SEANCE DU 17 OCTOBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 366, MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat proposent d'insérer, avant l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article L. 420-5 du code de commerce est complété par les mots : "et de la vente de carburants au détail". »
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps l'amendement n° 367.
M. le président. J'appelle donc également en discussion l'amendement n° 367, présenté par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat, et tendant à insérer, avant l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article L. 442-2 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : "Dans le cadre de la revente de carburants au détail, le prix d'achat effectif est réputé comprendre les coûts additionnels indissociables à cette revente". »
Veuillez poursuivre, monsieur Cornu.
M. Gérard Cornu. M. le rapporteur nous a signifié tout à l'heure son souci de défendre les communes défavorisées et, plus généralement, le monde rural. A mon avis, l'objet de ces amendements va dans ce sens puisqu'ils visent à établir une règle de concurrence entre les distributeurs de carburants, ce qui devrait permettre de favoriser le maintien et la création de commerces de proximité dans les zones rurales, les quartiers et centres-villes.
En effet, le problème des carburants est un grave problème. Ainsi, la concurrence des grandes et moyennes surfaces qui développent la vente de carburant s'exerce de façon déloyale dans la mesure où il n'est pas tenu compte des coûts liés à la revente des carburants ; je pense en particulier aux frais de personnel, à certains impôts et taxes, aux primes d'assurances, aux loyers, à la redevance, la maintenance et la réparation du matériel, l'électricité, les frais bancaires, les pertes de carburant, l'amortissement, etc.
Or cette concurrence déloyale entraîne la fermeture des petites stations-service. Il est donc important de soutenir ces dernières dans le cadre de l'aménagement du territoire et de l'irrigation nécessaire de l'ensemble des zones rurales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 366 et 367 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est un débat tout à fait nécessaire qui s'engage à l'instant.
En fait, les amendements n°s 366 et 367 visent à empêcher les grandes surfaces d'écouler sans marge des produits pétroliers.
Le problème qui est soulevé est un vrai problème, nous le savons tous. Il est clair que le maillage des petites stations se relâche, hélas ! de par la disparition déjà largement engagée, mais qui se poursuit, des petits détaillants.
Le président de la commission des affaires économiques, M. Jean François-Poncet, a reçu longuement, m'a-t-il dit, les représentants des petits détaillants. Il a examiné de manière précise leur position, mais, en même temps, il leur a rappelé que nous nous situons tous aujourd'hui dans le contexte d'un marché pétrolier très difficile et que le moment n'est peut-être pas vraiment bien choisi pour donner un signal qui sera inévitablement un signal de renchérissement, pour l'usager, des produits pétroliers.
Je ne peux que faire mienne cette analyse de M. Jean François-Poncet, et je suis donc assez embarrassé, mon cher collègue, comme l'a été la commission des finances lorsqu'elle a examiné ce sujet et engagé ce débat.
Sur le fond, nous sommes bien d'accord avec vous ; en revanche, sur la période proposée ou l'opportunité de décider dès maintenant d'un tel dispositif, nous sommes plus partagés compte tenu du climat que nous connaissons depuis cet été, caractérisé par les évolutions des prix de l'énergie que vous connaissez, avec les efforts et le dispositif d'une extrême complexité, d'une extrême technicité mis en oeuvre pour faire diminuer de 20 centimes - 20 centimes ! - le prix du carburant à la pompe. Vous vous en souvenez, c'était il y a très peu de temps ! Une diminution de 20 centimes, c'est très, très peu, et pourtant il a fallu, pour y parvenir, monter toute une tuyauterie, notamment le système de plafonnement de la TVA dans le cas où l'augmentation des prix pétroliers dépasserait un certain taux.
En outre, nous sommes aujourd'hui, hélas, confrontés à une crise internationale au Proche-Orient, où tout peut s'embraser de nouveau et de manière encore plus dramatique, avec les incidences économiques qui s'ensuivraient sur le marché des produits pétroliers.
