Séance du 26 novembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année 1999 constituera, à l'évidence, une année cruciale pour l'aménagement du territoire.
La réforme de la politique structurelle européenne pour les années 2000-2006, la négociation de la prochaine génération des contrats de plan Etat-régions, qui couvriront la même période, enfin, la discussion du projet de loi d'orientation que vous vous apprêtez, madame la ministre, à venir présenter devant le Parlement à partir du mois de janvier prochain modifieront en profondeur, à n'en pas douter, les données, les instruments et les priorités de l'aménagement du territoire de notre pays.
Ces trois grands rendez-vous, dont les effets directs ne se feront, il est vrai, sentir qu'à partir de l'année suivante, ne provoquent pas le moindre frémissement budgétaire dans le projet de loi de finances pour 1999 : les demandes de crédits que vous nous présentez aujourd'hui, madame la ministre, se contentent de reconduire, à peu de chose près, les enveloppes budgétaires de l'an dernier.
Faut-il, mes chers collègues, se féliciter d'un projet de budget stabilisé, qui traduirait enfin cet effort de maîtrise des dépenses publiques que le Sénat et sa commission des finances appellent depuis longtemps de leurs voeux ? Ou doit-on plutôt s'inquiéter d'un projet de budget figé, qui ne reflète aucune tendance particulière et semble se reconduire de lui-même, mû par la seule force des habitudes acquises, comme si, madame la ministre, toute votre énergie et votre volonté politique, qui sont grandes, et dont vous nous donnez tous les jours des preuves éclatantes, se réservaient pour des échéances plus lointaines, ou s'absorbaient, cette année, dans les autres domaines de votre activité ministérielle ? (Mme la ministre sourit.)
Comme si les enzymes gloutons de l'environnement dévoraient les fourmis besogneuses de l'aménagement du territoire ! (Sourires.)
Les crédits inscrits au projet de budget de l'aménagement du territoire pour 1999 s'élèvent à près de 1,8 milliard de francs, en retrait de 0,35 % par rapport au budget voté de 1998.
Les autorisations de programme demandées pour 1999 se montent à 1,6 milliard de francs, en baisse de 1,35 %.
Cette stabilité de l'enveloppe globale se retrouve, à peu de chose près, dans chacune des trois grandes masses qui composent le budget de l'aménagement du territoire, à savoir la DATAR, la délégation à l'aménagement du terriotire et à l'action régionale, la PAT, la prime d'aménagement du territoire, et le FNADT, le fonds national d'aménagement et de développement du territoire.
Les crédits de fonctionnement de la DATAR représentent à eux seuls l'ensemble du titre III du projet de budget et s'élèvent à un peu plus de 108 millions de francs, soit une hausse apparente de 23,45 % par rapport à 1998.
Mais cette hausse relève d'un simple effet d'optique. Elle procède, pour l'essentiel, du changement d'imputation budgétaire de crédits d'étude qui transitaient naguère par le FNADT, et que l'on a jugé plus convenable, à juste titre, de regrouper dans un nouveau chapitre spécifique du titre III, doté en 1999 de 18 millions de francs.
Si l'on fait abstraction du changement d'imputation de ces crédits d'étude, la hausse des crédits de fonctionnement de la DATAR n'est plus que de 3 %.
Elle ne résulte pas de l'évolution des moyens de fonctionnement des services proprement dits, qui sont reconduits à l'identique, ni de celle des effectifs qui, avec 113 emplois, restent parfaitement stables. Elle s'explique, pour l'essentiel, par le contrecoup sur les dépenses de personnel des mesures générales de revalorisation des rémunérations publiques.
Pour ce qui concerne les crédits consacrés à la prime d'aménagement du territoire, inscrits au titre IV, les crédits de paiement - 315 millions de francs - sont en très légère régression - de 1,56 % - les autorisations de programme étant, quant à elles, reconduites au même niveau que l'an passé, soit 320 millions de francs.
Ce très léger tassement des crédits n'est pas le phénomène qui nous inquiète le plus, madame la ministre. Nos préoccupations vous sont connues, elles ne sont pas nouvelles. La sous-consommation chronique des crédits consacrés à la PAT nous semble révélatrice d'un dysfonctionnement fondamental de cet instrument qui a pour fonction de « soutenir les créations d'emplois dans les zones d'aménagement du territoire ».
La « purge » opérée en 1997 par une diminution drastique mais ponctuelle des crédits de paiement de la PAT était nécessaire ; elle a d'ailleurs porté ses fruits. Le toilettage des autorisations de programme dormantes que vous entreprenez me semble tout à fait justifié.
Mais ces mesures, qui ne consistent en fin de compte qu'à prendre acte, sur le plan financier, de la mauvaise consommation des crédits de la PAT, ne constituent pas la solution du problème, et nous croyons que l'assainissement durable - pour reprendre une épithète qui vous est chère - de la gestion de la PAT passe par la nécessaire réforme de ses critères d'éligibilité.
Il m'avait semblé, lors de votre audition devant la commission des finances l'an dernier, que vous partagiez nos préoccupations. Certaines déclarations laissent penser que vous envisageriez une refonte prochaine du régime de cette prime. Pouvons-nous nourrir l'espoir, madame la ministre, de voir enfin aboutir cette réforme que nous appelons de nos voeux depuis si longtemps, et pouvez-vous nous assurer qu'elle permettra enfin au monde rural d'en tirer pleinement parti ?
Enfin, concernant les dotations du FNADT, ses crédits d'intervention, inscrits au titre IV, pour 295 millions de francs, sont quasiment stables alors que les dépenses d'investissement - 1 080 millions de francs en crédits de paiement - accusent une baisse de 2 %, qui s'explique en bonne partie, il est vrai, par le changement d'imputation budgétaire des crédits d'étude que j'évoquais tout à l'heure.
Les crédits du FNADT seront-ils suffisants pour faire face à l'augmentation des demandes à laquelle vous risquez d'être confrontée en 1999, dernière année d'exécution de l'actuelle génération des contrats de plan, et aussi dernière année d'exercice des actuels fonds structurels européens, dont les versements ne peuvent être mobilisés qu'en complément des aides nationales, alors que celles-ci sont, en France, bien souvent alimentées par le FNADT ? Vous semblez le penser, et les reports de crédits des années passées vous donneront peut-être raison.
Mais venons-en maintenant aux trois grandes échéances de la politique d'aménagement du territoire en 1999.
La négociation des contrats de plan Etat-région constitue le premier de ces trois grands rendez-vous : la période qu'ils couvriront, c'est-à-dire les années 2000-2006, a été calquée, pour des raisons de cohérence, sur celle de la programmation des prochains fonds structurels européens.
Le Gouvernement en a défini les contours et l'organisation en s'appuyant sur le rapport Chérèque. Nous savons donc que ces contrats qui seront conclus entre l'Etat et les régions feront l'objet d'une programmation ferme pour les quatre premières années d'exécution et qu'un bilan réalisé à mi-parcours, en 2003, permettra d'opérer les ajustements nécessaires pour les trois dernières années de réalisation des contrats, sans remettre en cause le montant total sur lequel les signataires se sont engagés.
Nous savons aussi que ces contrats comporteront un volet régional et un volet territorial, lequel constituera le cadre des engagements de l'Etat et de la région pour les futurs contrats d'agglomération et de pays.
S'agissant des nouvelles structures d'agglomération et de pays, je formulerai deux remarques.
Tout d'abord, je crois qu'il faudra veiller à ce que ces nouvelles structures juridiques n'empiètent pas trop sur les prérogatives fondamentales des collectivités territoriales de plein exercice, qui ont après tout pour elles à la fois un enracinement dans l'histoire et la légitimité d'un pouvoir local élu au suffrage universel direct.
Il me semble, en particulier, que pris entre la région et ces « nouveaux espaces pertinents de développement », le département ne doit pas être le grand absent de la politique d'aménagement du territoire.
Veillons aussi à ce que la création de ces nouveaux échelons ne se traduise pas, comme le craint d'ailleurs le Conseil économique et social, par un alourdissement supplémentaire du paysage institutionnel et de la fiscalité locale.
Ma seconde remarque porte sur un problème de calendrier : les structures juridiques des « pays » et des « agglomérations », sur lesquelles reposeront très largement les nouveaux contrats de plan, ne seront créées qu'après l'adoption, en cours d'année, de la future loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Lorsque celle-ci interviendra, le calendrier d'élaboration des contrats de plan sera déjà très avancé. Cela signifie que les autorités régionales devront, selon toute vraisemblance, aborder la négociation de ces contrats en fonction de pays et d'agglomérations qui n'existeront encore ni juridiquement, ni financièrement, ni fiscalement, car elles ne pourront être créées qu'après l'adoption de la loi.
Interpellée lors du débat à l'Assemblée nationale, vous avez indiqué que vous ne verriez, dans ces conditions, que des « avantages à ce que le projet de loi soit examiné selon la procédure d'urgence afin de passer au plus tôt à sa mise en oeuvre concrète ». Vous avez justifié votre point de vue en déclarant : « Le débat parlementaire a déjà été largement conduit lors de la discussion de la loi d'orientation de 1995 et les constats tirés alors restent pertinents. »
Je me félicite, bien entendu, de votre approbation concernant ces constats.
Toutefois, j'estime que le projet de loi que vous allez nous proposer apporte à la loi de 1995 des inflexions assez fondamentales et pose des questions suffisamment graves pour que, sans vouloir en ralentir inutilement l'adoption, on n'escamote pas pour autant le débat parlementaire qu'il mérite.
Votre projet de loi d'orientation constitue en effet le deuxième grand noeud de la politique d'aménagement du territoire en 1999.
Nous en attendions la discussion avec une impatience que je vous avais déjà exprimée l'an dernier, non pas, bien entendu, que nous en approuvions systématiquement toutes les orientations, mais parce que nous pensons que la politique d'aménagement du territoire ne peut attendre et qu'elle ne peut prendre un nouvel élan que sur la base d'orientations clairement définies par la loi.
La situation qui prévaut encore à ce jour n'est véritablement pas satisfaisante, et je suis sûr que vous avez conscience, mieux que personne, de son caractère inconfortable : d'une part, la loi de 1995 reste juridiquement en vigueur, même si, je le sais, ses orientations ne sont pas les vôtres ; d'autre part, vous prenez des décisions qui ne peuvent s'adosser à aucun fondement législatif.
Comment ne pas déplorer la situation bancale qui a résulté, pendant un an et demi, de la mise entre parenthèses de plusieurs dispositions fondamentales de la loi de 1995 ? Celles-ci se sont retrouvées caduques sans même avoir été abrogées et a fortiori remplacées : schéma national d'aménagement du territoire, plan pour les espaces ruraux, disparition du FGER, fonds de gestion de l'espace rural privé de toute dotation.
Nous nous félicitons donc du dépôt, fût-il un peu tardif à nos yeux, de votre projet de loi, et vous demandons, madame la ministre, de ne pas le priver du débat approfondi qu'il mérite.
Sans anticiper sur les discussions que nous aurons alors, je dirai que les orientations de votre projet de loi soulèvent, à notre avis, d'importantes interrogations.
Tout d'abord, votre insistance sur « le rôle structurant des villes », sur « leur capacité à féconder les territoires qui les entourent », dont dépendrait le « destin de nombre de zones rurales », ne sert-elle pas d'alibi à un abandon accentué, voire programmé, du monde rural profond ?
L'abandon du schéma national d'aménagement du territoire pourra-t-il être véritablement compensé par les huit schémas de services collectifs et les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire que vous envisagez de leur substituer ?
La juxtaposition de ces huit approches sectorielles ne risque-t-elle pas de nuire à la cohérence, à moyen terme, d'une politique qui, par nature, doit refléter une vision globale du territoire ?
Le repli sur l'échelon régional ne risque-t-il pas de se faire au détriment de l'indispensable péréquation entre les régions les plus riches et les régions les plus pauvres ?
Ces questions, celles que soulève la réforme des zonages que vous envisagez et bien d'autres encore méritent d'être débattues.
La réforme des fonds structurels européens constituera le troisième grand enjeu de l'année et justifie un intérêt vigilant.
L'apport de ces fonds représente un appui tout à fait essentiel à l'aménagement du territoire français : 11 milliards de francs en 1999, c'est-à-dire six fois le budget que nous examinons aujourd'hui, et près de 20 % de l'effort global soutenu par le budget de l'Etat français.
Comment ne pas nous préoccuper, dans ces conditions, des difficultés rencontrées dans la consommation de ces crédits en France ?
Les chiffres sont connus : la France, dont 46 % de la programmation reste encore à exécuter, figure dans le groupe des six pays qui se situent en dessous de la moyenne communautaire en ce qui concerne les engagements de crédits.
