Séance du 4 mai 2000







M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 716 est présenté par MM. Lassourd, André, Bernard, Besse, Braye, Cazalet, Darcos, Demuynck, Descours, Doublet, Dufaut, Eckenspieller, Esneu, Fournier, François, Gélard, Gérard, Gerbaud, Giraud, Haenel, Joyandet, Karoutchi, Larcher, Leclerc, Le Grand, Murat, Neuwirth, Ostermann, Peyrat, de Richemont, Schosteck, Souvet, Vasselle et Vial.
L'amendement n° 928 rectifié est déposé par MM. Hérisson et Jourdain.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 20 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa, il est inséré dans l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, à la suite de la transmission incomplète d'une autorisation relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol prévue à l'article L. 421-2-4, le préfet demande un complément d'information, il est tenu, à peine d'irrecevabilité d'un déféré ultérieur, d'informer le titulaire de l'autorisation de l'existence de cette demande, dans les quinze jours de celle-ci.
La parole est à M. Lassourd, pour défendre l'amendement n° 716.
M. Patrick Lassourd. Actuellement, l'article L. 600-3, résultant notamment de la loi du 9 février 1994, prévoit qu'en cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation, dans un délai qu'il précise.
Cette disposition a été motivée, bien sûr, par le souci de renforcer l'information et, par voie de conséquence, la sécurité juridique du titulaire d'une autorisation.
Cependant, cette règle ne s'applique pas au cas où le préfet demande un complément d'information lorsqu'il estime que la transmission de l'acte a été incomplète.
En effet, les permis de construire délivrés par l'autorité communale sont exécutoires de plein droit dès qu'il y a eu notification et transmission au représentant de l'Etat.
Or, la transmission au préfet doit être complète et porter sur le texte intégral de l'acte, ainsi que les documents annexes qui l'accompagnent.
En cas de lacune, il appartient au préfet de demander à l'autorité communale, dans le délai de deux mois à compter de la réception de l'acte transmis, les compléments indispensables.
Le Conseil d'Etat précise que, dans ces cas, le délai imparti au préfet pour déférer l'acte au tribunal administratif court « soit de la réception du texte intégral de l'acte ou des documents annexes réclamés, soit de la décision, explicite ou implicite, par laquelle l'autorité communale refuse de compléter la transmission initiale ».
Cette demande de complément d'information reporte donc le point de départ du délai de recours dont dispose le préfet sans que le titulaire de l'autorisation en soit informé.
Il en résulte une insécurité juridique pour le bénéficiaire du permis de construire, qui n'est pas certain, à l'issue du délai « normal » de recours de deux mois, d'être à l'abri d'un déféré.
Afin de remédier à cette lacune, et dans l'esprit de la loi du 9 février 1994, il est proposé de renforcer l'information du titulaire de l'autorisation de ce report du délai de recours et d'obliger le préfet à informer le bénéficiaire de l'autorisation de cette demande dans les quinze jours de celle-ci.
M. le président. La parole est à M. Hérisson, pour présenter l'amendement n° 928 rectifié.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement est identique à celui de M. Lassourd : je fait miens ses commentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 716 et 928 rectifié ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
L'article L. 603 du code de l'urbanisme a pour objet de permettre, notamment aux bénéficiaires d'une autorisation, d'être informés de l'existence d'un recours. Lorsque le préfet demande à une commune de lui adresser les éléments d'un dossier, nécessaires à l'exécution du contrôle de légalité sur une autorisation, il ne forme pas un recours contre cet acte. Le Gouvernement ne souhaite pas modifier la portée de l'article L. 603.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 716 et 928 rectifié, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20 ter.
Je suis à nouveau saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 715 rectifié est présenté par MM. Lassourd, André, Bernard, Besse, Braye, Cazalet, Darcos, Demuynck, Descours, Doublet, Dufaut, Eckenspieller, Esneu, Fournier, François, Gélard, Gérard, Gerbaud, Giraud, Haenel, Joyandet, Karoutchi, Larcher, Leclerc, Le Grand, Murat, Neuwirth, Ostermann, Peyrat, de Richemont, Schosteck, Souvet, Vasselle et Vial.
L'amendement n° 927 rectifié est déposé par MM. Hérisson et Jourdain.
Tous deux tendent à insérer après l'article 20 ter un article additonnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 600-4 du code de l'urbanisme, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L... - Lorsque la juridiction administrative, saisie d'un recours à l'encontre d'une autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol, estime qu'une ou plusieurs illégalités, éventuellement contenues dans l'autorisation, sont aisément régularisables, elle peut déclarer légale ladite autorisation, sous réserve de régularisation avant sa mise en oeuvre.
« Les modalités d'application de la présente disposition sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Lassourd, pour défendre l'amendement n° 715 rectifié.