Donc, la commission des finances est très partagée sur ce sujet. Elle a souhaité, dans sa majorité, que les amendements dont il s'agit soient retirés par leurs auteurs. Il était de mon devoir de vous rendre compte, mes chers collègues, du résultat de ses délibérations.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Le président de la commission des affaires économiques, M. Jean François-Poncet, a fait la synthèse de ce qui avait été exprimé en commission des affaires économiques, mais je tiens à dire également que nous avons reçu les représentants de ces distributeurs et que la commission des affaires économiques va dans le sens de ce que propose la commission des finances.
Je voudrais également rappeler que le texte que nous examinons doit trouver son équilibre d'ensemble. Or, il y a quelques instants à peine, mes chers collègues, vous avez maintenu, contre la proposition du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, la possibilité des ententes dès lors qu'elles préservent des emplois. Dans l'interprétation que vous en avez faite, vous êtes même allés jusqu'au maintien des entreprises de la distribution. Je crois que vous aurez là au moins un élément de réponse à fournir. En l'occurrence, il y a une possibilité de préserver un certain type d'activités qui est nécessaire en dehors des zones urbaines, en particulier dans les zones rurales. Pourquoi donc ne pas aller maintenant dans le sens de l'amendement que vous avez souhaité maintenir voilà quelques instants ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, nous partageons votre souci, mais nous divergeons sur les moyens d'y parvenir.
Il me semble nécessaire de rappeler que les stations des réseaux ont certes une marge brute supérieure, mais qu'elles doivent en rétrocéder une grande partie aux groupes pétroliers qui les approvisionnent. La marge nette des exploitants de stations traditionnelles est souvent inférieure à celle des grandes surfaces qui achètent directement aux pétroliers au plus près des cotations internationales. Elles ne paient donc pas celui-ci pour des services supplémentaires. De ce fait, nous ne pourrions pas appliquer ce que vous proposez, malheureusement, pour les petits détaillants. Dès lors, l'article L. 420-5, introduit pour sanctionner les prix abusivement bas au niveau des activités de production et de transformation, risquerait d'être vidé de son sens initial.
Chaque année, nous versons à peu près 75 millions de francs au comité des professionnels détaillants de carburants pour permettre à ceux-ci de résister à une concurrence qui est difficile.
Comme je l'ai indiqué devant vos commissions l'an passé, il me semble qu'il faudrait surtout améliorer la coordination entre les circuits de la grande distribution et les petits détaillants pour éviter que l'installation de telle ou telle pompe à la sortie d'une grande surface ne condamne un petit détaillant. En fait, les participants aux commissions d'équipement commercial devraient être alertés au problème de la distribution de carburants, notamment ceux qui sont chargés d'établir les schémas de développement commercial.
En conclusion, monsieur le sénateur, vous avez évoqué un vrai sujet, auquel vous donnez une réponse inadaptée dans la mesure où elle risque de se retourner contre les petits détaillants, qui, eux, préfèrent pour l'instant gérer le fonds qui leur est destiné même s'il n'est pas suffisamment utilisé. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite que vous retiriez vos amendements.
M. le président. Les amendements n°s 366 et 367 sont-ils maintenus ?
M. Gérard Cornu. Je vois, monsieur le président, que tout le monde partage la préoccupation de maintenir des stations-service dans les zones rurales. Mais, compte tenu de ce que nous avons vécu ces derniers temps, cette préoccupation ne paraît pas pour l'instant devoir déboucher sur une solution.
Au demeurant, madame le secrétaire d'Etat, vous avez parlé de l'aide apportée aux petites stations. Vous avez dit que le fonds était sous-utilisé. Or, au contraire, à ma connaissance les petits détaillants demandent que les versements qui leur sont faits soient amplifiés. Tous s'accordent à dire que les 75 millions de francs accordés au fonds ne sont pas suffisants. Il y a là une certaine contradiction.
