Séance du 15 mars 2000







M. le président. « Art. 5. - Le premier alinéa de l'article L. 294 du même code est ainsi rédigé :
« Dans les départements qui ont droit à deux sièges de sénateurs ou moins, l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. »
Par amendement n° 8, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Le premier alinéa de l'article L. 294 du même code est ainsi rédigé :
« Dans les départements qui ont droit à trois sièges de sénateurs ou moins, l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Nous abordons la deuxième partie du débat sur le scrutin proportionnel par rapport au scrutin majoritaire.
Lors de la première lecture, le Sénat avait adopté le système qui traduisait une volonté du Sénat, antérieure à tout dépôt de projets de loi, d'étendre le système proportionnel aux départements où sont élus quatre sénateurs, pour tenir compte en particulier des concentrations de population dans les départements les plus importants.
L'Assemblée nationale veut descendre à trois, comme le Gouvernement d'ailleurs, monsieur le ministre. Nous trouvons qu'il y a là un excès de raisonnement.
A l'Assemblée nationale, ont été défendus deux aspects de la même thèse.
Premier aspect : il faut faire descendre la proportionnelle aussi loin qu'on le peut, et l'on retrouve la religion de la proportionnelle dont je vous parlais tout à l'heure. Il paraît même que cela a été une concession de ne descendre qu'à trois et non pas à deux. On se demande pourquoi ne pas la faire descendre à un ! Ce ne serait pas aussi contradictoire qu'on le dit, monsieur Guy Allouche, parce que, si chacun d'entre nous a des convictions politiques, elles sont toujours assorties de nuances, ce qui fait qu'en définitive nous avons tous une proportionnelle en nous-mêmes ! D'une certaine manière, peut-être pourrions-nous aller jusque-là. Mais, là encore, c'est un peu pour l'humour !
Plus sérieusement, pourquoi le Sénat a-t-il proposé quatre sénateurs ? Son raisonnement rejoint celui qui concerne le seuil de partage des modes de scrutin pour l'élection des délégués des communes. Cela amène un certain équilibre : la moitié de l'effectif du Sénat à la proportionnelle, l'autre moitié au scrutin majoritaire, avec la possibilité, pour un individu seul, de se présenter. J'ai déjà fait l'expérience de me présenter tout seul dans un département à un scrutin plurinominal majoritaire.
C'est le respect de la dignité de la fonction qui doit permettre d'échapper au filtre de la composition obligatoire d'une liste. C'est la responsabilité des grands électeurs de pouvoir choisir les personnes - peut-être trouverons-nous un jour un terrain d'entente sur le sujet - et c'est, en même temps, le moyen d'enrichir le Parlement de personnalités originales, en tout cas, de sénateurs libres, dans la fonction qui est la leur - limitée dans le vote des lois ordinaires, déterminante sur les lois constitutionnelles, importante sur certaines lois organiques - de raisonner en toute indépendance d'esprit.
Voilà pourquoi nous maintenons la position que nous avons prise en première lecture de partager le Sénat en deux parties pratiquement égales entre la représentation proportionnelle et le scrutin majoritaire, plurinominal ou uninominal : il appartient aux grands électeurs de choisir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le rapporteur, l'équilibre n'est pas une philosophie, c'est une pratique.
Selon vous, il faut se méfier de l'excès de raisonnement. Là est toute la différence entre nous, car je ne m'en méfie jamais. Au contraire, il vaut mieux aller jusqu'au bout.
Le Gouvernement cherche non pas à instaurer un équilibre entre sa position et le dispositif actuel, mais à déterminer à quel moment la proportionnelle a un sens. Il est clair qu'elle a un sens à partir du moment où il y a trois sénateurs. Quand il n'y en a que deux pour représenter deux courants majoritaires - droite et gauche -, ce n'est pas très intéressant. Trois sénateurs, cela signifie quelque chose. Mais quatre, cela ne correspond plus à rien. Et pourquoi pas cinq, alors ? Je suis sûr que vous contenteriez vos collègues de la majorité du Sénat !
