Séance du 19 novembre 1998







M. le président. La parole est à M. Rispat, auteur de la question n° 349, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Yves Rispat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'instar d'autres départements, le Gers, que j'ai l'honneur de représenter dans cette assemblée, connaît à son tour des annonces à répétition de suppression de brigades de gendarmerie. Six d'entre elles étaient concernées au mois de juillet, et quatre autres semblent aujourd'hui menacées.
Ma première question porte donc sur la réalité de ces chiffres, ainsi que sur le caractère irrémédiable de ces suppressions dans les chefs-lieux de canton concernés.
Tout cela est d'autant plus grave que le département du Gers est le premier département rural de France. Malgré la très faible densité et la dispersion sur une grande superficie de l'habitat rural, la criminalité y est très faible. Cela est dû essentiellement à la présence des brigades de gendarmerie en milieu rural et à la confiance que l'ensemble de la population, toutes classes d'âge confondues, leur témoigne. Depuis une dizaine d'années, cette situation a été confortée par le développement du système de téléalarme, qui permet aux personnes âgées de vivre leur vieillesse en sécurité dans leur propre maison, leur évitant ainsi la maison de retraite et toutes les conséquences que cela implique. Le risque est donc grand de laisser des espaces ruraux entiers sans une surveillance appropriée et rapide de gendarmes qui sont, comme vous le savez, ceux qui, avec les élus, connaissent le mieux leur canton d'attribution.
Cette insécurité va toucher également les forces vives de la population, notamment les chefs d'entreprise et les agriculteurs. A titre d'exemple, dans le Gers, il est question de supprimer la brigade de Miradoux, chef-lieu de canton de 500 habitants mais très proche de l'autoroute et des agglomérations agenaise et montalbanaise. D'ores et déjà, un jeune chef d'entreprise de cette commune, employant soixante personnes et fabriquant de l'informatique de grande valeur, s'inquiète des délais d'intervention en cas d'effraction dans son dépôt qui contient plusieurs millions de francs de matériel. Ainsi, la nouvelle programmation porterait la plupart des trajets à plus d'une demi-heure, voire bien plus les week-ends ou les jours fériés, en particulier pour la vingtaine de communes qui dépendent de la brigade d'Estang, autre brigade visée par cette mesure.
Cette question est d'autant plus d'actualité que M. le Premier ministre a annoncé hier, devant l'association des maires de France, la fin du gel de la fermeture des services publics en milieu rural. Monsieur le ministre, je vous rappelle que le moratoire mis en place par le gouvernement Balladur en 1993, prorogé par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire - CIADT - qui a eu lieu à Auch en avril 1997, permettait d'éviter la fermeture des bureaux de poste, des perceptions, des écoles et des gendarmeries en milieu rural. Il avait été décidé au nom du principe républicain, intangible, d'égalité devant le service public. Ce moratoire avait notamment permis, par le maintien de ces services publics, de mettre un coup d'arrêt à la désertification de nos campagnes.
Je constate avec tristesse mais aussi avec un grand mécontentement que l'annonce de la suppression des brigades de gendarmerie concordera avec la fin du moratoire : est-ce l'illustration de la nouvelle politique d'aménagement du territoire en direction du monde rural ?
De plus, toujours dans le Gers, les brigades mises en cause ont bénéficié de travaux importants de rénovation, assumés par les collectivités locales, communes et départements. Voilà moins de trois semaines, j'ai voté, comme conseiller général, des crédits pour la modernisation de la gendarmerie de Bassoues, pourtant appelée par vos services à disparaître. Il y a, vous l'avouerez, une certaine incohérence dans la démarche de l'Etat à laisser financer ce qui est appelé à être rayé de la carte.
Garants intangibles de l'ordre républicain, assurant à tous, et en particulier aux plus faibles d'entre nous, le droit imprescriptible à la sécurité, les gendarmes ont un rôle prépondérant et rassurant dans la vie quotidienne de la population en zone rurale. Nos concitoyens, où qu'ils se trouvent, souhaitent toujours beaucoup plus de sécurité. Ce projet, s'il aboutissait, irait donc à l'encontre des aspirations des nombreux habitants de nos communes.