Comment comptez-vous faire, madame la ministre, pour remédier à ces blocages procéduraux ?
Le problème est important et appelle des décisions urgentes : il serait regrettable, en pleine négociation sur les prochains fonds structurels, de donner l'impression à nos partenaires que la France n'a pas véritablement besoin de ces versements.
Vous me permettrez, après l'évocation de ces grands rendez-vous de 1999, de revenir, pour finir, sur l'une des préoccupations constantes de notre assemblée : le problème du maintien des services publics en milieu rural. Un moratoire est actuellement en vigueur. La loi d'orientation de 1995 subordonne sa levée à la conclusion de contrats de services publics, encore peu nombreux d'après les informations dont je dispose : seuls les contrats d'EDF-GDF et de La Poste seraient conclus ; ceux de la SNCF, de France Télécom et de la Banque de France seraint en cours de négociation.
Or certains éléments font craindre que l'on ne renoue avec la fermeture de services publics de proximité, écoles, collèges, bureaux de poste, trésoreries et, plus récemment, brigades de gendarmerie.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Ainsi donc, l'effacement des services publics en zone rurale reprend sa marche, une marche funèbre qui sonne le glas des espoirs liés au moratoire.
Cette situation nouvelle, qui va à l'encontre du bon sens, est douloureusement ressentie par les élus et par les populations. Elle est injuste et nous semble inacceptable.
Pouvez-vous, madame le ministre, nous préciser votre position sur ce sujet particulièrement sensible ?
Conformément à la position générale définie par la commission des finances, je donnerai un avis favorable à l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire, car je ne souhaite pas priver votre administration des moyens dont elle a besoin pour cette année, que je considère comme cruciale.
Comprenez toutefois, madame la ministre, que cette adoption que je propose ne doit pas être interprétée comme un acquiescement global à ce budget qui, par ses insuffisances et son manque d'ambition, ne nous paraît pas susceptible de réduire la fracture territoriale qui, de même que la fracture sociale, continue, envers et contre tout, à miner notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le détail des crédits consacrés à l'aménagement du territoire qui viennent d'être présentés par notre collègue M. Roger Besse, si ce n'est pour regretter que ce soit sur les dépenses ordinaires que porte l'effort gouvernemental cette année, avec une augmentation de 5,37 %, sous l'effet de la dotation d'un chapitre nouveau consacré aux études, à hauteur de 18 millions de francs.
Même si cette augmentation nous est présentée - sans d'ailleurs que cela soit parfaitement démontré - comme un simple transfert de lignes budgétaires visant à rendre le budget plus sincère, on peut tout de même s'interroger sur sa pertinence. Ne serait-il pas préférable de donner la priorité à des dépenses présentant une utilité plus directe pour l'aménagement du territoire ?
A enveloppe budgétaire constante, ce sont donc les dépenses d'investissement qui diminuent, notamment celles du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, qui diminuent de 2 % en crédits de paiement, ou encore les crédits de la prime à l'aménagement du territoire, la PAT, qui baissent de 1,5 % en crédits de paiement également.
Au-delà de ce tassement regrettable des crédits, je déplore l'ampleur des reports des crédits de la PAT et leur sous-consommation. Le bilan d'activité de cette prime fait ressortir une baisse du nombre de dossiers primés et une augmentation du taux de rejet, qui montrent que ses critères d'attribution ne sont pas adaptés. Nous le disons depuis un certain temps déjà, la PAT ne profite pas assez aux petits projets ou aux zones faiblement peuplées.
Que comptez-vous faire pour la PAT, madame le ministre ? Les seuils d'attribution vont-ils réellement être abaissés ou la France va-t-elle purement et simplement, comme le propose la Commission européenne, aligner le zonage PAT sur celui du nouvel objectif 2 des fonds structurels ?
Sur le Fonds national de développement des entreprises, le FNDE, que le gouvernement actuel, comme il aime à le rappeler, avec raison d'ailleurs, a doté pour la première fois - le gouvernement précédent n'ayant pas eu le temps de traduire dans les faits des intentions cinq fois plus généreuses en la matière - je relève que, sur les 200 millions de francs annoncés pour 1998, en réalité seuls 70 millions de francs ont été effectivement engagés au cours du premier semestre, certaines procédures de consommation de ces crédits n'étant d'ailleurs toujours pas opérationnelles. C'est déjà mieux que rien, j'en conviens volontiers, madame le ministre, mais c'est encore très loin de ce que nous avions voulu mettre en place en 1995 !
Le Fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, ne fait l'objet d'aucune demande de crédits pour 1999. On nous dit que c'est parce qu'il sera intégré au futur contrat territorial d'exploitation, prévu dans le projet de loi d'orientation agricole. Cette démarche ignore le pouvoir d'appréciation du Parlement en général et du Sénat en particulier, puisque le projet de loi d'orientation n'a pas encore été examiné ne serait-ce qu'en première lecture, par la Haute Assemblée. Le FGER, lui, a bel et bien été voté par le législateur !
Dans le même ordre d'idée, voilà que l'on a évoqué le recours à l'urgence pour l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, qui nous est pourtant annoncé depuis fort longtemps déjà. Qu'en est-il exactement ? Nous espérons que ce ne sera pas le cas et que nous aurons le temps de débattre au fond d'un dossier aussi important.
La commission des affaires économiques a été unanime à réaffirmer, par ailleurs, son attachement au Fonds de péréquation des transports aériens, le FPTA. Le trop faible taux de consommation des crédits, même s'il est en augmentation, montre qu'il faut là aussi élargir les critères d'éligibilité. La réforme actuelle du financement des services aéroportuaires va toucher le FPTA, qui ne serait plus un compte d'affectation spéciale individualisé mais serait fondu au sein d'un nouveau compte d'affectation, le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA. Madame le ministre, j'appelle votre attention sur ce point, car nous comptons sur vous pour veiller à la pérennité des missions du FPTA.
En ce qui concerne les fonds structurels européens, qui apportent - ou devraient apporter - chaque année à l'aménagement du territoire au total neuf fois plus de crédits que le ministère en charge, je dénonce ici avec force la complexité et la lourdeur des circuits administratifs et financiers d'attribution de ces crédits, qui conduisent à leur sous-consommation, ce qui accrédite, auprès de l'Union européenne, l'idée - fausse - que la France n'en a pas besoin. Message particulièrement malvenu au moment où se négocie la réforme de cette politique ! Quelles améliorations précises vont être apportées à la gestion française de ces fonds pour la prochaine période de programmation, alors que la Commission européenne propose une décentralisation accrue ?
La commission des finances, dans la logique de sa stratégie de budget alternatif de confiance, a adopté, comme vient de l'indiquer notre excellent collègue M. Roger Besse, le budget de l'aménagement du territoire. Je voudrais dire que j'adhère, d'une manière générale, à cette logique. Et il est vrai qu'on ne peut faire le reproche à ce budget, vu sa modestie, de dépenser trop d'argent public !
Toutefois, saisie pour avis, la commission des affaires économiques et du Plan a souhaité, dans la perspective du débat futur sur le projet de loi que vous avez déposé, madame le ministre, s'exprimer davantage sur les orientations de la politique d'aménagement du territoire que sur les stricts crédits budgétaires. C'est précisément pour signifier ses inquiétudes - au sujet, notamment, d'un certain abandon du monde rural qui pourrait se dessiner - qu'elle a émis un avis défavorable à l'adoption du budget de l'aménagement du territoire. Cet avis, je le répète, ne porte pas sur les crédits budgétaires. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 18 minutes ;
Groupe socialiste : 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 11 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits inscrits au budget de l'aménagement du territoire pour 1999.
Mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf sera une année charnière dans ce domaine. Elle verra en effet se poursuivre les négociations sur une nouvelle génération de contrats de plan Etat-régions qui conditionne et détermine les engagements financiers pour les prochaines années. Les contours de la réforme des fonds structurels européens vont très rapidement se préciser. Enfin, l'année à venir devrait voir le Parlement voter trois projets de loi d'une importance majeure pour les dix ou vingt années à venir, l'un sur l'aménagement et le développement durable du territoire, un autre sur la politique agricole qu'il faut situer par rapport à la réforme annoncée de la politique agricole commune, et un troisième relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale.
Enfin, une autre échéance nous attend, qui dépasse notre sujet, mais qui aura des conséquences importantes sur la réalité économique, sociale et territoriale de notre pays, je veux parler de l'euro, dont la mise en place se fera dès le 1er janvier 1999, sauf un sursaut politique que, pour notre part, nous continuons de solliciter en France et en Europe.
M. Gérard Braun. Il ne faut pas trop y croire !
M. Gérard Le Cam. En effet, malheureusement !
Par conséquent, notre difficulté est de juger ici d'un budget dont l'application se fera dans un contexte incertain et en perpétuel mouvement.
C'est pourquoi, dans ce cadre-là, il faut se réjouir de voir ce budget conforter - consolider, dites-vous, madame la ministre - les choix opérés l'an dernier tant quantitativement que qualitativement.
En effet, avec un budget doté de 1,8 milliard de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, vous maintenez le niveau atteint dans la loi de finances initiale pour 1998, qui avait connu une forte augmentation, puisqu'il avait crû de 6,06 %.
Rappelons que les gouvernements de M. Balladur puis de M. Juppé avaient, en l'espace de quatre ans, entamé le budget de la DATAR, la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, de 28 % pour ce qui concerne les dépenses ordinaires et les crédits de paiement, et de 38 % pour ce qui concerne les dépenses ordinaires et les autorisations de programme.
Cela dit, le budget de l'aménagement du territoire ne représente qu'une faible part des efforts financiers accomplis dans ce secteur, puisqu'il ne représente que 3,14 % des concours publics en faveur de l'aménagement du territoire, et à peine plus de 2,6 % si l'on y intègre les aides européennes.
C'est dire si votre ministère, madame la ministre, est avant tout un ministère politique qui doit jouer le rôle d'interface avec les autres départements ministériels, plutôt qu'un ministère économique comme peuvent l'être le ministère de l'équipement, des transports et du logement ou le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Votre projet, et nous y souscrivons pleinement, est une approche transversale et globalisante des activités économiques, en lieu et place d'une vision sectorielle qui a trop longtemps prévalu.
Or la logique sectorielle est précisément celle que suit le marché capitaliste, qui tend à diviser, à compartimenter les secteurs économiques et à fragmenter chacun d'eux en faisant jouer la concurrence et la confrontation des intérêts. Ainsi, le marché contribue également à diviser les hommes et les territoires.
C'est pourquoi l'aménagement du territoire incombe, par définition, à l'Etat, seule institution à même d'avoir une vision nationale cohérente du territoire. Là où le marché divise, compartimente, fracture, l'Etat doit promouvoir une synergie des ressources et des populations.
Je ne suis pas partisan, bien évidemment, d'une recentralisation des compétences des collectivités locales au profit de l'Etat, bien au contraire, mais le Gouvernement doit jouer son rôle pour garantir l'égalité des citoyens, favoriser la mise en adéquation des moyens et des besoins et assurer la péréquation financière non seulement interrégionale, mais aussi intrarégionale.
J'estime, pour ma part, que la décentralisation, engagée depuis le vote des lois de 1982, doit davantage reposer sur une clarification des compétences de chacun et s'effectuer dans un cadre national réaffirmé, de sorte que nous ne soyons pas amenés à subir un processus de déstructuration et de concentration économique qui s'accélère de jour en jour.
Force est de constater que les politiques d'aménagement du territoire conduites jusqu'ici ont échoué au regard des déséquilibres, notamment entre zones rurales et milieux urbins, entre agglomérations et banlieues ou arrière-pays, entre Paris et la province.
Ce qui est le plus à craindre, à nos yeux, c'est, dans une perspective fédérale, la constitution d'une Europe des régions à l'intérieur de laquelle l'entité de base serait la région, la province ou le Land... Le fédéralisme et le libéralisme sont, à n'en pas douter, les deux caractéristiques de la construction européenne telle qu'elle évolue ; nous réprouvons l'un et l'autre, estimant que la volonté populaire doit s'exprimer à travers la souveraineté nationale.
Il n'est d'ailleurs pas surprenant que la DATAR ait été créée immédiatement après la signature du traité de Rome et la mise en route de la politique agricole commune. Cela correspondait à une volonté de maîtrise de notre territoire à un moment où l'on engageait notre pays vers des abandons de souveraineté. Pour cette raison, nous sommes très attachés à cet outil prospectif qu'est la DATAR et aux moyens de fonctionnement dont il dispose.