M. Patrick Lassourd. Actuellement, dès que le juge décèle dans un permis de construire qui lui est déféré la moindre illégalité, il a le devoir d'annuler l'autorisation dans sa totalité. Le bénéficiaire est alors contraint de renouveler toute la procédure en vue d'obtenir un second permis, si toutefois la réglementation n'a pas changé entre-temps, et ce nouveau permis pourra, le cas échéant, être attaqué à nouveau.
Il apparaît nécessaire d'améliorer la procédure administrative en permettant au juge de reconsidérer sa façon d'appréhender le contentieux du permis de construire et de recourir à la technique de la « légalité sous réserve », déjà utilisée en matière de contentieux constitutionnel, et, dans certaines hypothèses, par le juge civil qui peut statuer « en l'état » ou le juge pénal qui peut ajourner une peine « sous réserve » du respect de conditions dont il vérifie l'exécution.
L'article 20 ter, adopté par l'Assemblée nationale, oblige le juge à examiner tous les moyens de la requête présentée par un requérant. En conséquence, le juge sera à même de formuler la ou les réserves qui lui paraissent pouvoir faire l'objet d'une régularisation. Il ne procèdera donc à l'annulation que face à une illégalité absolue entachant irrémédiablement l'autorisation. Après examen, il pourra rejeter le recours « sous réserve » de la réalisation d'une ou de plusieurs conditions et de l'accomplissement des formalités manquantes. Cette procédure aurait pour intérêt de purger, une fois pour toutes, l'autorisation des vices mineurs dont elle pouvait être entachée et serait de nature à désengorger les tribunaux administratifs.
Cette possibilité devra par ailleurs s'accompagner de modalités de vérification de la régularisation par l'administration qui en informera le juge. Ces modalités seront à fixer par la voie réglementaire.
M. le président. La parole est à M. Hérisson, pour défendre l'amendement n° 927 rectifié.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement est identique à celui de M. Lassourd ; je souscris donc à l'argumentaire que notre collègue vient de présenter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 715 rectifié et 927 rectifié ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Ces amendements me semblent d'autant plus intéressants qu'ils correspondent à l'une des conclusions de notre groupe de travail. Ils créent un système de reconnaissance de la légalité d'un permis de construire « sous réserve ».
Je note que l'attribution de cette faculté au juge irait dans le sens d'une jurisprudence qui permet, sous certaines conditions, qu'un permis de construire ne soit pas annulé si l'illégalité qu'il comportait est régularisée avant le jugement à l'occasion de la délivrance d'un permis modificatif.
Le juge aurait la possibilité d'utiliser cette faculté lorsque les formalités omises ne vicient pas la procédure dans son ensemble. Il s'agirait, par exemple, des questions tenant au non-respect de dispositions réglementaires concernant les accès ou le stationnement, aux adaptations mineures de hauteur de gabarit de la construction, à certaines autorisations prévues, notamment, par l'article R. 421-3 du code de l'urbanisme, de façon générale aux illégalités sans incidence sur le cours de la procédure d'instruction.
Au total la procédure de régularisation de décisions permettrait de concilier le respect du droit d'ester en justice et le souci d'éviter de mettre en péril des décisions reposant sur des procédures longues et coûteuses. L'essentiel n'est-il pas, en dernière analyse, que le droit soit respecté ?
Je suis convaincu que cette procédure aurait un autre effet positif puisqu'elle découragerait probablement les plaideurs qui effectuent des recours abusifs. Ces amateurs de contentieux sauraient que leur intervention n'aurait pas d'autre résultat que d'amener la régularisation de l'acte alors qu'ils ne veulent tout au contraire que son annulation. Nous émettons donc un avis favorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement comprend la démarche des auteurs de ces deux amendements, mais il appelle leur attention sur la grande difficulté qu'il y a à définir la notion d'« illégalité aisément régularisable ».
Compte tenu de cette difficulté, la mesure préconisée ne sera pas commode à mettre en oeuvre. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 715 rectifié et 927 rectifié.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Je voudrais profiter de cette occasion pour refaire un petit couplet sur les architectes des Bâtiments de France. (Sourires.)
Dans le cas de permis de construire dans un site protégé, dans le rayon de cinq cents mètres, les architectes des Bâtiments de France ont la fâcheuse manie, dès qu'un point leur déplaît, de le refuser. Et on repart alors pour trois mois, qui peuvent se succéder plusieurs fois, car lesdits architectes n'utilisent jamais la possibilité d'accorder un permis de construire sous réserve.
Si j'évoque ce problème, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est parce que j'y suis moi-même confronté dans ma commune, où deux dossiers de logements sociaux, dont l'un d'accession sociale à la propriété monté par une société coopérative, et au financement desquels ma commune participe, sont en souffrance depuis un an à cause du comportement des architectes des Bâtiments de France !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. C'est un peu la fête des architectes des Bâtiments de France ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Ils le méritent !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Si j'ai bien compris M. Lassourd, il souhaite qu'on puisse, en langage administratif, savoir dire non positivement... Mais cela n'a pas été introduit dans les programmes.
