Séance du 27 novembre 1998






PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après l'examen du projet de BAPSA ce matin, je vous présente cet après-midi le projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche. Je dis bien « après le projet de BAPSA », car nous avons longuement évoqué ce projet de budget ce matin ; mais j'ai quelques scrupules à ne pas répondre à ceux qui m'ont interrogé cet après-midi sur la situation des retraites même si j'avais presque envie de leur dire qu'il aurait fallu venir ce matin ! (Sourires.) Je résumerai donc très brièvement mes propos à cet égard.
S'agissant des retraites, le gouvernement actuel a engagé un programme de revalorisation des plus modestes d'entre elles qui s'est chiffré par 2,6 milliards de francs supplémentaires en année pleine depuis deux ans, soit un rythme deux fois plus rapide que ce qui a été entrepris entre 1995 et 1997. Il s'agit, j'y insiste, non pas de revaloriser l'ensemble des retraites mais de cibler l'effort sur les plus modestes d'entre elles. C'est, pour nous, essentiel.
Cet effort sera poursuivi, comme le Gouvernement s'y est engagé, sur l'ensemble de la législature. Lors de la première lecture du projet de loi d'orientation agricole à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est engagé à déposer un rapport dans quatre mois, et nous verrons alors comment cet effort se traduira dans les années à venir, en particulier les nécessaires harmonisations avec le Fonds de solidarité vieillesse.
Pour ce qu'est de la CSG, j'ai répondu longuement ce matin, exemples à la clé. Au demeurant, monsieur Flandre, vous avez confirmé à l'instant à la tribune ce que vos protestations de ce matin tendaient à nier : l'exemple de votre pauvre femme montre qu'elle gagnera en pouvoir d'achat et son éligibilité à la CSG s'explique par le fait que le Parlement a voté l'élargissement des bases de cette contribution aux revenus financiers. Cette femme, parce qu'elle a épargné, est donc devenue éligible alors qu'elle ne l'était pas, nous en sommes d'accord, mais elle a gagné du pouvoir d'achat. Seuls ont perdu en pouvoir d'achat les exploitants agricoles à très hauts revenus, c'est-à-dire ceux qui ont participé à cet effort de solidarité, comme les plus aisés d'entre nous.
Mais j'arrête là sur le BAPSA.
Compte tenu du calendrier tout le monde aura remarqué que ce budget a été préparé par mon prédécesseur et ami Louis Le Pensec. J'ai donc d'autant plus de facilité à le défendre que - et je vous remercie de ne pas l'avoir souligné par discrétion à mon égard - je ne suis pour rien dans sa préparation. Cela me laisse la liberté de dire que c'est un bon budget, comme l'a souligné M. Pastor.
J'ai écouté avec intérêt vos rapporteurs et je tiens à rendre hommage au sérieux de leur travail et de celui qui a été effectué en commission.
J'ai aussi entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, vos interventions, parfois vos interrogations. Je vais tenter d'y répondre, en vous indiquant quelles sont les priorités de ce projet de budget et quels enjeux sous-tendent les choix opérés.
Ces enjeux, vous les connaissez. Ils sont d'abord européens, nombre d'entre vous l'ont souligné.
L'agriculture française est en effet le premier producteur de l'Union - elle assure 21 % de la production communautaire - et son premier exportateur, avec un solde positif de nos échanges agro-alimentaires qui a atteint 66 milliards de francs en 1997.
Ce solde de notre commerce extérieur est suffisamment éloquent pour que nul, dans cet hémicycle ou ailleurs, ne puisse nier la vocation exportatrice de l'agriculture et des industries agro-alimentaires françaises.
Cette puissance, cette vitalité de notre agriculture doivent beaucoup à la politique agricole commune. La réforme de 1992, qui avait en son temps suscité émotion, inquiétude et même polémique, s'est traduite par une progression sensible des revenus agricoles - de 8 % en moyenne annuelle - même si je reconnais que, parallèlement, elle n'est pas parvenue à enrayer la baisse tendancielle de la population agricole.
Aujourd'hui, une nouvelle réforme de la PAC est devant nous. Le Sénat en est bien conscient et il s'y est même préparé de la manière la plus sérieuse, comme en témoigne l'excellent rapport qu'ont publié en juin dernier MM. Deneux et Emorine. Je tiens à rendre hommage au travail qu'ils ont accompli et je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à consulter ce document.
Cette réforme est nécessaire pour diverses raisons, et d'abord dans la perspective de l'élargissement. Nous ne pouvons pas agir comme s'il s'agissait d'une échéance lointaine, située dans un avenir indéterminé. Les pays d'Europe centrale ont besoin de l'ancrage européen pour leur stabilité économique et politique. Et nous, à l'ouest de l'Europe, nous avons besoin de leur stabilité et nous avons beaucoup à gagner à la consolidation de leur économie.
Dans des négociations qui seront longues et, sur certains points, très difficiles, il est nécessaire que les Quinze soient capables de présenter aussi vite que possible et avec précision l'acquis communautaire qu'ils demandent aux pays candidats d'adopter.
Pour ce faire, il nous faut disposer d'un outil modernisé de politique agricole. Une autre échéance est celle de la reprise des négociations à l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, au début de l'an 2000.
Il est arrivé, en d'autres temps, que l'Europe ne fasse pas preuve d'une totale cohésion et adopte une position trop défensive. Il s'agit de tirer les leçons du passé et de faire en sorte - le Gouvernement s'y appliquera résolument - que l'Union européenne soit en ordre de bataille avant les négociations à l'OMC avec un esprit offensif.
Nous devons nous féliciter, à cet égard, des déclarations du gouvernement allemand et de ses principaux responsables, qui souhaitent que cette négociation aboutisse lors du premier semestre de 1999, sous la présidence allemande.
