Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
« Article unique. - Après l'article L. 351-10 du code du travail, il est inséré un article L. 351-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 351-10-1 . - Les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique mentionnée au premier alinéa de l'article L. 351-10 ou de l'allocation de revenu minimum d'insertion prévue à l'article 2 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion peuvent bénéficier d'une allocation spécifique d'attente, à la charge du fonds mentionné à l'article L. 351-9, lorsqu'ils justifient, avant l'âge de soixante ans, d'au moins cent soixante trimestres validés dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ou de périodes reconnues équivalentes. Le total des ressources des bénéficiaires de l'allocation spécifique d'attente ne pourra être inférieur à un montant fixé par décret.
« Le montant de cette allocation n'est pas pris en compte pour le calcul de l'allocation de solidarité spécifique et de l'allocation de revenu minimum d'insertion des intéressés.
« Pour les titulaires du revenu minimum d'insertion ne percevant pas l'allocation de solidarité spécifique, le service de l'allocation spécifique d'attente est assuré dans les conditions prévues par une convention conclue entre, d'une part, l'Etat et, d'autre part, la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de mutualité sociale agricole. Pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, ce service est assuré dans les conditions prévues par une convention conclue entre l'Etat et les organismes gestionnaires des allocations de solidarité mentionnés à l'article L. 351-21.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les mesures d'application du présent article. Le montant de cette allocation est fixé par décret. »
Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Dieulangard, pour explication de vote.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons au terme des discussions qui devraient permettre de satisfaire, pour partie, une importante revendication de près de 20 000 chômeurs âgés de plus de 55 ans et plus, relayée par un grand nombre de parlementaires.
Ces chômeurs, le plus souvent de longue durée, ne perçoivent plus d'indemnité chômage et doivent assurer leur subsistance, avec de grandes difficultés, grâce soit à l'ASS, soit au revenu minimum d'insertion, leurs ressources se situant ainsi dans une fourchette allant de 2 430 francs à 3 620 francs pour une personne seule.
Il s'agit donc de réparer une injustice et de compléter un dispositif mis en place par l'Etat et les partenaires sociaux auquel ils ne peuvent prétendre. Ce dispositif concerne cependant un public à peu près identique, à savoir des salariés ayant perdu leur travail, qui ont débuté leur vie professionnelle très jeunes - 14 ou 15 ans - et qui ont largement contribué au développement économique de notre pays et au financement de notre protection sociale. Toutefois, n'ayant pas atteint l'âge de 60 ans, ils ne peuvent faire valoir leur droit à la retraite.
L'unanimité s'est faite autour de l'urgente nécessité de prévoir une allocation complémentaire permettant à ces chômeurs d'atteindre un niveau de revenus décent jusqu'à l'âge légal de la retraite.
Restait à définir le champ dans lequel se positionnerait cette allocation et à en fixer les modalités de calcul.
Les dispositifs précédents tels que l'ACA, dont bénéficient les chômeurs qui sont encore indemnisés par l'UNEDIC, s'inscrivent dans une logique d'assurance ; ainsi, le montant de leur allocation est calculé selon un pourcentage de revenus antérieurs de référence, en l'occurrence 57,4 %.
Les initiatives parlementaires qui ont vu le jour l'année dernière se sont donc inspirées, dans un premier temps, des formules telles que l'ARPE ou l'ACA.
Le Gouvernement souhaite toutefois, M. le secrétaire d'Etat vient de nous le rappeler, maintenir ce complément de ressources dans le champ de la solidarité nationale, à l'image des minima sociaux auxquels il sera rattaché.
A cet égard, notre discussion a permis d'obtenir, grâce à un amendement proposé par la commission des affaires sociales, que les deux allocations, le minimum social et l'allocation d'attente, soient servies par la même institution, et ce afin de faciliter le parcours déjà parsemé d'obstacles des futurs bénéficiaires.
Au-delà de la question de principe, solidarité nationale ou assurance, M. le rapporteur nous a rappelé combien il était difficile, en pratique, de reconstituer des parcours professionnels accidentés.
