Séance du 29 juin 1998







M. le président. « Art. 2. - Dans chaque département, il est institué un conseil départemental du patrimoine naturel, présidé par le représentant de l'Etat dans le département et composé :
« - d'une part, de représentants élus des communes, du conseil général et du conseil régional ; ces représentants sont majoritaires au sein du conseil ;
« - d'autre part, de représentants des services et établissements publics de l'Etat, de représentants des secteurs économiques et professionnels concernés, de personnalités qualifiées sur le plan scientifique, ainsi que de représentants des associations départementales agréées de protection de l'environnement. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il s'agit, dans cet article, de l'institution d'un conseil départemental du patrimoine naturel.
Ayant été rapporteur de la loi de 1995, je crois pouvoir dire que l'institution d'un tel conseil est susceptible de combler certaines insuffisances de cette loi, concernant l'optimisation des structures départementales en charge du patrimoine naturel.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 13, M. Bellanger et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 2 :
« Dans chaque région, il est institué un conseil régional du patrimoine naturel, présidé par le représentant de l'Etat dans la région et composé :
« - d'une part, de représentants élus des communes, des conseils généraux concernés et du conseil régional ; ces représentants sont majoritaires au sein du conseil ;
« - d'autre part, des représentants de l'Etat des départements concernés, de représentants des services et établissements publics de l'Etat, de représentants des secteurs économiques et professionnels concernés ainsi que des autres usagers du milieu naturel, de personnalités qualifiées sur le plan scientifique et de représentants des associations agréées de protection de l'environnement. »
Par amendement n° 17, M. Souplet propose de rédiger comme suit cet article :
« La commission départementale des sites, perspectives et paysages procède à l'identification scientifique et technique des propositions de sites susceptibles d'être reconnus d'importance communautaire. »
Par amendement n° 6 rectifié, MM. Grignon et Vasselle proposent de rédiger comme suit le premier alinéa de l'article 2 :
« En remplacement de la Conférence Natura 2000, il est institué, dans chaque département, un conseil départemental du patrimoine naturel, présidé par le représentant de l'Etat dans le département et composé : »
Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Vasselle et Martin.
L'amendement n° 1 rectifié tend, dans le dernier alinéa de l'article 2, à remplacer les mots : « des secteurs économiques et professionnels concernés » par les mots : « des organisations agricoles et forestières ainsi que des autres secteurs économiques et professionnels concernés ».
L'amendement n° 2 rectifié a pour objet de compléter in fine le dernier alinéa de l'article 2 par les mots : « notamment de la fédération départementale des chasseurs et des associations agréées de pêche et de pisciculture et des milieux aquatiques ».
Les deux derniers amendements sont présentés par MM. Grignon et Vasselle.
L'amendement n° 7 rectifié vise à compléter in fine le dernier alinéa de l'article 2 par les mots suivants : « et des organisations représentatives des autres usagers du milieu naturel ».
L'amendement n° 8 rectifié tend à compléter in fine le dernier alinéa de l'article 2 par les mots suivants : « en tenant compte de leur représentativité et pour assurer une représentation équilibrée des différents intérêts en présence ».
La parole est à M. Bellanger, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Jacques Bellanger. J'ai développé, lors de la discussion générale, les raisons pour lesquelles nous considérons que l'échelon de concertation et de décision est l'échelon régional et non pas l'échelon départemental. Je crois donc inutile d'y revenir.
M. Hilaire Flandre. On peut aussi supprimer les départements !
M. le président. La parole est à M. Souplet, pour présenter l'amendement n° 17.
M. Michel Souplet. Cet amendement n'a plus d'objet, monsieur le président. En conséquence, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 17 est retiré.
La parole est à M. Grignon, pour présenter l'amendement n° 6 rectifié.
M. Francis Grignon. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié est retiré.
La parole est à M. Vasselle, pour défendre les amendements n°s 1 rectifié et 2 rectifié.