Cela étant, faisons en sorte de valoriser dans les meilleures conditions la compétence des architectes des Bâtiments de France ; ne négligeons pas l'importance que peuvent avoir leurs conseils...
M. Patrick Lassourd. Tout à fait !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. ... l'assistance technique qu'ils acceptent souvent d'apporter sans contribution.
M. Jean-Pierre Plancade. Ils ne devraient pas être à la fois juges et parties !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Nombre de collectivités locales s'en réjouissent...
M. Patrick Lassourd. Dont la mienne !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. ... qui ont pu de ce fait préserver leur patrimoine dans des conditions plus satisfaisantes.
Faisons donc preuve d'un peu plus de modération dans nos appréciations sur ces architectes !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 715 rectifié et 927 rectifié, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20 ter.
Par amendement n° 924 rectifié, MM. Hérisson et Jourdain proposent d'insérer, après l'article 20 ter un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - En cas de recours contentieux à l'encontre d'une autorisation relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, l'auteur du recours doit invoquer, à peine d'irrecevabilité, l'ensemble des moyens de sa requête dans le délai de recours contentieux. »
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. L'Assemblée nationale a adopté l'article 20 ter prévoyant qu'en matière de contentieux de l'urbanisme le juge doit se prononcer « sur l'ensemble des moyens de la requête qu'il estime susceptibles de fonder l'annulation ou le sursis à exécution ». Cette disposition a pour objet de réduire les délais et d'accélérer les procédures devant les tribunaux administratifs.
Cette disposition pourrait ne pas remplir, à elle seule, l'objectif qui lui est assigné. En effet, le juge ne devra et ne pourra statuer que sur les moyens qui lui ont été présentés par les requérants. En conséquence, un même requérant qui verra tous les moyens qu'il aura présenté lors d'un premier recours rejetés par le juge pourra à loisir en présenter de nouveaux à l'appui d'un second.
Or, bien souvent, les requérants ne formulent que quelques moyens, éventuellement fantaisistes, à l'appui de leur requête initiale, à seule fin que celle-ci soit formellement recevable dans le délai de recours contentieux.
La disposition adoptée par l'Assemblée nationale doit donc être complétée afin de la rendre réellement efficace. C'est pourquoi le présent amendement tend à ce que les requérants aient l'obligation d'invoquer, dans le délai de recours contentieux, la totalité des moyens qui fondent leur recours à l'encontre des permis de construire. Passé le délai de recours contentieux, aucun moyen nouveau ne serait recevable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à une accentuation du caractère dérogatoire du régime des recours en matière d'urbanisme. Or c'est à cela qu'aboutirait l'amendement qui est proposé, donc je ne suis pas certain que l'auteur ait bien mesuré qu'il pouvait avoir un effet inverse à celui qu'il poursuit.
En effet, une fois une disposition de ce type adoptée, les hommes de loi, les conseils des pétitionnaires se protègeront par une présentation systématique, stéréotypée même, de tous les moyens invocables, ce qui irait à l'encontre de l'objectif de rapidité de l'examen des litiges et donc différerait leur règlement. C'est exactement l'objectif inverse qui est recherché, mais c'est sans doute le résultat qui sera obtenu.
Sur la base de ces explications, le Gouvernement serait sensible à ce que l'auteur de l'amendement veuille bien le retirer.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 924 rectifié.
M. Jean-Pierre Plancade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Le groupe socialiste ne votera pas cet amendement parce qu'il aboutit à limiter le droit de recours.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer en commission sur cet amendement et sur d'autres : je pense que nous ne pouvons pas adopter cet amendement même s'il « caresse les élus dans le sens du poil ». Si nous sommes les uns et les autres souvent « embêtés » par des recours un peu difficiles qui retardent les procédures, nous considérons néanmoins que le droit de recours est un droit fondamental et nous souhaitons qu'il soit préservé.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Après l'intervention de M. Plancade, je tiens à préciser que nous ne souhaitons en aucune façon limiter le droit de recours, mais nous voulons simplement protéger ceux qui subissent ces recours, et Dieu sait si, depuis quelques années, leur nombre connaît un développement exponentiel, dû, pour partie - ce n'est pas une généralité - aux professionnels du recours ou à ceux qui en font un « fonds de commerce ». Il s'agit de fixer quelques règles qui n'entachent pas du tout le libre accès au recours.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 924 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20 ter.
Par amendement n° 925 rectifié, MM. Hérisson et Jourdain proposent d'insérer, après l'article 20 ter , un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - En matière de contentieux portant sur des autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, dans le cas de requête jugée abusive, son auteur encourt une amende qui ne peut excéder 200 000 F. »
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Les dernières statistiques relatives au contentieux de l'urbanisme indiquent que le nombre de recours en annulation concernant des permis de construire a enregistré un net accroissement de 1978 à 1996. En revanche, le nombre d'annulations ne cesse de régresser. Nombre de recours à l'encontre d'autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol sont souvent infondés, voire abusifs.