Comme l'a mentionné mon ami Félix Leyzour, en tant que rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, à l'Assemblée nationale, la DATAR a fortement contribué au maintien et à la création d'emplois dans notre pays. Donner à la DATAR les moyens humains dont elle a besoin, ce doit être la priorité de tout gouvernement.
Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour traduire ce choix plus concrètement, dans le prochain budget.
Ainsi, on observe, dans le présent projet de budget, une réduction des moyens de la PAT, la prime à l'aménagement du territoire - 5 millions de francs - et un recul de 2 % des crédits affectés au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, FNADT, pour atteindre 1,08 milliard de francs en crédits de paiment.
S'agissant de ces deux outils, il convient de noter l'évolution des chiffres par rapport aux engagements de crédits. Cela pose, à nouveau, la question de la sous-consommation de ces financements, alors qu'il s'agit d'outils destinés à l'aide à l'implantation d'entreprises dans les zones prioritaires, en ce qui concerne la PAT, et de la participation aux financements des contrats de plan pour le FNADT.
Madame la ministre, ce constat me conduit à vous proposer, comme cela a d'ailleurs été fait au sein de la commission des affaires économiques, que le petit commerce et l'artisanat puissent avoir accès à la PAT. Cette mesure serait la bienvenue et aurait certainement un impact réel sur l'emploi.
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Certainement !
M. Gérard Le Cam. En effet, l'impact réel de ces instruments financiers est discutable, en termes de développement économique et de création d'emplois. Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire a d'ailleurs engagé, le 15 décembre 1997, une réflexion sur les doctrines d'emploi de ces crédits. Pouvez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur certains aspects de cette réforme ?
Quoi qu'il en soit, l'objectif doit être l'utilisation maximale et efficace des crédits engagés, mais en aucun cas une diminution des contributions budgétaires.
Enfin, j'évoquerai l'utilisation du FITTVN, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, élément essentiel pour un développement équilibré des modes de transport, bien qu'il ne fasse pas partie de ce fascicule budgétaire.
Pour 1999, le FITTVN verra s'effectuer un transfert significatif des subventions d'investissement du réseau routier vers le transport ferroviaire et le transport combiné. Ce mouvement, en faveur du ferroviaire, doit être poursuivi et amplifié. Il est à mettre au crédit du Gouvernement, qui se donne les moyens de ces actions et développe une politique cohérente et équilibrée dans ce domaine, alors que la droite annonçait de vastes projets d'infrastructures qu'elle était incapable de financer et qui étaient, de surcroît, inadaptés aux préoccupations environnementales, sociales ou territoriales.
M. Gérard Cornu. Quelle mauvaise foi !
M. Gérard Le Cam. Dans cet esprit, nous considérons avec intérêt la perspective des schémas de service collectif de personnes et de marchandises envisagés dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, en rupture avec une approche sectorielle telle que défendue par la loi Pasqua de 1995.
Ce projet nous paraît de nature à donner davantage de consistance à l'intermodalité qui reste à l'état embryonnaire et aura pour mérite de développer le fret ferroviaire, de désengorger le réseau routier et d'améliorer notre sécurité.
Toutefois ce ne sera vrai qu'à la condition, je tiens à le préciser, de ne pas intégrer ces schémas dans le schéma de développement de l'espace communautaire et les choix libéraux de Bruxelles, qui reposent sur la compétition intermodale et intramodale, là où nous, communistes, préconisons la complémentarité et la coopération des modes de transport.
Le rapport Larcher de la commission d'enquête sur « Le Devenir des grands projets d'infrastructures terrestres d'aménagement du territoire, dans une perspective de développement et d'insertion dans l'Union européenne » allait dans le sens de Bruxelles pour une stratégie de rentabilité des infrastructures et de mise en concurrence des opérateurs des transports terrestres.
Nous ne pensons pas que la France, malgré sa position géographique qui en fait un carrefour de l'Europe, doive se structurer à partir des grands axes internationaux au détriment d'espaces entiers jugés peu intéressants en termes strictement économiques et financiers.
Compte tenu de ces observations, nous souhaitons que ce projet de budget amorce une réflexion plus globale sur les circuits de financement de l'action publique en matière d'aménagement, plutôt qu'un désengagement de l'Etat en direction des collectivités territoriales, pour contribuer à la réalisation des schémas directeurs.
Il ne faudrait pas, madame la ministre, à l'instar de la loi du 4 février 1995 restée inappliquée, que les moyens financiers restent en deçà de nos ambitions.
Aussi, nous espérons que la stagnation des crédits pour l'aménagement du territoire, à hauteur de 68 milliards de francs pour 1999, ne soit qu'un pallier dans la progression enclenchée lors de la loi de finances précédente.
Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans évoquer la place et le rôle des services publics dans l'aménagement du territoire, qui n'ont pas, il faut le reconnaître, la place qu'ils mériteraient dans votre projet de loi d'aménagement du territoire. Il faut savoir, chose inquiétante, que la notion même de service public n'existe pas dans le traité de Maastricht !
Le secteur public doit être non pas un « plus » en faveur du développement durable, mais un élément constitutif et structurant du territoire et de son épanouissement.
Bien évidemment, le maintien et le développement du service public ne sont pas l'affaire d'un seul département ministériel, mais toute politique d'aménagement du territoire doit s'appuyer sur ce potentiel humain et technologique.
Les réorganisations des services publics engagées - depuis plus de dix ans dans le domaine hospitalier, ou plus récemment s'agissant des gendarmeries - ruinent toute politique d'aménagement, aussi bonne et ambitieuse soit-elle.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Gérard Le Cam. Pour notre seul département des Côtes-d'Armor, ce sont trois commissariats de police qui sont menacés de disparition, l'ENSSSAT de Dinan qui va fermer, l'hôpital psychiatrique de Plouguernével, qui est menacé d'asphyxie par les décisions de l'ARH, Agence régionale de l'hospitalisation, - qui anticipent le débat des états généraux de la santé - la maternité de Loudéac, condamnée à fermer, 185 postes d'enseignant prélevés ces dix dernières années.
M. Gérard Cornu. C'est le gouvernement modèle !
M. Gérard Le Cam. Sans être, malheureusement, exhaustifs, ces déménagements du territoire n'augurent rien de bon dans un avenir proche livré à la « concurrence », maître-mot du traité d'Amsterdam. (Exclamations sur plusieurs travées du RPR.)
Mme Odette Terrade. Vous aviez bien commencé !
M. Gérard Le Cam. A quoi bon, dès lors, vouloir le désenclavement des zones rurales si, par ailleurs, les services de proximité sont mis en cause ?
Mme Nelly Olin. L'exercice des responsabilités, vous le voyez, c'est difficile !
M. Gérard Le Cam. Là encore, nous devons rompre avec ce qui a été entrepris par les gouvernements précédents et mobiliser les acteurs locaux, les usagers, les salariés pour une démocratisation et une rénovation du secteur public, dans l'intérêt des hommes et de l'équilibre des territoires.
M. le président. Concluez, mon cher collègue !
M. Gérard Le Cam. Je conclus. Madame la ministre, le groupe communiste républicain et citoyen votera les crédits que vous nous soumettez, en vous engageant à tenir compte de nos observations et en vous demandant d'apaiser nos sujets d'inquiétude.
M. Gérard Braun. Eh bien, ce n'était pas la peine pour en arriver là !
M. le président. La parole est à M. Haut.
M. Claude Haut. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parler du budget de l'aménagement du territoire, c'est parler avant tout de l'avenir, de notre quotidien et de la société que nous voulons construire demain, afin que les citoyens se sentent le mieux possible sur un territoire et y vivent en harmonie, en disposant des mêmes services et de richesses économiques équitablement réparties.
Or, l'aménagement du territoire a longtemps, trop longtemps souffert d'une absence de volonté politique, il a trop longtemps et trop souvent fait l'objet d'effets d'annonce et de voeux pieux ou encore de discours incantatoires, mais rarement de réalisation.
Il a trop longtemps été un simple catalogue de bonnes intentions, alors que les déséquilibres ne cessaient de s'accentuer.
Les chiffres, madame la ministre, tout le monde les connaît : 80 % de la population vit sur 20 % du territoire, avec le résultat que l'on sait, à savoir le mal-vivre dans les banlieues, l'explosion de la violence urbaine et la poursuite de la dévitalisation de certaines zones rurales.
M. Gérard Cornu. Quatorze ans de socialisme !
M. Claude Haut. Mon cher collègue, vous y êtes certainement pour quelque chose !
Depuis 1998, madame la ministre, j'ai le sentiment que nous sommes enfin passés de la théorie à la pratique, du projet à sa mise en oeuvre. Il suffit pour cela d'observer le calendrier législatif serré qui nous est proposé à court terme.
Ce sont, en effet, pas moins de trois projets de loi concernant la recomposition du territoire qui seront discutés au cours de l'année 1999 devant le Parlement.
Il s'agit, d'abord, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, que vous présenterez, madame la ministre, devant le Parlement dès le mois de janvier prochain.
Il s'agit, ensuite, du projet de loi relatif à l'organisation territoriale et à la simplification de la coopération intercommunale, préparé par M. Jean-Pierre Chevènement.
Il s'agit, enfin, de la réforme des aides des interventions économiques des collectivités locales, que met au point M. Emile Zuccarelli, sans parler de la nouvelle génération des contrats de plan Etat-région, du projet de loi d'orientation agricole qui crée les contrats territoriaux d'exploitation et, au niveau européen, de la réforme des fonds structurels pour les années 2000-2006.
Sur le plan budgétaire et financier, le budget de votre ministère pour 1999, madame la ministre, est un budget de consolidation. Il traduit tout à la fois la rupture engagée l'an dernier par rapport aux années précédentes - plus de 6 % d'augmentation - ainsi que la volonté gouvernementale de mettre l'aménagement du territoire au rang des priorités.
Certes, les crédits pour 1999 sont au même niveau qu'en 1998. On aurait pu espérer un peu mieux mais, compte tenu de l'augmentation de l'année précédente, nous sommes satisfaits.
Toutefois, il est nécessaire de préciser que les objectifs d'aménagement du territoire sont également partagés par d'autres ministères. Je pense notamment aux crédits affectés à la politique de la ville, qui augmentent de 32,4 %, effort remarquable que l'on se doit de souligner, ou à ceux qui sont mobilisés par l'ensemble des ministères, sous forme de dépenses budgétaires et fiscales, et qui représentent 60 milliards de francs.
Ces données strictement budgétaires sont donc convenables, mais elles ne sont pas tout. Le budget de l'aménagement du territoire n'a de sens que si l'on envisage un ensemble de politiques à moyen et à long terme. Dans cette optique, le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, budget de transition, prend tout son sens parce qu'il annonce des changements pour les années à venir.
Cela ne nous dispense pas pour autant de nous interroger sur les actions multiformes et nécessairement complexes que doit revêtir une politique d'aménagement du territoire.
Je profiterai donc de mon intervention, madame la ministre, pour vous interpeller sur le malaise ressenti dans le monde rural et sur la nécessité absolue de mener énergiquement une véritable politique de développement en faveur des zones rurales les plus défavorisées.
Selon moi, cette politique ne peut se faire sans une véritable discrimination positive et sans une politique de péréquation financière digne de ce nom.
En effet, le monde rural est en crise. Certes, le phénomène n'est pas nouveau et il vous appartient aujourd'hui de faire face aux carences de vos prédécesseurs.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Claude Haut. Mais cette politique volontariste à l'égard des villes et des agglomérations, qu'annoncent votre projet de loi et celui de M. le ministre de l'intérieur, ne peut se faire au détriment de nos campagnes et de nos petites villes, qui craignent, une fois de plus, d'être quelque peut oubliées. N'aggravons donc pas, madame la ministre, le mal-être des banlieues par une aggravation du malaise du monde rural.
M. Gérard Braun. Effectivement !
M. Claude Haut. Or ce malaise existe bel et bien. J'en veux pour preuve la poursuite, voire, hélas ! parfois l'accélération programmée de fermetures de services publics dans les zones rurales et dans les petites villes. A cet égard, la multiplication d'annonces simultanées sur tout le territoire de fermetures de petits hôpitaux, de maternités, dans les petites villes, de bureaux de postes ou de classes d'écoles primaires, dans les zones rurales, avivent notre inquiétude. Depuis sa création, l'Association des petites villes de France - en tant que maire de Vaison-la-Romaine, je suis un des membres de son bureau - s'est élevée maintes fois contre ces fermetures annoncées le plus souvent brutalement et sans concertation.
C'est autant sur le fond que sur la méthode que nous attendons, madame la ministre, un changement d'orientation. C'est cela que nous attendons du gouvernement de Lionel Jospin, dans lequel nous avons placé notre espoir et notre confiance.