M. Alain Vasselle. Il s'agit d'amendements de précision tendant à s'assurer que les organisations agricoles et forestières, ainsi que les fédérations départementales des chasseurs et des associations agréées de pêche et de pisciculture et des milieux aquatiques, seront représentées au sein du conseil départemental du patrimoine naturel.
Cela étant, selon les avis qui seront émis sur l'amendement n° 7 rectifié, que j'ai cosigné et qui fait référence aux « organisations représentatives des autres usagers du milieu naturel », je les retirerai éventuellement.
M. le président. La parole est à M. Grignon, pour défendre les amendements n°s 7 rectifié et 8 rectifié.
M. Francis Grignon. Il s'agit, avec l'amendement n° 7 rectifié, d'associer les organisations représentatives des autres usagers du milieu naturel aux travaux du conseil départemental du patrimoine naturel. En effet, ces organismes étaient déjà associés à la Conférence Natura 2000.
Quant à l'amendement n° 8 rectifié, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 13, 1 rectifié, 2 rectifié et 7 rectifié ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je veux d'abord dire à M. Bellanger que sa proposition peut paraître tout à fait justifiée.
Pourquoi, en effet, ne retiendrait-on pas le niveau régional plutôt que le niveau départemental ?
Après tout, les conseils scientifiques de la protection de la nature relèvent du niveau régional et ce sont les conseils régionaux qui sont responsables de la création des parcs naturels régionaux et de la délimitation de leur territoire.
On peut donc effectivement considérer que la région est l'échelon pertinent lorsqu'il s'agit d'arrêter un certain nombre de décisions relatives à la protection de l'environnement.
D'ailleurs, dans un premier temps - je parle sous le contrôle de Mme Bardou - nous avions envisagé de proposer la création d'un conseil régional du patrimoine naturel. Je crois d'ailleurs avoir entendu Mme la ministre faire mention d'un tel conseil dans sa réponse. Il est vrai qu'elle a dit tant de choses ! En tout cas, je crois l'avoir entendue indiquer que les conseils scientifiques de protection de la nature pourraient être incorporés ou fondus dans cette structure régionale.
Cela étant, il est clair que plus on se rapproche du terrain où se vivent les enjeux, moins on risque de prendre des décisions éloignées des réalités.
D'ailleurs, pour la mise en place de Natura 2000, c'est bien l'échelon départemental qui a été retenu par le Gouvernement à travers les comités départementaux de suivi.
En fait, il est extrêmement difficile de choisir. Selon que l'on est départementaliste ou régionaliste, on trouvera plus de vertus à l'échelon départemental ou à l'échelon régional.
Finalement, nous nous sommes inspirés de la commission départementale de coopération intercommunale, structure qui a soulevé les mêmes questions et, d'une manière générale, pour garantir une plus grande proximité, un plus grand pragmatisme, une plus grande concertation, nous avons opté pour le niveau départemental, tout en assurant une représentation de la région.
Cela me donne l'occasion de préciser à Mme la ministre que j'ai, moi aussi, organisé la concertation dès l'instant où nous avons amorcé l'élaboration de cette proposition de loi. Nous avons rencontré tous les représentants des organismes que vous avez cités tout à l'heure à l'exception, je le confesse et je le regrette, des représentants des fédérations de randonneurs. C'est une carence et je prie les adeptes de la randonnée, dont je fais d'ailleurs partie, de bien vouloir m'en excuser.
Cela dit, nous avons tous retenu, dans le cadre de cette concertation, l'échelon départemental car il nous a semblé le plus pertinent. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 13.
En revanche, elle a exprimé un avis favorable sur l'amendement n° 7 rectifié, qui tend à compléter la liste des membres du conseil départemental du patrimoine naturel par les représentants des organisations représentatives des autres usagers du milieu naturel. Cet amendement couvre donc l'ensemble des ayants droit de l'espace.
