M. le président. La parole est à M. Fayolle.
M. Gérard Fayolle. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
L'objectif de la politique économique du Gouvernement est la réduction de la dette, et donc des déficits publics, dans le but déclaré d'« assurer une croissance durable ». Les déficits devraient être contenus en deçà de 2,5 % du PIB en 1999, après 3 % cette année.
Réduire la dette et les déficits publics est un objectif louable de saine gestion. Mais, quand la croissance tant attendue est là, exclure tout allégement des prélèvements obligatoires apparaît néfaste à divers titres.
En premier lieu, le chômage ne régresse guère, nos concitoyens aux faibles revenus ont de plus en plus de mal à boucler leurs budgets.
Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il est temps que l'ensemble de nos concitoyens profitent du retour de la croissance ? Faut-il, au nom des critères de Maastricht et de l'euro, en priver nombre d'entre eux ?
Deux de nos voisins européens, membres de l'Union comme nous, ont entrepris de réduire leurs déficits publics avec un égal succès : la Grande-Bretagne du travailliste Tony Blair et l'Espagne du conservateur José Aznar.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et l'Italie ?
M. Gérard Fayolle. Dans ces conditions, la France ne pourrait-elle pas, à son tour, organiser la redistribution de la croissance ? Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas repris, quitte à la modifier, la réforme fiscale prévue sur cinq ans par le précédent gouvernement ? (Murmures sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Et pourquoi le précédent gouvernement a-t-il été battu ?
M. Gérard Fayolle. Par ailleurs, ne risque-t-on pas, en refusant les bénéfices de la croissance à bon nombre de Français, de renforcer encore le travail au noir ? Ce travail clandestin représenterait, dans l'Union européenne, selon la Commission de Bruxelles, entre 7 % et 16 % du PIB. Cette économie parallèle, en France, correspondrait à une fourchette comprise entre 4 % et 14 % du PIB.
Ne doit-on pas trouver là une nécessité de réformer la fiscalité, par la baisse de la TVA sur les industries de main-d'oeuvre et par la réduction des prélèvements obligatoires ?
M. René-Pierre Signé. Il faut faire le contraire de Juppé !
M. Gérard Fayolle. Enfin, à force d'attendre que la croissance devienne « durable », ne va-t-on pas favoriser les délocalisations d'entreprises sous des cieux plus propices fiscalement ? Des entreprises d'Aquitaine pourraient être tentées de s'expatrier en Espagne. A ce risque éventuel s'ajoute l'hémorragie amorcée de nos jeunes diplômés en direction de pays où l'offre est plus grande.
En conséquence, je vous demande, monsieur le ministre de bien vouloir nous indiquer les raisons qui empêchent la France de suivre la démarche de nos voisins espagnols et britanniques d'allégement de la fiscalité pour promouvoir l'emploi et relancer la consommation, sans laquelle aucune croissance ne saurait être durable. A défaut, pour beaucoup de Français, cette croissance ne serait alors qu'une croissance virtuelle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Il faut faire le contraire de Juppé !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, j'ai senti dans votre intervention une touche de remords : ce que vous dites sur la croissance et sur la réduction des déficits aurait très bien pu s'appliquer il y a un an, alors que le pays était en panne de croissance et que les déficits étaient ce qu'ils étaient. (Protestations sur les travées du RPR. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Vous profitez de ce que nous avons fait !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La croissance, monsieur le sénateur, a redémarré - pas seulement à cause du Gouvernement - à l'été 1997.
En matière de déficits, je rappellerai très brièvement que des observateurs indépendants émanant de la Cour des comptes avaient, au mois de juillet dernier, évalué les déficits de 1997 entre 3,5 % et 3,7 % du PIB. Nous les avons ramenés à 3 %. Nous n'en sommes pas particulièrement fiers, mais nous l'avons fait.
M. Dominique Braye. C'est la croissance !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Pourquoi la croissance est-elle revenue ? Parce qu'elle est assise sur des moteurs stables qui sont d'abord la consommation, que nous avons relancée dès le mois de juillet, mais aussi l'investissement des entreprises. (Nouvelles protestations sur les travées du RPR.) .
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Laissez parler M. le secrétaire d'Etat, taisez-vous un peu !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La croissance, qui sera de 3 % cette année, se poursuivra en 1999 à peu près au même rythme, ainsi que M. Dominique Strauss-Kahn - qui ne peut vous répondre lui-même cet après-midi - et moi-même l'avons dit ce matin.
La croissance est un facteur d'espoir, un facteur de création d'emplois.
Le chômage, dont vous avez parlé, ne diminue pas de façon virtuelle : il commence à diminuer de façon réelle et, à l'action de la croissance, le Gouvernement a ajouté la création des emplois-jeunes...
M. Dominique Braye. Parlons-en !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... qui, dans l'éducation nationale, dans les services de sécurité, dans certaines collectivités locales, prend un développement tout à fait important.
Le chômage va donc diminuer dans ce pays. L'espoir va renaître et nous continuerons, en 1999 - et même en l'an 2000 - à mener cette politique, qui est une politique de croissance, ...
M. Dominique Braye. Elle profite de la croissance !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... une politique de solidarité et de réduction graduelle des déficits, ce qui est plus facile à faire s'il y a de la croissance que s'il n'y en a pas.
Vous avez parlé de fiscalité, vous avez parlé de TVA. Dois-je rappeler que, pour lutter contre le travail clandestin, nous avons diminué de 15 % les charges de réhabilitation des logements privés des propriétaires ou des locataires ? Cette mesure est mise en oeuvre depuis le début de l'année 1998. Dois-je rappeler les dispositions que nous avons prises en faveur des bailleurs sociaux, faisant passer la TVA de 20 % à 5 % ? Nous continuerons cet effort, qui va dans le sens de la justice fiscale.
Nous nous intéressons également à la fiscalité du patrimoine, sujet que vous n'avez pas pu mentionner dans votre intervention trop brève, ...
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, s'il vous plaît !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... ainsi qu'à la TVA, à la fiscalité locale et à la fiscalité écologique. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez qu'en théorie on ne pose qu'une question. Vous regrettez que M. Fayolle n'en ait pas posé plusieurs ? Il ne faut tout de même pas pousser au vice ! (Sourires.)

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