M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 92 rectifié est déposé par Mme Heinis, MM. du Luart, Demilly, Martin, Dupont, Gérard Larcher, Trucy, Arzel, Vasselle et Le Breton.
L'amendement n° 180 rectifié est présenté par MM. Charasse, Delfau, Pastor, Piras, Chervy, Peyronnet, Besson, Peyrafitte, Miquel, Motroni, Moreigne, Autain, Carrère, Labeyrie, Dussaut et Madrelle.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 52, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 224-2 du nouveau code rural est ainsi rédigé :
« Art. L. 224-2. - Nul ne peut chasser en dehors des périodes d'ouverture de la chasse fixées par l'autorité administrative.
« Les dates d'ouverture anticipée et de clôture temporaire de la chasse des espèces de gibier d'eau sont fixées ainsi qu'il suit sur l'ensemble du territoire métropolitain, à l'exception des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.



DÉPARTEMENTS

DOMAINE

public maritime

AUTRES TERRITOIRES





Canards de surface

et limicoles

Autres

espèces

Ain . 1er dimanche de septembre 1er dimanche de septembre
Aisne . 4e dimanche de juillet 2e samedi d'août
Allier . 2e dimanche d'août 3e dimanche d'août
Ardèche .

15 août Nette rousse : ouverture générale

15 août
Ardennes . 15 août 15 août
Aube . 1er samedi d'août 3e samedi d'août
Aude 3e dimanche d'août . .
Boûches-du-Rhône 15 août
15 août Nette rousse : ouverture générale
15 août
Calvados 3e samedi de juillet 4e dimanche de juillet 1er dimanche d'août
Charente-Maritime 3e samedi de juillet . .
Cher . 1er samedi d'août 1er samedi d'août
Haute-Corse .
15 août Nette rousse : 1er septembre
15 août
Corse-du-Sud .
15 août Nette rousse : 1er septembre
15 août
Côte-d'Or . 15 août 4e samedi d'août
Côtes-d'Armor 4e dimanche d'août 4e dimanche d'août 4e dimanche d'août
Eure 3e samedi de juillet
3e samedi de juillet pour le marais Vernier. 4e samedi pour le reste du département
1er samedi d'août
Eure-et-Loir . 2e samedi d'août 2e samedi d'août
Finistère 4e dimanche d'août 4e dimanche d'août 4e dimanche d'août
Gard .
4e dimanche de juillet Nette rousse : ouverture générale
1er dimanche d'août
Haute-Garonne . 15 août 15 août
Gironde 3e samedi de juillet 1er samedi d'août 2e samedi d'août
Hérault 3e samedi de juillet
4e dimanche de juillet Nette rousse : ouverture générale
1er dimanche d'août
Ille-et-Vilaine
3e samedi de juillet 1er septembre dans la vallée de la Rance
3e samedi d'août 3e samedi d'août
Indre .
15 août Clôture temporaire : 15 septembre

15 août Clôture temporaire : 15 septembre
Indre-et-Loire .
3e dimanche d'août Clôture temporaire : 15 septembre

3e dimanche d'août Clôture temporaire : 15 septembre
Landes 3e samedi de juillet 1er samedi d'août 2e samedi d'août
Loir-et-Cher . 1er samedi d'août 1er samedi d'août
Loire . 3e dimanche d'août 3e dimanche d'août
Loire-Atlantique 3e dimanche de juillet 3e dimanche de juillet
Foulque : 3e dimanche de juillet Autres espèces : 1er dimanche d'août
Loiret . 1er samedi d'août 1er samedi d'août
Lot-et-Garonne .
Colvert : ouverture générale Autres espèces : 4e dimanche d'août
4e dimanche d'août
Maine-et-Loire . 15 août 15 août
Manche 3e dimanche de juillet 4e dimanche de juillet 1er dimanche d'août
Marne . 1er samedi d'août 3e samedi d'août
Haute-Marne . 2e dimanche d'août 3e dimanche d'août
Mayenne . 15 août 15 août
Meurthe-et-Moselle . 2e dimanche d'août 4e dimanche d'août
Meuse . 2e dimanche d'août 4e dimanche d'août
Morbihan 4e dimanche d'août
Colvert : du 4e dimanche de juillet au 1er dimanche d'août Autres espèces : 4e dimanche d'août
4e dimanche d'août
Nièvre . 1er samedi d'août 1er samedi d'août
Nord 3e samedi de juillet 4e samedi de juillet 1er samedi d'août
Oise . 4e samedi de juillet 1er samedi d'août
Orne .
1er samedi d'août 1er dimanche d'août sur les communes de Bellou-en-Houlme et Briouze
3e samedi d'août
Pas-de-Calais 3e samedi de juillet 4e samedi de juillet 1er samedi d'août
Puy-de-Dôme . 4e dimanche d'août 4e dimanche d'août
Pyrénées-Atlantiques 3e samedi de juillet 3e samedi d'août 3e samedi d'août
Hautes-Pyrénées . 3e dimanche d'août 3e dimanche d'août
Pyrénées-Orientales 3e dimanche d'août . .
Rhône . 3e dimanche d'août 3e dimanche d'août
Haute-Saône . 15 août 4e samedi d'août
Saône-et-Loire . 2e dimanche d'août 3e dimanche d'août
Sarthe . 3e samedi d'août 3e samedi d'août
Paris . 2e samedi d'août .
Seine-Maritime 3e samedi de juillet 4e samedi de juillet 1er samedi d'août
Seine-et-Marne . 2e samedi d'août 3e samedi d'août
Yvelines . 2e samedi d'août 3e samedi d'août
Deux-Sèvres . 15 août 1er dimanche de septembre
Somme 3e samedi de juillet 4e samedi de juillet 1er samedi d'août
Tarn .
Colvert : 15 août. Autres espèces : ouverture générale
.
Vendée Dernier dimanche d'août Dernier dimanche d'août Dernier dimanche d'août
Vosges . 2e dimanche d'août 4e dimanche d'août
Yonne . 15 août 15 août
Territoire de Belfort . 4e dimanche d'août 4e dimanche d'août
Essonne . 2e samedi d'août 3e samedi d'août
Hauts-de-Seine . 2e samedi d'août .
Seine-Saint-Denis . 2e samedi d'août .
Val-de-Marne . 2e samedi d'août .
Val-d'Oise . 2e samedi d'août
3e samedi d'août