Hélas ! les condamnations des auteurs de ces recours sont rares, et, le plus souvent, dérisoires, puisque le montant de l'amende pour recours abusifs s'élève à 20 000 francs au maximum, montant qui est rarement atteint. Rien, ou presque, ne dissuade les requérants de mauvaise foi, ceux qui intentent systématiquement des recours contre les permis de construire afin de monnayer leur désistement d'instance auprès des bénéficiaires des autorisations d'urbanisme.
Il est indispensable de permettre au juge de sanctionner plus lourdement les auteurs de recours jugés abusifs. A cet effet, le présent amendement inscrit dans la loi l'amende pour recours abusif et porte son montant à 200 000 francs. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'aucune sanction financière ne soit prononcée, en raison de son caractère dérisoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Comme nous le savons tous, le contentieux de l'urbanisme est le domaine d'élection d'un grand nombre de recours manifestement abusifs intentés par des requérants assurés de la plus large impunité.
Il me semble d'ailleurs pas exceptionnel que des recours abusifs aient pour objet d'obtenir un désistement monnayé ou de faire durer la procédure le plus longtemps possible. Nous avons ainsi été informés, dans le cadre du groupe de travail que j'ai animé avec mon collègue Pierre Hérisson, du cas d'une personne ayant, au cours du même mois, signé un contrat de réservation pour l'achat d'un studio dans une résidence dont la construction était projetée et attaqué la légalité du permis de construire de cette résidence. Il va sans dire que l'objet de cette curieuse manoeuvre était d'obtenir une minoration du prix d'achat en échange du désistement.
La situation est d'autant plus préoccupante que les recours abusifs sont rarement sanctionnés. Pourtant, l'article R. 88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel permet au juge de condamner l'auteur d'une telle requête à une amende ne pouvant excéder 20 000 francs.
L'expérience prouve que la juridiction administrative fait une application très minimaliste de ces dispositions. De plus, en raison du caractère manifestement dilatoire de certaines demandes réitérées, ne conviendrait-il pas d'accroître le montant de la sanction encourue en cas de recours abusif ?
Voilà pourquoi l'amendement n° 925 rectifié me paraît intéressant. Il l'est d'autant plus que, même si le coût du préjudice causé par un recours abusif est élevé, il est très difficile d'en obtenir réparation au civil. De ce fait, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, puisque l'article R. 88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pose déjà le principe de la condamnation au paiement d'une amende pour recours abusif.
En l'espèce, il s'agirait de faire figurer cette possibilité dans la partie législative du code de l'urbanisme. De surcroît, tel qu'il est rédigé, cet amendement rendrait l'amende obligatoire, ce qui constitue une difficulté supplémentaire.
Le Gouvernement préfère, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la procédure civile de l'abus de droit, qui peut ouvrir le droit à une indemnisation pour le préjudice occasionné par un recours abusif. Cette procédure lui semble plus efficace et plus adaptée que la condamnation à une amende.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 925 rectifié.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement est ainsi rédigé : « En matière de contentieux portant sur des autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, dans le cas de requête jugée abusive, son auteur encourt une amende qui ne peut excéder 200 000 francs. »
Cet amendement tend à fixer le montant maximal de l'amende à 200 000 francs et non à introduire l'obligation de condamner à une amende. Je ne suis donc pas d'accord avec l'argumentation développée par M. le secrétaire d'Etat.
Selon le dispositif que nous proposons, il appartient au juge d'apprécier s'il doit décider de condamner au versement d'une amende et, si tel est le cas, cette dernière ne peut excéder 200 000 francs. Cela n'a aucun caractère contraignant.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Votre explication, monsieur le secrétaire d'Etat, ne m'a pas paru totalement convaincante. Vous avez essentiellement fait valoir qu'il existe déjà une procédure, la procédure civile, et qu'elle donne satisfaction.
Vous considérez qu'elle est suffisamment dissuasive pour que les administrés, les associations n'engagent pas de procédure abusive. Or, aujourd'hui, un certain nombre de parlementaires, d'élus, dressent un constat d'échec de cette procédure. J'ajoute que, si cette procédure avait le caractère dissuasif dont vous faites état, il n'aurait pas été nécessaire de déposer un tel amendement.
Cet amendement, vu le niveau d'amende maximal qu'il prévoit, a pour seul objet de faire réfléchir celles et ceux qui sont tentés d'engager des procédures abusives.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ou bien vous considérez qu'il convient de donner droit à la demande de nos collègues car elle est pertinente, auquel cas il faudrait revoir votre avis, ou bien vous considérez que la procédure civile a le caractère dissuasif que vous entendez, mais encore faudrait-il que, soit par circulaire soit par instruction, vous puissiez veiller, avec votre collègue Mme la garde des sceaux, à ce que ces procédures aillent effectivement jusqu'au bout et soient suffisamment dissuasives.