Très souvent, ces « fins de parcours » étaient caractérisés par des contrats courts, multiples et peu rémunérés.
De ce fait, une allocation fondée sur un pourcentage des revenus antérieurs pouvait donc se réduire à une somme toute symbolique et désavantager deux allocataires sur trois.
Afin de protéger les intérêts de l'ensemble de ces chômeurs, nous avions donc tous proposé de mettre en place un système conciliant les avantages d'une indemnité forfaitaire minimale, permettant aux chômeurs les plus précaires de percevoir l'équivalent de la retraite d'un salarié ayant cotisé sur la base du SMIC, soit 5 000 francs mensuels environ, et ceux d'une allocation proportionnelle pour les salariés avant cotisé sur la base de revenus régulièrement plus élevés, allocation que nous avions cependant proposé de plafonner.
Cette solution, médiane et équitable selon nous, avait été reprise par nos collègues de l'Assemblée nationale, mais le Gouvernement leur a opposé les mêmes arguments d'ordre financier qu'au Sénat, à savoir, concrètement, un surcoût pour l'Etat évalué à 100 millions de francs.
Les débats ont toutefois permis que soit « acté » l'accord du Gouvernement sur la détermination, par décret, d'un seuil de 5 000 francs, seuil plancher en dessous duquel ne pourraient plus se situer les ressources mensuelles de ces concitoyens laborieux durant quarante années, et souvent aujourd'hui en grande détresse.
Cet engagement va dans le bon sens et se révèle cohérent avec la décision prise par M. le Premier ministre de revaloriser de 6 % le montant de l'ASS et de réévaluer le plafond de ressources de plus de 300 francs pour une personne seule, et de presque 500 francs pour un couple.
Ces initiatives réparent en partie la précarisation liée aux restrictions imposées précédemment au régime de l'ASS.
Elles sont à replacer dans la perspective plus générale de la démarche qu'a entreprise le Gouvernement pour rénover le fonctionnement des minima sociaux.
Mme Join-Lambert a fait part de ses conclusions, qui nous seront utiles dans notre prochain débat sur le projet de loi de lutte contre les exclusions. Elles le seront pour le niveau de ressources servies aux bénéficiaires de ces minima sociaux et pour la nécessaire remise à plat de l'ensemble du système, qui représente aujourd'hui un « empilement » de mesures et de dispositifs répondant à des règles d'attribution complexes multiples et particulièrement illisibles.
Il est indigne que nous n'ayons à offrir à nos concitoyens marqués par la précarité, la pauvreté et le risque d'exclusion que cet échafaudage mal amarré qui révèle ses fragilités et ses incohérences dès que l'on touche à l'une ou à l'autre de ses structures.
M. le rapporteur a brièvement évoqué ces vices de construction dans son rapport, tel que le décalage qui pourra se produire entre l'ASA et l'ACA ; nous devons de toute urgence nous engager dans sa requalification.
Le groupe socialiste du Sénat regrette sincèrement que la formule concernant cette nouvelle allocation, envisagée par la grande majorité des parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique, n'ait pas rencontré l'accord du Gouvernement.
Nous sommes, toutefois, pleinement conscients de l'urgence qu'il y a à revaloriser les revenus des 20 000 de nos concitoyens qui sont concernés.
Nous voterons donc en faveur du texte tel qu'il résulte des discussions de nos deux assemblées.
On ne peut cependant que souscrire à la proposition de notre rapporteur sur une question clé de ce débat, c'est-à-dire le droit légitime, pour ces personnes qui totalisent quarante annuités de cotisations, à faire valoir leur droit à la retraite dès l'âge de cinquante-cinq ans.
Cette décision ne dépend pas seulement du Gouvernement et du législateur, mais nous pouvons, nous devons, à notre niveau, contribuer à faire évoluer cette idée. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui au sein de notre Haute Assemblée, en deuxième lecture, et qui tend à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse est, je le dis au nom des sénateurs non inscrits, une bonne chose, car le temps pressait.