« Pour les espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage, sur l'ensemble du territoire métropolitain, à l'exception des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les dates de clôture sont les suivantes :
« - canard colvert : 31 janvier ;
« - fuligule milouin, fuligule morillon, vanneau huppé : 10 février ;
« - oie cendrée, canard chipeau, sarcelle d'hiver, sarcelle d'été, foulque, garrot à l'oeil d'or, nette rousse, pluvier doré, chevalier gambette, chevalier combattant, barge à queue noire, alouette des champs : 20 février ;
« - autres espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage : dernier jour du mois de février.
« Cet échelonnement des dates de fermeture entre le 31 janvier et le dernier jour du mois de février vise à assurer l'exploitation équilibrée et dynamique des espèces d'oiseaux concernées. Toutefois, pour les espèces ne bénéficiant pas d'un statut de conservation favorable et chassées pendant cette période, des plans de gestion sont institués.
« Ces plans visent à contrôler l'efficacité de l'échelonnement des dates de fermeture. Ils contribuent également à rétablir ces espèces dans un état favorable de conservation. Ils sont fondés sur l'état récent des meilleures connaissances scientifiques et sur l'évaluation des prélèvements opérés par la chasse.
« Les modalités d'élaboration de ces plans de gestion sont déterminées par arrêté ministériel après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage. »
L'amendement n° 92 rectifié est assorti de deux sous-amendements présentés par M. Lefebvre et les membres du groupe communiste républicains et citoyen.
Le sous-amendement n° 212 tend à remplacer les six derniers alinéas du texte proposé par l'amendement n° 92 rectifié pour l'article L. 224-2 du nouveau code rural, par deux alinéas ainsi rédigés :
« - autres espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage : dernier jour de février.
« Toutefois, après cette date, exceptionnellement, par dérogation aux alinéas précédents, à condition que la ou les dérogations ne nuisent pas à la survie de l'espèce concernée, certains oiseaux de passage classés Colombidés pourront être chassés pendant une période de leur migration généralement constatée qui n'excèdera pas vingt-huit jours dans les départements ou parties de départements où ces usages coutumiers et traditionnels étaient déjà pratiqués.»
Le sous-amendement n° 213 tend à compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 92 rectifié par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'article L. 224-4 du nouveau code rural est ainsi rédigé :
« Art. L. 224-4 . - Dans le temps où la chasse est ouverte, le permis donne à celui qui l'a obtenu le droit de chasser de jour, soit à tir, soit à courre, à cor et à cri, soit au vol suivant les distinctions établies par des arrêtés du ministre chargé de la chasse.
« Toutefois, pour certaines espèces de gibier d'eau, la chasse de nuit et de jour à la hutte, tonne, gabion, butteau ou tout autre moyen spécifique à chaque département et déjà en usage, pourra être autorisée et réglementée pendant des périodes de temps limitées et en des lieux limitativement désignés dans les conditions du précédent alinéa. »
La parole est à Mme Heinis, pour présenter l'amendement n° 92 rectifié.
Mme Anne Heinis. Cet amendement reprend le texte d'une proposition de loi adoptée par le Sénat le 15 janvier dernier.
S'agissant des dates d'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau, jusqu'à présent décidées par arrêté ministériel, il est maintenant urgente de les inscrire dans la loi, compte tenu de l'attitude très négative du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement à ce sujet, qui ne semble pas vouloir prendre ces arrêtés.
L'incertitude juridique actuelle risque, de plus, de diminuer considérablement le nombre de timbres « gibier d'eau » et, par conséquent, d'abaisser les ressources financières de l'Office national de chasse, les chasseurs n'ayant bien évidemment aucune raison d'acheter des timbres pour une chasse qu'ils ne pourraient pratiquer.
En ce qui concerne les dates de fermeture, la loi du 15 juillet 1994, se fondant sur les données scientifiques et les méthodes proposées par le comité Ornis, a fixé le calendrier de fermeture selon l'état de conservation des espèces, en prévoyant que l'autorité administrative peut avancer les dates de fermeture.
Mais un contentieux juridique abondant s'est développé sur la nature du pouvoir d'appréciation ainsi laissé au préfet, ce qui a conduit les tribunaux à annuler la quasi-totalité des arrêtés.
Par ailleurs, force est de reconnaître qu'au niveau européen l'Etat français est mis en demeure pour non-transposition de la directive concernée, c'est-à-dire celle du 2 avril 1979 relative à la conservation des oiseaux sauvages. Or, il s'agit d'une première étape dans la procédure de contentieux en droit communautaire qui peut conduire à la condamnation de la France par la Cour de justice des Communautés européennes, condamnation, je le rappelle, éventuellement assortie d'une astreinte qui peut être très élevée.
M. Emmanuel Hamel. C'est aberrant !
Mme Anne Heinis. Les principales critiques émises par la Commission sur les méthodes françaises retenues pour fixer les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier migrateur portent sur l'insuffisante prise en considération des données scientifiques et techniques pour motiver la fixation des périodes de chasse.
Pour toutes ces raisons et conformément au principe de subsidiarité, réaffirmé à plusieurs reprises par la Commission européenne sur ce sujet et selon lequel la commission fixe le principe et les Etats membres les modalités d'application, cet amendement vise à instaurer un dispositif cohérent et pérenne. Celui-ci assortit le principe de fermeture échelonnée de la chasse aux oiseaux migrateurs de l'obligation de mettre en place des plans de gestion pour les espèces qui ne bénéficient pas d'un statut favorable et qui sont chassées entre le 31 janvier et le 28 février.