En conséquence, avant de céder à la pression de mes amis et de retirer mes amendements, j'aimerais recevoir quelques explications supplémentaires sur la part des 75 millions de francs qui est redistribuée aux petites stations-service.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je ne dis pas que le fonds est sous-utilisé. J'ai dû mal m'exprimer. En fait, il est mal utilisé, parce que l'on veut faire bénéficier de ces sommes des populations de plus en plus importantes. Bref, l'utilisation de ce fonds n'est pas bonne. Je vous rejoins sur ce point, monsieur le sénateur.
Lors de rencontres avec les détaillants, je m'étais engagée à revoir les règles de la distribution.
Je pense que, dans le cadre des intercommunalités nouvelles, mais aussi dans le cadre des schémas de développement commercial, en concertation avec les élus, il faudrait prendre en compte l'existence des stations-service. Il faudrait déterminer celles qu'il convient de soutenir en priorité et leur donner les moyens nécessaires.
Or ce n'est pas ce qui se fait actuellement. On donne un petit peu d'aide, mais pas suffisamment pour que ces petites stations-service deviennent concurrentielles ou qu'elles le restent.
Il y a donc en effet un débat à mener sur l'utilisation de ce fonds. Je ne suis pas contre le fait qu'il augmente. Le sujet n'est pas là. Mais il faut se demander comment on doit l'utiliser, avec quel soutien des élus, avec quelle organisation territoriale, avec le cas échéant quel support des chambres de commerce et d'industrie, pour effectuer des analyses de chalandise par exemple.
En tout cas, ce n'est pas en limitant la concurrence, qui, elle, de toute façon, trouvera des parades qu'on va résoudre ce problème, qui est effectivement dommageable pour les zones rurales dans lesquelles nous vivons.
M. le président. Monsieur Cornu, maintenez-vous donc les amendements n°s 366 et 367 ?
M. Gérard Cornu. A la suite de ces explications complémentaires, je les retire puisqu'ils arrivent à un moment inopportun. Cela étant, je vais présenter bientôt un autre amendement qui interviendra, lui, je le pense, au bon moment, et vous allez donc devoir bientôt me laisser la parole de nouveau, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. Les amendements n°s 366 et 367 sont retirés.
(M. Jacques Valade remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. Par amendement n° 368, MM. Goulet, Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraut et Murat proposent d'insérer, avant l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les prix des produits pétroliers visés au tableau B de l'article 265 du code des douanes font l'objet d'un affichage simultané du prix hors taxes et du prix toutes taxes comprises.
« Les conditions d'application du présent article, fixées par décret, entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la loi n° du relative aux nouvelles régulations économiques. »
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. S'il est un amendement qui vient à son heure, c'est bien celui-ci !
En effet, lors des événements que nous avons connus récemment, il est apparu que beaucoup de nos concitoyens avaient bien du mal à évaluer l'écart exact entre le montant du prix hors taxes des carburants et le montant de leur prix TTC.
Nous sommes tous d'accord pour réclamer une plus grande transparence. Ainsi, par cet amendement, je vous propose d'introduire une très grande transparence s'agissant du prix hors taxes et du prix TTC des carburants, de manière que le consommateur puisse savoir précisément le montant des taxes qu'il acquitte lorsqu'il remplit son réservoir.
Pour tous les autres produits, lorsque le consommateur paie, le montant de la TVA apparaît sur la facture. Il sait ainsi quelle part l'Etat prélève sur le montant de son achat.
Il n'en va pas de même pour les carburants et il y a là une anomalie.
C'est si vrai que, à la suite de la récente augmentation du prix du baril, certains ont rendu l'Etat seul responsable de l'augmentation du prix au détail, y compris parmi ceux qui ne paient pas toutes les taxes.
La transparence me paraît donc indispensable en la matière, et j'espère, monsieur le rapporteur, madame le secrétaire d'Etat, que vous jugerez le moment opportun pour l'adoption d'une telle disposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce souci de transparence est évidemment louable. C'est à une utile pédagogie que nous invite notre collègue M. Gérard Cornu.
