Séance du 10 février 2000







M. le président. « Art. 15. - Aucune prestation ni aucun ouvrage ne peut être scindé en vue d'être soustrait aux procédures applicables aux marchés publics. Les prestations et travaux peuvent néanmoins, si leurs caractéristiques ou les conditions de leur exécution le permettent, être répartis en lots homogènes donnant lieu à un marché distinct. »
Par amendement n° 9 rectifié, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de remplacer la seconde phrase de cet article par une phrase ainsi rédigée :
« Les prestations et travaux peuvent néanmoins être répartis en lots donnant lieu à un marché distinct selon les modalités fixées par le règlement de la consultation. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Avec l'article 15, nous en arrivons à la question de l'allotissement. Tout à l'heure, Mme le secrétaire d'Etat, que j'ai écoutée avec beaucoup d'attention, nous a exposé un point de vue qui ne m'a pas semblé tout à fait identique à celui que nous avions eu l'occasion d'entendre lors de l'audition, par la commission des lois, des représentants du ministère préparant la loi Zuccarelli. Je crains donc qu'il n'y ait à ce niveau quelques divergences.
Nous sommes en effet un certain nombre à avoir entendu que, dans le projet de loi Zuccarelli, s'agissant des travaux publics en particulier, l'allotissement allait devenir la règle, et l'entreprise générale l'exception. Pour l'instant, nous constatons que l'allotissement existe - vous l'avez dit ce matin, madame le secrétaire d'Etat, et c'est vrai - normalement, lorsque la collectivité y trouve un avantage technique ou financier. La mention de ces deux aspects est rarement invoquée en cas de décision d'allotissement, et un certain nombre de marchés sont passés sous forme de lots séparés.
L'amendement n° 9 rectifié vise donc à supprimer le verrou de l'avantage technique ou financier pour la collectivité, afin que l'allotissement soit possible dans tous les cas, sans qu'il soit pour autant obligatoire. Nous sommes à mi-chemin entre le droit actuel et celui que nous sentons venir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Avis tout à fait favorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je suis quelque peu étonnée dans la mesure où, à ma connaissance, aucun article du futur projet de loi Zuccarelli ne traite du dossier de l'allotissement.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. C'est une deuxième Arlésienne !
M. Francis Grignon, rapporteur. Il s'agit peut-être de la loi sur les marchés publics.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Un texte est actuellement en discussion ouverte à la fois avec l'Assemblée nationale, le Sénat et l'ensemble des partenaires sur l'évolution possible des marchés publics.
Un problème se pose. Si la suppression de la clause de l'avantage technique ne pose pas de problèmes majeurs, il n'en va pas de même de la suppression de la clause de l'avantage financier, un marché devant prendre en compte cet avantage financier. Je ne sais donc comment on en sortira.
L'attribution par lots est possible. L'avantage technique est évident ; mais l'avantage financier doit être démontré : si le marché par lots aboutit à un coût supérieur de 20 %, par exemple, à celui d'une entreprise générale, je ne vois pas du tout comment un tel marché pourra être défendu.
C'est une vraie question, car, en cas de contentieux, le prix sera toujours considéré comme l'un des éléments du choix pour le marché public. Il faut faire extrêmement attention aux ouvertures de contentieux qu'une disposition de ce type pourrait entraîner : cela mettrait les maires dans des situations probables de contentieux violents.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 9 rectifié.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je tiens simplement à préciser que, dans la pratique - je l'ai vérifié pendant vingt-cinq ans - on ne fait pas simultanément un appel d'offres à la fois pour une entreprise générale et pour une entreprise par lots séparés. On ne saura donc jamais quelle est la différence entre les deux.
L'objet de l'article 15 est, en fait, d'inciter les maîtres d'ouvrage à consulter des entreprises séparées afin de permettre un meilleur développement de ces entreprises, qui sont, en général, des petites entreprises. Croyez-moi, il est beaucoup plus confortable pour une PME d'être en contact direct, pour les conditions de paiement comme pour des questions de responsabilité, avec un maître d'ouvrage plutôt qu'avec un intermédiaire.
Telle est la motivation de cet article.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Pour avoir aussi passé des marchés publics, je comprends très bien l'argument qui a été invoqué, quand il s'agit d'un bâtiment, ou de voies et réseaux divers.
En revanche, il est d'autres cas. J'ai volontairement cité tout à l'heure, car il s'agit d'un cas d'école qui engendre le plus de contentieux, l'avantage technologique de l'entreprise. Une entreprise a une technologie en matière d'épuration ou d'incinération, par exemple. Il est tout à fait possible de faire un appel d'offres avec la technologie d'un côté et des lots de l'autre. Mais il faut montrer un avantage financier puisque vous obligez une entreprise, propriétaire d'une technologie, à discuter avec vous, Or, on n'y arrive jamais ! Le vrai problème est là.
Monsieur le rapporteur, les élus locaux, pour des chantiers simples, passent effectivement de plus en plus de marchés par lots séparés. Ils ont même un avantage financier, car ils peuvent discuter lot par lot des caractéristiques techniques et financières. En revanche, attention à tout ce qui se situe en dehors du bâtiment, des travaux publics et des routes, et qui soulèverait des difficultés contentieuses. C'est pourquoi, dans sa rédaction actuelle, le texte me semble correct.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous devons, en revanche, travailler ensemble, en cas d'entreprise générale, sur le paiement entre la collectivité et le sous-traitant et sur la connaissance par la collectivité de ce dernier, cette dernière question étant beaucoup plus importante pour la PME que la première. C'est pourquoi je suis défavorable à cette ouverture, car j'estime, très honnêtement, que le problème n'est pas là.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je confesse à Mme le secrétaire d'Etat, que je me suis trompé d'Arlésienne ! (Sourires.) Cela peut arriver ! Celle dont je parlais est non pas la loi Zuccarelli mais la loi sur la réforme des marchés publics ! Quand nous avons auditionné les représentants du ministère des finances, c'est de cela qu'ils nous ont parlé : ils ont évoqué le lot comme étant la règle, et le marché global comme étant l'exception qu'il faudrait justifier.
On est donc assez loin, me semble-t-il, de la position exprimée tout à l'heure. C'est pourquoi nous avons proposé un moyen terme, que je souhaite voir le Sénat adopter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernemnt.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15, ainsi modifié.

(L'article 15 est adopté.)

Chapitre IV

Délais de paiement des marchés publics

Article 16