En outre, nous connaissons tous l'importance de la question budgétaire dans les négociations communautaires actuelles. Le pacte de stabilité et de croissance s'impose à tous, j'y reviendrai tout à l'heure, et comporte d'utiles disciplines budgétaires.
A ce choix de rigueur s'ajoutent des difficultés budgétaires invoquées par quelques-uns de nos partenaires, notamment par les Allemands.
Enfin, j'ajoute qu'il faut vite sortir l'agriculture et les agriculteurs de l'indécision dans laquelle ils vivent relativement aux règles de jeu qui régiront leur activité dans les années qui viennent. Plusieurs d'entre vous ont évoqué ce sujet et, comme eux, je pense en particulier aux jeunes agriculteurs qui, en ce moment comme à chaque période de réforme de la PAC, gèlent leurs décisions dans l'attente de ces éclaircissements.
J'ai remarqué, comme vous l'avez sans doute tous fait, ce tassement, sinon cet effondrement de l'installation des jeunes agriculteurs, malgré le renforcement des dispositifs d'aide avec la création du FIA et malgré les mesures complémentaires prises dans beaucoup de nos régions ou de nos départements. Comme je m'en inquiétais, depuis plusieurs mois, auprès des responsables agricoles de mon département, ceux-ci m'ont répondu : « Monsieur Glavany, comment voulez-vous qu'un jeune s'installe, s'endette et fasse de la programmation économique quand il ne connaît pas les règles du jeu qui régiront son activité économique dans les années à venir ? »
Cette explication me semble pertinente, d'autant que, à chaque fois que je m'entretiens de ce problème avec un de mes collègues européens, il me dit : « C'est le même problème chez nous ; à chaque négociation de la PAC, nous constatons un effondrement de l'installation. »
Il faut donc réagir le plus vite possible pour que le mouvement d'installation reprenne dans notre agriculture.
Cette réforme nécessaire de la PAC, je l'aborde, comme le Gouvernement français, avec ouverture d'esprit et détermination.
Ouverture d'esprit, parce que non seulement je crois nécessaire une réforme de la PAC, mais je souhaite que nous aboutissions prochainement. L'outil agricole européen doit être adapté à la nouvelle étape qui s'ouvre devant nous. Il doit notamment prendre en compte les exigences autour desquelles une nouvelle dynamique européenne peut s'organiser. Je pense, en particulier, à l'emploi. C'est une Europe de la croissance, pour l'emploi, contre le chômage, que nous entendons construire. Les concordances des choix exprimés par les électeurs depuis dix-huit mois dans la plupart des Etats membres démontrent la force du consensus autour de cet objectif. L'agriculture et le monde rural peuvent et doivent y participer pleinement.
Détermination, parce qu'il faut notamment défendre les acquis communautaires de la PAC. Je me réjouis à cet égard du renfort que je reçois un peu partout, en particulier de la part de ceux qui, en 1992, installaient des panneaux le long de nos routes...
M. Jean-Louis Carrère. Et des pendus !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... et des poternes avec des pendus, en effet, pour crier : « Non à la PAC ! » Ainsi, ceux qui, parfois avec une violence débordante, nous accueillaient pendant les campagnes électorales de 1992 et 1993 - j'en vois d'ailleurs certains dans cet hémicycle - sont exactement les mêmes qui nous disent aujourd'hui : « Touche pas à ma PAC ».
M. René-Pierre Signé. Bien sûr !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je me réjouis de leur conversion et je reçois leur renfort avec beaucoup d'encouragement et de chaleur car, moi, je n'ai pas changé d'avis sur la PAC et je crois qu'il est bon que nous soyons tous rassemblés pour la défendre. La PAC a en effet été la première grande politique européenne commune, elle a montré la voie.
A l'heure où la plupart des Etats européens jugent nécessaire un renforcement de la coordination des politiques économiques nationales, il serait paradoxal d'affaiblir un instrument qui a été à l'avant-garde de l'intégration européenne. Notre agriculture n'a pas besoin de moins d'Europe, mais de plus d'Europe, comme en témoigne, s'il fallait un exemple pour le démontrer encore, la crise porcine actuelle, pour laquelle les solutions ne peuvent être qu'européennes.
Ainsi, l'Europe dispose aujourd'hui d'une pluralité d'instruments de politique agricole, notamment la préférence communautaire, les interventions sur les marchés, les outils de régulation quantitative, les aides directes, qu'il faut conserver tout en procédant aux adaptations nécessaires.
De ce point de vue, je veux redire ici la position du Gouvernement français, validée par le Président de la République - puisqu'il s'agit d'une négociation internationale - et qui se définit en quelques termes clairs : d'abord, il s'agit du refus du cofinancement, qui porte en germe le démantèlement de la politique agricole commune ; ensuite, il s'agit du refus de l'écrêtement des soldes nets, qui ferait porter le poids de l'élargissement d'une manière inégalitaire sur l'ensemble des pays d'Europe, et en particulier sur la France ; enfin, il s'agit de la volonté de maintenir le caractère communautaire de l'organisation des marchés, comme je le disais à l'instant, ainsi que la nécessaire maîtrise et la stabilisation des dépenses.
Voilà pourquoi, monsieur Emorine, j'ai parlé d'une « PAC économe ». Je crois que c'est nécessaire, car nous ne pouvons ignorer la contrainte budgétaire. Certes, je le disais tout à l'heure, les Allemands nous invitent à l'effort, mais le pacte de stabilité et de croissance aussi ! Au demeurant, nous sommes nous-mêmes désireux d'accomplir un tel effort, puisque nous voulons tous, sur toutes les travées, réduire nos déficits publics.
Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons faire comme si la contrainte budgétaire n'existait pas, sauf à fabriquer de très belles réformes comme la Commission a su en fabriquer, ce qui d'une certaine manière ferait plaisir à tout le monde mais qui nous imposerait, en raison de l'impossibilité dans laquelle nous serions de les financer, de recourir à la seule solution qui nous restait, à savoir le cofinancement, c'est-à-dire le démantèlement de la PAC.
Nous croyons, nous, au Gouvernement, parce que nous refusons le cofinancement pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure, qu'il n'y a donc pas d'autre choix que d'intégrer la contraite budgétaire dans la réflexion sur la PAC.
Je crois d'ailleurs que c'est possible et pas seulement nécessaire : il suffit, par exemple, d'abandonner la réforme sur le lait que l'évolution des marchés n'impose plus et qui, de surcroît, est très coûteuse ; sur les grandes productions céréalières, sur les grandes cultures ou sur la viande bovine, on peut aussi très bien pratiquer des réductions de prix moindres, prévoir moins de compensations, ou des compensations mieux adaptées. Et sans doute existe-t-il d'autres pistes !
Monsieur Emorine, vous vous êtes inquiété tout à l'heure d'un éventuel plafonnement des aides. Puis-je vous dire que, pour ce qui me concerne, je ne m'en alarme pas ? Voilà vingt ans, voire plus, que nous sommes un certain nombre à soutenir que les aides proportionnelles aux productions et aux revenus, totalement inégalitaires, ont conduit à une course folle au productionisme. Aussi un rééquilibrage serait-il sans doute, de ce point de vue, un peu plus juste.
A cet égard je n'ai pu qu'écouter avec amusement la propostion formulée tout à l'heure par M. de Montesquiou, qui allait dans un sens quelque peu collectiviste, si j'ose dire, ce qui pour un libéral me paraît quelque peu étonnant.
M. René-Pierre Signé. C'est surprenant !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Toutefois, cela ne m'étonne pas ; sans doute tire-t-il cet état d'esprit du jeu collectif de son passé sportif... (Sourires.)
En tout état de cause, pour aller dans le sens d'une PAC économe, il y a deux conditions à remplir.
Première condition : il ne faut pas demander à la seule PAC d'être économe, c'est-à-dire qu'il ne saurait être question de demander des efforts aux seuls agriculteurs. Il faut pouvoir dire que tout est sur la table des négociations, et le chèque britannique, et les fonds structurels, et les fonds de cohésion, sans oublier le financement de la PAC, voire les clés liées à une certaine proportion du PIB.
Deuxième condition : les efforts demandés doivent être justement répartis, d'où mon affirmation selon laquelle tout ce qui favorisera une modulation des aides et un plafonnement ira dans le bon sens.
Les négociations autour de la PAC constituent donc un enjeu essentiel, mais l'adaptation de notre agriculture à de nouvelles réalités et de nouvelles attentes est tout aussi décisive.
Le budget que je vous présente est effectivement inséparable des grands objectifs fixés par la loi d'orientation agricole. Pourquoi le nier ? J'ai, en effet, le sentiment profond, comme l'avait eu mon prédécesseur Louis Le Pensec, que notre politique agricole a besoin d'être refondée, d'être expliquée à la nation, de retrouver une légitimité.
Nous connaissons tous les critiques exprimées par certains de nos concitoyens : surproductions mal anticipées et mal régulées débouchant sur des crises coûteuses ; détérioration de l'environnement ; insuffisante modulation des aides en fonction du revenu, insuffisant effort vers la qualité. Tous les éléments sont devant nous pour créer un contexte dans lequel chacun sera appelé à consentir des efforts. La solidarité, notion que les Français ne remettent pas en cause - à laquelle ils sont, au contraire, très attachés - doit s'exercer dans un cadre transparent d'engagements réciproques.
C'est tout le sens de la loi d'orientation agricole. Le temps est venu de redéfinir la place de l'agriculture dans notre société et de reformuler les objectifs de la politique agricole, en prenant en compte à la fois ses fonctions économiques, bien sûr, et ses fonctions environnementales, territoriales et sociales.
Je n'oublie pas la fonction économique de l'agriculture, comme certains d'entre vous ont voulu le laisser croire, et je ne la sous-estime pas : les agriculteurs sont aujourd'hui et seront demain des producteurs de denrées alimentaires et de matières premières. Sans cette fonction économique, sans cette production, nos industries agro-alimentaires ne seraient pas le fleuron industriel mondial qu'elles sont. Elles doivent le rester.
Toutefois, les exploitations agricoles ne pourront produire durablement que si elles prennent en compte les exigences de protection des ressources naturelles. De même, les jeunes ne s'installeront que s'ils trouvent un milieu rural vivant, doté de services collectifs adaptés à leurs attentes.
Enfin, si notre agriculture doit préserver sa place dans les exportations mondiales, c'est aussi en s'orientant vers la qualité, l'innovation, la différenciation des produits.
Vous débattrez au mois de janvier de ces questions en séance publique, et votre commission en sera saisie dans quelques jours. Je tenais néanmoins à vous dire que je faisais miennes ces orientations, qui, je l'espère, pourront aussi faire l'objet d'un consensus avec nos partenaires européens. Elles sont, en tout cas, à la base des choix budgétaires que je vais maintenant vous exposer.
Je voudrais d'abord insister sur le fait que le budget que je présente est en augmentation. Avec 28,2 milliards de francs, ce budget du ministère de l'agriculture et de la pêche augmente de 3 % par rapport à celui de 1999.
J'ai entendu certains d'entre vous expliquer que le budget de mon ministère baisserait de 6 %, au motif que la subvention d'équilibre de l'Etat au BAPSA a diminué. J'ai déjà répondu ce matin en vous présentant les ressources du BAPSA. Je crois que chacun de vous devrait au contraire se réjouir qu'une subvention d'équilibre soit revue à la baisse : tant mieux pour les finances publiques et tant mieux pour la situation économique de notre pays !