M. Dominique Braye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Comme M. Hérisson, j'estime qu'avec l'amendement n° 925 rectifié l'auteur d'un recours abusif court simplement le risque de verser une amende de 200 000 francs au maximum.
Je le dis une nouvelle fois : les conditions d'examen de ce texte fatiguent vraiment tous les acteurs intervenants. Même M. le secrétaire d'Etat en est amené à nous donner de faux arguments, non pas volontairement, nous le savons bien, mais par grande fatigue ! (Sourires.)
C'est regrettable ! Je vous laisse imaginer ce que sera la fin de ce marathon qui nous a été imposé par le Gouvernement !
M. Jean-Pierre Plancade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Personne n'arriverait à croire que M. Dominique Braye est fatigué. En tout cas, il n'en a pas l'air. (Sourires.) Je sens qu'il a toujours l'esprit vif, ce dont je me réjouis, même si je ne partage pas son avis. (M. Dominique Braye s'exclame.)
Monsieur Hérisson, avec cet amendement, vous portez atteinte au droit de recours. Bien sûr, en théorie, il demeure, mais en théorie seulement, puisque vous portez l'amende à 200 000 francs. Nous considérons, pour notre part, que le droit de recours est un droit fondamental.
Personnellement, je ne suis pas maire, mais j'ai exercé d'autres responsabilités dans des syndicats et, effectivement, j'ai été embêté, comme les uns et les autres, par des recours qui ont retardé des procédures. Parfois on a gagné et parfois on a perdu, car on ne dit pas toujours des vérités. Mais avec une amende portée à 200 000 francs, vous ne maintenez la possibilité d'exercer un recours qu'en théorie.
Certains de mes collègues socialistes ont sûrement la même approche que vous, puisque cet amendement « caresse les élus dans le sens du poil » s'ils sont en situation de majorité. En revanche, pour ceux qui sont dans l'opposition - cela vous arrive à vous aussi ! - il est peut-être plus simple que l'amende encourue n'excède pas 20 000 francs. Il faut aller jusqu'au bout de ce que l'on appelle le « libéralisme ».
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je voudrais dire à M. le secrétaire d'Etat que, si le montant de 20 000 francs était dissuasif, cela nous aurait épargné les quarante-sept recours intentés par un habitant de Maisons-Laffitte. Il attaque tous les permis de construire, jusque chez moi d'ailleurs !
Pour certains, c'est un jeu ! Certains pratiquent les échecs, d'autres la belote, lui, il est à la retraite et il intente des recours.
Je vous concède, mes chers collègues, qu'il faut effectivement pouvoir intenter des recours des recours abusifs, non, parce qu'ils retardent tout. Ils ont d'ailleurs coûté une véritable fortune au maire de Maisons-Laffitte lors de la restructuration du centre-ville.
Nous devons voter cet amendement pour que la sanction soit dissuasive : si le montant maximal de l'amende pour recours abusif est limité à 20 000 francs, le plaignant, qui a peut-être quelque argent à perdre, n'hésite pas à attaquer.
M. Jean-Pierre Schosteck. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Notre société n'est malheureusement pas guidée par l'angélisme ! Il n'y a pas que des braves gens soucieux de faire respecter leurs droits et ce qu'ils estiment être la bonne conduite des affaires publiques. Il faut savoir que certaines officines se sont fait une spécialité d'intenter des recours sans aucune certitude de les voir aboutir.
Un peu à l'instar du casino, on vient proposer à des riverains une forme de mise qui consiste à engager un recours. S'il aboutit, les gains sont partagés dans le cas contraire, l'officine en est pour ses frais.
Il faut savoir que cela existe et il faut oser le dire. Si nous ne le disons pas ici, où le dira-t-on ? Il faut essayer de combattre ces abus. Loin de vouloir empêcher les recours parfaitement fondés, je rejoins notre collègue M. Plancade qui estime qu'il faut laisser à l'opposition le droit de s'exprimer. Je crois que, en l'occurrence, le but n'est pas de la brimer, c'est de mettre un terme à ce qui est un véritable racket.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, comme certains orateurs ont mis sur le compte d'une possible fatigue de ma part les interprétations diverses de certains textes, et comme je me devrai de vous quitter dans une demi-heure - je serai alors remplacé par M. Bartolone - je tenais à vous dire que c'était non pas par fatigue, mais par courtoisie. En effet, M. le Président de la République est dans mon département, et je passerai la soirée avec lui, à 600 kilomètres de Paris.
M. Alain Gournac. Passez une bonne soirée !
M. Dominique Braye. Nous aimerions mieux être à votre place ! (Sourires.)
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Mon départ ne sera pas dû à la fatigue, je vous en donne l'assurance !