In medio stat virtus : cette philosophie ne vous permet pas d'aller jusqu'au bout du raisonnement. Essayez d'en trouver un pour asseoir votre position.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. J'ai suivi votre raisonnement avec beaucoup d'attention, monsieur le ministre. Je m'efforce de le comprendre ou d'y trouver une signification. Au nom de quel principe, ou de quelle philosophie attribuez-vous une vertu supplémentaire à trois plutôt qu'à quatre ? Vous nous dites que quatre sénateurs, cela ne signifie rien, et que passer à trois serait préférable.
M. Guy Allouche. Le mieux, c'est deux !
M. Jacques Larché, président de la commission. J'avoue ne pas comprendre. C'est une affirmation de principe. Je vous la laisse. Mais votre justification m'a paru quelque peu déficiente.
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion, il n'y a pas très longtemps, dans un tout autre débat, de rappeler que Ponce Pilate avait laissé de mauvais souvenirs dans l'histoire. Mais ce n'est pas du tout notre propos aujourd'hui.
Puisque nous en sommes aux citations historiques, aux axiomes, je dirai que dans la formule in medio stat virtus réside une part de la sagesse de l'humanité !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président Larché : deux, c'est deux ! Vous n'allez pas me contredire !
M. Jacques Larché, président de la commission, et M. Paul Girod, rapporteur. Bravo ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement. On ne représente ainsi que deux courants, l'un à droite, l'autre à gauche, mais on ne permet pas l'expression d'une saine diversité. Ce ne sont pas vos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, par exemple, ou d'autres groupes que le RPR au sein de la majorité sénatoriale qui me contrediront !
Trois, cela a un sens, et pas seulement parce que c'est la Trinité ; ce nombre a une vertu par lui-même.
Avec quatre, la proportionnelle a un sens, mais comme seuil cela n'en a pas.
In medio stat virtus, avez-vous dit, ce qui se traduit par une moitié de sénateurs élus à la proportionnelle et l'autre moitié au scrutin majoritaire. Je vous réponds deux tiers à la proportionnelle et un tiers au scrutin majoritaire, la proportionnelle étant tout de même plus juste ; telle est en tout cas la philosophie du Gouvernement, si ce n'est pas la vôtre.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à votre amendement ; si vous ne l'aviez pas compris, je vous le confirme.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Guy Allouche. Je demande la parole contre l'amendement. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye. De grâce !
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Mes chers collègues, si vous êtes embarrassés, si le débat vous ennuie, si vous n'êtes pas bien ici, il y a un bar au premier étage et un autre au rez-de-chaussée ! Vous pouvez sortir !
M. le président. Monsieur Allouche, vous avez demandé la parole contre l'amendement !
M. Guy Allouche. Pourquoi trois ? Pourquoi quatre ? Faut-il rester à cinq ?
M. Hilaire Flandre. Pourquoi pas un ?
M. Guy Allouche. A la rigueur, l'équilibre, c'est deux,...
M. Dominique Braye. M. le ministre a dit que ce n'était pas intéressant.
M. Guy Allouche. ... afin que chaque grande sensibilité politique soit représentée. Les collectivités seraient représentées de façon équitable.
La proposition du Gouvernement, avec l'appui de beaucoup de mes amis, à savoir trois, a un fondement beaucoup plus solide que le système actuel.
Monsieur le rapporteur, je comprends sur quoi repose votre raisonnement : vous avez la hantise - je dis bien la hantise - de ce que vous appelez la dépendance de certains élus aux partis politiques. Personnellement, je me réjouis de côtoyer dans cette enceinte des collègues issus d'un monde que je connais mal. J'ai plaisir, ainsi, à côtoyer M. Hilaire Flandre, ancien maire d'une petite commune,...
M. Hilaire Flandre. Merci !
M. Guy Allouche. ... ainsi que d'autres. Mais des collègues de communes importantes ont aussi leur place parmi nous. Je ne citerai qu'un seul nom d'élu à la proportionnelle : croyez-vous, mes chers collègues, qu'il n'est pas intéressant pour nous tous d'avoir un homme comme M. Badinter au Sénat ? Je cite cet exemple, mais je pourrais en prendre d'autres. Croyez-vous que sa contribution n'est pas intéressante ?