Il faut signaler que cette proposition, qui s'inspire d'un amendement adopté par la commission de l'agriculture du Parlement européen, doit permettre, à partir de données scientifiques et techniques tirées de comptages et d'observations, de mettre en place une gestion rationnelle des espèces visées. Ces plans, définis localement, pourront fixer des quotas de prélèvement, des jours de chasse, et, au-delà, décider de mesures de restauration ou de protection des milieux, toutes choses qui se font déjà pour certaines espèces dans plusieurs départements français.
En adoptant cet amendement, mes chers collègues, nous marquerons notre volonté d'engager un dialogue constructif avec l'Europe, ce qui, hélas ! ne s'est pas fait sur ce plan jusqu'à présent.
Par ailleurs, l'adoption du principe des plans de gestion pour certaines espèces d'oiseaux migrateurs témoigne du souci des chasseurs de gérer de façon équilibrée et rationnelle les populations d'oiseaux migrateurs.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre, pour défendre les sous-amendements n°s 212 et 213.
M. Pierre Lefebvre. Je ne pensais pas qu'il était bon de reprendre aujourd'hui, dans le cadre d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, le débat que nous avions eu le 15 janvier dernier et qui concernait les dates d'ouverture de la chasse au gibier d'eau.
Je rappellerai simplement que le groupe communiste républicain et citoyen s'était abstenu de voter la proposition de loi de nos collègues MM. du Luart et Charasse, modifiée par la commission des affaires économiques et du Plan.
Les conclusions de la commission avaient alors totalement ignoré les dispositions de notre proposition de loi qui se voulait respectueuse des pratiques de chasses traditionnelles tout en étant protectrice des espèces d'oiseaux migrateurs.
Notre souci était, et demeure, de renforcer et de moderniser notre réglementation afin de donner au Gouvernement français les moyens d'exiger une révision de la directive « oiseaux » de 1979.
Hélas ! tel ne semble pas être l'état d'esprit de Mme Voynet. Nous le regrettons car cette attitude envenime les relations entre l'ensemble des usagers de la nature et place notre pays sur la défensive par rapport aux projets de Bruxelles.
Nos collègues, MM. du Luart et Charasse ont déposé des amendements que, par ailleurs, nous approuvons.
Toutefois, dans le droit-fil de la discussion que nous avons eue dans cet hémicycle le 15 janiver dernier, nous souhaitons être cohérents avec nous-mêmes en rappelant les positions que nous avions alors défendues.
Par notre premier sous-amendement, nous réitérons notre rejet d'un échelonnement des dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs. Par ailleurs, la spécificité de la chasse aux colombidés doit être, selon nous, sauvegardée, à condition, bien évidemment, que cela ne nuise pas à la survie de l'espèce concernée.
Par notre second sous-amendement, nous entendons maintenir certaines de nos pratiques de chasse, notamment de nuit, telles qu'elles demeurent dans ma région du Nord - Pas-de-Calais.
Sur ces deux points précis, nous souhaitons affirmer notre souci d'aller vers une législation des us et coutumes, des modes et des périodes de chasses traditionnelles des oiseaux migrateurs.
Cette préoccupation est absente, selon nous, dans le texte des amendements déposés par nos collègues.
Notre philosophie est en résumé la suivante : affirmer notre identité française en matière de pratiques de chasse, en obtenant la modification de la directive n° 79-409, dont la légalité, je le souligne, reste à démontrer.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, loin d'être en contradiction avec l'amendement n° 92 rectifié, nos sous-amendements sont complémentaires. Nous souhaitons donc qu'ils soient adoptés.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 180 rectifié.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je ne vais pas reprendre tout ce qu'a dit Mme Heinis, puisque nos deux amendements sont identiques.
Il s'agit effectivement, comme l'a remarqué M. Lefebvre, et Mme Heinis l'a dit, de la reprise pure et simple de la proposition de loi adoptée par le Sénat, sans aucun vote contre, le 15 janvier dernier.
Je voudrais dire, m'exprimant en même temps sur les deux sous-amendements, que les auteurs des amendements, que ce soit Mme Heinis ou moi-même et les collègues qui ont cosigné l'amendement n° 180 rectifié, n'ont pas la prétention de régler l'ensemble du problème que pose la chasse aux oiseaux en général, oiseaux migrateurs, gibier d'eau et autres. En effet, notre texte ne vise que le gibier d'eau.
Je comprends parfaitement les préoccupations d'autres collègues qui s'inquiètent pour les autres catégories de gibier, qui sont visées par les sous-amendements présentés par notre collègue M. Lefebvre.
Je dois dire, d'ailleurs, que les choses sont claires. Dans notre esprit, l'adoption de ces amendements ne permettra pas pour autant de régler l'ensemble du problème.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est sûr !
M. Michel Charasse. C'est un aspect particulier, assez urgent, qui le sera, si l'assemblée nationale veut bien nous suivre, et qui obligera à renouer le dialogue avec la Commission européenne, avec l'Europe, puisque ce dialogue a été impossible jusqu'à présent.
Toutefois, et c'est une indication que mes amis MM. Carrère, Labeyrie, Dussaut et Madrelle m'ont demandé de donner au Sénat, le soutien qu'ils apportent à cet amendement, avec d'autres collègues du groupe socialiste, implique aussi que le Sénat accepte très rapidement l'inscription de la proposition de loi Lefebvre, dont les sous-amendements qui nous sont présentés sont pratiquement extraits, sinon dans la lettre, du moins dans l'esprit, à l'ordre du jour complémentaire laissé à l'appréciation de notre assemblée, de manière que nous puissions très rapidement couvrir et régler l'ensemble des difficultés liées à la chasse aux oiseaux en général.
Telles sont, monsieur le président, les précisions que je voulais apporter, faisant d'ailleurs miennes et les observations de Mme Heinis sur son amendement, puisqu'il est identique au mien, et celles de M. Lefebvre sur cet amendement et sur ses propositions complémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 92 rectifié et 180 rectifié ainsi que sur les sous-amendements n°s 212 et 213 ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Les deux amendements identiques n°s 92 rectifié et 180 rectifié, qui sont issus de tous les groupes de notre Haute Assemblée, témoignent de l'intérêt constant porté par le Sénat à tous les aspects de la vie de notre monde rural et de ses traditions.
