Séance du 10 novembre 1998







M. le président. « Art. 1er. _ L'article 211 du code rural est ainsi rédigé :
« Art. 211 . _ Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire, de sa propre initiative ou à la demande de toute personne concernée, peut prescrire au propriétaire ou au gardien de cet animal de prendre des mesures de nature à prévenir le danger.
« En cas d'inexécution, par le propriétaire ou le gardien de l'animal, des mesures prescrites, le maire peut, par arrêté, placer l'animal dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci. Les frais sont à la charge du propriétaire ou du gardien.
« Si, à l'issue d'un délai franc de garde de huit jours ouvrés, le propriétaire ou le gardien ne présente pas toutes les garanties quant à l'application des mesures prescrites, le maire autorise le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d'un vétérinaire mandaté par la direction des services vétérinaires, soit à faire procéder à l'euthanasie de l'animal, soit à en disposer dans les conditions prévues au II de l'article 213-4.
« Le propriétaire ou le gardien de l'animal est invité à présenter ses observations avant la mise en oeuvre des dispositions du présent article. En cas d'urgence, cette formalité n'est pas exigée et les pouvoirs du maire peuvent être exercés par le préfet. »
Par amendement n° 1, M. Braye, au nom de la commission, propose, dans le troisième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 211 du code rural, de remplacer les mots : « huit jours ouvrés » par les mots : « quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement, qui vise à substituer au délai de huit jours ouvrés un délai de quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal, obéit à quatre motifs.
Premièrement, la notion de « jours ouvrés », comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, est une source de complexité qui ne peut que nuire à la lisibilité du texte.
Je rappelle que la notion de « jours ouvrés » exclut ce que l'on appelle le dies a quo , en l'occurrence le jour de la capture de l'animal, de même que les jours de fermeture de la fourrière où l'animal a été placé. Cela signifie, pour un délai de huit jours ouvrés, dans le cas d'une fourrière fermée au public deux jours par semaine, une période totale de garde de onze jours. Pour prendre l'exemple de la présente semaine, si la fourrière est en outre fermée le 11 novembre, cette période sera même de douze jours. Et à supposer que l'animal ait été capturé le 1er novembre, veille du jour des défunts, elle atteindra treize jours.
Il est donc évident que ce délai de huit jours ouvrés peut être, dans les faits, excessivement variable d'une fourrière à l'autre, suivant son mode de fonctionnement, et d'une semaine à l'autre.
Mes chers collègues, si le territoire de votre commune abrite plusieurs établissements ayant chacun un mode de fonctionnement distinct, vos pauvres administrés n'auront aucune chance de s'y retrouver, pas plus d'ailleurs que les élus.
Dans le district urbain de Mantes-la-Jolie, que j'ai l'honneur de présider, les chiens trouvés peuvent être amenés dans trois établissements : soit un établissement intercommunal, soit un établissement départemental, soit une fourrière gérée par la Société protectrice des animaux. Chacun ayant un mode de fonctionnement qui lui est propre, les délais seront systématiquement différents ! Bonjour la simplicité ! Et je rejoins ici tout à fait le porte-parole du groupe socialiste. Le délai que nous proposons est, au contraire, clair et peut être aisément assimilé par tous.
Deuxièmement, il me semble important, toujours dans un souci de compréhension et de lisibilité, de ne pas multiplier les délais de durée différente alors qu'il s'agit, en gros, du même sujet.
Or il existe déjà un délai de quinze jours pour les animaux mordeurs ou suspectés de l'être. Je ne vois donc nullement l'intérêt de prévoir ici un délai d'une durée différente.
Le troisième motif qui conduit la commission à faire cette proposition est plus grave, car il concerne la rage.
Je suis au regret de dire que ce problème a fait l'objet à l'Assemblée nationale d'explications confuses, tronquées et inexactes : on a notamment confondu la durée d'incubation de la maladie et le moment à partir duquel la rage peut être transmise, notamment à l'être humain.
Il n'est pas dans mon intention de faire ici un cours de virologie, mais je tiens à vous rappeler quelques éléments capitaux.