Pour ce qui les concerne, les moyens propres du ministère de l'agriculture sont, je le répète, en augmentation de 3 %.
Ce budget en augmentation est un budget cohérent, comme M. Pastor l'a fort bien souligné. Il fixe des priorités et leur affecte les dotations nécessaires, en augmentation par rapport à l'année précédente. Il maintient les instruments traditionnels de politique agricole dès lors qu'ils gardent leur pertinence et sont cohérents avec les priorités définies par la future loi d'orientation agricole.
Je vous propose donc de commencer par évoquer ces trois priorités, qui sont au coeur du nouveau contrat avec la nation que nous proposons aux agriculteurs : la mise en place du contrat territorial d'exploitation, la formation et l'installation des jeunes, le renforcement de la sécurité sanitaire. La quatrième priorité, la revalorisation des retraites agricoles, relève du BPASA ; nous en avons parlé tout à l'heure.
Le contrat territorial d'exploitation est l'outil majeur au service d'une nouvelle vision de la politique agricole, dans laquelle est prise en compte la multifonctionnalité de l'agriculture et qui encourage l'innovation et la responsabilité.
Les CTE seront très certainement divers d'une région à l'autre, d'un producteur à l'autre. La souplesse et l'imagination me paraissent essentielles pour leur mise en place. L'essentiel est non pas la procédure mais l'objectif : une agriculture plus productrice de valeur ajoutée et de qualité ; le développement de l'emploi ; la préservation des ressources naturelles ; l'occupation la plus équilibrée possible du territoire.
Surtout, un CTE est un contrat, c'est-à-dire un engagement entre l'agriculteur et la collectivité qui crée une relation de partenariat.
Le projet de budget pour 1999 affecte 300 millions de francs à un fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation.
Je reviens rapidement sur l'argument de plusieurs d'entre vous sur le thème : comment, monsieur le ministre, vous osez prévoir 300 millions de francs dans ce budget pour financer un CTE qui n'est même pas encore voté ! Je vous retourne l'argument, monsieur de Montesquiou. Qu'auriez-vous dit si je n'avais pas prévu de financement, sinon : c'est bien la preuve que vous ne croyez pas au CTE ! Tel est bien l'argument que vous auriez employé, je vous connais un peu.
Par conséquent, je préfère vous dire que nous avons prévu le financement parce que nous croyons au CTE et que nous voulons le mettre en place dès l'année prochaine, en fin d'année certes, parce que le calendrier parlementaire est ainsi fait que nous discuterons de ce projet de loi au mois de janvier prochain et qu'il sera adopté sans doute, après les navettes nécessaires, à la fin du premier trimestre, ou au début du printemps 1999.
Toutefois, j'ai sonné le branle-bas de combat dans mon ministère pour que les décrets d'application sortent vite. Je suis un ancien parlementaire et rien ne m'horripilait plus, comme vous, que les lois que nous votons demandent des mois, voire des années, avant leur entrée en application...
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ou ne sont jamais appliquées !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... parce que la sortie des décrets traîne trop. J'en redirai un mot ultérieurement.
Je souhaite donc que les décrets d'application soient pris dès l'été prochain, afin de pouvoir signer les premeirs CTE au mois de décembre 1999. Nous avons les ressources nécessaires pour y faire face puisque les 300 millions de francs initiaux seront abondés de fonds communautaires à hauteur de 150 millions de francs, soit 450 millions de francs pour l'année.
Je rassure plusieurs d'entre vous, notamment M. César, qui se sont inquiétés du caractère aléatoire de ces 150 millions de francs en me disant : comment pouvez-vous préjuger le fait que ces 150 millions de francs seraient disponibles alors que nous ne connaissons pas le contenu de la prochaine PAC ? Je leur indique qu'en 1999 nous serons toujours sous le régime de la PAC actuelle. De plus, la réforme dont nous discutons, et qui porte le titre d'Agenda 2000, montre bien qu'il s'agira de la réforme mise en oeuvre à partir de l'an 2000. En 1999, nous bénéficierons des fonds actuels de la PAC ; ces 150 millions de francs sont d'ores et déjà prévus dans le cadre des mesures agri-environnementales. Aussi n'y a-t-il aucune inquiétude à avoir.
Pour la suite, me direz-vous, les crédits européens seraient incertains. Je réponds qu'en tout cas le transfert des crédits de développement rural sous la PAC, comme cela est actuellement proposé par la Commission, constitue une bonne orientation qui est soutenue par le Gouvernement français et qui devrait nous permettre de faire face à cette obligation.
Ensuite, le redéploiement que certains soulignent à partir du FGER ou des offices n'est pas seulement financier, il est fonctionnel. Les CTE ont vocation à reprendre les missions du FGER comme les actions de type structurel mises en place par les offices. Je le répète, je ne me satisfais pas de la dispersion, je recherche la cohérence et l'efficacité.
J'ai bien vu les larmes de crocodile que certains d'entre vous ont versées sur le FGER, création d'une loi de 1994, si je ne m'abuse ; mais je n'ai pas entendu vos voix quand le gouvernement de M. Juppé l'avait totalement privé de sa substance au début de l'année 1995...
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Nous avons réinscrit les crédits !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... et quand le Gouvernement, avec M. Le Pensec notamment, a complètement « réabondé » ce fonds qui avait été totalement vidé de son contenu.
Nous ne supprimons pas le FGER, nous le transférons sur le contrat territorial d'exploitation, parce que nous pensons que ces crédits sont nécessaires pour l'aménagement de l'espace rural ; dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation, ils retrouveront tout leur sens.