Je sais, pour ma part, comme élu de l'Orne, qu'ils sont très attendus par tous les pratiquants de la chasse au gibier d'eau. Même si je ne suis pas spécialiste des pratiques cynégétiques, je veux cependant souligner qu'ils sont placés sous le signe de la « chasse-gestion » et non sous celui de la « chasse-cueillette », la grande majorité des chasseurs comptant parmi les gestionnaires avisés des espèces et des espaces ruraux.
En tant que rapporteur de la commission des finances, je ne néglige pas non plus les recettes de l'établissement public qu'est l'Office national de la chasse. En effet, si nous ne votions pas ces amendements, le nombre des « timbres gibier d'eau » risquerait d'enregistrer une baisse inquiétante.
Ces amendements ont donc leur place dans un DDOEF et la commission des finances y est très favorable.
S'agissant des deux sous-amendements, s'ils sont intéressants, ils sont sans rapport avec le sujet dont nous discutons. Aussi, la commission souhaite que M. Lefebvre veuille bien les retirer. Dans le cas contraire, elle se verrait dans l'obligation d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'exprimerai l'avis non pas seulement du secrétaire d'Etat au budget, mais de l'ensemble du Gouvernement.
Ce débat présente un avantage, celui de nous rappeler le nom de ces beaux oiseaux que sont l'oie cendrée, le canard chipeau, la sarcelle d'hiver, le foulque, le garrot à oeil d'or, la nette rousse, le pluvier doré, le chevalier gambette, le chevalier combattant, la barge à queue noire, l'alouette des champs, dont la date de clôture de la chasse est fixée au 20 février. (Sourires.)
Cela dit, je voudrais indiquer les deux raisons qui entraînent l'avis défavorable du Gouvernement.
D'une part, le fait de fixer dans la loi, dans un tableau qui remplit deux pages serrées, des dates de périodes de chasse me paraît manquer de la souplesse indispensable à la bonne gestion d'une ressource vivante, en l'occurrence le gibier migrateur. D'autre part - et les fins juristes qui siègent dans cette Haute Assemblée ne peuvent l'ignorer - l'amendement proposé est contraire à la directive européenne 79/409.
M. Emmanuel Hamel. La directive, on s'assoit dessus ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, rapporteur. M. Hamel va voter l'amendement ! (Sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Chacun le sait, plusieurs arrêts récents de la Cour de justice des Communautés européennes, en 1991 à l'encontre de l'Italie, en 1994 à l'encontre de la France, montrent que le droit européen, en l'occurrence, s'impose.
M. Emmanuel Hamel. Libérons-nous du droit européen !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous sommes aujourd'hui l'objet d'une nouvelle mise en demeure de la Commission européenne.
Le Gouvernement estime, sachant la place du droit communautaire, qu'on le veuille ou non - mais je pense que cela a été voulu dans le passé et dans le présent - qu'il est inutile d'ajouter au contentieux en cours.
C'est pourquoi, quel que soit l'intérêt qu'il porte à ces activités de chasse, le Gouvernement est obligé d'émettre un avis défavorable aux deux amendements et aux deux sous-amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 212.
Mme Anne Heinis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Je voudrais répondre à notre collègue Pierre Lefebvre, qui a déposé ce sous-amendement n° 212, en lui disant tout d'abord que je suis particulièrement sensible - j'avais déjà eu l'occasion de le lui dire le 15 janvier dernier - à la demande qu'il exprime : nous devons en effet traiter l'ensemble des oiseaux et non pas seulement quelques-uns.
Toutefois, sur le plan de la procédure, si l'on veut aboutir - et c'est mon souhait le plus vif, mon cher collègue, soyez-en sûr - on est obligé, juridiquement, de procéder en deux temps.
A ce sujet, je suis obligée de vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que je ne peux pas du tout souscrire à votre démonstration car, hélas ! vous ne semblez pas avoir été informé de façon tout à fait correcte.
En effet, le recours à une sorte d'amalgame, cet amalgame que j'avais d'ailleurs déjà relevé dans la réponse de Mme Voynet à ma question le 15 janvier dernier, tend à rendre complexe une situation somme toute beaucoup plus simple : dans la mesure où nous n'avons pas fourni à la Commission européenne les rapports qu'elle nous avait réclamés - rapports qui existent, je peux vous en donner les références - nous nous sommes mis en tort à son égard. Celle-ci, agacée au bout d'un certain temps par le fait que nous ne tenions pas nos promesses - car nous nous étions engagés à fournir ces rapports - a été poussée à déposer auprès de la Cour de justice des Communautés européennes un recours aux fins de mise en demeure.
Cette mise en demeure court maintenant et, tant que nous n'aurons pas fourni les rapports ou négocié avec la Commission sur le fond, nous serons sous le coup d'une condamnation qui pourrait être assortie d'astreintes extrêmement élevées.
A l'heure actuelle, que réclame la Commission ? Que nous lui fournissions les rapports qu'elle nous réclame et que nous engagions la négociation afin de nous mettre en règle. En effet, les contacts que j'ai eus avec la Commission - et j'en ai eu un certain nombre - me persuadent que c'est la bonne façon de procéder : c'est elle-même qui m'a conseillé de procéder ainsi.
M. Alain Lambert, rapporteur. Argumentation très convaincante !
Mme Anne Heinis. J'espère donc que l'Assemblée nationale voudra bien, comme l'a souhaité de son côté notre collègue M. Charasse, inscrire ce texte à son ordre du jour et le voter. Nous aurons alors tous les éléments nécessaires pour négocier avec la Commission européenne. Et, lorsque cette négociation aura abouti, la mise en demeure pourra être levée.
C'est alors - et alors seulement - que nous pourrons aborder le problème des chasses traditionnelles, au nom du principe de subsidiarité.
Quoi qu'il en soit, la Commission européenne souhaite vivement que nous lui transmettions les documents nécessaires pour que cette situation désastreuse cesse.
M. Michel Charasse. Bien sûr !