M. René-Pierre Signé. Bravo !
M. Gérard Braun. Vous ne serez pas déçus !
M. Claude Haut. Il faut, à cet égard, madame la ministre, porter une attention beaucoup plus soutenue à ces problèmes de maintien des services publics dans les petites villes et dans les zones rurales. L'aménagement du territoire, je le rappelle, c'est la présence de services publics également et équitablement répartis sur l'ensemble du territoire.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roland Courteau. Bravo !
M. Claude Haut. A cet égard, il y a une attente très forte vis-à-vis du Gouvernement et une exigence très vive de nos concitoyens à disposer sur tout le territoire de services publics de qualité.
Nous ne sommes pas hostiles à toute évolution ou à certains redéploiements, au demeurant inévitables, de services publics, mais nous souhaitons davantage de méthode, de concertation et, surtout, que soit pris en compte le droit de chaque citoyen, où qu'il se trouve, de disposer de services publics de qualité. Ces derniers exercent une fonction essentielle en terme d'équilibre territorial, et il est donc nécessaire de les conforter.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Claude Haut. Dans cette optique, une plus grande modulation des interventions de l'Etat s'avère nécessaire en fonction de la situation et des besoins de chaque région et de chaque territoire.
Réinvestir l'urbain, madame la ministre, c'est une noble et légitime ambition, mais cela ne doit pas et ne peut pas se faire au détriment du monde rural.
M. René-Pierre Signé. Bravo ! Très bien !
M. Claude Haut. A-t-on notamment, madame la ministre, envisagé toutes les incidences que va avoir, en termes de flux de population, la fin du moratoire gelant toute fermeture de services publics en zone rurale, annoncée par M. le Premier ministre dans son discours devant le congrès des maires ?
La même réflexion pourrait être conduite sur le projet de réorganisation territoriale des forces de gendarmerie et de police.
MM. Roland Courteau et René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Claude Haut. Je crains donc à terme, madame la ministre, de nouveaux déséquilibres, générant de nouveaux transferts de population qui ne feraient qu'accentuer les problèmes des villes.
Un développement harmonieux du territoire nécessite tout au contraire une solidarité affirmée entre les villes et les campagnes,...
M. René-Pierre Signé. Il faut mettre les villes à la campagne !
M. Claude Haut. ... mais aussi une solidarité renforcée à l'intérieur des territoires. Et cela passe aussi et nécessairement par le développement de la coopération intercommunale.
A cet égard, s'il est vrai que la loi de 1992 relative à l'administration territoriale de la République a donné de bons résultats avec la multiplication des créations de communautés de communes en zone rurale, le projet de loi qui nous sera proposé en 1999, qui incite fortement à la création de communautés d'agglomération, va dans le bon sens.
Je crains cependant que les seuils retenus ne mettent sur la touche de nombreuses petites villes de moins de 15 000 habitants qui exercent des fonctions de villes-centres et qui seront, de fait, de par les critères proposés, écartées du futur dispositif fortement incitatif en termes de DGF.
Je fais donc appel à vous, madame la ministre, pour qu'au nom d'une logique d'aménagement du territoire vous puissiez faire part de nos souhaits et de nos inquiétudes aux ministres concernés.
Bien évidemment, la discussion de ce projet de loi nous donnera l'occasion de revenir sur ce sujet.
De même, madame la ministre, en matière de création de ces espaces géographiques et économiques pertinents que seront les « pays », je rappelle que la concertation et l'incitation plutôt que la contrainte doivent demeurer la règle. Je m'inquiète, à cet effet, de voir circuler des prédécoupages de secteurs géographiques en pays, alors que, sur le terrain, nous n'en sommes qu'à la phase de concertation.
Il faut, à cet égard, tenir compte d'expériences qui ont déjà réussi, ici et là. Ne remettons pas en cause ce qui fonctionne bien, tentons simplement de l'améliorer.
Je souhaite maintenant, madame la ministre, aborder deux points bien spécifiques de l'aménagement du territoire.
S'agissant des zones de revitalisation rurale, faut-il, madame la ministre, attendre la mise en place des futurs contrats de plan et la nouvelle génération des fonds structurels européens pour prendre conscience qu'une véritable politique de développement est indispensable en faveur des zones les plus défavorisées et que celle-ci ne peut être conduite sans une véritable discrimination positive ? Il y a urgence, madame la ministre, à agir en la matière.
Au lieu de cela, nous avons noté avec regret la disparition du Fonds de gestion de l'espace rural. Une grande partie du territoire risque ainsi de se trouver dépourvue de moyens d'intervention en faveur de l'entretien de l'espace.
De même, je souhaite également, madame la ministre, à l'occasion de cette discussion budgétaire, attirer particulièrement votre attention sur les nécessaires aménagements à apporter à nos cours d'eau afin de prévenir le risque inondant. Le Gouvernement vient de donner un signe fort, en permettant aux collectivités locales de récupérer la TVA pour les travaux de prévention, même lorsqu'ils sont effectués sur des parties privatives de cours d'eau.
Mais, en ce domaine, nos interventions sont frappées par le sceau de l'urgence, car il y va de la préservation de vies humaines. La loi du 2 février 1995 préconise l'élaboration dans les zones à risque de plans de prévention. Où en est-on aujourd'hui ? L'ensemble des zones à risque ont-elles été dotées de cet outil ?
Le rapport Ponton avait déjà mis en évidence que de nombreux secteurs étaient exposés aux risques naturels. L'ensemble des préconisations incluses dans ce rapport ont-elles été prises en compte ? Il est permis aujourd'hui d'en douter.
Afin d'accélérer le processus de mise en sécurité des personnes et des biens face aux risques naturels, je souhaite vous proposer, madame la ministre, une modification législative qui permettrait d'affecter des moyens supplémentaires aux actes de prévention. En effet, le champ d'intervention du fonds de prévention des risques naturels majeurs a été défini de manière trop restrictive et le produit des prélèvements opérés est largement excédentaire par rapport aux nombres d'opérations engagées.
En conséquence, je vous propose d'étendre le champ d'intervention de ce fonds à partir du 1er janvier 2000, en permettant l'affectation de ces crédits au financement d'opération de prévention des risques naturels.
J'aurais également souhaité pouvoir aborder avec vous, madame la ministre, cette aberration que constituent les crédits imparfaitement consommés - notamment ceux du Fonds national d'aménagement du territoire - ou encore la lenteur et la complexité des procédures. Ne serait-il pas possible, madame la ministre, d'avoir enfin une gestion plus efficace de ces crédits, d'en accélérer et d'en simplifier l'affectation et de développer la déconcentration ?
Il reste à trouver, madame la ministre - et je ne doute pas que vous y parviendrez - un véritable discours mobilisateur sur l'aménagement du territoire.
L'enjeu, je l'ai dit au début de mon intervention, c'est la maîtrise de l'avenir et des évolutions.
M. le président. Ayez pitié de votre collègue M. Demerliat, à qui il ne va plus rester de temps pour intervenir !
M. Claude Haut. L'aménagement du territoire se fait avec des hommes et des femmes attachés au territoire, à leur territoire. Or nous rencontrons trop de nos concitoyens déracinés, en mal de repères et d'identités.
Votre rôle, votre mission, madame la ministre, c'est de mettre fin à cette érosion identitaire.
Notre vote positif en faveur de votre budget se veut donc une incitation et un encouragement pour que votre ministère voie ses moyens et son autorité encore accrus dans les années à venir. Il reste tant à faire ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à rendre hommage à nos deux rapporteurs, nos collègues Roger Besse et Jean Pépin. J'approuve dans l'ensemble les observations générales qu'ils ont présentées à l'occasion de l'examen de ce budget sur la politique d'aménagement du territoire.
Je me bornerai ce soir à faire deux observations d'ordre général et à présenter quelques brèves remarques sur le projet de budget lui-même.
Mes deux observations générales vont au-delà des aspects budgétaires proprement dits puisque, nous le savons - et c'est dans la nature des choses - l'aménagement du territoire, sa politique, sa mise en oeuvre ne dépendent que pour une faible part, sur le plan budgétaire, du ministère de l'aménagement du territoire. C'est un constat, ce n'est pas un reproche et je me permets à cette occasion de rendre hommage à la DATAR et à ses équipes pour la réflexion et l'action qu'elles mènent, tant en France qu'hors de France.
M. Claude Haut. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Cela a été rappelé, la présente discussion budgétaire se situe à la veille de trois échéances décisives qui auront nécessairement un impact fort sur la mise en oeuvre de la politique de l'aménagement du territoire.
La première échéance, c'est la renégociation de la troisième génération des fonds structurels pour la période 2000 à 2006. Ces fonds mettent en oeuvre, en l'occurrence, des chiffres considérables dont l'impact sur l'aménagement du territoire sera évident. Mais cette négociation se situera dans un contexte difficile puisque, progressivement, ce sont vingt-six pays qui, d'ici à 2006, prélèveront leurs parts sur ces fonds structurels, alors que la dernière négociation n'en concernait que douze.
Si, à l'heure actuelle, près de la moitié de la population française est concernée par les objectifs 1, 2 et 5 B, il faut toutefois prévoir pour la France une réduction de l'ordre d'un tiers des fonds structurels dans la période à venir.
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel. Evidemment, cela rendra la négociation difficile, et j'ai tout à fait conscience du caractère délicat de votre tâche, madame la ministre, pour parvenir, avec moins de crédits, à obtenir l'impact maximum pour donner l'élan maximum à la politique d'aménagement du territoire.
La deuxième échéance, ce sera la négociation sur les contrats de plan, qui mettra en oeuvre, région par région, les crédits des différents ministères et l'effort financier soutenu des trois niveaux de collectivités territoriales.
Enfin, la troisième échéance, que l'on ne peut pas dissocier de ce débat budgétaire, concerne la prochaine discussion du projet de loi d'aménagement et de développement durable du territoire, le terme « durable » étant la seule innovation par rapport à la loi d'aménagement du territoire de février 1984. (M. Braun rit.)
M. Bernard Piras. Pas mal !
M. Daniel Hoeffel. Je voulais rappeler ces différents éléments pour insister sur la nécessité de veiller à une bonne complémentarité, à une bonne cohérence et à une bonne synchronisation entre toutes les actions qui seront menées tout au long de l'année 1999 si nous voulons un aménagement du territoire efficace.
Enfin, je voudrais insister sur le fait qu'il faudra veiller à ce qu'en aucun cas les fonds structurels européens ne se substituent à l'effort budgétaire de l'Etat. Ils doivent s'y ajouter et non pas en être retranchés, car c'est cette superposition des efforts européen et national qui permettra de donner l'élan maximum à la politique d'aménagement.
Ma seconde observation générale concerne l'évolution législative et la situation quelque peu transitoire dans laquelle nous nous trouvons.
La loi de février 1995 a été évoquée à plusieurs reprises. A son élaboration ont participé plusieurs de ceux qui siègent aujourd'hui dans cet hémicycle, sur presque toutes les travées. Comme toute loi, cette loi n'est pas parfaite, mais elle a eu le grand mérite de représenter un effort collectif et d'être marquée du sceau du volontarisme. Elle ne porte d'ailleurs pas uniquement, loin de là, la marque du gouvernement d'alors, car elle a beaucoup été enrichie par le débat parlementaire, en particulier par le débat qui a eu lieu au Sénat : nous nous souvenons tous, à cet égard, du rôle important joué à cette époque par le président et par le rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
L'élaboration de cette loi a été précédée - faut-il le rappeler ? - par un grand et authentique débat démocratique, région par région.
Aujourd'hui, la mise en oeuvre de cette loi est quelque peu suspendue. N'a-t-on pas décidé d'abandonner la liaison fluviale Rhin-Rhône ?
M. Gérard Braun. Hélas !
M. Daniel Hoeffel. Je ne m'y résigne pas encore !
M. Gérard Braun. Nous non plus !
M. Daniel Hoeffel. Par ailleurs, le schéma national et les schémas sectoriels d'aménagement du territoire ne sont pas entrés en vigueur, sans être formellement supprimés.
Enfin - mon prédécesseur l'a rappelé - le fonds de gestion de l'espace rural n'a pas été doté de crédits.
C'est dans ce contexte intermédiaire fait d'incertitudes que nous allons engager le débat sur la nouvelle loi.
Madame la ministre, au travers de cette loi, nous allons déterminer l'avenir de notre territoire, de notre pays, pour quinze à vingt ans ; nous ne pouvons le faire dans l'urgence.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Avant de s'engager sur une durée aussi longue, il faut un grand, un authentique, un libre débat, de façon à donner à cette loi toute sa substance mais aussi tous les fondements qui lui sont nécessaires.