Sans nier l'effort nécessaire de sécurité à réaliser dans les grands centres urbains - alors pourquoi prévoir la suppression de la seule brigade opérant en milieu urbain dans notre département, à Seissan ? - nous vous demandons, monsieur le ministre, de bien vouloir reprendre ce dossier et d'engager une plus large consultation avec l'ensemble des élus et des acteurs socioprofessionnels concernés, en tenant compte non seulement de la gendarmerie, mais aussi du maintien et de l'implantation des autres services publics en milieu rural.
Vous connaissez mieux que personne, monsieur le ministre, les problèmes liés à la sécurité, que vous avez dû aborder dans les établissements scolaires, et vous savez parfaitement que l'école est déterminante dans la vitalité de notre milieu rural.
C'est pourquoi la sécurité physique et morale, c'est-à-dire la sécurité républicaine, qui a d'ailleurs toujours conservé ses compagnies, doit aussi conserver ses brigades.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais doublement m'excuser : d'abord, parce que, retardé je présidais le comité de l'énergie atomique je n'ai pu répondre à une question qui m'était posée ; ensuite, parce que je vais maintenant répondre à une question qui concerne le ministre de la défense. Je ne voudrais pas que vous pensiez que l'habitude du Gouvernement est de faire répondre les ministres qui ne sont pas concernés.
C'est donc, monsieur le sénateur, au nom de mon collègue M. Alain Richard, dont je vous prie de bien vouloir excuser l'absence, que je vais m'exprimer.
Le Gouvernement a la ferme volonté d'assurer l'égalité des citoyens devant le droit à la sécurité. C'est pourquoi le Conseil de sécurité intérieure a validé les conclusions du rapport de MM. Hyest et Carraz, relatives à une nouvelle répartition des forces de police et de gendarmerie sur le territoire national, dans la perspective d'une réorganisation en faveur des zones urbaines les plus marquées par la délinquance.
L'évolution envisagée est rendue nécessaire parce que le maillage territorial de la gendarmerie, hérité de l'histoire, doit s'adapter au développement des moyens de communications et aux changements démographiques.
La volonté du Gouvernement implique un certain nombre d'adaptations au niveau des zones rurales et des petites villes. Aussi des aménagements seront-ils apportés au dispositif actuellement en place afin de parvenir à la meilleure adéquation entre le besoin de sécurité des populations et les moyens mis en oeuvre, en particulier concernant les effectifs.
Ces modifications du dispositif actuel ne sauraient toutefois se traduire par un affaiblissement de la sécurité dans les zones rurales où la gendarmerie maintiendra un maillage territorial de façon à poursuivre, auprès des populations, son action de proximité.
En raison des problèmes posés, le Gouvernement a décidé de faire conduire par M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, une consultation approfondie sur ce réaménagement, non seulement au niveau national, mais également avec les autorités locales et les élus, et en conséquence de modifier le calendrier initial.
M. Fougier doit rendre ses conclusions avant la fin de l'année. Le Gouvernement prendra ensuite des décisions. La réalisation du programme ainsi défini s'effectuera sur une période pluriannuelle. La situation des brigades territoriales concernées dans le département du Gers, unités très peu chargées en termes de population et de faits délictueux constatés, sera donc examinée dans ce cadre.
Le Gouvernement a ainsi engagé une démarche progressive, marquée par le souci de l'intérêt général, du dialogue et du réalisme. Il convient de rappeler que le but de cette opération de rationalisation et d'optimisation des moyens affectés aux missions de sécurité publique avait déjà été affirmé dans la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité.
Sans préjuger la décision qui sera prise, le Gouvernement ne manquera pas de tenir compte de la situation spécifique des brigades territoriales concernées, qui feront l'objet d'une attention particulière, en termes d'aménagement du territoire et de droit à la sécurité des populations, là comme ailleurs. J'ajouterai, monsieur le sénateur, que, étant moi-même originaire d'un village rural, je suis particulièrement attentif à ces problèmes.
M. Yves Rispat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Rispat.
M. Yves Rispat. Je tiens à remercier M. le ministre de la réponse qu'il m'a communiquée. J'ajoute que j'apprécie sa connaissance du milieu rural.
Toutefois, j'insiste sur les graves conséquences, en termes d'insécurité, qu'aurait la suppression de brigades de gendarmerie : il en résulterait, en effet, une atteinte au bien-vivre des populations rurales, un accroissement des handicaps supportés par l'aménagement du territoire et le risque de voir apparaître et se développer une délinquance, une criminalité « exportées » des zones urbaines.
Le slogan de notre département est : « Le bonheur est dans le Gers ». (Sourires.) Ne nous l'enlevez pas !
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)