C'est bien évidemment, un texte nécessaire et très fortement attendu, car il vise à aider les anciens travailleurs actuellement réduits, avec leur famille, à vivre de la solidarité nationale. Il s'adresse aux plus vulnérables de ces salariés ayant cotisé 160 trimestres à l'assurance vieillesse, à savoir ceux qui sont éligibles à l'un des minima sociaux que sont l'allocation spécifique de solidarité ou le revenu minimum d'insertion.
Il s'agit, avant tout, d'un texte de la plus haute urgence. En effet, qu'elles bénéficient de l'une ou l'autre de ces deux allocations, les personnes concernées par cette proposition de loi vivent, au quotidien, de ressources modestes qui les mettent en situation de précarité alors même qu'elles ont déjà cotisé aux divers régimes d'assurance sociale pendant quarante ans et contribué au développement de la richesse nationale.
Enfin, et surtout, il s'agit d'un texte de justice : le sort des chômeurs âgés de plus de cinquante-cinq ans qui se retrouvent sans emploi alors qu'ils ont cotisé pendant une période qui leur ouvre droit à une retraite à taux plein, c'est-à-dire au-delà de soixante ans, est entre nos mains.
Tout comme le rapporteur, notre éminent collègue Jean Madelain, les sénateurs non inscrits se félicitent du dispositif proposé puisqu'il a été adopté à l'Assemblée nationale sans modification dans la rédaction du Sénat.
Un travail étroit de collaboration avec nos collègues sénateurs - bien évidemment - mais également avec nos collègues députés nous permet aujourd'hui de nous féliciter de ce que le dispositif ait enfin abouti à une mesure juste et indispensable : la garantie effective d'un montant minimum de 5 000 francs pour tous les allocataires.
Toutefois, nous regrettons le refus inflexible du Gouvernement d'instituer une allocation proportionnelle aux revenus d'activité et donc le rejet de la proposition d'équité que nous avions exprimée par le dépôt d'un amendement soutenu à la fois par la majorité et l'opposition et repris en synthèse par la commission en première lecture, amendement visant à prévoir, en plus d'un montant forfaitaire de l'allocation spécifique de l'ordre de 1 750 francs pour tous les chômeurs âgés concernés, un véritable revenu de remplacement plafonné à 8 000 francs.
Cette allocation spécifique d'attente aurait été calculée par référence à 57,4 % du salaire brut moyen de la dernière année de travail à temps complet. Son coût, de l'ordre de 100 millions à 124 millions de francs, n'était, me semble-t-il, qu'une goutte d'eau au regard des sommes que le contribuable est condamné à reverser pour colmater et, éventuellement, renflouer le Titanic qu'est devenu le Crédit Lyonnais.
Toutefois, forts de l'assurance du Gouvernement que ce texte entrera en application dans les plus brefs délais et convaincu qu'il va dans le sens de la garantie d'un seuil minimum de revenu sans toutefois aller jusqu'au bout de la générosité que nous attendions, c'est unanimement que les sénateurs non inscrits le voteront tel qu'il ressort des travaux du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce matin, en deuxième lecture, nous examinons la proposition de loi présentée par le groupe communiste à l'Assemblée nationale et tendant à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans et comptabilisant quarante annuités de cotisations à l'assurance vieillesse, proposition de loi que la commission des affaires sociales nous demande d'adopter conforme.
Le 3 février dernier, au cours de mon intervention dans la discussion générale, j'ai eu longuement le loisir d'évoquer les raisons justifiant l'adoption de cette allocation spécifique d'attente.
Il s'agit principalement, dans un souci d'équité, de justice sociale, de mettre fin à la situation précaire et humiliante dans laquelle se trouvent les demandeurs d'emploi de longue durée qui, de par leur âge - moins de soixante ans - ont très peu de chance de se réintégrer sur le marché de l'emploi tout en étant « trop jeunes » pour accéder à la retraite et qui sont exclus des dispositifs existants, qu'il s'agisse de l'ARPE ou de l'ACA.