La deuxième priorité consiste à miser sur les jeunes et à assurer leur avenir. Je vais donc évoquer à la fois l'enseignement agricole, dont a parlé si éloquemment M. Piras, et la politique d'encouragement à l'installation.
L'enseignement agricole connaît, vous avez raison de le dire, un succès croissant. Sa qualité est reconnue, ses résultats sont incontestables, notamment dans le domaine de l'insertion professionnelle. Les chiffres cités par M. Piras sont à cet égard très éloquents.
Le projet de budget pour 1999 est doté de moyens de conserver et de préserver cet atout. Avec plus de 6,8 milliards de francs, le budget de l'enseignement agricole augmente de 6 %, soit la hausse la plus forte depuis vingt-cinq ans, je tiens à la saluer avec vous. En outre, 180 emplois nouveaux sont créés et 128 emplois précaires sont résorbés et transformés en postes stables. Sur ces 308 postes, 99 sont des emplois d'ATOSS. J'ajoute que, pour l'encadrement des lycées, ce seront 1 000 emplois jeunes qui seront en place au 1er janvier 1999.
Les moyens de fonctionnement augmentent quant à eux de 11,3 %. Pour renforcer l'effort de solidarité, le fonds social lycéen est abondé de 10 millions de francs, soit une hausse de 42 %.
S'agissant de l'enseignement supérieur agricole, qui connaît aussi un succès croissant, le projet de loi de finances pour 1999 prévoit la création de cinq emplois d'ingénieurs relevant des corps de formation-recherche, une augmentation des crédits de fonctionnement de 1,78 % et la stabilisation des autorisations de programme à hauteur de 59,6 millions de francs pour réhabiliter, moderniser ou maintenir les bâtiments.
Quant à la récente crise lycéenne, dont l'enseignement agricole n'a pas été absent, je tiens à dire que nous aurons des moyens supplémentaires - au moins 22 millions de francs - dans le prochain collectif budgétaire et que nous avons, en cours, une mission d'inspection qui nous dira comment affecter au mieux ces moyens.
Assurer l'avenir des jeunes, c'est aussi leur permettre de s'installer en nombre suffisant, notamment de favoriser l'arrivée dans le monde agricole de jeunes dont les parents n'étaient pas des exploitants. En 1998, a été créé le fonds d'installation en agriculture. Il est doté de 145 millions de francs en 1999 et il servira en priorité à aider des jeunes à s'installer sur des exploitations libérées sans successeurs.
Aujourd'hui, vous le savez, beaucoup d'agriculteurs partent à la retraite sans qu'un membre de leur famille reprenne l'exploitation, ce qui accroît, selon les cas, la désertification ou une excessive concentration.
Les autres instruments d'aide à l'installation sont évidemment maintenus : enveloppe de prêts jeunes agriculteurs - 5 milliards de francs - allégements fiscaux en faveur des installations, dotation jeunes agriculteurs - 645 millions de francs - financement de stages préparatoires à l'installation - 86,7 millions de fancs. Il est ainsi prévu d'aider 10 000 installations nouvelles, ce qui représente un effort volontariste puisque ce chiffre est supérieur aux installations réelles constatées ces dernières années.
Mais je redis ici ce que j'ai déjà dit ailleurs, notamment en commission ; le tassement des installations des jeunes m'inquiète, comme vous tous. Je m'en inquiète même si je prends en compte l'effet induit par l'« indécision » liée à la PAC dont je parlais tout à l'heure. Je constate que les crédits de l'an dernier ont été sous-consommés et j'aimerais bien que ceux que nous proposons pour 1999 soient insuffisants afin de pouvoir revenir vers vous en collectif budgétaire pour les abonder !
Je ferai le point après un an de fonctionnement du nouveau fonds d'installation en agriculture et j'en tirerai les leçons avec vous. C'est une des priorités que nous nous sommes fixées.
La troisième priorité, c'est la sécurité alimentaire. Il n'y a pas besoin de longs discours pour justifier qu'il s'agisse d'une préoccupation majeure de l'opinion publique, du Gouvernement et donc de mon ministère.
Le budget total qui lui est consacré est de 735,47 millions de francs, soit une hausse de 8,8 %.
Les crédits consacrés à la santé animale s'élèvent à 285 millions de francs, soit 2,3 % de plus qu'en 1998. Ceux qui sont destinés à la protection sanitaire des végétaux se montent à 53,4 millions de francs, soit une hausse de 52,7 %.
Les services vétérinaires bénéficient d'un effort particulier : les crédits qui leur permettent de procéder à des analyses passent de 43 à 50 millions de francs : quarante postes supplémentaires sont créés pour le contrôle du service public de l'équarrissage au coeur du dispositif de lutte contre la maladie de la vache folle.
Je vous rappelle, puisque j'aborde ce sujet, que, dans l'affaire de la vache folle, notamment lors de la dernière réunion du Conseil, l'attitude du Gouvernement a été guidée du début jusqu'à la fin par le principe de plus grande précaution.
Le principe de plus grande précaution prévaut à l'égard des Britanniques, de façon à exiger de leur part les efforts nécessaires. Ainsi, 2,8 millions de bêtes ont été abattues en deux ans. C'est un effort considérable qu'il convient de saluer.
Nous avons également exigé de la Commission européenne le respect du principe de plus grande précaution. Cela s'est traduit dans le dispositif dont j'ai résumé la teneur hier encore devant vous.
En vertu du principe de la plus grande précaution, nous avons demandé à être associés à des contrôles supplémentaires. Nous en serons tenus informés, de manière à pouvoir, le cas échéant, suspendre la levée de cet embargo.