Vous avez regretté les conditions d'examen de ce texte. A voir le nombre de sujets supplémentaires que vous abordez par le biais d'amendemens tendant à insérer des articles additionnels, je pense que votre frustration, si vous n'aviez pas eu cette possibilité, nous aurait valu quelques autres griefs !
M. Jean Delaneau. La frustration crée le défoulement !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. J'en viens au fond du problème : les recours. Nous n'avons pas la même approche de ce sujet.
Pour notre part, nous tentons tout d'abord de réduire très sensiblement les « niches à contentieux », les causes de recours qui, statistiquement, portent massivement sur la procédure.
Au terme de l'examen de ce volet du projet de loi, vous aurez réécrit une grande partie du code de l'urbanisme et fait « tomber » plus de trente pages de dispositions de procédure qui n'apportaient rien au fond des débats mais donnaient de multiples occasions de recours, y compris de recours qu'avec raison vous dénoncez comme étant abusifs dès lors qu'il ne sont pas l'expression de la démocratie et du débat normal. Votre attitude conforte notre lutte contre les recours abusifs et les niches à contentieux, d'autant que, a priori, vous n'avez pas rétabli trop de dispositions de nature à recréer des motifs de contentieux.
Le deuxième axe que nous avons favorisé est celui du dialogue : le schéma de cohérence territoriale est un document qui permettra la concertation au fil de son élaboration, et, au terme de celle-ci, l'expression publique par l'enquête publique.
Si l'on fait confiance à la démocratie, il y a là matière à réduire les causes de malentendus et, nous l'espérons, les causes de polémiques et donc de recours.
Le troisième axe que nous avons suivi, avec ce même objectif de réduire sinon le nombre des recours, du moins leurs conséquences en termes de durée, a trouvé sa traduction dans un article additionnel que vous venez d'ailleurs de voter et qui impose l'examen de tous les moyens invoqués par un plaignant par une juridiction administrative. Cela évite qu'un nouveau retours ne soit engagé sur la base d'un moyen qui n'a pas été analysé. Il nous est arrivé, en effet, de connaître des dossiers qui avaient traîné une dizaine d'années parce que les moyens avaient été successivement examinés.
Par conséquent, nous avons bien le souci de réduire les contentieux,...
M. Alain Gournac. Nous sommes d'accord sur ce point !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. ... mais, selon nous, nous ne pouvons pas nous affranchir de la tradition française rappelée par le Conseil d'Etat dans certaines circonstances, par le Conseil constitutionnel dans d'autres, qui veut que nous ne cherchions pas à limiter les voies de recours. Nous nous sommes donc attaqués aux conséquences et aux causes, qui n'ont pas d'intérêt, mais non au principe.
M. Dominique Braye. On va vers une justice américaine, alors !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Il y a des abus, soyons clairs ! Il n'y a pas très longtemps quelqu'un qui faisait profession de ces recours a été démasqué et condamné, car il a été trompé par le fait qu'il avait attaqué deux fois le même promoteur qui, selon la région où il se trouvait, n'avait pas la même enseigne. Il prenait des locations pour être dans le périmètre d'une opération et avoir une possibilité de justifier son recours.
Cette position ne justifie pas qu'on accuse le Gouvernement de vouloir nourrir et multiplier les contentieux ! Je souhaitais procéder à cette mise au point, tout en confirmant mon opposition à l'amendement n° 925 rectifié.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 925 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20 ter .
Par amendement n° 931, MM. Hérisson et Jourdain proposent d'insérer, après l'article 20 ter , un article ainsi rédigé :
« Le délai de validité du permis de construire visé à l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme est suspendu en cas de recours contentieux à l'encontre de la décision portant octroi dudit permis, pendant l'instance et jusqu'au prononcé de la dernière décision juridictionnelle non susceptible d'appel. »
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. L'article R. 421-32 du code de l'urbanisme réglemente la durée de validité de permis de construire et prévoit des cas limités d'interruption, de suspension ou de prorogation du délai de validité.
Le principe posé par l'alinéa 1er de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme est que le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année.
Les tempéraments au principe sont des cas de suspension limitativement énumérés par la loi et un cas de prorogation.
La suspension du délai de validité du permis de construire est prévue dans deux cas par l'alinéa 3 de l'article R. 421-32 : pendant la durée du sursis à exécution de la décision portant octroi dudit permis, ordonné par décision juridictionnelle ou administrative, et en cas d'annulation du permis de construire prononcée par jugement du tribunal administratif frappé d'appel, jusqu'à la décision rendue par le Conseil d'Etat - comprendre cour administrative d'appel.
La prorogation de la durée de validité du permis de construire pour une année maximum sur demande du bénéficiaire adressée à l'autorité administrative deux mois au moins avant l'expiration du délai de validité, si les prescription d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard.