La commission, sans avoir examiné de manière très précise la faisabilité technique de cette mesure, s'en remet à la sagesse du Sénat. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Monsieur Cornu, vous le savez, un élément nouveau est apparu : la TIPP est désormais « flottante ». Si votre amendement était adopté, les détaillants devraient donc modifier tous les jours la présentation des factures.
Vous voulez en fait que les pourcentages des taxes pesant sur les carburants soient connus, et cela peut se justifier. D'ailleurs, moi aussi, je suis pour la transparence. Cela étant, avec la TIPP flottante, je ne suis pas sûre que les détaillants se féliciteraient d'une telle mesure. A moins de revenir à la TIPP fixe...
Voilà les raisons pour lesquelles je ne peux accepter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 368.
M. Gérard Le Cam. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Les amendements n°s 366 et 367, qui ont été retirés, ainsi que l'amendement n° 368 portent sur la question du commerce de produits pétroliers et sur les pratiques commerciales en vigueur dans le secteur de la grande distribution et soulèvent un certain nombre de questions fondamentales.
Nos concitoyens font preuve aujourd'hui d'une sensibilité particulière face à l'ensemble des problèmes posés par les prix des produits pétroliers, sensibilité qui a trouvé récemment à s'exprimer devant la montée des prix consécutive à l'accroissement des prix à la production.
Il importe donc - et je comprends ici les intentions des auteurs de cette série d'amendements - que tous les éléments soient donnés aux consommateurs pour qu'ils connaissent effectivement les conditions de formation du prix des carburants.
Force est de constater que les produits pétroliers sont, de manière exclusive, des produits d'appel pour les grands groupes de la distribution, qui ne dégagent aucune marge sur ces produits, les coûts de leur commercialisation étant largement mutualisés au sein des autres coûts de fonctionnement des différents magasins.
Il faut d'ailleurs souligner que les clients des stations d'hypermarché ou de supermarché participent déjà à la mutualisation de ces coûts lorsqu'ils acquittent par avance, au moyen de cartes d'accès privilégié, un certain volume d'achats mensuel ou trimestriel.
La vérité des prix commanderait donc de mettre en évidence la part respective, dans la formation du prix, des impôts et taxes des coûts de production et d'acheminement, mais aussi la marge, ou l'absence de marge, du distributeur. Cela dit, la simple lecture de la marge risquerait de faire apparaître comme plus honnête celui qui n'en prélève pas et comme malhonnête le petit détaillant contraint, lui, d'en prélever une, parfois importante.
En tout cas, cela permettrait de connaître l'évolutoin de chacune des composantes du prix, quand bien même cette évolution subirait, au fil du temps, les effets parfois contradictoires de la hausse du prix du brut, de la marge de raffinage, de l'évolution du dollar - monnaie de référence en ces matières - et de l'ensemble TIPP-TVA.
L'information du consommateur ne règle évidemment pas l'ensemble des questions posées, et notamment pas celle de la surcharge fiscale pesant sur les produits pétroliers ou celle de la majoration sensible de la marge des sociétés pétrolières dans le contexte actuel de tension, mais elle peut contribuer à la clarification qui est indispensables.
L'idéal, pour régler cette question complexe des prix des carbutants, serait de parvenir à un prix unique, à condition, bien entendu, que ce prix unique soit le plus bas possible.
On a pu assister à des scènes assez cocasses pendant la crise pétrolière. Dans mon département, les Côtes-d'Armor, on a vu un détaillant aller remplir une petite citerne dans une grande surface et cette dernière faire appel à la police pour l'en empêcher. Evidemment, le prix proposé par la grande surface était moins élevé que celui que devait acquitter ce détaillant auprès des grandes sociétés pétrolières !