De ce fait, la commission estime que les amendements n°s 1 rectifié et 2 rectifié n'ont plus d'objet.
M. Alain Vasselle. Je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s 1 rectifié et 2 rectifié sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13 et 7 rectifié ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le conseil départemental du patrimoine naturel me pose un double problème.
Tout d'abord, il existe actuellement à l'échelon départemental plusieurs commissions dont les champs d'applications se recoupent. Je les cite pour mémoire : la commission départementale des sites, perspectives et paysages - l'idée qui avait été avancée tout à l'heure de confier éventuellement à cette commission, aux missions refondées et précisées, le soin de piloter la mise en place du réseau Natura 2000 aurait pu faire l'objet d'un débat - le conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage, le conseil départemental de l'environnement et de la qualité de vie dont j'ai souligné tout à l'heure le caractère virtuel.
J'ai également évoqué les risques de confusion qu'induirait la mise en place de conseils départementaux du patrimoine naturel alors qu'existent déjà les conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel, d'une part, et les comités départementaux de suivi de Natura 2000, d'autre part.
Ma seconde réticence concerne - mais nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 3 - les missions qui seraient confiées à ces conseils départementaux du patrimoine naturel.
En effet, l'article 3 leur réserve en priorité une mission d'identification scientifique et technique des sites. Or, cette phase de mise en oeuvre de la directive Natura 2000 est pratiquement terminée, et je ne vois donc pas très bien quelle pourrait être la mission de ces conseils. Le Gouvernement est donc extrêmement réticent en ce qui concerne la création des conseils départementaux du patrimoine naturel.
S'agissant de l'amendement n° 13, l'idée de créer une instance de réflexion et de concertation à l'échelon régional me paraît intéressante. Toutefois, sa mise en place ne s'inscrit, là non plus, ni dans le calendrier ni dans le processus de réalisation du réseau Natura 2000. Cette proposition ne correspond donc pas complètement aux missions que pourrait remplir un conseil régional du patrimoine naturel, outil supplémentaire s'ajoutant à ceux qui existent déjà et pouvant donc apporter une plus grande cohérence dans la gestion des espaces et des milieux, indépendamment du réseau Natura 2000. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée s'agissant de l'amendement n° 13, mais émet des réserves sur l'équilibre général de l'article 2.
L'amendement n° 7 rectifié, quant à lui, tend à préciser que l'ensemble des partenaires du terrain seront associés à la concertation : cela me paraît aller de soi. Je suis donc favorable à cet amendement.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Nous n'en sommes pas surpris !
Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Mme la ministre s'en est remise à la sagesse du Sénat et elle a eu raison, car la Haute Assemblée est sage et sa décision sera, à coup sûr, pertinente. (Sourires.)
Permettez-moi simplement de donner quelques explications sur les trois points qui ont été évoqués par Mme la ministre.
La création des conseils départementaux du patrimoine naturel, dites-vous, madame la ministre, est gênante car cela fera un organisme départemental de plus. Mais s'il y en a déjà tant, c'est bien que l'échelon départemental est pertinent !
Ensuite, vous évoquez les comités départementaux de suivi de Natura 2000. Les conseils départementaux du patrimoine naturel que nous proposons de créer se substituent bien évidemment à ces comités départementaux de suivi de Natura 2000.
Enfin, s'agissant de l'envoi de la liste des sites identifiés, je vous trouve très pessimiste, madame la ministre ; cette liste n'est pas close, et l'on n'est pas certain qu'il n'y aura pas d'autres sites proposés. Je suis même persuadé qu'il y en aura. De ce fait, il est nécessaire que nous nous dotions de ces conseils départementaux du patrimoine naturel.