Il est nécessaire, je crois, de procéder à une régularisation et à une harmonisation, de manière que, lorsque le prononcé des jugements et des juridictions successives est supérieur à deux ans, la validité du permis de construire soit reconnue si le pétitionnaire obtient satisfaction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. La commission des affaires économiques n'estime pas normal que le détenteur d'un titre légal soit empêché de mener à bien l'opération immobilière pour la réalisation de laquelle il a obtenu ce document. Tel est pourtant souvent le cas.
En effet, dès lors que le titre juridique sur lequel repose une opération immobilière est attaqué devant le juge, les banques refusent d'accorder des prêts destinés au financement des travaux, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur leur bonne fin. Dès lors, l'existence même d'un recours suffit à rendre caduque de facto une autorisation dont le juge pourra pourtant reconnaître la légalité quelques années plus tard.
Dans la majeure partie des cas, il faut bien le reconnaître, du fait du manque de moyens des tribunaux administratifs, le juge statue sur la légalité d'un permis de construire - valable, je le rappelle, pendant deux ans - après l'expiration de ce délai. Dès lors, la légalité du permis précité peut n'être reconnue par la juridiction compétente qu'après que cette validité a pris fin. Le permis de construire est légal, mais il est périmé et son titulaire est tenu d'en obtenir un autre s'il veut poursuivre ses travaux, sous réserve que le POS n'ait pas été révisé entre-temps, rendant sa demande inutile dans le cas où le terrain qu'il comptait utiliser serait devenu inconstructible.
Cette situation encourage en réalité les comportements les moins respectueux des décisions de justice. Il est rare, en effet, que le juge décide de la destruction d'une construction réalisée après la délivrance d'un permis de construire, même si ce dernier est légal. L'obtention du permis constitue, à ses yeux, une présomption de la bonne foi de son titulaire.
Dès lors, les détenteurs de permis faisant l'objet d'un recours à l'occasion duquel un sursis n'a pas été demandé et obtenu ont tout intérêt à construire sans se soucier de l'issue du contentieux pendant devant le juge administratif. La voie de fait prime sur la voie de droit. En augmentant le délai de validité du permis à proportion de la durée des instances et jusqu'au prononcé de la dernière décision juridictionnelle susceptible de recours seraient découragés de la sorte les auteurs de recours qui tablent sur le respect porté par leurs adversaires aux décisions juridictionnelles.
Je m'interroge cependant sur les derniers mots de cet amendement. Ne conviendrait-il pas de viser la dernière décision non susceptible de recours afin de prendre en compte le cas d'un recours éventuel en cassation ?
La commission est cependant favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je souhaite indiquer à MM. Hérisson et Jourdain que le Gouvernement est d'accord avec l'objectif qu'ils poursuivent.
Simplement, il fait observer que, dans l'amendement proposé, les auteurs font référence à l'article R. 421-32. Par définition, c'est un article réglementaire, ce qui veut dire que la modification de cet article n'est pas législative ; elle est réglementaire.
Je peux prendre l'engagement de procéder, par la voie réglementaire, à cette modification, pour effectivement neutraliser les délais de recours dans les délais de validité des autorisations de construction, engagement qui devrait donner satisfaction aux auteurs de l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 931 est-il maintenu, monsieur Hérisson ?
M. Pierre Hérisson. J'ai bien entendu l'engagement qui vient d'être pris.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi toutefois d'attirer votre attention sur le point que vient d'évoquer M. le rapporteur. Puisque vous venez d'indiquer que vous agiriez par voie réglementaire, viserez-vous la voie de la cassation, dans la mesure où le recours n'est pas suspensif ?
Cela dit, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 931 est retiré.
Par amendement n° 932, MM. Hérisson et Jourdain proposent d'insérer, après l'article 20 ter, un article ainsi rédigé :
« Il est inséré après l'article L. 25 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Lors du dépôt d'un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation d'urbanisme formé par une association, celle-ci, sous peine d'irrecevabilité du recours, consigne auprès du greffe du tribunal administratif une somme dont le montant est fixé par le juge. La somme consignée est restituée lorsque le recours a abouti à une décision définitive constatant que la requête n'était pas abusive. »
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Cet article vise à limiter les recours abusifs devant la juridiction administative dans le domaine des autorisations d'urbanisme. Il s'agit pour les associations qui déposent un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation d'urbanisme de consigner auprès du greffe du tribunal administratif une somme d'argent dont le montant sera fixé exclusivement par le juge. A défaut, la requête serait irrecevable.
Cet amendement a été adopté par le Sénat dans le cadre du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Le Sénat avait souligné à l'époque l'intérêt de faire figurer dans la loi le principe de la lutte contre les recours abusifs qui entravent le fonctionnement de la justice administrative et paralysent entre autres l'action locale.
Toutefois, constatant que l'Assemblée nationale refusait toujours cet amendement, la commission des lois du Sénat, en nouvelle lecture, a proposé de disjoindre cet article du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, afin de traiter cette question à l'occasion d'un support législatif mieux approprié.
Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains semble être le support qui consacrerait la volonté de mettre un terme aux différentes formes d'entraves aux permis de construire tout en conciliant le respect du droit fondamental d'ester en justice.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson secrétaire d'Etat. Le principe d'égal accès à la justice ne permet pas d'exiger de certains requérants, en raison de leur qualité, en l'occurrence un groupement sous la forme associative, une consignation qui préjugerait du caractère abusif de leur action. Le Gouvernement ne peut donc souscrire à cette démarche, et demande le rejet de cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 932.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. L'explication de vote du groupe socialiste porte non seulement sur cet amendement, mais aussi sur tous ceux qui viennent d'être présentés.
L'objet de ces textes, ai-je entendu, n'est pas de limiter le droit de recours. Ce n'est pas ce que j'ai constaté. Aucun d'entre eux ne vise, par exemple, l'abus de construction. Or, vous le savez bien, y compris mes collègues des Yvelines, de nombreux abus ne sont pas punis !
Je prendrai comme exemple une commune qui est voisine de celle que j'habite et dont le maire est intervenu auprès du procureur de la République, un propriétaire ayant construit de manière illégale un certain nombre de mètres carrés supplémentaires.
J'ai soutenu le maire. J'ai même écrit au préfet. Mais le procureur de la République n'a pas jugé utile de poursuivre !
M. Dominique Braye. Absolument ! C'est la séparation des pouvoirs !
M. Jacques Bellanger. Je n'ai vu aucun amendement ayant pour objet de lutter contre cela !
M. Dominique Braye. Pourquoi n'en avez-vous pas déposé un ?
M. Jacques Bellanger. Les amendements déposés limitaient au contraire le droit de recours !
M. Dominique Braye. A quoi cela vous sert de dire cela, puisque vous n'avez déposé aucun amendement ?
M. Jacques Bellanger. Monsieur Braye, je ne suis pas intervenu et je ne vous ai pas interrompu. Alors laissez-moi terminer, car je vais aller encore plus loin ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) La seule limitation du droit de recours que vous ayez instaurée est une limitation par l'argent et uniquement par l'argent !
Mme Odette Terrade. Oui !
M. Dominique Braye. C'est le refrain !
M. Jacques Bellanger. Je vous signale, monsieur, qu'une somme de 20 000 francs, ce n'est pas la même chose pour un smicard et pour un habitant de Saint-Lambert-des-Bois, commune qui enregistre, vous le savez, l'un des plus hauts revenus par habitant. Voilà la justice que vous faites !
M. Dominique Braye. Ah ça !
M. Jacques Bellanger. C'est une justice distinctive selon les revenus, et cela n'est pas acceptable !
Voilà en partie pourquoi nous voterons contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. L'argumentaire de M. Bellanger ne m'étonne pas.
M. André Vezinhet. Qu'est-ce que ce mépris ?
M. Dominique Braye. Je regrette simplement qu'il n'ait pas déposé d'amendement. S'il avait une piste pour améliorer la loi, il était utile, sur un problème qu'il estime important, de le faire.
M. Alain Vasselle. Oui !
M. Dominique Braye. C'est très grave...
M. Christian Demuynck. Tout à fait !
M. Dominique Braye. ... de ne pas chercher à enrichir un texte de loi quand on a une piste.
Avec une telle pratique, le fait de déclarer l'urgence ne change pas grand-chose puisque, manifestement, M. Bellanger ne profite même pas de la seule lecture pour déposer les amendements nécessaires !
M. André Vezinhet. Qu'est-ce que c'est que cet inquisiteur ?
M. Dominique Braye. A nos collègues du groupe socialiste, qui ont repris un air de violon habituel, et plus particulièrement à M. Bellanger, je conseillerai de nous proposer que l'on ne sélectionne plus rien par l'argent et que, par exemple, les amendes pour défaut de stationnement soient fonction du salaire, que nous subordonnions tout au montant du salaire. Il serait dès lors beaucoup plus intéressant d'être smicard que d'habiter la commune que citait M. Bellanger !
Mes chers collègues, ne nous laissons pas prendre à ce refrain qui revient périodiquement et que nous n'entendons pas, sachons-le, pour la dernière fois ! (Applaudissements sur plusieurs travées du RPR.)
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Cette série d'amendements a pour objet de limiter les excès. Je vais, pour ma part, essayer de limiter les excès de langage. (Sourires.) En effet, je suis un peu surpris du caractère passionné qui entoure cette discussion dans la mesure où il ne s'agit que de donner des possibilités à un juge qui rendra la justice et non pas de fixer d'une manière arbitraire des sommes susceptibles de poser les problèmes qui viennent d'être évoqués.
La proposition que j'ai faite s'inscrit tout simplement dans le droit-fil du code civil. En matière d'urbanisme, pour toute action devant les juridictions civiles, il y a possibilité de conciliation et il paraît logique que cette possibilité soit étendue devant les juridictions administratives.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 932, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20 ter.

Article 20 quater