseau national routier et autoroutier, j'ai procédé à quelques redéploiements de crédits et j'affirme clairement devant vous, qui avez souhaité que je m'engage sur ce point, monsieur Hérisson, que mon intention ainsi que celle du Gouvernement est de faire de la sécurité un critère majeur de décision publique en matière d'infrastructures.
Mme Dusseau a rappelé, avec le ton et la force justes, que l'opinion publique a aujourd'hui conscience de la nécessité d'une démarche collective pour faire reculer les grands excès de vitesse. Je partage son point de vue, notamment lorsqu'elle rappelle que les femmes peuvent jouer un rôle essentiel dans notre pays pour obtenir de tous une conduite apaisée. Il est important que tout le monde suive cette démarche.
Vous le savez - vous l'avez dit, les uns et les autres - les grands excès de vitesse concernent peut-être 2 % ou 3 % des automobilistes. Défendre les automobilistes, c'est aussi défendre les 97 % ou 98 % restants contre les risques qu'une minorité infime peut faire peser sur eux.
Certains me disent parfois comprendre les mesures que je propose lorsqu'il s'agit de la traversée des villes ou de la circulation sur les routes départementales et nationales ; mais suggèrent aussitôt de fermer les yeux pour les excès de vitesses commis sur les autoroutes. Au nom de quoi ? Mon propos est de sanctionner la récidive de grand excès de vitesse dans l'année, le grand excès de vitesse étant compris comme le dépassement de 50 kilomètres à l'heure des limites autorisées. C'est clair. Il importe que la proposition soit lisible pour tout le monde, qu'elle retienne l'attention des automobilistes. L'objectif, c'est non pas de faire de la répression, puisque n'est visée que la récidive, mais d'appeler les contrevenants à la réflexion, à la responsabilisation, ce que vous semblez tous et toutes souhaiter.
M. Bimbenet a évoqué le problème de la sécurité des transports scolaires. J'y suis particulièrement sensible. Même si la réponse n'est probablement pas de nature législative - il l'a dit lui-même - j'ouvrirai cependant un chantier de réflexion sur ce sujet avec les collectivités locales organisatrices des transports scolaires.
Mme Bardou suggère - je l'en remercie - de moduler la qualification de grand excès de vitesse entre les sections de route situées en agglomération et les autres. L'idée paraît séduisante, et je ne cache pas qu'elle a fait partie de notre rélexion. Mais, je le répète, si jamais le dispositif n'est pas suffisamment clair, suffisamment lisible, il perdra de son efficacité. Voilà pourquoi on a finalement choisi 50 kilomètres à l'heure au-dessus de toutes les vitesses limites autorisées, et voilà pourquoi il faut éviter de fractionner la mesure.
Je fais d'ailleurs observer qu'il n'est pas fait mention, dans mon dispositif, de la possibilité d'immobilisation des poids lourds lorsqu'ils dépassent de 20 kilomètres à l'heure la vitesse prévue, que le Sénat a récemment adoptée à l'unanimité. Cela concerne les transports routiers, et, là encore, j'ai voulu que la loi qui sera adoptée soit d'une totale lisibilité.
L'excès de vitesse est dangereux. Conduisons donc de manière apaisée. Et si quelqu'un se fait prendre deux fois dans l'année pour grand excès de vitesse, c'est que vraiment il ne fait pas preuve de responsabilité, et son acte peut, dès lors, être qualifié de délit parce qu'il est dangereux.
M. Lefebvre a proposé d'ouvrir une réflexion sur la fiscalité applicable aux éléments de sécurité, en évoquant notamment les casques de moto et les sièges d'enfants. C'est une proposition très intéressante qu'il vous appartiendra d'examiner à l'automne, lorsque vous aurez à revoir la question de la TVA, au moment de l'examen du prochain projet de loi de finances.
M. Mahéas a souligné la nécessité d'une bonne signalisation dans les agglomérations. Il a par ailleurs exprimé le souci que l'on ne piège pas les usagers. Je peux vous assurer que ce souci a été le mien au cours des discussions et des réflexions qui ont été menées dans le cadre de la préparation de ce texte.
Je me suis promis de le dire devant votre assemblée : l'objectif n'est pas de piéger, de mettre l'appareil à l'endroit où l'on suppose que le plus grand nombre d'automobilistes se trouvent en infraction.
La démarche du Gouvernement consiste à réduire de moitié le nombre de tués sur nos routes d'ici à cinq ans.
Je reviendrai d'ailleurs sur cet aspect des choses prochainement en m'adressant successivement à l'Association des maires de France et aux préfets. Je vous le confirme donc, l'objectif est non pas de piéger l'automobiliste, mais de réduire le nombre d'accidents.
M. Mahéas a également évoqué la protection des piétons. J'ai engagé la concertation nécessaire pour rechercher les moyens de diminuer tous les accidents qui peuvent se produire en patins à roulettes - en rollers ! - tant il est vrai qu'il faut améliorer la sécurité.
Voilà les quelques éléments de réponse que je voulais vous apporter à cet instant du débat. L'examen des articles me permettra de revenir de manière plus précise sur certains points.
Le débat est ouvert. J'ai d'ailleurs confié à Mme Isabelle Massin une mission sur la sécurité routière.
Je termine en évoquant un fait qui, à mon avis, me doit jamais être perdu de vue au cours de notre discussion : le Gouvernement a décidé de réunir le comité interministériel sur la sécurité routière, qui ne s'était plus réuni depuis 1994.
Au cours de ce comité, nous avons pris la très importante décision de nous réunir chaque année. Ainsi, en novembre prochain, nous nous réunirons pour voir où nous en sommes et pour travailler aux voies permettant d'aller plus loin.
Nous aurons donc l'occasion, chaque année, de vérifier les conséquences des décisions que nous avons prises, d'améliorer, d'aménager, d'informer, voire de rectifier ce qu'il sera nécessaire de rectifier. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)