Je terminerai mon propos par quatre brèves observations ponctuelles sur le projet de budget.
Je souscris aux souhaits de simplification des zonages et des procédures. La superposition de zonages européens et nationaux est très souvent ressentie comme intolérable par les entreprises. Profitons des nouvelles négociations pour faire un pas en direction de cette simplification des zonages, mais aussi des procédures, car, nous le savons, ces procédures trop complexes, trop longues, avec trop de partenaires, expliquent, pour une bonne part, pourquoi les fonds structurels n'ont pas connu, sur le plan de la consommation, le succès qu'ils auraient dû connaître.
Ma deuxième observation est relative à la complémentarité entre l'urbain et le rural. La loi de 1995 n'était pas « ruraliste », comme j'ai pu le lire çà et là. A travers elle, on ne cherchait qu'un équilibre entre les zones urbaines en difficulté et les zones rurales en voie de désertification.
M. Gérard Cornu. Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel. Il ne faut pas que les agglomérations et les pays - j'espère et je crois que telle n'est pas votre conception - créent une césure entre l'urbain et le rural, alors que ceux-ci sont complémentaires et interdépendants. On ne peut pas bâtir la prospérité des villes sur le dépérissement des zones rurales.
MM. Roger Besse, rapporteur spécial, et Gérard Cornu. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Ma troisième observation, qui prendra plutôt la forme d'une question, concerne les pays. Je crois déceler dans la notion de pays, telle qu'elle est prévue dans le projet de loi sur l'intercommunalité, une définition quelque peu différente de celle que l'on peut déceler dans le projet de loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire. Il faudra donc profiter du double débat, au début de l'année 1999, pour clarifier cette définition de la notion de pays.Le pays espace pertinent de développement et de solidarité, oui ! Le pays comme échelon territorial supplémentaire, non !
Si une structure intercommunale peut coïncider avec le pays, tant mieux. C'est peut-être même la voie de l'avenir. Mais surtout qu'il n'y ait pas d'équivoque à ce sujet !
J'en viens - ce sera ma dernière observation - aux services publics en milieu rural et dans les quartiers difficiles.
Le moratoire de 1993 sur la fermeture des services publics en milieu rural était une bonne chose. Il a permis de déclencher la mise au point d'une procédure de sortie de moratoire, en veillant à ce qu'aucun service public ne soit fermé sans une concertation préalable, en particulier avec les collectivités territoriales. Il faut que cela reste un fondement important.
Si certains services publics, comme La Poste, par exemple, ont conclu des contrats avec les collectivités locales, ont fondé la fermeture ou la non-fermeture sur le partenariat avec elles, nous devons nous en féliciter.
Il faudra veiller, madame la ministre, à ce que cette procédure soit généralisée, car c'est le partenariat qui peut éviter le fait accompli et préserver les services publics en milieu rural ou dans des zones urbaines difficiles, là où, souvent, à un moment donné, ils sont le seul point d'appui permettant de maintenir une vie et une activité.
Voilà, madame la ministre, les quelques observations que je tenais à formuler sur ce projet de budget. Notre dialogue, nous pourrons sans doute le poursuivre le 10 décembre prochain puisqu'il semble, au vu de l'ordre du jour de nos travaux, que cette journée sera consacrée à un débat sur l'aménagement du territoire. Nous pourrons évoquer, à cette occasion, d'autres problèmes dans ce domaine fondamental pour l'avenir de notre pays et, de manière générale, celui de toute l'Europe. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Gérard Braun Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Je veux attirer votre attention, madame la ministre, sur un point précis qui ne concerne pas directement la discussion budgétaire, mais qui intéresse tout particulièrement la ministre de l'aménagement du territoire. Je veux parler de la suppression des services publics dans certaines zones, notamment dans les zones rurales.
L'annonce de la suppression de gendarmeries ou de commissariats de police a, en effet, récemment soulevé une très grande émotion non seulement parmi les élus, mais aussi et surtout dans la population de nos départements ruraux.
Depuis, M. le Premier ministre s'en est expliqué, mais il n'en demeure pas moins que nous sommes toujours dans un climat d'incertitude, ressenti comme une lourde menace pour l'avenir.
M. Jospin a récemment évoqué aussi la suppression du moratoire, dont nous avons beaucoup parlé ce soir. Si nous comprenons la nécessité d'adapter les services aux besoins de la population, il n'en reste pas moins que cete adaptation ne doit pas se faire au détriment d'une partie de notre territoire, d'une part, et sans une réflexion approfondie sur les effets négatifs que ces suppressions pourraient entraîner, d'autre part.
Si l'on doit, en effet, revenir à un ratio « habitant » - c'est depuis toujours une très grande tentation - c'est la désertification assurée de grandes zones de notre territoire !
Dans ce domaine, je ne citerai qu'un exemple : dans un canton de mon département, il nous a été annoncé, en quelques semaines, la suppression de la subdivision de l'équipement, la suppression de la gendarmerie, la suppression de la gare et la suppression d'un emploi à la perception. Je m'arrêterai là.
Vous conviendrez avec moi, madame la ministre, que cela fait beaucoup ! Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, de nombreux collègues pouvant faire la même énumération.
La suppression des services publics est un problème qui revient sans cesse et qui suscite de très vives inquiétudes parmi les élus, lesquels se mobilisent avec beaucoup de vigueur pour le maintien de l'existant, toujours menacé, et obtiennent quelquefois un assouplissement des mesures qui devaient être prises, mais sans que le problème soit pour autant réglé, sachant donc qu'ils y seront de nouveau confrontés dans un avenir prochain.
Nous avons besoin, dans nos espaces, d'une certaine stabilité. Si nous y rencontrons des difficultés, ce n'en sont pas moins des régions et des espaces où il est très agréable de vivre, où les habitants travaillent aussi bien qu'ailleurs mais à condition que l'on ne détruise pas leur organisation territoriale et que l'on ne les appelle pas à faire sans cesse des sacrifices, sans concertation aucune.
Devoir défendre et gérer un territoire, une commune ou un département dans un tel climat d'incertitude explique, pour beaucoup, le découragement des élus.
Pensez-vous, madame la ministre, qu'il ait été sans conséquence d'avoir supprimé, dans mon département, quatre-vingt-seize postes d'enseignants de l'éducation nationale entre 1987 et 1997, auxquels il faut encore rajouter 5 postes pour 1998, alors que la population n'a pas diminué ?
Or, rééquilibrer le développement des villes et des campagnes, favoriser l'emploi sont les objectifs affichés de votre projet de loi dont nous aurons à discuter prochainement.
Il s'agit bien de resocialiser les grandes agglomérations, d'y faire reculer l'exclusion et d'y rétablir l'état de droit. C'est une excellente orientation à laquelle on ne peut que souscrire. Mais ce texte, si je l'ai bien compris, vise aussi à revitaliser les zones à faible densité démographique.
Ces deux objectifs, bien que très complémentaires, appellent la mise en oeuvre de moyens différenciés, adaptés à la diversité des situations.
J'ai souvent pour habitude de dire que l'aménagement du territoire doit être du « sur mesure ».
Développer les régions qui doivent affronter l'évolution de la société est, je l'espère, notre souci commun.
Nous souhaitons tous leur développement, mais comment les développer si nous commençons par les destructurer, les services restant indispensables à la fois sur le plan social et sur le plan économique.
L'adaptation des services publics à l'évolution du monde rural est nécessaire, et les ruraux le comprennent bien, mais adapter le service public avec une règle à calcul comme seule référence est loin d'être la solution.
Je n'ose pas imaginer, demain, une France organisée en chapelet de grandes métropoles autour d'aéroports, de gares TGV et de bretelles d'autoroutes, séparées par des espaces naturels entretenus à grands frais par des habitants chargés de « fonctions récréatives », pour reprendre une expression employée par l'Union européenne à propos du développement rural.
Par ailleurs, on ne peut demander aux services publics d'assurer leur équilibre financier et d'assumer des missions d'intérêt général. Qui demanderait à la RATP ou à l'Opéra Bastille de s'autofinancer ? Personne !
L'exemple des gendarmeries est flagrant. Puisqu'il s'agit de brigades territoriales, leur mission est contenue dans leur appellation ; elles sont là pour occuper le territoire et le gérer.
Madame la ministre, je ne crois pas qu'on puisse descendre en dessous d'un certain seuil de présence des services. On a déjà, depuis quelques temps, atteint un niveau de survie, et les réductions d'effectifs n'ont souvent aucune explication démographique.
Si certaines régions connaissent un faible taux de criminalité et de délinquance, c'est bien parce que le maillage des gendarmeries couvre l'ensemble du territoire. Doit-on, pour autant, les culpabiliser ?
Dégager des effectifs pour conforter les zones très difficiles affaiblira les zones rurales sans pour autant résoudre en profondeur les problèmes des banlieues.
L'aménagement du territoire doit poser les problèmes en termes d'anticipation pour assurer la cohésion et exprimer la solidarité nationale en direction des zones qui rencontrent des difficultés.
En conclusion, l'alternative dans laquelle paraît enfermée actuellement l'organisation des principaux services publics semble reposer sur le transfert de postes et moyens du monde rural vers le monde urbain. Les zones rurales ne doivent pas constituer le gisement dans lequel puisent les administrations, car une des conditions essentielles du développement durable de nos zones rurales est que ces territoires restent attractifs et soient en mesure de proposer des services d'une qualité équivalente à ceux que l'on peut trouver en agglomération.
Le redéploiement des services publics ne fait qu'accentuer de façon très néfaste la concentration urbaine. Si les zones rurales, en particulier de montagne, connaissent des difficultés, elles constituent cependant des espaces prometteurs pour enrayer le processus de certaines concentrations urbaines.
Bien entendu, ces difficultés ne peuvent être surmontées qu'à condition qu'il y ait une réelle volonté politique. Il convient de faire confiance au monde rural, qui est une valeur sûre, fait de potentialités humaines et territoriales réelles qui peuvent enrichir utilement notre pays. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Madame le ministre, vous avez, lors de récents débats, déclaré en substance que vous mettriez la même conviction au service du monde rural qu'à celui des zones urbaines. Permettez-moi de douter que vous ayez réussi à convaincre les plus réticents d'entre nous. J'ai en effet, pour ma part, encore en mémoire l'une de vos déclarations antérieures, selon laquelle « il convenait de rompre avec une conception dépassée de l'aménagement du territoire qui laissait de côté la question des villes pour se focaliser sur les territoires ruraux désertifiés sur lesquels l'Etat devait porter son attention comme sur un grand malade. »
M. Hoeffel, qui m'a précédé à cette tribune, vous a répondu sur ce sujet que, ce que nous cherchions, c'était un équilibre entre la ville et le monde rural.
Cette contradiction qui n'aurait pu qu'être apparente se trouve malheureusement confirmée aujourd'hui par le projet de budget que vous nous présentez et qui n'est pas de nature à nous rassurer.
Voilà dix-sept mois que vous n'appliquez pas la loi d'aménagement du territoire du 4 février 1995, nous expliquant que, bien qu'elle prévoie plusieurs dispositions intéressantes, vous allez la réviser ; j'en veux pour preuve l'abandon du schéma national d'aménagement du territoire et du projet de loi relatif aux zones rurales.
Que de temps perdu ! La rupture installée entre ville et campagne n'y a bien sûr pas gagné. On le sait : 80 % de la population vit en ville, 20 % dans les zones rurales. Cela a été rappelé. Or l'enjeu de la politique d'aménagement du territoire national n'est-il pas de maîtriser toutes les évolutions, de préserver l'équilibre de tous les territoires ?
Mais, pour que cette politique fonctionne, il faut une véritable volonté politique. Or qui dit volonté politique dit lignes directrices claires et surtout cohérentes.
Il est, à cet égard, en Eure-et-Loir, un dossier sur lequel la clarté est loin d'être faite. Je veux parler, madame la ministre, vous l'aurez compris, du troisième aéroport.
Il semblerait que vous-même et votre collègue chargé des transports ne soyez pas en phase sur ce point. Ce projet est-il gelé ou bien toujours d'actualité ? Les deux versions cohabitent au sein du Gouvernement sans que cela semble vous gêner le moins du monde.
Qui convient-il de croire ? Comment parler de façon crédible d'aménagement durable du territoire lorsque vous laissez les acteurs économiques, les élus locaux, sans compter la population locale, dans l'expectative la plus complète ?
Vous n'ignorez pas que la décision finale changera très sensiblement le plan de développement de notre département et que tout projet d'infrastructures y est de prêt ou de loin suspendu. Il serait plus que temps, madame la ministre, que vous nous disiez enfin les choses, car il est de l'aménagement du territoire comme de bien d'autres domaines : le temps perdu ne se rattrape jamais.