Mme Anne Heinis. Lorsque nous aurons remis de l'ordre et mené ces négociations, une deuxième étape pourra alors être envisagée, ce qui nous permettra de donner satisfaction à notre collègue.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 212, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 213, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les deux amendements identiques n°s 92 rectifié et 180 rectifié.
M. Pierre Lefebvre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Comme je l'ai dit en défendant les sous-amendements n°s 212 et 213, nous ne sommes pas hostiles à ces deux amendements. Je remercie d'ailleurs nos deux collègues Mme Heinis et M. Charasse d'avoir compris le sens des propositions que nous avons faites.
Aussi, et pour ne retenir aujourd'hui que l'essentiel qui doit nous réunir, nous adopterons les deux amendements déposés par nos collègues MM. Charasse et du Luart.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je dois dire que je suis très admiratif devant la démonstration de notre collègue Mme Heinis.
M. Alain Lambert, rapporteur. C'est vrai !
M. Yann Gaillard. Le problème posé est extrêmement sensible. Le Sénat avait d'ailleurs clairement marqué sa position lorsqu'il avait adopté la proposition de loi qui lui était soumise le 15 janvier dernier.
Il convient absolument de régler ce problème. Or Mme Heinis nous offre une occasion d'avancer dans cette voie, en bousculant peut-être un peu les procédures ; mais, pour une fois, je mettrai les scrupules juridiques de côté en l'honneur de la sarcelle d'été et de la sarcelle d'hiver et je voterai ces deux amendements. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 92 rectifié et 180 rectifié, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 52.
Par amendement n° 175, MM. Charasse, Régnault et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 52, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions relatives aux indemnités de fonction relevant des deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 2123-24 du code général des collectivités territoriales sont applicables dans les mêmes conditions aux vice-présidents des conseils généraux, régionaux ainsi qu'aux membres de ces assemblées ayant reçu délégation du président. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Nos collègues se souviennent sans doute qu'avant la décentralisation, et surtout avant la loi de 1992 et ses systèmes de plafonnement des indemnités des élus en général mais des élus locaux également, une disposition de l'ancien code des communes prévoyait que, lorsqu'un maire était parlementaire, il ne pouvait percevoir que la moitié de son indemnité, l'autre moitié étant versée, à sa convenance, à des conseillers ou à des adjoints pourvu que le total indemnitaire ne dépasse pas le maximum du crédit autorisé par la loi.
Cette disposition a été reconduite dans le code général des collectivités territoriales, mais elle n'a pas été étendue aux conseils généraux et aux conseils régionaux.
L'amendement que je vous présente n'a d'autre objet que de procéder de la même manière que nous le faisons pour les communes depuis 1884, c'est-à-dire que, sans dépasser le montant maximum autorisé pour les indemnités du président et des vice-présidents du conseil général et du conseil régional, une redistribution soit possible jusqu'à utiliser, si les élus le souhaitent, la totalité du crédit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est défavorable, car cette disposition permet un affranchissement collectif des plafonds indemnitaires individuels en vigueur.
Il semble quelque peu paradoxal, lorsqu'un élu dépasse un plafond indemnitaire légal, qu'il puisse reverser à ses adjoints des indemnités écrêtées, le cas échéant en dépassement des plafonds légaux applicables à ses adjoints.
M. Michel Charasse. Jamais !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cette argumentation est peut-être un peu technique, mais elle motive ma demande de retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Sagesse !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 175.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je n'ai rien compris, monsieur le président, à ce que vient de nous dire M. le secrétaire d'Etat, et je ne suis pas même sûr qu'il ait lui-même compris le papier qu'on lui a préparé et qu'on lui a fait lire. (Sourires.)
Par conséquent, je tiens à préciser les choses.
Votre argumentation signifie-t-elle, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous considérez que le système applicable aux communes est inique ? Alors, il faut le supprimer ! Vous ne pouvez pas nous dire, d'un côté, que le système que je propose d'étendre aux conseils généraux et régionaux est une horreur et ne pas avoir la logique, d'un autre côté, de nous demander de supprimer le même système lorsqu'il s'applique aux communes !
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Michel Charasse. Par ailleurs, nous ne dépassons aucun plafond ! Lorsque le législateur de 1884 a décidé que les maires parlementaires ne pourraient pas percevoir la totalité de leur indemnité, c'est parce qu'il savait que ces derniers ne pouvaient pas être en permanence dans leur commune et que le travail y était alors fait par leurs adjoints ou des conseillers qu'ils déléguaient à cet effet. La même chose se passe pour les conseils généraux et pour les conseils régionaux !
La loi de 1884, qui existe toujours pour les communes, avait donc prévu la possibilité d'affecter la totalité du crédit indemnitaire du maire et des adjoints, sans toutefois dépasser le montant total maximum autorisé par la loi aux adjoints, dans les limites que je viens d'indiquer.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous dites que l'on va dépasser les plafonds. Eh bien oui ! Il peut arriver que l'on dépasse, par cette redistribution, le montant maximal de l'indemnité d'un vice-président ; mais si ce vice-président perçoit lui-même des indemnités soumises à plafond, on ne dépassera pas ce plafond-là !
C'est pour cela que j'ai dit que je n'avais pas compris ce que vous aviez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, et, peut-être un peu méchamment, que vous ne l'aviez pas compris non plus, parce que je ne savais pas de quel plafond vous parliez, si vous parliez du montant maximal fixé par la loi pour l'indemnité du vice-président ou des plafonds maximaux fixés par la loi de 1992 pour les indemnités donnant lieu au-dessus à écrêtement.
