Séance du 3 février 2000







M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 36, M. Darniche propose d'insérer, après l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« Un recensement des populations composant la communauté des gens du voyage est organisé au plus tard un an après la promulgation de la présente loi. »
Par amendement n° 67, MM. Braye, Doublet, Goulet, Gournac, Larcher, Lassourd, Murat et Darniche proposent d'insérer, après l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« La Commission nationale consultative des gens du voyage publie tous les cinq ans, avec l'aide de l'INSEE, un rapport dressant un état statistique et sociologique de la population des gens du voyage en France.
« Ce rapport doit apporter la meilleure information possible pour l'élaboration et la révision du schéma national visé à l'article premier et des schémas départementaux visés au II de la présente loi. »
La parole est à M. Darniche, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Philippe Darniche. Nous proposons que soit organisé un recensement des populations composant la communauté des gens du voyage au plus tard un an après la promulgation de la présente loi.
En effet, nous prenons aujourd'hui un certain nombre de mesures, mais nous ne connaissons pas bien les populations concernées. Il conviendrait de pallier cette absence de chiffres réels, car le dernier recensement concernant les gens du voyage remonte à l'année 1960.
La réussite de ce projet de loi passe par une meilleure connaissance sociologique des populations qui composent cette communauté.
M. le président. La parole est à M. Braye, pour défendre l'amendement n° 67.
M. Dominique Braye. C'est une anomalie dans notre pays, où l'administration - par exemple l'administration fiscale - fonctionne à tous niveaux à grand renfort de statistiques précises et régulièrement actualisées que, depuis près d'une quarantaine d'années - depuis 1961 exactement - aucun recensement de la population des gens du voyage n'ait été effectué. En cette absence, le législateur et les pouvoirs publics sont contraints de se référer à de simples estimations dont la fiabilité me semble contestable : de 79 452 personnes exactement en 1961, on passe à une estimation de 250 000 personnes en 1999.
L'administration des finances, dont relève l'INSEE, chargé de l'élaboration des statistiques, nous objectera, comme elle l'a déjà fait, la difficulté qu'il y aurait à réaliser un tel recensement.
Je l'ai d'ailleurs officiellement interrogée sur cette question le 21 octobre dernier, sur la base des résultats du dernier recensement général de la population française. Il m'a été répondu qu'on ne pouvait différencier les gens du voyage, et qu'on peut seulement dénombrer les personnes résidant dans des habitations mobiles, ce qui ne correspond pas, j'en conviens aisément, à la définition des gens du voyage.
Mais à partir du moment, mes chers collègues, où l'on rédige un projet de loi consacré strictement aux gens du voyage et rien qu'à eux, comment peut-on être incapable de les différencier et donc de les dénombrer ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, n'y a-t-il pas contradiction entre le Gouvernement, qui présente un projet de loi relatif aux gens du voyage, et une administration qui s'avoue tout à fait incapable de les identifier et de les dénombrer ?
Au moment où le législateur doit se prononcer sur un texte qui aura des conséquences financières non négligeables, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises au cours de cette discussion, cette lacune me gêne, comme d'ailleurs aussi l'absence de chiffrage du coût global de ce projet de loi pour la collectivité, notamment en matière sociale.
Comment peut-ont prendre une décision éclairée sur des bases aussi floues ?
C'est pourquoi je demande la mise en place d'un dispositif technique simple qui permette aux pouvoirs publics de disposer d'un tableau de bord pour conduire cette politique.
Ce qu'il a été possible de faire en 1961, monsieur le secrétaire d'Etat, à une époque où les moyens informatiques et statistiques étaient balbutiants, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible de le réitérer aujourd'hui avec les moyens dont nous disposons.
Je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 36 et 67 ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. D'abord, la commission observe que les dispositions proposées relèvent du domaine réglementaire.
Ensuite, elle rappelle que les populations en question ont été intégrées, lors du dernier recensement, dans les communes de rattachement lorsqu'elles étaient d'origine française. A ce propos, nous avons souhaité ouvrir le débat avec M. le secrétaire d'Etat sur la modernisation des titres de circulation.
Cela étant dit, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat, même si l'élaboration des schémas départementaux devrait permettre, par coordination, d'avoir une meilleure approche du monde des gens du voyage.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est défavorable, d'une part parce que ces dispositions relèvent du domaine réglementaire, d'autre part, parce que ces amendements sont satisfaits. En effet, le décret du 22 mai 1998, qui a fixé les conditions de l'organisation du recensement général de mars 1999, a expressément prévu que les personnes résidant dans des habitations mobiles seront comptabilisées dans la population municipale de la commune où elles se trouvent le jour du recensement, ce qui, bien sûr, a été fait.
Aller au-delà s'inscrit à l'encontre de la démarche d'intégration qui refuse les stigmatisations. Vous serez très rapidement contraint d'en arriver à des interrogations sur l'origine ethnique des gens du voyage sédentarisés. Ce n'est pas du tout raisonnable, et ce serait ouvrir la voie à une démarche au terme de laquelle nos valeurs fondamentales, largement partagées dans notre République, seraient bafouées.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10, et l'amendement n° 67 n'a plus d'objet.

Article 11