Nous connaissons maintenant les grandes orientations de votre projet de loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable du territoire. Il n'est pas de nature à nous rassurer - vous vous en doutez - dès lors qu'il favorise le développement des agglomérations au détriment du milieu rural, au motif que les villes sont le seul lieu où se créé l'essentiel de la richesse et de l'emploi. J'y reviendrai.
Mais nous ne saurions oublier que le présent projet de budget est le dernier avant le vote de cette loi. C'est aussi le dernier avant l'élaboration et la signature des nouveaux contrats de plan Etat-régions et avant la réforme des fonds structurels européens. Ce devrait donc être, en quelque sorte, un budget qui prépare l'avenir. Si, comme vous l'avez dit, la qualité ne se mesure pas seulement à l'aune de sa progression, et j'en conviens, il n'en reste pas moins vrai que le projet de budget pour 1999 aurait pu être l'occasion de changements salutaires pour la mise en oeuvre d'une politique plus volontariste et plus efficace puisqu'il précède, je viens de le dire, des échéances importantes. Il n'en est rien.
Au-delà de l'aménagement durable du territoire, il y a l'efficacité des structures qui contribuent à cette politique.
J'aimerais, à ce titre, évoquer certaines observations qui vous ont déjà été faites - MM. Pépin et Hoeffel encore voilà quelques instants - mais auxquelles vous ne semblez pas en mesure d'apporter de réponses. Celles-ci touchent à l'évaluation des procédures d'emploi des fonds structurels et à la nécessité d'accélérer l'utilisation des crédits européens disponibles jusqu'à la fin de l'année 1999.
La Commission de Bruxelles, reconnaissant que la France est le plus mauvais élève de la classe européenne en matière de consommation de crédits, ne va-t-elle pas être légitimement conduite à penser que nos besoins sont devenus quasi inexistants ?
A cet égard, je voudrais quand même rappeler que la sous-consommation de ces crédits est imputable non pas au fonctionnement des institutions communautaires mais plutôt à la lourdeur des circuits administratifs français, encore eux ! Rappelons, pour illustrer ce propos, que quarante-trois interventions administratives et techniques sont nécessaires avant qu'un porteur de projet se voit créditer du versement de la subvention qui lui a été attribuée !
Si personne ne peut sous-estimer l'appui financier tout à fait considérable que représentent ces crédits, nul ne peut, à l'inverse, contester que la lenteur de la France à débloquer ces fonds conduit nombre de porteurs de projets à renoncer à solliciter les fonds structurels, voire, pour certains, à renoncer à leur projet de développement quand on sait, en outre, que les aides publiques nationales sont parfois tout aussi lentes à se débloquer.
Au-delà des paroles, ce sont des actes dont les acteurs de développement ont besoin. Si vous les laissez plus avant baisser les bras, c'est, à terme, le monde rural que vous condamnez.
Si, comme je l'ai dit tout à l'heure, les habitants des zones rurales représentent 20 % de la population, ils n'en occupent pas moins 80 % du territoire. Reconnaissons-leur donc le droit de se préoccuper de l'avenir de celui-ci et en particulier du maintien des services publics, pour lequel toute volonté politique semble avoir disparu.
Mon département, l'Eure-et-Loir, pour sa part, sait bien ce que cette réalité recouvre. Dans certaines communes, des bureaux de poste connaissent des dysfonctionnements parce que l'administration n'y met pas les moyens humains nécessaires et, dans d'autres, ce sont les brigades de gendarmerie qui sont sérieusement menacées, à telle enseigne que l'on serait légitimement porté à croire que le sort que vous réservez à nos campagnes s'apparente à du « déménagement » du territoire plutôt qu'à de l'aménagement du territoire.
Je ne crois pas, madame le ministre, que l'on puisse descendre en dessous d'un certain niveau de présence des services publics : simple question de survie pour des zones parfois durement touchées et qui ont déjà perdu de la population.
Que l'occasion qui m'est donnée me permette une nouvelle fois de regretter la disparition du fonds de gestion de l'espace rural, FGER, créé par la loi d'orientation de 1995, qui ne finançait pas seulement des individus mais aussi des collectivités pour des opérations d'entretien et d'aménagement des espaces ruraux désertifiés. En intégrant entièrement le FGER au fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation, la loi d'orientation agricole tire un trait sur l'entretien de l'espace rural, là où il n'y a plus d'agriculteurs.
Je souligne au passage qu'il est, en outre, pour le moins étonnant qu'un projet de budget supprime les dotations d'un fonds qui a une existence légale pour les transférer à une structure qui, elle, n'a pas encore force de loi !
A qui va profiter cette mort programmée du FGER ? Je devrais dire plutôt au détriment de qui va-t-elle se faire ? Car ni Natura 2000 ni les CTE ne prendront le relais de ce fonds qui, je le rappelle, finançait également des opérations collectives ; l'entretien de l'espace rural délaissé par les agriculteurs, parce qu'il n'avait pas d'utilité économique, ne pourra plus être pris en charge par les collectivités locales, qui, à leur tour, faute de moyens, vont abandonner la partie. Je conclurai mon propos sur les infrastructures de transports et les voies de communication.
Il n'est pas raisonnable, madame la ministre, d'opposer, comme vous le faites, le rail à la route. L'équipement routier et autoroutier ne doit pas faire les frais du développement du ferroviaire, même si ce dernier est, par ailleurs, nécessaire.
J'en sais quelque chose en Eure-et-Loir, où, parallèlement au projet de doublement de la nationale 154 entre Chartres et Orléans, se pose la question de la réouverture de la ligne SNCF reliant ces deux mêmes villes. Le projet routier est une priorité absolue que nous ne pouvons, pour le moment, que mettre en oeuvre partiellement par manque de financement. Faut-il pour autant mettre en balance une solution ferroviaire dont on sait qu'elle coûtera également fort cher et dont le financement n'est pas assuré ? Une étude préalable sérieuse doit être menée à cet égard. Là encore, il serait essentiel de pouvoir travailler dans la transparence et de connaître les intentions du Gouvernement sur la question du troisième aéroport, qui bloque l'aménagement du territoire dans le secteur.
Je suis, au même titre que tous les élus et les habitants de nos zones rurales, très attaché à la défense de notre territoire dans son intégralité. Notre pays ne saurait affronter les défis des prochaines décennies, déchiré par une opposition entre ses villes et ses campagnes. Pourquoi privilégier les premières au détriment des secondes ? Ne payons-nous pas encore aujourd'hui les frais d'une politique de concentration urbaine par trop excessive ? Zones urbaines et zones rurales forment un tout et sont interdépendantes. Qu'avez-vous à gagner à laisser se propager, telle une gangrène, la désertification rurale ?
Je ne crois pas, madame la ministre, que tout miser sur les villes soit le gage de la réussite d'une politique durable d'aménagement du territoire national. Si ce débat est récurrent, il ne nous apparaît pas pour autant stérile. Nous ne manquerons pas, d'ailleurs, de déployer l'énergie nécessaire pour vous prouver que vous faites là une grave erreur de stratégie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puis-je commencer mon intervention par une remarque préalable ?
Le projet de budget qui nous est proposé est globalement à la même hauteur que celui de 1998. Il confirme, par cette stabilisation, la rupture souhaitée avec la décroissance qu'il avait connue depuis 1994. Cela est évidemment positif et mon souhait est d'ailleurs que vos prochains budgets soient en hausse dans ce domaine primordial.
Au-delà des chiffres, il est important que nous nous interrogions, en ce domaine, sur les politiques à moyen et à long terme.
De ce point de vue, le projet de budget, en son état actuel, ne prendra réellement tout son sens qu'après notamment la mise en place de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, la réforme des fonds structurels européens et la mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole.
Mais il faut d'ores et déjà regretter que des crédits - surtout les crédits d'équipement du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire - n'aient été consommés qu'à 70 % à peine en 1997 et, sans doute, dans des proportions identiques en 1998. Il conviendrait qu'à cet égard on puisse à l'avenir infléchir des modes de gestion qui sont en réalité plus centralisés qu'il n'y paraît. Il faudrait que plus de latitude soit possible pour affecter directement la part déconcentrée.
Il serait bon pour pallier un déséquilibre pénalisant les régions les plus déshéritées - c'est le cas de la région Limousin - qu'il soit permis de leur affecter, en ce qui concerne les fonds structurels, les crédits non consommés par d'autres régions sans doute mieux valorisées par leur histoire économique propre.
Il paraît que ce n'est pas possible actuellement, mais rien ne nous empêche, madame la ministre, d'essayer de rendre possible l'impossible !
Il s'agit, en définitive, d'instaurer une « discrimination positive », seule à même d'éviter une poursuite de l'hyperconcentration et d'instaurer de façon durable une péréquation véritable des ressources.
Je voudrais, à ce sujet, m'élever ici contre la véritable hyperprotection dont jouit la région parisienne.
L'absence de dynamique intercommunale dans la région la plus riche de France aboutit, de fait, à ce que le reste du pays en paie la facture, au détriment de sa propre économie. Il est donc encore grand besoin d'une structure nationale jouant réellement un rôle d'interface.
Ce qui m'amène tout naturellement à évoquer le problème, certes récurrent mais réel et redoutable, des services publics en zones rurales.
Toutes, ou presque toutes - en tout cas, c'est vrai en Limousin - sont menacées de désertification totale si la concentration urbaine, la plus néfaste qui soit, perdure.
Or c'est précisément de revitalisation de ces zones qu'il s'agit si la notion même d'aménagement du territoire a un sens.
De ce point de vue, je n'ignore pas que les mouvements de populations sont l'un des paramètres à prendre en compte pour le maintien ou l'implantation d'écoles, de bureaux de poste et autres services publics, mais le moyen premier d'éviter cette désertification est bien de sauvegarder au maximum les implantations actuelles tout en utilisant les ressources de l'intercommunalité.
En ce qui concerne la prime d'aménagement du territoire, je veux enfin dire mon inquiétude de constater sa baisse, notamment entre 1995 et 1997, et je souhaite que votre ministère soit vigilant à ce sujet.
Je fais volontiers la même recommandation en ce qui concerne les entreprises petites et moyennes pour lesquelles est, je crois, nécessaire une PAT bien ciblée. Les vingt créations d'emplois exigées en contrepartie me paraissent excessives et, en tout cas, inadaptées aux petites entreprises des zones rurales, qui sont, par définition, fragiles.
L'aménagement urbain, routier, ferroviaire ou fluvial, ont chacun, spécifiquement, leur ministère de tutelle, mais la mise en place de schémas de service collectif devra, à mon sens, s'accélérer grâce au travail de coordination qui me paraît vous incomber.
Et puisque j'évoque le ferroviaire, je me permets d'insister ici, une fois encore, sur l'urgence de permettre la circulation d'un train pendulaire au départ de Paris et desservant Limoges, Brive et Cahors, puisque j'ai cru comprendre que le TGV Limousin n'était pas d'une actualité immédiate. Au moment où certaines régions bénéficient dès maintenant d'autoroutes de l'information, la mienne ne saurait rester plus longtemps à l'écart des voies de communication modernes.
En conclusion, je veux dire avec insistance combien il est nécessaire de poursuivre et d'amplifier la politique de délocalisation d'emplois publics.
Trop timidement amorcée et conduite à ce jour, cette politique trouve, au moins a contrario, sa justification dans ce que j'appelais à l'instant l'hyper-concentration et l'hyper-protection urbaines qui, en définitive, engendrent plus de coûts, et même de surcoûts, que d'avantages.
Nous aurions là l'une des clés d'un aménagement du territoire enfin digne d'être considéré comme une source d'équité, d'équilibre territorial et, tout simplement, d'égalité au bénéfice des citoyens.
Il est bien évident, madame la ministre, comme l'a dit tout à l'heure mon ami M. Claude Haut, que le groupe socialiste votera les crédits du budget de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais remercier MM. Roger Besse et Jean Pépin, rapporteurs du budget de l'aménagement du territoire pour votre assemblée, de leurs analyses.
J'ai toutefois bien noté que le budget pour 1999 de l'aménagement du territoire vous intéresse finalement moins que les rendez-vous futurs de l'aménagement du territoire.
Or, l'année 1999 sera une année charnière pour l'aménagement du territoire. C'est la dernière année de la génération en cours des contrats Etat-régions. Ce sera aussi l'année de la préparation de la prochaine génération de ces contrats. Ce sera l'année au cours de laquelle nous mettrons au point la prochaine génération des aides communautaires à finalité régionale dans le cadre de l'Agenda 2000. Ce sera aussi l'année au cours de laquelle nous examinerons le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, dont la discussion est inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 19 janvier 1999.