En tout cas, monsieur le secrétaire d'Etat, de deux choses l'une : ou bien le système des communes est mauvais, et il faut vite nous demander de le supprimer - si j'étais à votre place, je ne garderais pas cinq minutes de plus cette chose insupportable ! ; ou bien le système n'est pas mauvais, et, dès lors, je ne vois pas pourquoi on ne l'étendrait pas, dans les mêmes conditions, avec les mêmes réserves et dans les mêmes limites, aux conseils généraux et aux conseils régionaux.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Charasse, le système des communes est historique et ce que vous proposez est inopportun.
M. Emmanuel Hamel. Quelle sévérité dans le jugement !
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de penser que l'acuité de ce problème a échappé à vos services et de constater que le fonctionnement des collectivités locales est, en général, trop méconnu.
Les élus que nous sommes sont soumis à des plafonds. Le grand public l'ignore, la grande presse ne le dit pas, hélas ! alors qu'elle nous brocarde volontiers - « Les élus, tous pareils ! » - en mettant en avant ceux de nos collègues qui se sont laissé aller à quelques turpitudes.
Un parlementaire élu local est soumis à un plafond ; il en va de même pour un conseiller général ; voilà la réalité !
Il est courant, dans les communes, que ceux qui ont d'autres mandats répartissent les indemnités y afférentes entre leurs adjoints, entre ceux qui travaillent avec eux.
Je ne vois pas en quoi la généralisation de cette pratique aux départements et aux régions constituerait une « horreur » sur le plan de la citoyenneté et de la transparence.
Votre appréciation me paraît erronée monsieur le secrétaire d'Etat. En tout cas, pour ma part, je voterais l'amendement.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. J'ai bien compris l'explication qui a été donnée par l'auteur de l'amendement. Effectivement, je ne vois pas pourquoi ce qui vaut pour les communes ne vaudrait pas pour les départements et les régions.
Simplement, avant de prendre position, j'aimerais savoir si, dans l'esprit de M. Charasse, en tout état de cause, l'écrêtement s'appliquera individuellement dans le cas où il devrait s'appliquer.
M. Michel Charasse. Bien sûr !
M. Jean Chérioux. A l'évidence, il doit y avoir écrêtement. Sous cette réserve, je voterai l'amendement.
M. Michel Charasse. Ce sont deux dispositions indépendantes !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Peut-être me suis-je exprimé, tout à l'heure, de façon un peu vive. Ce n'est pas mon habitude.
En fait, il s'agit là, à l'évidence, d'une disposition liée au cumul des mandats. Or, la Haute Assemblée aura bientôt le privilège de débattre de textes qui visent à limiter ce cumul. Ce sera, me semble-t-il, le moment opportun pour examiner le présent amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 175, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 52.
Par amendement n° 176, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 52, un article additionnel ainsi rédigé :
« A la fin des seconds alinéas des articles L. 205, L. 236 et L. 341 du code électoral, les mots : "que si quitus ne lui a pas été délivré de sa gestion dans les six mois de l'expiration du délai de production des comptes imparti par ledit jugement" sont remplacés par les mots : "qu'à l'issue d'un délai de deux mois après l'intervention d'un jugement de mise en débet devenu définitif, après épuisement éventuel des voies de recours contre ledit jugement". »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en 1990, alors que nous étions confrontés à la montée en puissance - si je puis dire - de jugements de chambres régionales des comptes déclarant des élus locaux comptables de fait, j'avais demandé au Parlement, qui avait bien voulu l'accepter, d'adopter une disposition pour clarifier les conditions dans lesquelles est prononcée l'inégibilité, ou plus exactement la démission d'office de l'élu local qui est déclaré comptable de fait.
Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'avant cette disposition de 1990-1991 la chambre régionale des comptes rendait un jugement provisoire à partir duquel l'élu local disposait d'un certain délai pour produire ses comptes et solliciter le quitus, mais que la législation était faite de telle manière que, dès que le jugement provisoire était rendu, l'inéligibilité et la démission d'office jouaient.
En accord avec la Cour des comptes, à l'époque, je m'étais permis de rédiger, conjointement avec son procureur général, M. Raynaud, un texte que j'avais soumis aux deux assemblées, qui avaient bien voulu l'adopter.
Il y était précisé que la démission d'office ne pouvait intervenir que lorsque le jugement est définitif, c'est-à-dire lorsque le comptable, ayant produit ses comptes, n'obtient pas quitus parce que la chambre régionale n'approuve pas sa comptabilité ou parce qu'il manque de l'argent dans la caisse de façon inexpliquée.
Or, un conflit est survenu récemment, qui est arrivé jusqu'au Conseil d'Etat, sur l'interprétation du mot « définitif ».
Je me souviens qu'à l'époque j'avais eu la volonté, en accord avec le procureur général Raynaud, de dire que le jugement était définitif après épuisement de toutes les voies de recours, étant entendu qu'un jugement de la chambre régionale des comptes peut être porté en appel devant la Cour des comptes, qui peut réformer, ou en cassation devant le Conseil d'Etat, qui peut annuler.
Nous ne sommes pas, dans ce domaine, dans une situation analogue à celle du fonctionnaire qui est comptable de fait. En effet, le fonctionnaire comptable de fait qui, après un jugement de la chambre régionale des comptes, se trouve sanctionné, est ensuite rétabli dans tous ses droits s'il obtient gain de cause devant le Conseil d'Etat.
Quant à l'élu à qui l'on a demandé de s'en aller, s'il gagne ensuite devant la Cour des comptes ou le Conseil d'Etat, c'est trop tard. C'est un billet en aller simple, il n'y a pas d'aller et retour ! (Sourires.)
Voilà pourquoi j'ai cru utile, compte tenu de l'arrêt du Conseil d'Etat qui est intervenu sur ce sujet, de proposer au Sénat de préciser que l'expression « jugement définitif » s'entend « après épuisement de toutes les voies de recours », comme d'ailleurs le précise le droit européen en ce qui concerne toutes les sanctions non pas le droit de la Commission européenne de Bruxelles, mais le droit du Conseil de l'Europe, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, etc.
