Séance du 10 novembre 1999







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Bret pour explication de vote.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront le texte qui nous est proposé.
En effet, plusieurs des dispositions que nous avons examinées aujourd'hui, au demeurant fort disparates, permettront de régler des questions en suspens.
Il en est ainsi des mesures relatives à la procédure disciplinaire des avocats ; dorénavant, dans les barreaux de plus de cinq cents avocats, les commissions disciplinaires pourront se réunir à cinq et d'anciens membres de l'ordre pourront y siéger.
Cette disposition permettra de faire face à l'important contentieux disciplinaire que connaissent les grands barreaux, singulièrement celui de Paris.
Il en est ainsi également des dispositions relatives aux transactions homologuées par le juge, auxquelles l'article 1441-4 du code de procédure civile, tel qu'il résulte du décret du 28 décembre 1998, donne force exécutoire.
La loi du 9 juillet 1991 sur les procédures civiles d'exécution ne comprenait pas, dans sa liste exhaustive des actes constituant des titres exécutoires, ce type de transaction.
L'homologation par le juge devient ainsi sécurisée puisque le décret ne pourra plus être contesté sur la base d'un recours pour excès de pouvoir.
Il en est encore ainsi de la disposition qui tend à transférer du Conseil d'Etat au comité de la réglementation comptable, créé par la loi du 6 avril 1998, le pouvoir de fixer certaines règles d'évaluation dérogatoires spécifiques aux comptes consolidés.
Deux des dispositions adoptées méritent qu'on s'y attarde.
Il s'agit d'abord et principalement de la rémunération des huissiers.
Le 5 mai 1999, le Conseil d'Etat a annulé un décret du 12 décembre 1996 qui mettait une partie des frais d'huissiers à la charge du créancier en cas de recouvrement forcé.
Cette disposition était en effet contraire à la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, qui met les frais à la seule charge des débiteurs. L'annulation était donc prévisible, comme l'a souligné M. le rapporteur de la commission des lois.
Pour anticiper sur cette annulation, un amendement avait été introduit par M. Gouzes, à l'Assemblée nationale, le 3 février 1999, à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales. Il prévoyait que « les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement peuvent être partiellement mis à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».
Cette disposition est venue au Sénat, en mai dernier, sous la forme d'un « cavalier » législatif, lors de la discussion en deuxième lecture du projet de loi sur l'efficacité de la procédure pénale ; elle fut alors repoussée.
Adoptée par l'Assemblée nationale le 9 juin 1999, elle nous revient aujourd'hui.
Nous avions, à l'époque, exprimé nos réserves sur le texte proposé, notamment du fait de l'absence de concertation préalable avec les organismes intéressés, associations de consommateurs et avocats principalement.
Certes, nous partageons un certain nombre des préoccupations évoquées par Mme la ministre : nous sommes sensibles, en particulier, au risque de voir le recouvrement des créances tomber dans l'escarcelle de sociétés privées, voire de la force privée, au motif que les huissiers n'accepteraient plus de recouvrer des créances à perte.
De plus, l'avant-projet de décret, dont le Gouvernement a bien voulu nous communiquer les principaux éléments, répond à un certain nombre de nos questions, je veux parler de l'exonération des personnes morales de droit public délivrant des titres exécutoires et surtout de la non-application des dispositions aux créances prud'homales ou alimentaires. Néanmoins, nous voudrions nous faire l'écho, madame la ministre, des inquiétudes exprimées par les associations de consommateurs : si les huissiers ont un droit à une rémunération équitable, qui peut passer, dans certains cas, par la mise partielle des frais à la charge du débiteur, il serait souhaitable d'encadrer plus strictement leur mode de rémunération.
On constate en effet un alourdissement parfois injustifié des droits fixes perçus par eux : cumulé avec les larges possibilités qui leur sont données de facturer des honoraires libres et la perception de frais de dossiers excessifs, leur système de rémunération peut conduire à des excès. Nous souhaiterions que vous en teniez compte lors de l'élaboration du décret.
La régularisation du concours interne de surveillant des services pénitentiaires organisé en 1997 constitue une autre disposition essentielle de la proposition de loi.
Ce concours a en effet été annulé par le Conseil d'Etat au vu de certaines irrégularités constatées dans son organisation et, en particulier, en raison de la désignation d'examinateurs en dehors des membres du jury. Il nous semble fondamental que les candidats promus ne soient pas victimes d'irrégularités qui ne leur sont pas imputables.
En conclusion, je voudrais toutefois appeler l'attention du Gouvernement sur la méthode employée, qui n'emporte guère notre approbation.
Après les DMOS, DDOS et DDOEF, ces textes portant diverses mesures ou dispositions d'ordre social et diverses dispositions d'ordre économique et financier, la mode des lois « fourre-tout » prospère : on a aujourd'hui des DPRMJ - textes portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice ! Nous désapprouvons fortement cette méthode législative,...
M. Jean-Jacques Hyest. Vous avez raison !
M. Robert Bret. ... qui contribue à affaiblir la force symbolique des lois.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai ! Très bien !
M. Robert Bret. Par ailleurs, à l'instar de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, nous souhaitons exprimer les plus vives réserves sur la pratique qui consiste à « couvrir » a posteriori des illégalités sanctionnées par le juge : il est tout de même choquant et néfaste à la sécurité juridique que l'on passe ainsi outre à des décisions de justice.
Enfin, il nous semble également qu'un certain nombre de ces dispositions sont le rattrapage de négligences : certaines incohérences semblent a posteriori évidentes, telles les modifications induites par la création du comité de réglementation. Cela nous confirme dans l'idée que nous vivons dans un maquis législatif de plus en plus dense et incompréhensible, dans lequel même les plus « calés » ou les plus acharnés ont du mal à s'y retrouver. Imaginez ce qu'il représente pour le citoyen ordinaire !
Ainsi, la codification du droit est de plus en plus urgente si l'on veut que l'accès au droit n'en reste pas à un stade purement théorique.
Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les quelques remarques que je voulais soumettre à votre réflexion.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

5