Tout d'abord, la durée d'incubation de la rage est, chez les carnivores domestiques - donc chez le chien - très variable, pouvant aller jusqu'à six mois, voire au-delà. Mais ce qui nous intéresse au premier chef, c'est le moment à partir duquel un animal contaminé par la rage devient dangereux pour l'homme. Eh bien, mes chers collègues, il devient dangereux à partir du moment où le virus de la rage est présent dans sa salive : l'animal peut alors le transmettre à l'homme en le léchant ou en le mordant. Or le virus arrive dans la salive de l'animal au maximum quinze jours avant l'apparition des premiers symptômes de la rage chez l'animal. Autrement dit, si un animal a mordu une personne et ne présente pas, dans les quinze jours qui suivent cette morsure, les premiers symptômes, même s'il est en période d'incubation de la rage, il ne peut en aucun cas avoir transmis la rage à l'être humain. Ainsi, ce délai de quinze jours est capital au regard de la transmission à l'homme de cette maladie mortelle.
Sans doute allez-vous me rétorquer, monsieur le ministre, que la disposition des huit jours ouvrés s'applique sans préjudice des mesures sanitaires relatives aux prescriptions antirabiques, pour lesquelles le délai de quinze jours s'appliquera. Mais voir les choses ainsi, monsieur le ministre, c'est faire fi de la réalité et même de l'évidence. Pour avoir supervisé le fonctionnement de tels établissements pendant près de vingt ans, je puis vous certifier que, lorsqu'un gestionnaire de fourrière récupère un chien errant, il est évidemment dans l'incapacité de savoir quel a été le comportement de l'animal dans les quinze jours précédents, précisément parce qu'il était errant. Or, pendant ces quinze jours, il peut avoir mordu un nombre indéfini de personnes !
C'est pourquoi, mes chers collègues, je crois qu'il faut mettre ici en oeuvre ce principe de précaution sanitaire élémentaire et je ne comprends même pas comment on a pu suggérer au ministère d'adopter une position différente de celle qui a toujours prévalu en France et qui fait que notre pays est le seul en Europe à ne pas avoir eu à déplorer de mort par rage à la suite d'une contamination sur son territoire.
En première lecture, on m'a objecté qu'un délai de quinze jours causerait un surcoût insupportable pour les collectivités locales.
Monsieur le ministre, comme l'ensemble de mes collègues également élus locaux, je ne peux qu'être très sensible à ce souci du Gouvernement de préserver les finances locales, d'autant qu'il ne paraissait pas figurer jusqu'à présent au premier rang de ses préoccupations, ce Gouvernement-ci s'inscrivant d'ailleurs, en l'espèce, dans la ligne suivie par ceux qui l'ont précédé.
Cela étant, j'ai voulu évaluer le surcoût en question et j'ai pu constater qu'il était minime : il permettrait, peut-être, de financer les gommes du quart du dixième des personnels de ma collectivité, laquelle est au demeurant complètement informatisée ! (Sourires.)
Mais restons sérieux ! Parce qu'une loi touchant le grand public comme celle-ci doit être facilement compréhensible pour être efficace, il convient de laisser au propriétaire de l'animal un délai suffisamment long pour lui permettre de se mettre en état d'appliquer les mesures prescrites. Et je répète que cet amendement répond surtout au souci de ne pas faire courir à nos concitoyens le moindre risque de contamination par la rage.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement, après ce plaidoyer plein de brio ? (Sourires.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je serai sûrement beaucoup moins brillant que M. le rapporteur. (Nouveaux sourires.) En tout cas, dans la mesure où nous sommes en deuxième lecteure, la plupart des arguments ont déjà été échangés, ce qui me permettra d'être bref.
Je considère que, tel qu'il est rédigé, cet article permet de prévenir tous les risques, y compris le risque rabique, qui fait l'objet des articles 232 et suivants du code rural.
L'allongement du délai que propose M. le rapporteur n'apporterait aucune garantie supplémentaire et entraînerait, quoi qu'il en dise, un coût supplémentaire pour les collectivités locales. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jean Bernard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Monsieur le ministre, en tant que professionnel, je ne partage pas votre approche.
Vous avez dit dans votre propos liminaire que cette prolongation de quelques jours allait perturber le caractère de l'animal. Je ne le pense pas.
Par ailleurs, ayant été moi aussi responsable d'un refuge pendant plus de trente ans, je sais qu'il existe des circonstances exceptionnelles. Des gens partent en vacances pour une dizaine de jours et confient leur animal à un gardien occasionnel. Va-t-on alors, après huit jours, occire le brave animal parce que le gardien en question n'aura pas estimé devoir prendre les mesures requises ?