Je me réjouis de voir parmi nous le professeur émérite Patrice Gélard, élu à la proportionnelle. (Ah ! sur les travées du RPR.)
Evitons donc ces jugements de valeur sur chacun d'entre nous selon qu'il est élu au scrutin majoritaire ou à la proportionnelle ! Chaque mode de scrutin a sa force et sa valeur. Dès lors que nous sommes élus démocratiquement, dès l'instant où nous franchissons les portes de cette enceinte parlementaire, nous sommes placés sur un pied d'égalité, au titre de notre légitimité.
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Dès lors que l'on cite des noms, le débat risque de devenir gênant !
Je n'ai aucune espèce de jugement à porter sur la manière dont le parti socialiste a composé sa liste lors des dernières élections en région parisienne. C'est son affaire !
Au demeurant, je suis de ceux qui considèrent comme tout à fait positif l'apport de M. Badinter, un homme extrêmement compétent, aux débats du Sénat, car ses interventions nous appellent tous à la réflexion.
Cela étant, je n'ai pas non plus à porter d'appréciation sur la manière dont a été éliminée certaine de nos collègues, qui honorait également cette assemblée de sa présence ! C'est un problème de parti politique, dans lequel je n'entre pas.
Quoi qu'il en soit, monsieur Allouche, si j'étais à ce point un pourfendeur de la proportionnelle, comme vous essayez de l'insinuer, j'en prônerais l'abandon pur et simple ! Or je ne le fais pas puisque j'en propose l'extension jusqu'à quatre sénateurs, ce qui fait passer un certain nombre de départements d'une catégorie à l'autre, et cela n'est pas insignifiant.
M. Guy Allouche. Quatre départements !
M. Paul Girod, rapporteur. En tout cas, cela aboutit à ce que la moitié du Sénat soit élue à la proportionnelle, au lieu du tiers actuellement. Cela ne touche peut-être que quatre départements mais concerne un nombre significatif de sénateurs.
Je me réjouis, comme vous, de compter le professeur Gélard parmi nous, mais aussi un certain nombre de personnalités qui ont été élues sur leur nom, quelquefois contre leur propre parti, parce que leurs grands électeurs ont considéré que leurs qualités étaient telles qu'ils devaient pouvoir s'exprimer dans cette enceinte au nom des collectivités territoriales.
Il est bon que la moitié de notre assemblée puisse être élue selon cette méthode, qui permet aux uns et aux autres de garder une liberté d'appréciation sur les personnes. Car, ici, nous nous exprimons en toute liberté, avec notre responsabilité d'hommes, face à nous-mêmes, avant d'être les instruments d'une organisation extérieure.
Ce n'est pas la première fois que ce débat surgit dans notre assemblée. Si l'on analyse au fond cette espèce de prééminence du parti dans le choix des candidats, on constate que cela conduit à faire émerger une nouvelle aristocratie, qui se permet de dicter aux « manants » le nom de ceux que, de manière en quelque sorte résiduelle, ils sont appelés à élire.
MM. Jean-Pierre Schosteck et Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !
M. Paul Girod, rapporteur. Avant de prôner l'extension de ce système tous azimuts, il faut se poser quelques questions d'ordre philosophique ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Michel Duffour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Je souhaite d'abord apporter une précision sur un fait politique qui concerne un parti de la gauche plurielle.
Même si je ne suis pas là pour évoquer le fonctionnement du parti socialiste, je vous ferai remarquer, monsieur le rapporteur, que notre collègue Robert Badinter n'a pas été choisi par un parti alors qu'une autre personne aussi éminente aurait été éliminée : Robert Badinter était, comme cette personne, candidat dans les Hauts-de-Seine, et ce sont les grands électeurs qui ont tranché.
M. Paul Girod, rapporteur. Bien sûr !
M. Michel Duffour. S'agissant de la proportionnelle, tout à l'heure, M. le rapporteur a démontré, non sans un certain humour, qu'il en avait une vision tout à fait particulière puisqu'il nous a expliqué qu'elle était l'expression de la « dictature des partis » !
