Séance du 14 juin 2000







M. le président. Par amendement n° 259, MM. Lise, Larifla et Désiré proposent d'insérer, après l'article 16, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 815-5 du code civil, sont insérées les dispositions suivantes :

Section 1 bis

Dispositions concernant le traitement particulier
des immeubles en indivision
dans les départements d'outre-mer

« Art. 815-5-1 . - Par dérogation de l'article 815-3, lorsqu'un immeuble indivis se trouve dans le périmètre d'une opération programmée de l'amélioration de l'habitat, d'un programme social thématique, d'une opération de résorption de l'habitat insalubre, d'un programme de logements d'insertion privée ou d'une autre procédure opérationnelle prévue par le code de la construction et de l'habitation, et que le consentement de tous les coindivisaires ne peut être obtenu, en particulier si ceux-ci ne sont pas en état de manifester leur volonté, tout indivisaire diligent peut exécuter seul les travaux d'amélioration, de réhabilitation et de restauration de l'immeuble indivis et accomplir tous les actes d'administration et les formalités de publicité y afférents.
« Il peut notamment dans ce cadre conclure tout conventionnement, ainsi que les actes de mise en location et de renouvellement des baux, à l'exclusion de tous autres actes de disposition.
« Les actes accomplis dans ces conditions sont opposables aux autres indivisaires dont le consentement a fait défaut.
« En application de l'alinéa premier, il peut, le cas échéant, employer les fonds de l'indivision détenus par lui et est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers.
« Pour l'application des alinéas précédents, il est tenu à un état à la disposition des autres indivisaires dans les conditions de l'article 815-8.
« Art. 815-5-2 . - Au plus tard au début des travaux, lorsque les autres indivisaires sont identifiés et leurs domiciles connus, ils seront informés par l'indivisaire diligent, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d'huissier.
« Cette formalité est requise à peine d'inopposabilité aux autres indivisaires, des actes accomplis par l'indivisaire diligent.
« La lettre recommandée ou l'acte d'huissier reproduit les dispositions du présent article et celles de l'article 815-5-1.
« Le Président du tribunal de grande instance saisi, à peine d'irrecevabilité, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier, peut interdire ou suspendre les travaux, si les autres indivisaires prouvent que ceux-ci mettent manifestement en péril l'intérêt commun des co-indivisaires.
« Les dispositions des articles 815-6 et suivants restent applicables.
« Art. 815-5-3 . - Ceux des coindivisaires qui n'ont pas été en état de manifester leur volonté pourront toujours le faire jusqu'à l'expiration du délai de recours des tiers visé à l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme, qui court à compter de l'accomplissement par l'indivisaire diligent des formalités de publicité prévues à l'article R. 421-39 du même code.
« En cas de contestation, ils doivent dans le même délai saisir le Président du tribunal de grande instance qui peut interdire ou suspendre les travaux, s'ils prouvent que ceux-ci mettent manifestement en péril l'intérêt commun des coindivisaires.
« II. - L'article 815-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 815-4 . - Les articles 815-5-1 à 815-5-3 sont applicables aux seuls départements d'outre-mer. »
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Cet amendement vise à apporter de nouvelles possibilités en matière de politique du logement dans les départements d'outre-mer, en particulier de logement social.
S'il est adopté, il permettra de faciliter, dans les départements d'outre-mer, le traitement des immeubles en indivision, notamment dans les centres-villes et dans les quartiers anciens.
En effet, le fonctionnement du marché immobilier est contrarié par de multiples obstacles parmi lesquels figurent l'absence de titre de propriété et plus encore l'indivision. Cette dernière situation génère dans les villes une précarisation des statuts d'occupation et un abandon du partage patrimonial, ferments des phénomènes cumulés d'insalubrité et de vacances.
L'amendement tend donc à favoriser l'exécution de travaux dans les immeubles indivis en évitant que l'absence de consentement de tel ou tel autre indivisaire ou son immobilisme volontaire ne bloque la situation et, par conséquent, ne soit un obstacle à la politique du logement que nous cherchons à mener.
L'amendement a également pour objet de lutter efficacement contre l'insécurité des immeubles qui, quelquefois, présentent un réel danger, en permettant la réalisation de travaux de sécurité abolument indispensables.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. La commission des lois est défavorable à cet amendement.
Elle ne sous-estime pas le problème qui est ici posé, mais je dirai à notre collègue M. Lise qu'il se pose très exactement dans les mêmes termes en métropole, notamment dans les vieux villages.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement mérite un examen au regard du droit de la copropriété - qu'il bouleverse - mais seulement s'agissant des départements d'outre-mer puisqu'il tend à créer une nouvelle section dans le code civil pour définir un régime particulier des immeubles en indivision dans les département d'outre-mer.
Il prévoit notamment de déroger à la règle de l'unanimité, prescrite par l'article 815-3 du code civil, en permettant à un indivisaire, sans intervention préalable du juge,...
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. José Balarello, rapporteur. ... d'exécuter, de sa propre et seule initiative, sur l'immeuble indivis des travaux d'amélioration, de réhabilitation et de restauration, ou de mettre en location ledit immeuble, même s'il s'agit d'un acte d'administration. Par exemple, le fait de consentir un bail commercial pour une durée de neuf années est un acte qui s'apparente presque à un acte de disposition compte tenu de la durée.
Pour toutes ces raisons - même si l'amendement déposé par M. Lise répond à un besoin réel - une étude doit être effectuée au regard du droit de copropriété : il n'est pas possible, dans les limites de la discussion d'une loi sur les DOM, de modifier dans ces termes les dispositions du code civil.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je partage l'avis de M. le rapporteur. Le problème de l'indivision, que nous rencontrons tous dans la gestion locale, est peut-être accru dans les départements d'outre-mer, où les centres villes comptent des bâtiments anciens en indivision et qui ne trouvent pas de règlement. Cela peut gêner la réhabilitation des centres anciens ou les opérations programmées d'amélioration de l'habitat.
Cela étant, il ne nous paraît pas conforme à la Constitution, s'agissant du droit de propriété, d'établir un régime différent pour l'outre-mer. Cette question doit faire l'objet d'une étude approfondie pour en définir le cadre réglementaire et législatif. Le Gouvernement, en liaison avec le ministère de la justice, souhaite créer un groupe de travail qui pourra identifier les questions et éventuellement proposer des modifications en matière de procédures qui permettraient d'accélérer la dévolution des immeubles.
Nous touchons là un domaine fragile, celui du droit de propriété. On ne peut légiférer d'une façon aussi approfondie en ce qui concerne des dispositions sensibles à l'occasion de la discussion d'un amendement. Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 259 est-il maintenu, monsieur Lise ?
M. Claude Lise. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 259 est retiré.

Article additionnel avant l'article 17