Le principe de la plus grande précaution fait que, aujourd'hui encore, je suis conscient qu'il existe un problème s'agissant de la restauration collective, laquelle ne bénéficie pas de l'étiquetage des produits que nous avons mis en place dans les autres secteurs. Je vais donc réunir les opérateurs dans ce domaine, afin de garantir que ce principe de plus grande précaution soit observé.
Je répète devant le Sénat que la levée de l'embargo ne sera pas immédiate et totale : elle sera partielle et progressive, et n'interviendra pas avant plusieurs mois, compte tenu des principes que je viens de rappeler.
De même, les moyens destinés à renforcer le contrôle des plantes transgéniques, ce que l'on appelle la biovigilance, sont considérablement renforcés.
Comme vous le savez, à l'issue de la conférence des citoyens sur les OGM, les organismes génétiquement modifiés, le Gouvernement a arrêté une position fondée, là encore, sur le principe de précaution. Il a été décidé de mettre en place un dispositif de traçabilité des filières de production pour les plantes transgéniques et, sur l'initiative de la France, un règlement européen sur l'étiquetage vient d'être adopté. Quarante-cinq emplois supplémentaires sont créés dans les services chargés de la biovigilance, et les crédits d'analyses passent de 35 millions de francs à 54 millions de francs.
Enfin, l'année 1999 consacrera le démarrage de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, créée par la loi du 1er juillet 1998. Celle-ci permettra de renforcer et de rationaliser nos compétences en matière de sécurité dans le domaine de l'alimentation humaine et animale. Elle sera dotée de cinquante emplois et de 35 millions de francs de crédits de fonctionnement, prélevés en trois tiers sur le budget de mon département ministériel, sur celui du secrétariat d'Etat à la santé et sur celui du ministère chargé de la consommation.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les trois priorités de ce projet de budget, en étroite cohérence avec le contenu du projet de loi d'orientation agricole.
Permettez-moi, maintenant, d'évoquer, autour de quelques grands objectifs, les instruments plus traditionnels de notre politique agricole, et de répondre, par là même, à quelques-unes de vos questions.
S'agissant de l'aménagement de l'espace rural, vous aurez compris que l'ambition du projet de loi d'orientation agricole est de favoriser une occupation équilibrée du territoire. Le contrat territorial d'exploitation en sera l'instrument privilégié et fédérateur, mais d'autres outils demeurent.
Je dirai d'abord un mot des SAFER, puisque plusieurs membres de la Haute Assemblée m'ont interrogé à ce propos et m'ont fait part de leurs inquiétudes sur ce sujet, et notamment sur les conséquences induites pour les SAFER de la baisse des droits de mutation sur les opérations foncières prévues par ce projet de loi de finances.
Evidemment, le ministère de l'agriculture a été depuis longtemps alerté sur ces conséquences passées inaperçues dans nos débats parlementaires. J'ai tout de suite pris contact avec mon collègue Christian Sautter, chargé du budget : j'ai bon espoir qu'une solution à ce problème, qui me préoccupe autant que vous, sera apportée dans les tout prochains jours afin qu'elle figure dans le collectif budgétaire de fin d'année.
S'agissant des crédits de prime à l'herbe dont l'objectif est le maintien du système d'élevage extensif et qui permettent effectivement de maintenir cinq millions d'hectares en herbe, ils sont reconduits pour un montant de 680 millions de francs.
La prime à la vache allaitante, qui bénéficie aux grandes régions d'élevages herbagées, est dotée de 650 millions de francs.
C'est l'occasion pour moi, ici, de rassurer mon ami René-Pierre Signé qui n'en a sans doute pas besoin. Le Gouvernement dans la réforme de la PAC est parfaitement déterminé à défendre l'élevage extensif et donc à se battre pour le maintien de la prime aux troupeaux de vaches allaitantes, ce qui est d'ailleurs parfaitement cohérent avec le type d'agriculture que nous souhaitons : une agriculture aménageuse du territoire, respectueuse de l'environnement et tournée vers la qualité. Je veux affirmer ici la détermination du Gouvernement français dans ce sens !
Les indemnités compensatoires de handicaps naturels, qui recouvrent essentiellement l'indemnité spéciale de montagne et qui bénéficient à 120 000 exploitants, sont portées à 1,5 milliard de francs, soit une augmentation de 1,5 % par rapport à 1998.
J'ajoute que l'aide aux bâtiments d'élevage, qui bénéficie surtout aux éleveurs de montagne, est reconduite à hauteur de 224 millions de francs d'autorisation de programme et de 126 millions de francs de crédits de paiement pour 1999, auxquels s'ajoutent 150 millions de francs du FNDAE.
Monsieur Bony, comme vous, je suis un élu d'un département de montagne, et même si ma circonscription est plutôt en plaine, au pied de la montagne, je connais les difficultés propres à l'agriculture dans ce type de zone. Je ferai donc en sorte que ces mesures, abondées par des crédits européens, renforcées par les prêts bonifiés, contribuent à maintenir une activité dynamique dans les zones menacées par la déprise agricole.
Permettez-moi néanmoins d'insister sur l'approche générale relative à l'agriculture de montagne. Le discours sur le handicap, qui devrait être toujours davantage comblé par les aides publiques, ne me paraît pas être le bon discours. L'agriculture de montagne a surtout des atouts : la qualité des produits, un certain respect de l'environnement, une image positive. Et je crois que notre devoir est de souligner et de renforcer ces atouts.
Je dirai un mot maintenant du fonds de calamités, qui a soulevé l'inquiétude de beaucoup d'entre vous, en commission et ici même.
M. Gérard Cornu. A juste titre !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce fonds n'est pas supprimé. Une ligne budgétaire est maintenue, mais elle n'est pas dotée pour 1999. Ce fonds dispose en effet de 1,4 milliard de francs en trésorerie, ce qui doit lui permettre de faire face aux sollicitations de 1999.
