Séance du 16 novembre 1998







M. le président. « Art. 18. - I. - Avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les sections constituant les unions des médecins exerçant à titre libéral contribuent, en liaison avec l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, à l'information des médecins libéraux sur les pratiques professionnelles individuelles et collectives. Elles organisent des actions d'évaluation des pratiques de ces médecins et contribuent à la diffusion des méthodes et référentiels d'évaluation.
« Pour l'exercice de cette mission, les sections constituant les unions ont recours à des médecins habilités à cet effet par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et notamment à des experts mentionnés à l'article L. 791-4 du code de la santé publique. Les médecins habilités qui exercent parallèlement une activité médicale procèdent, à la demande des médecins libéraux intéressés, à des évaluations individuelles ou collectives des pratiques.
« Les sections constituant les unions établissent chaque trimestre, avec le concours de l'union régionale des caisses d'assurance maladie, une analyse de l'évolution des dépenses médicales et communiquent les conclusions à l'ensemble des médecins libéraux de leur ressort ainsi qu'à l'Etat, qui en assure la synthèse et la diffusion à toutes fins utiles.
« Les modalités de mise en oeuvre des présentes dispositions sont fixées par voie réglementaire. »
« II. - L'article L. 791-2 du code de la santé publique est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° D'apporter son concours à la mise en oeuvre d'actions d'évaluation des soins et pratiques professionnelles. »
Par amendement n° 15, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - Au début de la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 18 pour insérer quatre alinéas avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993, de remplacer les mots : « Les sections constituant les unions » par les mots : « Les unions » ;
B. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du même texte, de supprimer les mots : « les sections constituant » ;
C. - De rédiger comme suit le début du troisième alinéa du même texte : « En utilisant les données transmises par les médecins mentionnées au présent article, les unions établissent... »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement vise à modifier l'article 18. Celui-ci donne de nouvelles compétences d'évaluation des pratiques médicales aux unions régionales de médecins. Nous nous en réjouissons. Nous considérons que ces unions sont des organes très importants dans la discussion qui est aujourd'hui engagée entre les caisses et les médecins.
D'abord, l'amendement vise à donner ces compétences aux unions, et non aux sections de généralistes et de spécialistes qui les composent. Le projet de loi initial prévoyait d'ailleurs cette solution. Nous revenons donc aux termes de ce texte.
Je me souviens des discussions qui ont eu lieu, lors de l'examen de loi de 1991, concernant la création de ces unions régionales. Il s'agissait alors de savoir si ces structures devaient être uniques ou si elles devaient faire une distinction entre spécialistes et généralistes. Le Parlement avait retenu des sections uniques. Il ne faut pas à nouveau les « sectionner », si je puis dire.
Par ailleurs, cet amendement vise à rappeler qu'aux termes de la loi instituant les unions celles-ci reçoivent, comme les caisses, les données informatisées transmises par les médecins. Cela nous semble très important.
Ce point aussi avait donné lieu à une discussion. Les médecins disaient qu'ils ne pouvaient accepter une discussion avec les caisses s'ils n'étaient pas informés en même temps et au même niveau que celles-ci.
Finalement, le texte avait été voté car il précisait que les unions auraient des informations en même temps que les caisses. Or le décret d'application qui devrait organiser cette transmission n'a toujours pas été publié.
Nous pensons que, en l'état actuel, les unions ne pourront pas exercer leur mission d'évaluation si elles ne disposent pas des informations nécessaires. Cela constituera une cause de blocage supplémentaire entre les caisses et les médecins. Aujourd'hui, il y a suffisamment de sources de blocage pour ne pas en ajouter ! Je souhaite donc que ces données informatisées soient transmises simultanément aux caisses et aux unions régionales. C'est très important sur le plan psychologique comme sur le plan technique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, pardonnez-moi de vous rappeler - mais c'était sans doute une erreur de votre part - que la loi que vous évoquez a été votée non pas en 1991, mais en 1993. A cette époque, déjà, je faisais partie du Gouvernement, en tant que ministre de la santé : grandeur et décadence... (Rires.)