Donc, il y aurait lieu à démission d'office du comptable de fait dont la gestion n'est pas approuvée lorsque, la chambre régionale ayant rendu son jugement, celui-ci a été confirmé ou infirmé en appel, mais en tout cas confirmé en cassation devant le Conseil d'Etat.
Le comptable de fait peut évidemment choisir aussi de ne pas faire appel ni de se pourvoir en cassation. Dans ce cas, le jugement est définitif après l'expiration du délai de recours.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. M. Charasse aborde là un thème très sensible, celui des conditions dans lesquelles un élu déclaré comptable de fait peut, en l'absence de régularisation de sa situation, être démis d'office de son mandat.
Il est exact qu'il existe des incertitudes sur l'interprétation des dispositions du code électoral en cette matière et que, dans un domaine aussi délicat, il convient de veiller à la précision du droit applicable, ainsi qu'au respect des droits de la défense.
Cela étant, ainsi que j'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire à M. Charasse en commission des finances, il a été créé au Sénat un groupe de travail commun à la commission des finances et à la commission des lois sur les chambres régionales des comptes.
Ce groupe de travail doit rendre prochainement ses conclusions, qui doivent normalement faire le point du droit applicable aux sanctions électives en matière de gestion de fait.
Aussi suis-je en droit, me semble-t-il, de demander à M. Charasse, qui vient de nous exposer les raisons d'être de son amendement, de bien vouloir le retirer dans l'attente des conclusions de ce groupe de travail.
M. le président. Je vais maintenant demander l'avis du Gouvernement.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je suis d'ores et déjà d'accord pour retirer l'amendement s'il est entendu que le groupe de travail examinera aussi cette question.
M. le président. L'amendement n° 176 est retiré.
Par amendement n° 177 rectifié, MM. Charasse, Massion et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 52, un article additionnel ainsi rédigé :
« Sauf dans les cas visés par les articles L. 2123-25, L. 3123-20 et L. 4135-20 du code général des collectivités territoriales, et sous réserve des dispositions prévues dans les articles L. 2123-29, L. 3123-24 et L. 4135-24 du même code, les indemnités visées aux articles L. 2123-20 à L. 2123-24, L. 3123-15 à L. 3123-19, L. 4135-15 à L. 4135-19 et L. 5211-7 de ce dernier n'ont pas le caractère d'un salaire, d'un traitement ou d'une rémunération quelconque et ne sont prises en compte lorsqu'elles sont au plus égales à l'indemnité d'un maire d'une commune de moins de 3 500 habitants, ni pour l'attribution des prestations sociales de toute nature, et notamment de celles relevant du code de la sécurité sociale ou du code de la famille et de l'aide sociale, ni pour l'attribution de l'allocation instituée par la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion. Ces indemnités ne sont pas assujetties aux cotisations de sécurité sociale. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement reprend le texte d'une proposition de loi qui a été déposée voilà déjà pas mal de temps, d'une part, par notre collègue M. Delevoye, d'autre part, par moi-même et plusieurs collègues de mon groupe, texte qui avait été fortement suggéré par le bureau de l'Association des maires de France.
Il s'agit de la question irritante de savoir si, dans un cas, les indemnités perçues par les élus locaux sont un salaire et si, dans l'autre, elles ne le sont pas.
Les choses sont très simples - très simples à expliquer en tout cas !
Une circulaire du ministère de l'intérieur du 15 avril 1992, postérieure donc au vote de la loi du 6 février 1992, qui a créé le statut actuel des élus et le nouveau régime indemnitaire, a prévu que ces indemnités n'avaient pas le caractère d'un salaire. Et lorsqu'un élu local demande un avantage social, les organismes sociaux considèrent qu'il a le caractère d'un salaire.
Si l'Association des maires de France a été conduite à poser cette question, c'est parce qu'elle a été saisie par deux ou trois collègues dont l'indemnité municipale était de 3 000 ou 4 000 francs par mois et qui, pour le motif que leur était versée cette « très grosse » indemnité municipale - alors qu'ils étaient dépourvus de ressources, qu'ils avaient perdu leur emploi, qu'ils n'avaient aucune autre ressource - ont été privés du bénéfice du RMI.
L'amendement que je présente reprend donc le texte de la proposition que j'ai évoquée, en y ajoutant simplement une précision. En effet, nous ne pouvons tout de même pas accepter que, au-delà d'un certain montant, l'indemnité ne soit pas prise en compte. Il est bien évident que le maire d'une commune ou l'élu d'une collectivité qui percevrait une indemnité de 10 000, 15 000 ou 20 000 francs par mois pourrait difficilement dire, pour obtenir un certain nombre d'aides, qu'il n'a aucune ressource !
Avec mes amis du groupe socialiste, je propose donc, par cet amendement, de ne pas prendre ces indemnités en considération lorsqu'elles sont au plus égales à l'indemnité d'un maire d'une commune de moins de 3 500 habitants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission souhaite entendre le Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. MM. Charasse et Delevoye posent la question du droit aux prestations soumises à condition de ressources d'un certain nombre d'élus locaux.
L'article R. 531-10 du code de la sécurité sociale prévoit que, pour calculer la condition de ressources, il est tenu compte des revenus nets catégoriels retenus pour le calcul de l'impôt sur le revenu. Les revenus par nature imposables sont donc intégralement pris en compte. Tel est le cas des indemnités de fonction des élus locaux.
M. Charasse pose un véritable problème, celui de l'allocation du RMI, dont certains élus locaux peuvent avoir besoin.
L'article 9 de la loi qui a créé le RMI, celle du 1er décembre 1997 modifiée, dispose que « l'ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d'insertion est pris en compte pour le calcul de l'allocation ».