En outre, la règle de parité avec la profession que certains d'entre vous ont évoquée s'applique sur la durée. Nous ne nous mettrons donc pas en situation d'illégalité.
Un sénateur du RPR. On y est déjà !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Enfin, en cas de catastrophes graves, j'ai déjà pris l'engagement, et je le reprends devant vous, que l'Etat abonderait ce fonds si c'était nécessaire.
Enfin, toujours à propos du fonds de calamités, j'ajoute, comme certains d'entre vous m'ont interrogé sur ce sujet, que je suis parfaitement ouvert à l'idée d'un système d'assurance récoltes, sur le modèle d'expériences étrangères.
Un groupe de travail du Conseil supérieur d'orientation a d'ailleurs été mis en place. Nous attendons qu'il rende ses conclusions. Je m'engage à travailler sur ce sujet avec détermination.
Le renforcement des filières de production est un autre grand objectif de notre politique agricole. L'action de l'Etat, vous le savez, passe par les offices. Leur dotation a été reconduite à hauteur de 3 milliards de francs.
Le conseil supérieur d'orientation, qui prépare la répartition entre les différentes filières, ne s'est pas encore réuni. Avant cette concertation avec les professionnels, vous comprendrez bien qu'il m'est difficile , voire impossible de répondre à vos questions sur les grandes lignes de cette répartition selon les offices.
A propos des filières, je veux dire deux mots, et d'abord un à propos de l'intervention enflammée et passionnée de M. de Richemont.
L'accord sur le cognac - je vous remercie d'ailleurs, monsieur le sénateur, de l'hommage que vous avez rendu à l'efficacité de mon ministère à propos de cet accord - date d'à peine dix jours. Le décret d'application auquel vous faites allusion est en cours de signature. Trois ministres doivent le signer. Pour tout vous dire, nous sommes déjà deux sur trois à l'avoir signé. C'est dire que nous sommes en bonne voie. Laissez-nous simplement le temps de faire paraître ce décret. C'est une question de jours, peut-être même d'heures.
A propos de filières encore, je veux répondre au vibrant plaidoyer de M. Mathieu. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, et du RPR.)
Je veux lui dire que je partage l'essentiel de son propos, en particulier ce qu'il a dit sur l'efficacité de l'organisation commune du marché du vin qui a si bien tiré ce marché vers la qualité au niveau européen. Je partage aussi son enthousiasme sur le caractère médicalement utile du vin rouge sur les maladies cardiovasculaires,...
M. Jean-Philippe Lachenaud. Il faudra le dire à Kouchner !
Un sénateur du RPR. Et à Evin !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... mais j'attire son attention sur le fait que les médecins savent bien - et il y en a dans cette salle - que cette vertu médicale est liée au tanin et que, de ce point de vue, mieux vaut le bordeaux et surtout le madiran que certains vins du Beaujolais. (Exclamations.)
M. Aymeri de Montesquiou. Bravo !
Un sénateur du RPR. Sectarisme !
M. Hilaire Flandre. Chacun ses goûts ! Chez nous, on préfère la bière !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. La compétitivité de la filière agro-alimentaire mérite toute notre attention. Non que je sois inquiet à ce sujet. Les résultats sont plus que rassurants et je ne pense pas qu'il faille consacrer de larges dotations budgétaires à un secteur qui n'a pas besoin de l'Etat pour prospérer.
Reste que la SOPEXA, qui regroupe les efforts des pouvoirs publics et des professionnels pour assurer la promotion de nos produits sur les marchés étrangers, joue un rôle utile.
Cet organisme va signer avec l'Etat une convention d'objectifs. Sa subvention, portée à 138 millions de francs, augmente de 10 millions de francs. De même, pour les PME innovantes qui souhaitent se moderniser pour être plus compétitives à l'exportation, la dotation sera maintenue à 150 millions de francs.
La préservation de l'environnement sera un élément structurant des contrats territoriaux d'exploitation. Une enveloppe de 140 millions de francs pour des opérations agri-environnementales est néanmoins maintenue. Je rappelle que cette somme s'ajoute aux dotations des contrats territoriaux d'exploitation, mais aussi à des mesures comme la prime à l'herbe, dont la vocation environnementale est évidente.
Je veux, en outre, rappeler que le Gouvernement fera preuve d'une détermination sans faille pour lutter contre les pollutions d'origine agricole et - je le redis devant vous - ce n'est pas la crise du porc qui me fera changer d'avis. C'est d'ailleurs dans l'intérêt des agriculteurs eux-mêmes qui, au-delà du fait que, comme nous tous, ils doivent préférer boire une eau potable et vivre dans des paysages sauvegardés, n'ont aucun avantage à voir se développer un différend avec leurs concitoyens sur cette question.
Nous avons pris les moyens de les aider à s'adapter en inscrivant, dans le projet de budget pour 1999, 325 millions de francs pour le programme de maîtrise des pollutions en élevage, et je compte bien que ces crédits soient consommés.
Permettez-moi maintenant, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, d'évoquer deux secteurs particulièrement importants de l'action de mon ministère, la forêt et la pêche.
Notre territoire est riche de forêts et l'attachement des Français à leur préservation est particulièrement fort.
Il est vrai, comme l'a souligné M. Gaillard, que le Gouvernement a confié à M. Jean-Louis Bianco une mission de réflexion et de proposition en vue d'un futur projet de loi portant sur la modernisation forestière.
Dans son rapport, remis le 25 août dernier au Premier ministre, et intitulé La forêt, une chance pour la France , il met l'accent sur les modalités de gestion durable et il estime que le potentiel de production et de transformation de la forêt française est particulièrement riche en emplois.