Les sénateurs de mon groupe voteront, en tout cas, l'amendement n° 368.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Puisque la commission fait appel à la sagesse du Sénat, on peut se permettre d'émettre des réflexions personnelles.
J'ai le sentiment que l'affichage simultané des prix de vente hors taxes et du prix toutes taxes comprises serait l'idéal.
Cependant, monsieur Cornu, je constate une certaine contradiction entre les amendements que vous venez de retirer et cet amendement n° 368 : d'un côté, vous nous proposiez d'interdire aux grandes surfaces de vendre sans marge et, de l'autre, vous demandez une transparence telle qu'elle fera apparaître de façon encore plus éclatante la différence de marge entre les grandes surfaces et les petits détaillants, ce qui serait fatal à ces derniers.
Moi, je suis avant tout soucieux du maintien des petites stations-service, notamment à la campagne. De ce point de vue, la proposition qui nous est faite me paraît très dangereuse, et je ne voterai donc pas cet amendement.
M. Gérard Cornu. Je demande la parole pour rectifier mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, je souhaite à la fois tenir compte des observations de Mme le secrétaire d'Etat et préciser mon objectif à mon collègue M. Gaillard.
Je propose qu'apparaissent clairement le montant de la TIPP et celui de la TVA. Ainsi, chaque consommateur pourra savoir combien il verse à l'Etat quand il remplit le réservoir de sa voiture.
J'ai bien noté que Mme le secrétaire d'Etat partageait mon souci de transparence vis-à-vis du consommateur. Pour tenir compte de son objection concernant le caractère désormais « flottant » de la TIPP, je propose d'ajouter, à la fin du premier alinéa du texte de mon amendement, les mots : « au premier jour de chaque mois ». Il n'y aurait ainsi, pour le détaillant, que douze changements à effectuer dans l'année, mais la transparence pour l'ensemble des consommateurs serait assurée.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 368 rectifié, présenté par MM. Goulet, Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat et tendant à insérer, avant l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les prix des produits pétroliers visés au tableau B de l'article 265 du code des douanes font l'objet d'un affichage simultané du prix hors taxes et du prix toutes taxes comprises au premier jour de chaque mois.
« Les conditions d'application du présent article, fixées par décret, entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la loi n° du relative aux nouvelles régulations économiques. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission continue de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement reste défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 368 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 27.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 411 est présenté par M. Pépin.
L'amendement n° 423 est présenté par MM. Joly, Mouly et Soucaret.
Tous deux tendent à insérer, avant l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 410-2 du code du commerce, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... Dans le secteur des fruits et légumes, les marges des différents acteurs de la filière sont réglementées afin d'interdire les marges abusives. La différence entre le prix payé par le consommateur et le prix payé au premier emballeur sera plafonnée par un taux de marge fixé par décret. Ce taux de marge sera appliqué au prix emballeur afin de fixer la limite du prix consommateur. Le décret est pris après consultation de la Commission des pratiques commerciales et des relations contractuelles entre fournisseurs et distributeurs. »
L'amendement n° 411 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° 423.
M. Bernard Joly. Cet amendement a pour objet de réglementer les marges abusives dans le secteur des fruits et légumes.
Pour éviter l'emballement des prix au détail, et dans l'intérêt du consommateur, il est proposé que soient encadrées les marges afin de limiter les marges abusives qui nuisent aux producteurs, aux consommateurs et à la qualité des produits.
Pour ce faire, nous proposons que, sur le prix payé au premier emballeur, soit appliqué un taux de marge, afin de définir un prix au-delà duquel le prix payé par le consommateur ne peut pas aller.
Ce taux de marge doit être défini par la Commission des pratiques commerciales et des relations contractuelles entre fournisseurs et distributeurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Ainsi que je l'ai déjà rappelé tout à l'heure, nous sommes, depuis 1986, dans un régime de liberté des prix. Or ce choix, dont notre économie à bénéficié puisqu'il a permis de libérer beaucoup d'énergie, de créer beaucoup d'emplois dans toutes les branches de l'économie, n'est pas compatible avec un système administratif de fixation des marges.