Franchement, ce délai de quinze jours me paraît compatible avec une application normale de ces dispositions.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Pour ma part, c'est le sentiment de M. le rapporteur que je ne partage pas.
Tout d'abord, je fais remarquer que le délai de huit jours n'est applicable que lorsque, un animal ayant été reconnu comme présentant un danger et son propriétaire ou son gardien ayant été prié de bien vouloir prendre certaines mesures - le museler, le garder, ce qui n'est tout de même pas très compliqué - ce propriétaire ou ce gardien n'a pas obtempéré. C'est alors que le maire peut placer le chien en fourrière.
Nous ne sommes donc pas du tout face au cas d'un chien errant. C'est même tout le contraire !
J'ai bien compris le raisonnement de M. le rapporteur, selon lequel il ne faut surtout pas éradiquer tous ces chiens très dangereux. Mais, en tant que maires - c'est peut-être l'intérêt du cumul des mandats, et je sais que M. le rapporteur exerce les mêmes fonctions - nous devons prendre des mesures efficaces contre ces pittbulls ou autres chiens dangereux.
En effet, c'est toujours vers le maire qu'on se tourne, et celui-ci doit pouvoir mettre en demeure le propriétaire ou le gardien du chien de prendre des mesures telles que ce chien ne cause pas de dommages, ne serait-ce qu'en obligeant son propriétaire ou son gardien à le tenir en laisse. Le maire doit pouvoir intervenir en cas de carence ; je peux citer le cas d'un chien qui a été saisi après qu'on l'eut rendu inoffensif par projection d'une seringue hypodermique.
Nous prenons nos responsabilités mais, par pitié ! - et je remercie M. le ministre - adoptons, en tant que législateur, des dispositions permettant aux élus de faire face à ces situations.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Gérard Cornu. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Je ne suis pas vétérinaire. Je me rallie donc aux explications techniques de notre rapporteur.
En tout état de cause, j'approuve son souci de simplicité. Comme il l'a très justement souligné, il faut que cette réglementation soit aussi claire que possible pour l'ensemble de nos concitoyens. Dans ces conditions, il me paraît sage d'adopter ce délai de quinze jours.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je me permets de rappeler que nous retrouverons un délai de quinze jours en plusieurs endroits du texte. Il y a donc là une question d'homogénéité.
Par ailleurs, je voudrais dire à M. About, qui est comme moi sénateur des Yvelines, que nous n'exerçons manifestement pas nos mandats locaux dans des communes du même type.
M. Nicolas About. Je suis médecin, moi ! Je ne suis pas vétérinaire !
M. Dominique Braye, rapporteur. Quand j'entends le maire de Montigny-le-Bretonneux dire que ce n'est pas très compliqué pour un maire de faire respecter le port de la muselière ou l'usage de la laisse,...
M. Nicolas About. J'ai dit exactement le contraire !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... je ne peux que l'inviter à Mantes-la-Jolie pour lui montrer que les chiens dangereux, qui se trouvent plutôt chez moi que chez lui, génèrent manifestement de gros problèmes !
Comme je l'avais dit en première lecture, on a beau imposer le port de la muselière, cela ne sert à rien ! Les propriétaires la mettent sur la tête du chien et disent : « Vous voyez bien, monsieur le maire, que mon chien porte une muselière.»
Monsieur About, nous ne sommes pas confrontés aux mêmes situations et j'aimerais bien être dans la vôtre pour me reposer, mais je ne peux vous laissez dire ce que vous avez dit, d'autant que les arguments que vous développez dépassent largement le seul problème des chiens dangereux, que je condamne fortement.
M. Nicolas About. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur About, je ne peux plus vous donner la parole. Nous ne sommes pas dans le département des Yvelines !
M. Nicolas About. Monsieur le président, j'ai été mis en cause !
M. le président. De toute façon, mon cher collègue, je vais devoir suspendre la séance pour quelques minutes.
M. Nicolas About. Que M. le rapporteur écoute au moins ce qu'on lui dit ! Il entend le contraire de ce qu'on lui dit !
M. le président. Mes ches collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures, est reprise à douze heures dix.)