Je constate simplement qu'en prévoyant la proportionnelle pour les départements élisant cinq sénateurs, le législateur avait tout de même reconnu les mérites de ce mode de scrutin. Nous ne faisons que prolonger le raisonnement : puisque la proportionnelle a des mérites, faisons en sorte qu'elle s'applique aussi aux départements qui désignent trois sénateurs.
Je voterai donc contre la proposition de M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Pour ma part, je défends la proportionnelle dans les départements à quatre sénateurs mais non dans les départements à trois sénateurs, et cela pour deux raisons.
Tout d'abord, les psychologues savent bien que rien n'est pire qu'une triade : il y a toujours une alliance de deux contre un, et donc un mauvais équilibre.
La seconde raison est beaucoup plus importante. Le Gouvernement nous soumet actuellement une série de textes qui vont avoir pour conséquence de modifier la composition du Sénat, qu'il s'agisse de la loi sur le cumul des mandats, de la loi sur la parité ou, aujourd'hui, du projet de loi sur le mode d'élection des sénateurs.
Eh bien, je vais me faire, aujourd'hui, le défenseur de la parité !
La proportionnelle à trois est une atteinte à la parité. En effet, avec la proportionnelle, si l'on applique la loi sur la parité telle qu'elle a été votée par l'Assemblée nationale, à trois, il devra y avoir deux hommes, une femme, ou deux femmes, un homme. Compte tenu de ce qui se passe, nous aurons vraisemblablement deux hommes, une femme. A l'inverse, le scrutin majoritaire permet aux hommes comme aux femmes de se présenter sans contrainte. Dès lors, je crains que, si l'on instaure la proportionnlle pour trois sénateurs, le Sénat n'accueille beaucoup moins de femmes qu'avec la proportionnelle pour quatre sénateurs.
C'est la raison pour laquelle, au nom de la parité, je me rallie à la proposition de M. le rapporteur, qui seule permet de voir plus de femmes élues au Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. J'ai déjà eu l'occasion de dire, non pas tout le mal que je pensais, mais le peu de cas que je faisais de la proportionnelle, tout en ayant été élu moi-même au scrutin proportionnel, en tant que conseiller régional.
Je ne conteste pas la légitimité des gens qui sont issus du scrutin proportionnel : je conteste le scrutin proportionnel parce qu'il dépouille l'électeur de sa liberté de choix. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Notre collègue Patrice Gélard nous dit qu'il se fait, aujourd'hui, le défenseur de la parité. Mais la parité, il l'a déjà défendue lorsqu'il en a été directement question ici, quelles qu'aient été nos divergences à ce sujet.
Pour autant, j'ai envie de lui dire : « Encore un effort, cher collègue ! Puisque vous voulez qu'il y ait davantage de femmes au Sénat, optez donc pour la proportionnelle à partir de deux sénateurs ! » Ainsi, les quarante-six départements élisant deux sénateurs désigneront vingt-trois femmes. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Mais non !
M. Jean-Patrick Courtois. Pas du tout ! Cela fera un homme de gauche et un homme de droite !
M. Guy Allouche. Vous m'avez mal compris.
A partir du moment où les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire dans quarante-six départements, où la parité ne s'appliquera pas - car elle ne peut s'appliquer qu'avec la proportionnelle - ...
M. Hilaire Flandre. Pas forcément !
M. Guy Allouche. ... si vous voulez que davantage de femmes entrent au Sénat, il faut faire en sorte que ces départements élisent leurs deux sénateurs au scrutin proportionnel.
MM. Dominique Braye et Jean-Pierre Schosteck. Il n'y aura que des hommes !
M. Guy Allouche. Mais non, chers collègues ! A partir du moment où la parité ne s'applique qu'avec le scrutin proportionnel, si vous souhaitez comme moi que davantage de femmes entrent au Sénat,...
M. Hilaire Flandre. Je vous pensais plus intelligent !
M. Guy Allouche. ... il faut appliquer le scrutin proportionnel dans les départements élisant deux sénateurs. Les quarante-six départements concernés enverront alors vingt-trois femmes au Sénat. (Mais non ! sur les travées du RPR.)