Qui va définir les marges abusives ?
M. Bernard Joly. La Commission des pratiques commerciales !
M. Philippe Marini, rapporteur. Mais celle-ci, selon votre amendement, serait simplement consultée ! La décision, elle, appartiendra au ministre, c'est-à-dire à l'Etat, c'est-à-dire aux services administratifs, c'est-à-dire, en fait, à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes !
J'appelle donc l'attention de nos collègues sur le besoin de cohérence qui est le nôtre. Si nous pouvons comprendre, si nous approuvons les démarches qui sont faites pour conforter les producteurs, notamment les petits producteurs de fruits et légumes, il n'en reste pas moins que revenir à un mécanisme administratif de définition des marges des différents acteurs de la filière, donc à chacun des niveaux successifs de cette filière commerciale, ne correspond pas à l'idée que se fait la commission des finances de la liberté contractuelle et du fonctionnement de l'économie de marché.
Plus loin, nous établirons ensemble des garde-fous, des règles du jeu qui permettront d'éviter que le fort n'écrase le faible et que la dépendance des uns par rapport aux autres ne soit excessive. Nous veillerons, avec un soin tout à fait scrupuleux, à ne pas sortir des limites de l'équité dans les relations commerciales. Mais ne commençons pas la discussion en introduisant un dispositif qui nous ramènerait à un système administré qui, je puis le prédire, mécontenterait tout le monde. Comment imaginer, en effet, que le Gouvernement puisse, même après consultation d'un cénacle où tous seraient représentés, édicter une réglementation des prix, un barème de nature à satisfaire les différents niveaux de la filière ? Tous tireront à hue et à dia, et c'est très humain, pour accroître leur marge ou pour préserver leurs activités.
Sous le bénéfice de ces observations et compte tenu des progrès que nous réaliserons ultérieurement dans l'examen du texte pour tendre à l'équité des relations commerciales, je demande à notre collègue de retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le système proposé part d'une bonne idée mais il est antiéconomique. Le Gouvernement ne souhaite pas qu'il figure dans la présente loi, car il présente plus de dangers que de bénéfices, en particulier pour les producteurs.
On revient au coefficient multiplicateur de marge à tous les niveaux de la filière des fruits et légumes, ce que personne ne souhaite, me semble-t-il. Les difficultés dans les relations commerciales sont traitées dans d'autres dispositions du projet de loi pour ce qui est des fruits et légumes, en particulier les fruits, puisqu'une disposition spécifique a été votée par l'Assemblée nationale : il s'agit de l'article 27 bis, qui permettra de faire face dans les situations de crise aux difficultés rencontrées par les opérateurs. Ce dispositif, qui est d'ailleurs totalement dérogatoire, complète les mesures d'organisation des filières nécessaires pour la prévention et l'anticipation des crises.
L'amendement n° 423 est donc satisfait, en ce qui concerne les crises les plus fortes, par l'article 27 bis . En outre, la renonciation au dispositif qui fait, comme le disait M. le rapporteur, la force du système actuel est trop dangereuse pour que nous puissions l'accepter. Le Gouvernement souhaite donc, lui aussi, le retrait de l'amendement n° 423.
M. le président. Monsieur Joly, l'amendement n° 423 est-il maintenu ?
M. Bernard Joly. Je le retire, monsieur le président.
Je fais cependant respectueusement remarquer à M. le rapporteur que, si cet amendement avait été adopté, il n'aurait pas fait l'objet d'un mécontentement général. Pas plus tard qu'hier, j'ai rencontré les jeunes agriculteurs de mon département et j'espère que l'on tiendra compte de leurs préoccupations malgré le retrait de l'amendement, car il s'agit pour eux d'un vrai problème.
M. le président. L'amendement n° 423 est retiré.

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