Séance du 4 juin 1998







M. le président. « Art. 1er. _ La mise au point, la fabrication, la production, l'acquisition, le stockage, l'offre, la cession, l'importation, l'exportation, le transfert et l'emploi des mines antipersonnel sont interdits. »
Par amendement n° 2, M. Goulet, au nom de la commission, propose, dans cet article, après les mots : « le stockage, », d'insérer les mots : « la conservation ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Goulet, rapporteur. Cet amendement tend à ajouter à la liste des activités interdites la conservation des mines antipersonnel. D'ailleurs, c'est une notion qui figure dans la convention d'Ottawa et qui doit donc être reprise dans la loi française.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Il s'agit d'un amendement de cohérence. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 14, Mme Beaudeau, M. Bécart et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine l'article 1er par une phrase ainsi rédigée : « Ces interdictions s'appliquent également aux composants et dérivés. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous proposons au Sénat d'étendre le champ d'interdiction de la mise au point, de la fabrication, de la production, de l'acquisition, du stockage, de la conservation - c'est l'amendement que nous venons de voter - de l'offre, de la cession, de l'importation, de l'exportation, du transfert et de l'emploi des mines antipersonnel aux composants et dérivés.
De même que la convention de 1993 sur les armes chimiques a élargi l'interdiction à toutes les substances chimiques susceptibles d'être transformées en armes, il convient de supprimer les mines antipersonnel et, dans le même temps, les moyens de les fabriquer.
C'est donc l'ensemble du processus de production qu'il faut prendre en compte, et non le seul produit fini proposé sur le marché.
Il ne s'agit pas d'un complément accessoire, car la question des composants et dérivés est, à notre avis, centrale : en vérité, elle détermine la crédibilité et l'applicabilité de la loi dans son ensemble. En effet, s'il est vrai que la France n'exporte plus de mines antipersonnel « prêtes à l'emploi », qu'en est-il des composants ?
D'après nos informations, certains producteurs français de feux d'artifice exercent, par exemple, une activité duale.
Quelle garantie avons-nous que certains éléments constitutifs d'une mine - les détonateurs, les allumeurs, etc. - ne seront pas assemblés, sur notre territoire ou hors de celui-ci, pour créer une mine antipersonnel de type artisanal ?
Par exemple, d'après certaines sources, lors d'opérations de déminage effectuées au Salvador en 1995, il est apparu que 95 % des engins posés étaient de fabrication artisanale, à partir de composants classiques.
Est-il nécessaire de préciser que les mines de ce type sont d'autant plus dangereuses qu'elles sont imprévisibles ? Elles ne correspondent, en effet, à aucune de celles qui sont répertoriées et connues des troupes du génie chargées du déminage.
Nous risquons donc d'assister à un nouvel essor du commerce des composants, d'une part, et à une fabrication clandestine des mines, d'autre part.
Certes, les éléments qui entrent dans la composition d'une mine antipersonnel peuvent être destinés à une autre fin, plus pacifique - je vous ai entendu, monsieur le ministre - mais il serait nécessaire, à tout le moins, d'en contrôler strictement l'utilisation et la vente.
Pour ces raisons, je vous invite à voter cet amendement n° 14.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Goulet, rapporteur. Cet amendement prévoit d'inclure les composants et les dérivés des mines antipersonnel dans les matériels interdits par la loi.
D'une manière générale, la commission des affaires étrangères a tenu à ce que le champ d'application de la loi nationale soit rigoureusement identique à celui du texte de référence, c'est-à-dire la convention d'Ottawa. Or ni les composants ni les dérivés ne sont visés par cette convention.
En outre, madame Beaudeau, il nous paraît difficile d'interdire des composants qui ne sont en rien propres aux mines antipersonnel et qui peuvent entrer, par exemple, dans la fabrication d'autres matériels, y compris civils.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 14.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Ce qui a rendu aussi dramatique le développement des mines antipersonnel, c'est, précisément, leur extrême simplicité technique. Il n'y a pas de matériel spécifique, isolable dans l'industrie, qui contribue à la fabrication des mines antipersonnel : celles-ci sont composées de détonnateurs tout à fait banals ; ce sont des ressorts, des pièces extrêmement simples.
Par conséquent, la vraie réponse au problème de la fabrication des mines antipersonnel artisanales réside dans la législation interne que nous allons adopter, en même temps que tous les pays signataires : l'assemblage de ces composants simples pour en faire une arme devient un délit très grave.
Quand on vote des lois, c'est bien parce que l'on croit à leur efficacité ! En l'occurrence, on fait de cet acte un délit qui est punissable devant les tribunaux de tous les pays signataires. C'est la raison pour laquelle il faut qu'il y ait le maximum de pays signataires.
La préoccupation, tout à fait légitime, que vous exprimez, madame le sénateur, se trouve donc au coeur du projet de loi de ratification de la convention et elle est satisfaite par la présente proposition de loi.
Quant à la question des dérivés des mines antipersonnel, elle concerne, en réalité, les compléments des mines antichars.
Il s'agit d'empêcher que soient éliminées du terrain de bataille, pendant une période de conflit, les mines antichars, qui sont une arme essentielle du combat.
Veut-on rendre illicites les mines antichars, tout en maintenant dans les armes licites les missiles antichars et les chars eux-mêmes ? Si l'on veut engager un débat sur les mines antichars, il faut traiter la question de façon globale et dire que l'on se fixe comme objectif la disparition des blindés de la planète.
Faut-il arrêter le programme Tigre ? Faut-il supprimer les hélicoptères antichars ?
Les mines antichars font partie d'un niveau de conflit qui est déclenché par l'engagement de blindés sur les champs de bataille. Il n'est donc pas cohérent de vouloir supprimer l'une des composantes de la bataille de chars sans toucher aux autres.
Par conséquent, s'agissant des dérivés des mines antipersonnel, je ne dis pas qu'il s'agit d'un sujet qu'il faut écarter, mais, afin de conserver leur cohérence aux armements terrestres, il faut le traiter, je le répète, de façon globale et dire que l'on se donne comme objectif de supprimer entièrement, sur dix ans ou sur vingt ans, les blindés de la surface de la planète.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement et par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

ARTICLES ADDITIONNELS APRÈS L'ARTICLE 1er