Par ailleurs, les schémas de services collectifs que nous sommes en train de préparer seront opérationnels avant la fin de l'année, et entreront en vigueur dès l'an 2000.
Enfin, nous finaliserons la révision en cours des doctrines d'emploi des instruments financiers de l'aménagement du territoire gérés par la DATAR : la prime à l'aménagement du territoire, la PAT, et le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
Comme bien des orateurs l'ont dit ce soir, ce projet de budget pour 1999 est à la fois un budget de transition, en raison des thèmes que j'ai énumérés tout à l'heure, mais aussi un budget de consolidation.
Après la forte augmentation de 1998, il s'agit d'une reconduction pour 1999 des crédits de l'année passée.
En 1995, le budget de la DATAR avait diminué de 3 % ; en 1996, de 12,2 % ; en 1997, de 14,1 % : soit, en trois ans, une diminution de plus d'un quart.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. L'année dernière, nous avons bénéfié de l'une des plus fortes augmentations des budgets de l'Etat, avec 6,06 %.
Je n'ai pas souhaité demander au Premier ministre, lors des abitrages budgétaires, une nouvelle augmentation du budget de l'aménagement du territoire, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, la qualité d'un budget ne se mesure pas à la seule aune de sa progression. Ensuite, il ne peut pas y avoir de volonté de maîtrise globale des dépenses publiques si chacun souhaite que son budget augmente plus rapidement que celui des autres. Enfin et surtout, les conditions ne me paraissaient pas réunies pour aller au-delà en 1999.
En effet, d'importants chantiers interministériels et communautaires sont en cours. De plus, les instruments de l'aménagement du territoire gérés par la DATAR n'ont pas encore atteint une efficacité maximale, malgré nos efforts.
J'ai cependant insisté pour que soit remis en cause l'accord pluriannuel de réduction des effectifs de la DATAR. Et, ce soir, j'ai apprécié le soutien appuyé de nombreux sénateurs au travail de la DATAR. Il faut cependant reconnaître que ses effectifs sont bien réduits au regard de la tâche écrasante qui est la sienne, singulièrement à l'horizon de cette année 1999 : cent treize emplois sur le territoire national, vingt-huit à l'étranger. Il était prévu de supprimer deux emplois de plus cette année ; cela ne sera pas, et je m'en réjouis.
S'agissant de la prime à l'aménagement du territoire, vous le savez, nous sommes en train de mener un certain nombre de réflexions qui devraient être présentées au prochain conseil interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le 15 décembre, afin d'en améliorer l'efficacité.
Nous avons effectivement pris conscience que cette prime a une faible sélectivité. Près de 80 % des projets présentés sont acceptés et bénéficient de la prime. Il s'ensuit de grandes difficultés, notamment en ce qui concerne l'évaluation.
Quel est l'impact réel de la PAT en termes de création d'emplois ? L'obtention de la PAT ne résulte-t-elle pas essentiellement d'un simple effet d'aubaine ? Les emplois sont-ils durables ?
Tout d'abord, 63 % des emplois annoncés lors de l'examen des dossiers sont effectivement créés trois ans plus tard et 65 % cinq ans plus tard. Mais ce taux ne s'établit qu'à 51 % si l'on exclut les facteurs exogènes au programme primé comme les croissances d'effectifs imprévus liés à la conjoncture.
S'agissant de l'effet d'aubaine, il semble que la plupart des entreprises qui bénéficient de la prime à l'aménagement du territoire aient plus facilement accès que les autres à d'autres sources de financement. La PAT ne contribue qu'insuffisamment au financement d'investissements à risques ou faiblement capitalisées. La prime ne représente qu'une part très réduite des projets bénéficiant d'une aide : moins de 5 % en moyenne pour la période 1994-1996. Cette part est même très marginale pour les plus gros investissements. Ainsi, pour l'implantation de Toyota à Valenciennes, la PAT ne représente que 1 % de l'investissement.
La PAT semble également ne tenir qu'un rôle mineur dans le choix par les entreprises bénéficiaires du lieu de leur investissement.
Lors d'une récente enquête, les deux tiers des chefs d'entreprises sondés ne citaient pas les aides publiques directes comme des facteurs d'installation ou de développement, les éléments décisifs d'implantation résultant plutôt de la fiscalité, de la stabilité de l'environnement industriel, de la qualité de l'environnement social, industriel, technologique, de la qualité des infrastructures et de la proximité d'un marché bien sûr.
Parce que la prime à l'aménagement du territoire est un élément secondaire dans le choix des investisseurs, les décisions d'octroi prises en comité interministériel des aides à la localisation des activités sont insuffisamment suivies d'effet. Lorsqu'elles le sont, les montants octroyés sont inférieurs au plafond autorisé. C'est ainsi que, pour la période de 1994-1998, le stock d'autorisations de programme disponible au titre des années antérieures représente en moyenne plus de trois fois la moyenne des autorisations de programme ouvertes en loi de finances.
S'agissant des crédits de paiement, les crédits reportés étaient, chaque année, depuis 1994, d'un montant supérieur aux crédits ouverts en loi de finances initiale. Heureusement, ce n'est plus le cas en 1998.
Nous avons décidé de faire porter notre effort dans trois directions. Tout d'abord, un grand nettoyage comptable s'impose avec l'annulation des autorisations de programme dormant depuis plus de quatre ans. Ensuite, un effort plus poussé de consommation effective doit être fait, comme M. Demerliat et d'autres intervenants nous y ont invités.
Grâce aux efforts de gestion entrepris, dès 1997, le taux de consommation en 1998 sera le meilleur des quatre dernières années. Il s'établissait déjà au 1er octobre à 37 % pour les autorisations de programmes, à près de 72 % pour les crédits de paiement, soit douze points de mieux que sur la moyenne annuelle des années 1995 à 1997 pour les autorisations de programme, et dix-huit points de mieux pour les crédits de paiement.
Enfin, comme promis l'année dernière, la réforme de la doctrine d'emploi de la prime à l'aménagement du territoire est engagée. Elle devrait être confirmée lors du CIAT du 15 décembre prochain.
Je m'interroge notamment sur la possibilité d'un découpage de la prime en deux rubriques.
L'une serait destinée à quelques investissements à vocation internationale particulièrement structurants, pour lesquels la PAT pourrait jouer un rôle de catalyseur. Il s'agirait en quelque sorte d'une prime exogène.
L'autre serait concentrée sur des régions en difficulté sur le plan démographique ou connaissant d'importantes restructurations industrielles ou militaires. Cette part de la prime concernerait davantage des projets de plus petite taille et serait ouverte plus que maintenant vers des projets pour lesquels elle pourrait jouer un rôle de déclencheur. Il s'agirait de ce que l'on pourrait appeler une prime endogène.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. S'agissant du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, nous avons également pointé la nécessité d'améliorer durablement ses conditions de gestion pour l'utiliser, de façon plus efficace, au service des projets présentés par les élus et des nouvelles orientations du Gouvernement.
L'effort d'amélioration de la gestion est déjà perceptible. Le taux de consommation des crédits de paiement au 30 septembre 1998 atteint 70 %, soit un taux comparable au taux de consommation annuel des trois exercices précédents.
Là encore, nous sommes en train de procéder à la révision, sur le fond, des conditions d'emploi du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire.
Ce fonds ne doit pas se substituer, de manière passive, aux dotations normales des autres administrations publiques. Il doit être un déclencheur de projet, un catalyseur de développement, et non une simple variable d'ajustement.
Le FNADT doit être centré sur le soutien aux projets intercommunaux, le soutien à l'émergence de pays et d'agglomérations, en appui aux contrats de pays et d'agglomérations.
Aujourd'hui, l'essentiel me paraît être davantage dans l'examen ligne par ligne du budget de l'aménagement du territoire, dans la réponse aux questions que vous vous posez sur des politiques, qui sont bien sûr essentielles et qui sont fondées sur d'autres crédits, figurant aux budgets d'autres ministères.
Je pense que le travail, la responsabilité de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, comme l'a dit M. Le Cam tout à l'heure, est, au-delà de son rôle politique, un rôle de mobilisation de l'ensemble des ministères, un rôle de mise en cohérence, d'aiguillon à l'égard d'un certain nombre de travaux et d'actions qui sont menées par ses collègues du Gouvernement.
En effet, comme vous l'avez noté, mesdames, messieurs les sénateurs, l'augmentation du budget de l'aménagement du territoire et de l'environnement, même comparable à celle de l'année dernière n'aurait représenté que quelques dizaines de millions de francs. Cela n'aurait pas été à la hauteur des questions que je viens d'évoquer ni, plus généralement, à la hauteur des enjeux de la politique d'aménagement du territoire.
Si l'on est lucide, on se rend compte que les crédits de la DATAR ne représentent qu'à peu près 3 % de l'ensemble des dotations qui sont considérées comme participant à l'aménagement du territoire, et qui sont évaluées à 65 milliards de francs.
La politique d'aménagement du territoire que j'entends conduire est donc plus déterminée par ma volonté d'impliquer l'ensemble de mes collègues que par le seul niveau des crédits dont je dispose. Ces crédits ne sont, bien sûr, pas négligeables, mais il serait dérisoire d'imaginer bâtir, avec 2 milliards de francs, une politique susceptible de contribuer à un aménagement équilibré et durable du territoire sans s'être assuré au préalable que les 63 autres milliards de francs sont bien mobilisés dans la même direction.
C'est, en particulier, le cas dans le domaine des transports. Nous veillons ensemble, M. Jean-Claude Gayssot et moi-même, à ce que la réorientation de notre politique des transports s'effectue rapidement.
Comme M. Le Cam l'a noté tout à l'heure, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables n'a jamais été aussi richement doté : 3,9 milliards de francs, dont 45 % environ pour les routes, 40 % pour le rail et 10 %, ou à peine plus, pour les voies navigables. Voilà de quoi construire, avec le ministère de l'équipement, des transports et du logement, une politique équilibrée !
J'attache beaucoup d'importance aux futurs schémas de services collectifs des transports. Ils seront l'occasion d'arbitrer entre des projets en prenant en compte la qualité de la réponse apportée aux besoins des populations, l'impact sur l'emploi et, si j'ose dire, la « finançabilité » des projets. Je ne crois pas sérieux de continuer à parier sur un aménagement du territoire qui reposerait sur des schémas « infinançables », hypertrophiés, qui permettraient de continuer à réaliser des infrastructures lourdes, concurrentes les unes des autres sur les mêmes axes, pour les mêmes usages.
Je crois beaucoup à cette approche par des schémas de services collectifs répondant aux besoins et articulant les équipements plutôt que les mettant en concurrence.
Vous avez beaucoup insisté sur les services publics et je comprends que vous y soyez sensible. Avec lucidité et une certaine amertume, je me demande ce que peut faire la ministre chargée de l'aménagement du territoire si chaque ministre responsable, si chaque tutelle d'un service public à réseau agit de manière isolée, sans tenir compte de l'impact des réorganisations de services publics sur l'aménagement du territoire ?
Plusieurs d'entre vous, notamment M. Haut et Mme Bardou, ont cité à cet égard la restructuration des services de police et de gendarmerie. Je ne me permettrai ici aucune polémique, mais je crois savoir que les propositions qui ont été récemment formulées par les ministres de l'intérieur et de la défense découlent directement d'une loi Pasqua, non pas celle qui concerne l'aménagement du territoire, mais celle qui traite de la sécurité. Cette loi a été votée voilà quelques années par une majorité de parlementaires, et aujourd'hui ses conséquences sur le territoire nous apparaissent dans toute leur cruauté et dans toute leur injustice. Il est temps sans doute de revoir le problème.
Cette question des services publics est cruciale, non seulement pour les zones rurales, j'y reviendrai, mais aussi pour les villes petites et moyennes et pour les quartiers défavorisés. Je remercie, à ce propos, M. Hoeffel de l'avoir dit, parce que, à bien des égards, la situation des zones rurales et celle des quartiers défavorisés est la même, comme en miroir ; les services publics y sont également fragiles, et même parfois absents.
M. le Premier ministre a demandé que des propositions précises soient formulées avant la prochaine réunion du CIAT, pour manifester la volonté du Gouvernement d'être le plus cohérent possible au regard de ces problèmes de services publics.
Je voudrais quand même dire que la dégradation des services publics est non pas la cause des difficultés des territoires, mais souvent la conséquence de décennies de « maldéveloppement », les services publics représentant ce qui reste quand tout le reste a disparu.
Il est vrai que nous ne pouvions pas nous contenter du moratoire sur les services publics. Nous avons vu combien il était difficile d'en sortir et combien l'article 29 de la loi Pasqua s'est révélé impraticable. Nous savons que le statu quo n'était pas la bonne solution et que l'adaptation est nécessaire, comme l'a dit Mme Bardou.