Je considère - et le Gouvernement avec moi - que ce rapport est une bonne base de travail et mes services ont commencé des consultations avec l'ensemble des partenaires intéressés sur ces orientations.
J'ai fait, mercredi, voilà donc deux jours, une communication en conseil des ministres pour fixer les orientations des travaux préparatoires à l'élaboration d'un projet de loi de modernisation forestière que j'espère soumettre l'année prochaine au Parlement.
D'ores et déjà, le budget de l'Office national des forêts est porté en 1999 à 875 millions de francs, soit une hausse de 28 millions de francs.
Je réponds donc à M. Gaillard que l'ambition forestière affichée par M. Bianco dans son rapport est bien reprise à son compte par le Gouvernement. J'en profite, par ailleurs, pour le rassurer à propos de l'amendement sur les plantations adopté un peu rapidement à l'Assemblée nationale, sans que les conséquences aient été bien mesurées. Le Gouvernement est en train de mener des consultations avec les professionnels et au sein du Gouvernement pour essayer de le corriger.
La pêche est une richesse de ce pays et j'ai en charge de préserver cette activité.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt et d'attention l'intervention de grande qualité de Mme Boyer sur ce sujet.
En 1998, une loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines a été adoptée. Son principal dispositif est la transformation du FIOM en un véritable office d'intervention, l'OFIMER.
Les textes d'application de cette loi sont soit déjà pris, soit en cours d'adoption.
A cet égard, je tiens à rassurer ceux qui m'ont interrogé sur ce sujet, notamment M. Gérard. Je me suis inquiété de la publication de ces textes d'application car, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je n'aime pas les retards. J'ai donc demandé une accélération du processus, même si je dois vous confier, sans manquer pour cela à la solidarité gouvernementale, que ce retard tient plus à d'autres ministères qu'au mien. Mais ce n'est pas un motif de satisfaction, et je ferai en sorte que ces textes soient publiés le plus rapidement possible.
L'OFIMER sera en place au 1er janvier 1999. L'office sera une véritable structure interprofessionnelle capable d'impulser une politique de filière. Le transfert de la section sociale de l'office vers le comité national des pêches, qui explique 29 millions de francs de baisse des crédits, correspond à une décision prise dans le cadre de la loi d'orientation sur la pêche que vous avez votée. Nul ne peut donc s'en plaindre. Il s'agit de mettre en cohérence nos actes avec vos votes.
Mon action vise également à poursuivre la modernisation de la flotte de pêche, qui est déjà bien entamée, et celle des équipements à terre, tels que les équipements portuaires ou les halles à marée.
S'agissant de la flotte de pêche, la France a mis en place, en 1997, un plan de sortie de flotte en partenariat avec les régions ou les départements. Ce plan est en train de réussir.
A propos de la reprise de l'investissement, madame Boyer, nous venons d'obtenir de la Commission européenne le rétablissement des autorisations de construction de navires ainsi que les aides correspondantes, qui avaient été suspendues en 1997, et j'ai effectivement signé, le 29 octobre - c'est d'ailleurs l'un des premiers textes que j'ai signés - la circulaire fixant les conditions de cette reprise.
Je tiens néanmoins à préciser que cette reprise sera modérée et maîtrisée. Ce ne sera pas la porte ouverte en grand. Il nous faut d'ailleurs attendre le recensement des demandes exprimées dans les commissions régionales de modernisation de la flotte de pêche artisanale, les COREMODE, pour procéder à la répartition des kilowatts. Nous sommes donc en train de faire ce recensement et nous pourrons ensuite répartir ces kilowatts aussi vite que possible pour embrayer sur cette reprise des investissements.
Mme Boyer a également évoqué l'enseignement maritime et aquacole. Je tiens à lui préciser, s'agissant de l'avenir des personnels et des établissements, que le Gouvernement mène une réflexion à trois niveaux tendant à donner un statut public au personnel des écoles maritimes et aquacoles, à élever le niveau de formation, compte tenu des exigences des métiers, enfin, à assurer le rattachement ministériel le plus approprié.
Je n'oserai aller dans votre sens, car l'on va encore me rétorquer que le ministère de l'agriculture est assoiffé de pouvoir et de compétence.
Mais vous avez précisé que 90 % des diplômés de l'enseignement maritime exercent leur activité dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture dont ce ministère a la charge. Voilà pourquoi je suis attaché à l'évolution rapide de ce dossier.
Monsieur Le Grand, vous m'avez interrogé sur nos rapports avec nos voisins anglo-normands. Je vous confirme qu'un accord avec Jersey est proche. J'ai donc bon espoir que les négociations puissent s'engager rapidement avec Guernesey.
Au total, le niveau des crédits alloués à la pêche s'élève à environ 200 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1999.
Je ne saurais être complet sans évoquer l'aide alimentaire, qui ne relève pas exactement de la politique agricole mais dont les crédits sont inscrits au budget de mon ministère.
Sous les précédents gouvernements, la France avait accumulé un retard dans ses engagements internationaux portant sur la fourniture de 200 000 tonnes d'équivalents céréales par an. Ce retard était d'autant plus dommageable que la France, dans les enceintes internationales, défend l'importance de l'aide publique au développement et appelle notamment à un renforcement de l'aide alimentaire. Pour 1999, le budget de l'aide alimentaire s'établit à 274 millions de francs, soit une hausse de 70 millions de francs.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire, et que je peux résumer ainsi, c'est qu'il s'agit d'un budget en augmentation, cohérent, qui dote les instruments nouveaux, qui préserve les instruments traditionnels dès lors qu'ils gardent leur pertinence. C'est un budget qui vise à préparer l'adaptation de notre agriculture aux évolutions de la politique agricole européenne, et qui répond, je crois, aux attentes non seulement des agriculteurs mais aussi de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 335 676 725 francs. »