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je suis frappé d'entendre tant de sénateurs vanter les vertus de la proportionnelle ! Il est vrai qu'il est plus facile d'être élu à la proportionnelle qu'au suffrage universel.
M. Guy Allouche. Nous sommes tous élus au suffrage universel !
M. Bernard Murat. Oui, mais il est tout de même plus difficile, et donc plus courageux, d'aller faire du porte-à-porte.
M. Michel Duffour. Pourtant, vous nous expliquez que la proportionnelle déclenche des luttes féroces au sein même des partis ! (Sourires.)
M. Bernard Murat. Mon cher collègue, la notion de « parti », c'est la vôtre, pas la mienne. Moi, j'appartiens à un rassemblement, et ce n'est pas exactement la même chose !
Mais, là n'est pas mon propos, et je voudrais avancer ici un argument qui n'a pas encore été évoqué.
Rappelons-nous 1986, rappelons-nous cette volonté de vos amis, cher collègue Guy Allouche, d'imposer la proportionnelle. Le résultat, ce fut l'émergence des extrêmes.
M. Hilaire Flandre. Eh oui !
M. Bernard Murat. J'attire votre attention sur ce qui vient de se passer en Autriche. Ne sombrons pas dans l'hypocrisie ! Il est trop facile de favoriser l'émergence de partis extrémistes - de droite ou de gauche, peu importe - et de crier ensuite au loup lorsqu'ils arrivent au pouvoir par la voie des urnes ! C'est avant qu'il faut décider que tel ou tel parti politique doit être interdit parce que les idées qu'il défend sont contraires à la Constitution.
En fin de compte, tous ceux qui ont, un jour ou l'autre, défendu la proportionnelle sont responsables de l'émergence des extrémismes en France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Je suis surpris de l'argumentation à laquelle a recouru notre collègue et ami Guy Allouche.
S'il y a deux listes de deux candidats des deux sexes, on risque surtout de retrouver à l'arrivée deux élus qui seront issus de deux listes différentes mais du même sexe. Autrement dit, on obtiendra l'inverse de la parité !
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. M. Schosteck a parfaitement raison ! Monsieur Allouche, avec la proportionnelle la parité est sur les listes, mais elle n'est pas nécessairement dans l'élection !
En empêchant les candidatures individuelles dans les départements élisant trois sénateurs, je me demande si l'on ne prive pas des femmes de la possibilité de jouer leur carte, alors que, avec notre proposition, compte tenu de l'évolution des moeurs, elles auraient plus de chances de se faire élire. Avec des listes de trois candidats, elles risquent de se retrouver systématiquement en deuxième position et, du fait de l'application de la plus forte moyenne, de se faire littéralement laminer.
Dès qu'on touche aux mathématiques, il faut être beaucoup plus prudent que vous ne semblez le croire. On retombe en fait sur l'opposition entre dogme religieux et pragmatisme !
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je voudrais reprendre à mon compte l'excellent argument avancé par notre collègue Bernard Murat.
En effet, nous avons vécu en 1986 l'institution d'un scrutin proportionnel.
M. Paul Blanc. Et cela a conduit à l'élection de députés du FN !
M. Jacques Larché, président de la commission. Or nous découvrons peu à peu chaque jour les raisons véritables de décisions prises à cette époque.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jacques Larché, président de la commission. Pourtant, déjà alors, certains comportements, si l'on avait bien voulu ne pas les ignorer, du moins en apparence, auraient peut-être permis de mettre au jour ce qu'on est en train de découvrir.
L'histoire le dira, des documents le montreront, dans ce pays, en 1986, on a sciemment fait en sorte qu'un parti extrémiste entre en force au Parlement...
M. Dominique Braye. Absolument ! La vérité commence à émerger !
M. Jacques Larché, président de la commission. Et le calcul a été déjoué de très peu ! Car, malgré la proportionnelle, parce que nous avions su être unis à l'époque - souvenons-nous en aujourd'hui ! - nous avons obtenu la majorité à l'Assemblée nationale, mais de deux sièges seulement.
Le calcul a donc été déjoué, et c'est par le peuple français qu'il l'a été. En tout cas, le calcul, lui, demeure. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé.

Article 6