Comme vous l'avez indiqué vous-même dans votre propos liminaire, les listes qui ont été envoyées à la Commission, soit 543 sites, sont un premier jet ; elles ne représentent que 1,6 % du territoire, ce qui est relativement peu, j'en suis persuadé. Cela signifie que, tôt ou tard, nous aurons à revenir sur la question. Votre prédécesseur avait d'ailleurs parlé des sites à feu vert, des sites à feu orange et des sites à feu rouge. Qui nous dira qu'un site à feu rouge ne sera pas à feu vert demain ? C'est le conseil départemental du patrimoine naturel.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de préciser un certain nombre de points sémantiques. L'identification des sites auxquels fait référence l'article 3 de la proposition de loi est réalisée depuis longtemps : elle résulte du travail de scientifiques qui ont classé les sites en fonction de leur intérêt au regard de la directive en précisant quelles étaient les espèces animales ou végétales qu'on souhaitait protéger sur ces sites.
Les propositions de sites relèvent de la responsabilité de l'Etat. C'est donc cette phase qui est en train de s'achever pour ce qui nous concerne.
Quant à la désignation des sites au titre du réseau Natura 2000, elle sera faite d'un commun accord entre l'Etat membre et l'Union européenne après confrontation des points de vue. C'est ce qui s'est notamment passé lors des réunions par zones biogéographiques qui ont permis d'examiner les propositions de la totalité des Etats et de retenir pour chacun d'eux les sites les plus intéressants.
L'article 3, qui tend à identifier les sites, revient donc à accomplir un travail déjà réalisé par des scientifiques, notamment par ceux du Muséum national d'histoire naturelle.
La proposition de sites relève de la responsabilité de l'Etat membre, qui a des comptes à rendre à la Commission. Si un conseil départemental du patrimoine naturel devait être mis en place, il pourrait éventuellement assurer le suivi de la gestion à l'échelon local. A ce moment-là, on pourrait soit en débattre, soit convenir que la commission des sites, perspectives et paysages pourrait être chargée de cette mission.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je ne voudrais pas me lancer ici dans un débat sémantique. En revanche, il subsiste un problème sur le fond.
Vous avez raison, madame la ministre : le comité départemental assurera aussi cette mission de suivi, et c'est bien un décret ministériel qui désignera les sites. Mais, actuellement - et je pourrais vous citer plusieurs départements - certains sites n'ont pas été désignés alors qu'ils sont certainement pertinents ou qu'ils pourraient l'être à l'échelon européen. Cela signifie qu'il faudra revenir sur ces sites, car on ne sait pas aujourd'hui si tous ont été désignés.
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je vous trouve, je le répète, pessimiste. Ce comité départemental devrait normalement être de nature à vous rassurer et votre étonnement me surprend tout comme votre indécision à l'égard de cette proposition.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne suis pas indécise.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. M. le rapporteur ne m'a pas convaincu ; il doit d'ailleurs bien le savoir.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je m'en doutais un peu !
M. Jacques Bellanger. Il ne suffit pas de faire participer deux représentants régionaux à un comité pour considérer que la région est représentée. Si M. le rapporteur avait proposé de faire participer des représentants départementaux à une commission régionale, j'en aurais été d'accord.
Le problème est le suivant : avec qui et à quel échelon doit-on régler ce problème ? Nous ne sommes pas convaincus. Nous n'insisterons pas davantage mais je maintiens que le véritable échelon de l'aménagement du territoire est la région ; chacun votera selon ses convictions.
M. Hilaire Flandre. C'est du conservatisme !
M. Michel Souplet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet. Je viens d'écouter avec intérêt Mme le ministre. Les différentes catégories de citoyens concernés par la directive, à savoir les agriculteurs, les propriétaires fonciers, les forestiers, les chasseurs, les pêcheurs, les écologistes, mais aussi d'autres, ont été affolés à l'idée que des chercheurs, certes compétents, aient décidé du choix des sites sans concertation. C'est bien pourquoi nous souhaitons que la décision soit prise au plus près du terrain, soit à l'échelon départemental.
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3