Que ce soit à l'Assemblée nationale ou au sein de la Haute Assemblée, toutes sensibilités confondues, un accord s'est fait sur le principe même d'une telle allocation.
D'un montant de 1 750 francs, venant en complément de l'ASS ou du RMI, l'allocation permettra à ses bénéficiaires de vivre tous dans des conditions un peu plus décentes.
Toutefois, un débat a eu lieu tant en commission qu'en séance publique sur le caractère de l'aide. Celle-ci doit-elle être proportionnelle ou forfaitaire ?
C'est la logique d'assistance qui l'a emporté, mais, à chaque fois, accompagnée de l'idée qu'il serait juste aussi, pour les cadres intermédiaires, pour la maîtrise, pour ceux qui ont exercé des responsabilités, d'adjoindre au montant forfaitaire de l'allocation une majoration spécifique calculée par référence à 57,4 % du dernier revenu d'activité et plafonnée dans la limite de 8 000 francs par mois.
D'un coût assez faible de 100 millions à 124 millions de francs, cette proposition n'a pourtant pas recueilli l'aval du Gouvernement, ce que, bien entendu, nous déplorons tous !
A l'Assemblée nationale, le Gouvernement a seulement repris à son compte un amendement cosigné en commission par les membres de la majorité plurielle visant à s'assurer que le « total des ressources des bénéficiaires de l'allocation spécifique d'attente, ne pourra être inférieur à un montant fixé par décret ».
Cet apport, qui règle la situation des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique non majorée et des RMIstes seuls, garantissant à tout le monde une allocation d'au moins 5 000 francs, reçoit notre approbation.
A l'instar du rapporteur, M. Jean Madelain, nous souhaitons que la proposition de loi, que nous concevons comme une première réponse, puisse être adoptée conforme et qu'ainsi, très rapidement, elle trouve à s'appliquer. C'est le souhait commun des personnes qui nous ont écrit à ce sujet ou que nous avons rencontrées.
Permettez-moi encore, mes chers collègues, d'exprimer, d'une part, un regret quant à la non-prise en considération de la situation particulière des cadres victimes du chômage de longue durée et, d'autre part, le souhait que la loi sur les exclusions appréhende le problème des « sans droits », privés de l'allocation de solidarité spécifique, ainsi que celui de l'articulation de l'indemnisation du chômage avec les minima sociaux.
J'espère que le Gouvernement tiendra compte de ces remarques et qu'il gardera à l'esprit la proposition de notre groupe visant à l'ouverture d'un droit à la retraite à soixante ans pour trente-sept annuités et demie.
Bien évidemment, le groupe communiste républicain et citoyen votera ce texte. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Le groupe de l'Union centriste votera cette proposition de loi en remerciant le rapporteur, M. Jean Madelain, que chacun connaît bien dans cet hémicycle, qui s'est toujours préoccupé des problèmes relatifs aux allocations versées à ceux qui en ont le plus besoin.
Certes, comme certains l'ont souligné, ce dispositif n'est pas parfait, mais la perfection n'est pas de ce monde. Toutefois, il constitue déjà un petit plus qui, reconnaissons-le avec humilité, était absolument nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est avec beaucoup de satisfaction que le groupe des Républicains et Indépendants votera les dispositions de justice que les intéressés ont beaucoup trop attendu.
L'ancienne majorité en avait adopté le principe l'année dernière dans le projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale, mais ce texte n'est jamais entré en vigueur pour les raisons que l'on sait.
Nous ne pouvons donc que regretter que l'actuelle majorité ait mis si longtemps à proposer une mesure identique, qui ne pourra entrer en vigueur qu'en cours d'année alors que les chômeurs concernés en attendaient l'application dès le 1er janvier 1998.
En tout état de cause, cette mesure permettra de lutter contre la précarité à laquelle sont confrontés ceux qui ont commencé à travailler très tôt, en accomplissant des tâches parfois pénibles, qui ont cotisé toute leur vie et qui ont été exclus du marché du travail à la fin de leur carrière sans qu'une véritable possibilité de retrouver un emploi se présente à eux.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

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