M. Jacques Oudin. Surtout décadence !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. René Teulade et moi-même étions déjà en faveur des sections, mais nous n'avons pas été suivis. Le gouvernement de l'époque préférait les sections aux unions.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison de rappeler que la situation est suffisamment bloquée. Imaginez-vous, dans la situation actuelle, des généralistes qui jugeraient les dépenses des spécialistes ?
J'aimerais bien qu'il en soit ainsi car, d'une certaine manière, ce blocage et cette division du corps médical ne me plaisent pas. Mais c'est inimaginable.
C'est pourquoi nous avons accepté un amendement à l'Assemblée nationale en faveur des sections. En effet, nous considérons que les généralistes doivent juger des dépenses des généralistes et que les spécialistes doivent juger des dépenses des spécialistes.
M. François Autain. Cela paraît être le bon sens !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons tous les deux une certaine durée de vie politique...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Moi, c'est étonnant ! (Sourires.)
M. Charles Descours, rapporteur. A l'époque, le Parlement avait estimé que les unions régionales étaient préférables aux sections. Je souhaite qu'il maintienne la position qu'il avait défendue en 1993, dans le même rapport de forces politiques.
Je maintiens donc l'amendement visant à substituer les unions aux sections.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Belle obstination !
M. Charles Descours, rapporteur. Je maintiens également la disposition concernant la transmission des données. Il s'agit d'un point capital, sans lequel les unions régionales ne serviront à rien et il y aura de nouveau blocage avec les médecins.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je soutiens l'amendement de la commission car les arguments que M. le secrétaire d'Etat a développés voilà un instant tiennent compte d'une opposition, il est vrai très rude à l'heure actuelle, entre les différents modes d'exercice de la médecine, suivant qu'il s'agit de généralistes ou de spécialistes. Mais M. le secrétaire d'Etat semble penser qu'une telle situation d'incompréhension et d'affrontement doit perdurer. Si tel était le cas, ce n'est pas en structurant les unions régionales à travers des sections, sans aucune possibilité de se rencontrer et de se comprendre, que nous pourrions remédier à ces incompréhensions mutuelles.
A l'inverse, lorsque le Gouvernement propose de renforcer ces unions, c'est, je l'imagine, non pas pour instaurer une guerre de tranchées entre spécialistes et généralistes, mais bien pour « responsabiliser » les médecins, et Dieu sait si le terme est utilisé souvent dans ce genre de débat ! C'est plus par une connaissance mutuelle que l'on peut espérer une amélioration de ces relations. Laissons les unions se structurer comme elles l'entendent.
Dans un système avec des évolutions prévisibles, il me paraît tout à fait possible de retrouver une certaine cohésion du corps médical dans ses différents modes d'exercice, alors que la structure en sections reconnaît une sorte de situation d'échec qu'elle tend à pérenniser. C'est finalement sur un pari - la restauration de relations plus confraternelles entre les différents modes d'exercice des professions de santé - que je fonde mon soutien à l'amendement présenté par la commission des affaires sociales.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes assez proche de nous.
En effet, le 29 octobre 1998, à l'Assemblée nationale, M. Evin, rapporteur, disait : « L'amendement n° 52 confie aux sections de généralistes et de spécialistes le soin de procéder à des évaluations distinctes. » Et M. le secrétaire d'Etat, très prudent - le qualificatif est de moi, il ne figure pas au Journal officiel - de rétorquer : « Je ne suis pas trop favorable à de tels cloisonnements, mais je m'en remettrai à votre sagesse. »
M. François Autain. On évolue !
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous seriez donc plus sévère avec le Sénat qu'avec l'Assemblée nationale ? (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je reprendrai exactement les termes que vous me prêtez et qui ne peuvent qu'être exacts puisque le compte rendu intégral du Journal officiel en témoigne.