Nous devons donc travailler : nous avons besoin de réfléchir aux maisons de service public, aux points multi-services publics, à la mise à contribution des nouvelles technologies de l'information et de la communication, à l'évolution de l'organisation des services et des modalités par lesquelles ces services publics sont mis à disposition sur le territoire.
Parfois, le statu quo est dérisoire et ridicule. Ainsi, il existe, dans mon département, très rural, une brigade de gendarmerie comptant six agents, dans laquelle vingt-quatre faits ont été constatés dans l'année, soit un fait par agent et par trimestre. On ne peut alors y considérer que la sécurité publique soit menacée par la refonte du service, mais cette refonte exige évidemment qu'un large débat soit organisé avec les élus locaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'entends pas opposer les villes et les campagnes ; je compte, en tout cas, vous en convaincre.
Loin d'abandonner le monde rural, nous avons gardé, dans le projet de loi d'orientation d'aménagement et de développement durable du territoire, tout ce qui nous paraissait intéressant dans la loi Pasqua, qui ne parlait, pour l'essentiel, que du monde rural.
Vous avez été plusieurs à rappeler que 80 % de la population vit dans les villes, que c'est là que se crée sinon la totalité, du moins une bonne partie des richesses. Aujourd'hui, nous devons aller au-delà d'un discours attaché à la ruralité alors que tant de pratiques contredisent cet attachement au monde rural : je pense, par exemple, à une politique agricole commune qui conduit à la concentration des exploitations et à la disparition des paysans ; je pense aussi à des dispositifs en faveur des zones de revitalisation rurale qui, il faut bien le reconnaître, restent relativement symboliques - quelques centaines de millions pour 40 % du territoire.
Je ne remets pas en cause l'existence de ces dipositifs ; je voudrais simplement relativiser leur impact face aux moyens des grandes entreprises et des grandes collectivités.
Je considère aussi comme absolument indispensable de reconstruire des solidarités entre les villes et les campagnes. C'est seulement dans un échange fécond et dans des synergies que la plupart des petites villes et des villes moyennes pourront retrouver, en même temps que les zones rurales qui les entourent, un dynamisme et une solidarité.
Je n'oublie pas la montagne : environ la moitié des zones montagneuses connaissent d'importantes difficultés économiques et sociales.
M. Gérard Braun. Tout à fait !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Comme pour le monde rural en général, une nouvelle approche du développement doit y prévaloir, prenant en compte les handicaps mais aussi les atouts dont la mise en valeur est d'autant plus importante que bien des zones sont aujourd'hui dégradées. Les atouts de la montagne ne sont pas seulement à considérer en termes de récréation comme vous l'avez dit tout à l'heure. Pendant très longtemps, on a sous-estimé l'attrait de ces zones simplement parce que ce bien commun n'était pas monétarisé. Le moment est venu d'en reconnaître complètement la valeur.
Ce tour d'horizon ne serait pas complet si j'omettais le littoral, qui présente des caractéristiques communes avec la montagne, la richesse et la fragilité des milieux naturels, mais aussi un fort capital d'attraction, et qui est aujourd'hui confronté à de délicats problèmes. Je pense bien sûr au dossier des reconversions d'industries civiles et militaires particulièrement lourd sur le littoral de la Manche et le littoral atlantique.
Enfin, avant de conclure, je voudrais dire un mot des entreprises. M. Pépin a dit de façon très élégante et un peu humoristique tout à l'heure que le précédent gouvernement n'avait pas eu, au 1er juin 1997, le temps de doter le fonds national de développement des entreprises mis en place en 1995 et pour lequel, semble-t-il, il avait l'intention d'être cinq fois plus généreux que nous.
Pour ma part, je suis heureuse d'avoir obtenu que le fonds national de développement des entreprises soit doté, dès 1998, à concurrence de 220 millions de francs.
Une centaine de millions de francs devraient être engagés cette année. C'est convenable, semble-t-il, pour un premier exercice.
L'intérêt véritable de ce fonds réside dans le fait qu'il est destiné à de petites et même à de très petites entreprises, souvent situées en zone rurale.
Je serai très heureuse de pouvoir dresser, dès que possible, un premier bilan des actions permises par ce fonds.
En ce qui concerne la négociation du prochain programme des aides communautaires à finalité régionale, M. Hoeffel a eu raison, je crois, d'insister sur l'enjeu. Il est de taille : plus de 10 milliards de francs par an, soit cinq fois le budget de la DATAR !
La tâche sera rude : il faudra, bien sûr, financer l'élargissement, vous l'avez noté, mais aussi, dans un contexte de maîtrise de la dépense à Quinze, arbitrer entre des ambitions sans doute inconciliables.
La France, quant à elle, entend continuer à bénéficier de retours satisfaisants au titre de la politique agricole commune. Il nous faudra veiller à ce que les fonds structurels n'en soient pas les victimes innocentes.
La Commission a pour projet de diminuer le nombre des objectifs d'intérêt communautaires et des programmes d'intervention communautaires. Cette approche satisfait tout le monde, mais nous avons peut-être quelque raison de nous inquiéter de la volonté européenne de concentrer des aides importantes sur des portions plus restreintes du territoire.
Cela aura pour effet d'évincer certaines portions du territoire qui bénéficient aujourd'hui de zonage, mais aussi d'accentuer les difficultés de consommation des crédits dans les zones où les projets construits ne sont pas à la hauteur des besoins.
Nous serons d'autant plus performants dans la négociation si nous faisons la preuve que nous savons consommer convenablement les crédits communautaires. Or notre taux d'exécution des programmes communautaires n'est pas satisfaisant aujourd'hui, d'une part, parce que certaines régions ont pris un retard important alors que, paradoxalement - c'est le cas, semble-t-il, du Limousin comme l'a dit M. Demerliat - d'autres souhaiteraient un abondement supplémentaire, d'autre part, parce que les procédures de gestion de ces crédits sont obsolètes, inefficaces, voire contraires aux règles communautaires.
Ainsi, la réglementation communautaire impose un commencement d'exécution du projet pour dégager le financement du complément. Le décret de 1992 qui porte réforme du régime des subventions d'investissement accordées par l'Etat prévoit lui, au contraire, que la décision attributive de la subvention doit être préalable au commencement d'exécution de l'opération à subventionner.
Cela pose d'autant plus de problèmes que le FNADT est largement utilisé comme contrepartie aux fonds structurels européens.
Pourtant, rien ne doit être vu de façon trop pessimiste. En effet, à la suite d'une interpellation très vigoureuse de la DATAR, les préfets ont été invités à mettre les bouchées doubles et, bien sûr, je vous le confirme, les paiements seront possibles jusqu'en 2001.
Nous sommes habitués à cette montée en puissance relativement lente des programmes communautaires, l'essentiel des crédits étant consommé en fin de période.
L'année 1999 sera riche en réformes. Les fronts sont multiples. Vous avez insisté, monsieur le rapporteur, sur deux chantiers qui vous paraissent tout à fait essentiels : les contrats de plan Etat-régions et la loi d'orientation d'aménagement et de développement durable du territoire. Vous l'avez vous-même souligné : nous entendons procéder, en 2003, à mi-parcours, à un bilan des orientations, des projets et de l'exécution des contrats de plan Etat-régions.
Nous avons prévu, prenant en compte le temps nécessairement long de bouclage des projets des agglomérations et des pays, que le volet territorial pourrait être utilisé jusqu'à la fin de cette première période, soit en 2003.
Cela devrait nous permettre de présenter des projets solides qui soient le résultat de processus de dialogue extrêmement approfondis à l'échelon local. Les pays ne sont pas de nouveaux échelons institutionnels. Ce sont des espaces de projets. Comme je l'ai dit souvent, c'est le projet qui fait le pays, ce n'est pas l'inverse. Il n'y a donc pas de risque de mettre en péril le département, qui garde toutes ses prérogatives et toute sa place dans l'architecture institutionnelle française.
Au demeurant - j'en suis convaincue - les pays et les agglomérations sont, comme vous l'avez souligné, de nouveaux espaces pertinents qui correspondent à des réalités locales et devraient nous permettre de faire remonter des projets de territoires où la matière grise soit aussi importante que le volume des crédits mobilisés. Je suis tout à fait optimiste sur ce point.
Les quelques dizaines de pays qui fonctionnent déjà dessinent ce que pourrait être, demain, un aménagement du territoire plus dynamique.
Vous l'avez noté, il ne s'agit pas de dresser, ni dans les bureaux de la DATAR, ni dans les bureaux des préfectures, des cartes de France où les pays seraient imposés d'en haut. Il s'agit de reconnaître ce qui existe sur notre territoire, d'être à l'écoute du territoire, de ne pas gêner le dialogue local, de l'encourager au contraire, de le conforter, et de prendre complètement nos responsabilités de partenaires du développement local.
Concernant la loi d'orientation et de développement d'aménagement durable du territoire, j'ai bien noté l'aspiration du Sénat à un débat approfondi.
Je rappellerai, sans aucun esprit polémique, que certaines dispositions étaient déjà caduques avant la dissolution de l'Assemblée nationale puisqu'elles étaient censées être mises en oeuvre dans un délai de dix-huit mois à compter du 4 février 1995. C'était le cas du schéma national. Je ne me sens donc aucunement responsable de n'avoir pas mis en place un outil que le précédent gouvernement n'avait pu, en trois ans, mettre en place lui-même.
Cela dit, l'abandon du schéma national ne signifie pas l'abandon par l'Etat de ses responsabilités. L'Etat est le garant de l'équilibre des territoires, de la cohérence des projets qui sont conçus par les régions, de l'inscription du territoire national dans l'espace communautaire. Il est le garant de la cohérence des projets par rapport à une logique non seulement interégionale mais aussi transfrontalière, européenne.
Je voudrais vous convaincre que nous entendons non pas juxtaposer huit approches sectorielles, mais bien répondre aux besoins, articuler des politiques. D'ailleurs, vous l'aurez observé, pour l'essentiel, les schémas de services collectifs reprennent des schémas qui avaient été prévus par la loi Pasqua. J'ai bien noté votre préoccupation d'une péréquation entre les régions riches et les régions pauvres. Je la souhaite aussi. Mais je pense que ce travail sera mené idéalement dans le cadre du projet de loi de M. Chevènement.
J'ai relevé aussi l'aspiration à une clarification des compétences, exprimée par M. Le Cam. Je ne pense pas que nous revoyions de façon approfondie l'architecture de la décentralisation et les compétences octroyées aux collectivités locales. Nous devrons, en revanche, préciser quelle est, pour chaque compétence, la collectivité chef de file. Pour ce qui concerne l'aménagement du territoire, c'est bien la région qui sera chargée d'animer le débat avec les collectivités locales de rang infrarégional.
Le projet de loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable du territoire prévoit que le département, les agglomérations, les pays, les structures de coopération intercommunale seront étroitement associés à toutes les étapes.
J'ai entendu tout à l'heure un rire, un seul, au moment où M. Hoeffel a dit que la nouveauté du projet de loi que je présenterai à l'Assemblée nationale au mois de janvier résidait dans le mot « durable ». Mais ce n'est pas qu'un mot, vous le savez bien. Le souci qui sous-tend ce projet de loi est de rompre avec une certaine tradition un peu bavarde de l'aménagement du territoire.
Il y a un discours, que nous partageons tous, sur l'aménagement du territoire, sur l'équilibre des territoires, sur la solidarité des territoires, sur la reconstitution de liens entre les territoires. Mais je constate que, tout en ayant tenu souvent des propos extrêmement volontaristes et ambitieux, nous n'avons pas toujours été capables de mettre en place, sur le terrain, les politiques qui répondaient à ces ambitions.
Pour ma part, je n'entends pas faire de promesses. Je souhaite soumettre au mois de janvier au Parlement un projet de loi d'allure modeste, plus « tâcheron » que lyrique. Mais je suis convaincue que, si nous savons mettre en place des outils concrets, opérationnels, qui répondent à quelques ambitions fortes, nous serons certainement plus efficaces que si nous nous contentons de faire rêver.
Je serai donc très attachée au suivi concret des politiques que nous mettrons en oeuvre sur le terrain. A cet égard, les contrats de plan constitueront évidemment un chantier extrêmement intéressant.
Le développement durable, c'est celui qui économise les deniers publics tout en permettant de stimuler le développement de l'économie, de créer des emplois et de préserver des ressources pour demain. Sur ce cahier des charges, je suis persuadée que vous êtes tous d'accord. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement. I. - Aménagements du territoire.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 20 086 978 francs. »