Le principe d'interdiction du cumul d'un revenu social, en l'occurrence le RMI, avec un autre revenu social ou un revenu tiré de l'exercice d'une activité ou d'une fonction, fût-elle publique ou élective, doit être maintenu par simple égalité de traitement et pour éviter des demandes reconventionnelles qui ne manqueraient pas, dans le cas où une collectivité territoriale verserait une aide, de peser sur les finances locales.
Par conséquent, monsieur le sénateur, le droit en la matière est tout à fait clair, et, malheureusement, face à un droit aussi limpide, je ne puis que vous suggérer de retirer l'amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission des finances se range à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 177 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je tiens à faire deux observations.
La première, c'est que le droit existant peut toujours être changé. Dans une réunion administrative, on peut toujours dire que la loi prescrit ceci ou cela et qu'on ne peut pas la changer. Au Parlement, il est tout de même très difficile d'en faire autant !
Pour ma part, j'ai un problème lorsque l'on n'applique pas la loi, mais je n'ai pas la révérence de la loi.
Deuxième observation : moi, je veux bien vous suivre, monsieur le secrétaire d'Etat, mais comment réglez-vous le problème précis que je vous ai soumis tout à l'heure, c'est-à-dire celui du maire qui a une indemnité de 3 000 francs par mois - parce que, dans sa commune, on a décidé de ne pas aller au-delà, même s'il a droit à un peu plus - et qui n'a aucune autre ressource ?
Nous savons tous que l'indemnité sert à couvrir les frais du mandat. Or, dans les petites communes, des frais de mandat, il y en a plus qu'on ne le croit : les gars des ponts et chaussées sont constamment là ; il faut leur payer un « canon », le casse-croûte, etc. (Sourires.) A ce régime, les 3 000 francs, cela part très vite !
Le maire n'ayant rien d'autre pour vivre, encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous pose la question : comment réglez-vous le problème ?
Si vous prenez l'engagement d'y réfléchir en liaison avec les ministères concernés - car je ne veux pas vous accabler, cher monsieur Sautter, vous n'êtes pas seul en cause dans cette affaire, je dirai même plus, ce n'est pas tellement le ministère du budget qui est en première ligne sur ce sujet, c'est plutôt le ministère de l'emploi et de la solidarité...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'assume !
M. Michel Charasse. Si donc vous vous engagez à demander à votre collègue Mme Aubry d'essayer d'étudier la question et de nous apporter une réponse d'ici à deux, trois ou six mois, ou à l'automne au moment du budget, je veux bien retirer l'amendement.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Pour essayer de faire preuve d'humanité, je peux dire à M. Charasse que le Gouvernement est conscient des problèmes que pose la prise en compte intégrale des indemnités de fonction et, plus particulièrement, de la fraction de ces indemnités qui est consacrée au remboursement forfaitaire des frais occasionnés par l'exercice de la fonction.
Monsieur Charasse, le Gouvernement est attentif à vos propos. Il est conscient de ce problème et il est prêt à y réfléchir. Sous le bénéfice de cette explication complémentaire, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Charasse, votre amendement est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. La bonté de M. le secrétaire d'Etat est immense ! Je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 177 rectifié est retiré.
Par amendement n° 178, MM. Mauroy, Allouche, Mme Derycke, M. Raoult et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 52, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 1424-30 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président et le vice-président bénéficient du régime d'indemnités de fonction prévu à l'article L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales pour les présidents et les vice-présidents des établissements publics à caractère intercommunal sans fiscalité propre. »
« II. - Les pertes de recettes pour les collectivités locales sont compensées par une augmentation à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. A l'occasion de la mise en place des services départementaux d'incendie et de secours, le statut des présidents et vice-présidents de conseils d'administration des services d'incendie et de secours n'a pas fait l'objet de dispositions spécifiques. La charge de travail et la disponibilité inhérentes à ces fonctions rendent pourtant souhaitable la mise en place d'un régime indemnitaire.
Le Gouvernement en est d'ailleurs conscient puisque, en réponse à une question écrite, M. le ministre de l'intérieur a indiqué en mars dernier que les modalités d'attribution d'une indemnité de fonction destinée aux présidents de conseils d'administration des services d'incendie et de secours seraient prochainement examinées afin de saisir rapidement le Parlement de propositions.
Cet amendement vise donc à remédier à cette injustice en fixant un régime indemnitaire pour les présidents et les vice-présidents des services départementaux d'incendie et de secours.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cette question de l'octroi d'indemnités de fonction aux présidents et aux vice-présidents des services départementaux d'incendie et de secours n'a guère sa place, me semble-t-il, dans un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
J'ajoute que, tel qu'il est rédigé - peut-être cela mérite-t-il une réflexion supplémentaire - l'amendement comporte une ambiguïté en ce sens qu'il renvoie à un article du code général des collectivités locales qui fixe simplement un principe. Il resterait encore à appliquer le barème.
Cette question mérite certainement d'être approfondie afin d'aboutir à un texte qui a sa place ailleurs que dans ce projet de loi portant DDOEF.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement, dont je ne discute pas le fond, mais qui mérite, je le répète, une réflexion supplémentaire.
M. le président. Monsieur Angels, l'amendement n° 178 est-il maintenu ?
M. Bernard Angels. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 178 est retiré.

Articles 53 et 54