Comme je l'ai répété devant vous, monsieur le rapporteur, je ne suis pas favorable à ces cloisonnements. Je souhaiterais bien sûr plus d'unité dans le corps médical. Mais je constate que, pour le moment, ce processus n'est pas encore achevé et que cette unité n'est pas cimentée - c'est le moins que l'on puisse dire.
Je le répète : je préférerais dans bien des domaines, en particulier celui qui fait l'objet de la présente discussion, c'est-à-dire les unions, qu'il existât plus de résonance et de mise en commun des ressources et des réflexions. Mais, l'état actuel des choses - je serais heureux de changer d'avis, et si, plus tard, les unions peuvent faire ce travail, je serai satisfait - je pense que les généralistes doivent juger les généralistes et les spécialistes les spécialistes, même si cela ne me plaît pas.
M. Charles Descours, rapporteur. Ne serait-ce pas parce que c'est ce que veut MG-France ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 16, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 18 pour insérer quatre alinéas avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 : « ainsi qu'à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, qui en assure la synthèse et la diffusion ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement se situe dans la même logique que celui qui concerne la transmission des informations aux unions. En l'occurrence, nous ne voyons pas en quoi il est nécessaire que l'Etat soit destinataire des analyses réalisées par les unions. En revanche, il est légitime que la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés les reçoive. C'est l'objet de cet amendement.
Le principe, puisque nous sommes dans une phase où il faudra discuter pour savoir comment l'ONDAM est respecté, est que les unions régionales, d'une part, et la CNAM, d'autre part, aient les mêmes informations, afin de pouvoir discuter, par exemple pour savoir si l'ONDAM a été respecté ou non.
Aujourd'hui, si la CNAM considère que l'ONDAM est dépassé, les médecins n'ont pas les moyens de savoir si c'est vrai.
Il faut mettre un terme à ce blocage. Aussi, il importe que les unions régionales reçoivent les informations en même temps que la CNAM. De plus, c'est la logique. De plus, cela permettra, je l'espère, le dialogue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Je considère que l'Etat doit faire son travail de synthèse et de diffusion, qu'il doit pouvoir juger, à partir de l'analyse établie par les unions, des dépenses de santé en général, et que la CNAM doit faire le sien.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je ne voudrais pas faire de procès d'intention, mais je ne vois pas ce que l'Etat a à faire dans l'évaluation des pratiques médicales. Tout à l'heure, on m'a reproché de vouloir étatiser la sécurité sociale ! L'évaluation des pratiques médicales concerne les partenaires conventionnels : d'une part, la CNAM et, d'autre part, les praticiens !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je comprends l'étonnement de M. Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement prétend vouloir instaurer un climat de confiance et une transparence. Ce point a été évoqué à plusieurs reprises, et il semblait que l'on soit d'accord.
Des dispositions comme celles que prévoit l'amendement n° 16 tendent à assurer la transparence et le partage des informations, à charge pour chacun, dans les discussions, dans les négociations, de les utiliser au mieux.
Toutefois, en émettant un avis défavorable sur cet amendement, qui pourrait apparaître comme tout à fait anodin, vous laissez entrevoir, monsieur le secrétaire d'Etat, l'existence d'une sorte de volonté de cacher un certain nombre d'informations. Je ne comprends pas cette attitude alors que, sur un point somme toute mineur,...
M. Charles Descours, rapporteur. Tout à fait mineur !
M. Claude Huriet. ... un avis favorable de votre part pourrait contribuer à une certaine détente que chacun semble souhaiter.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. J'aurais pu être d'accord sur l'amendement n° 16 si celui-ci n'avait pas - or c'est, me semble-t-il, le cas - exclu l'Etat de tout droit à toute information.
Si je peux admettre, à la limite, que l'on donne à l'Etat et aux caisses la possibilité de recevoir cette synthèse, je considère en revanche comme inacceptable que l'on exclue l'Etat de cette information.
C'est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas voter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, modifié.

(L'article 18 est adopté.)

Article 19