SEANCE DU 16 NOVEMBRE 2000


M. le président. Dans la discussion des articles, nous reprenons l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 31.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 23 rectifié, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 31, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (n° 99-1140 du 29 décembre 1999) est abrogé.
« II. - L'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale est rétabli dans la rédaction antérieure à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (n° 99-1140 du 29 décembre 1999). Le I de cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle met en place les instruments de maîtrise médicalisée de nature à favoriser le respect de l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses par l'ensemble des médecins conventionnés. »
« III. - L'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 162-5-3 . - I. - Lorsque, à l'occasion de l'analyse annuelle des résultats de l'exercice, les parties conventionnelles constatent un dépassement de l'objectif prévisionnel, elles recensent les postes de dépenses concernés et arrêtent, dans l'annexe annuelle mentionnée à l'article L. 162-5-2, la liste des contrats régionaux d'objectifs et de moyens applicables à ces postes pour l'année suivante.
« Avant le 1er mars de l'exercice suivant, les contrats régionaux d'objectifs et de moyens, conclus dans chaque région par les représentants des organismes signataires de la convention et les unions régionales de caisses d'assurance maladie, fixent des objectifs pour chacun de ces postes en fonction :
« 1° Du respect des objectifs mentionnés aux troisième (1°) et quatrième (2°) alinéas de l'article L. 162-5-2 ;
« 2° De l'évolution du niveau relatif et des caractéristiques de l'activité des médecins, notamment en ce qui concerne leurs prescriptions ;
« 3° Des évaluations réalisées par l'union des médecins exerçant à titre libéral et mentionnées à l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993, relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie ;
« 4° Des actions de formation médicale continue visées à l'article L. 4133-1 du code de la santé publique ;
« 5° De l'importance des dépassements d'honoraires ;
« 6° Du respect des références médicales opposables.
« Chaque médecin est informé, dans un délai de huit jours, des éléments établis dans le contrat régional d'objectifs et de moyens.
« Un bilan d'application des contrats régionaux est effectué en fin d'exercice. Les partenaires conventionnels en tirent les conséquences dans le contenu de l'annexe annuelle prévue à l'article L. 162-5-2.
« II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles, en l'absence de dispositions conventionnelles prévues par le I ou en cas de carence des parties à la convention, les organismes du régime général de l'assurance maladie mettent en oeuvre les dispositions prévues par le présent article. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 55 est présenté par MM. Murat, Leclerc, Giraud, Gournac, Lepeltier, Martin et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° 69 est déposé par M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 31, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (n° 99-1140 du 29 décembre 1999) est abrogé. »
La parole est M. Descours, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 23 rectifié.
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Cet amendement est évidemment important puisqu'il tend à revenir sur une disposition qui avait été prévue l'année dernière dans la loi de financement de la sécurité sociale : elle concerne les sanctions contre les médecins.
L'article 24 instituait un mécanisme de régulation des dépenses par lettres-clés flottantes, avec des sanctions possibles tous les quatre mois à la suite d'un rapport de la CNAM.
Comme je l'ai dit avant-hier dans mon intervention liminaire, ce mécanisme était pernicieux, car il aboutissait à diviser les médecins qui, n'ayant plus rien à négocier, ne pouvaient plus maîtriser leur base. Il est également absurde parce que les professionnels prennent de l'avance de peur que leur lettre-clé ne soit décotée. Enfin, il est injuste, puisqu'il sanctionne de manière collective, c'est-à-dire y compris les professionnels qui n'ont pas démérité.
L'an dernier, nous avions déjà proposé un système alternatif pour tenter d'éviter ces sanctions collectives qui - je l'ai dit ce matin et je le redis sans aucun esprit de polémique en ce début d'après-midi - rendent aujourd'hui impossible le rétablissement du dialogue avec les médecins et les professionnels de santé en général.
Par ailleurs, avec ces lettres-clés flottantes, on nie, de fait, la politique conventionnelle sur laquelle est fondé notre système de santé depuis de nombreuses années.
L'amendement que je propose - il peut, évidemment, être amélioré - tend à trouver un mécanisme alternatif de maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et contribuant, si possible, à l'amélioration des pratiques médicales, dans l'intérêt des patients.
Il prévoit, d'abord, l'organisation collective des moyens de la régulation médicalisée des dépenses, en inscrivant dans la loi que l'annexe annuelle à la convention met en place les instruments de maîtrise médicalisée de nature à favoriser le respect de l'objectif prévisionnel des dépenses par l'ensemble des médecins conventionnés.
Il fait donc appel, dans un premier temps, à la responsabilité professionnelle collective des médecins libéraux, plus généralement des professionnels de santé, qui est seule de nature à garantir durablement l'exercice d'une médecine de qualité au moindre coût.
Dans un deuxième temps, le dispositif proposé prévoit la procédure applicable en cas de dérapage des dépenses.
L'analyse des raisons de ce dérapage fait nécessairement apparaître les postes de dépenses qui ont dérivé par rapport à l'objectif. On le sait déjà aujourd'hui à l'échelon national. Les partenaires conventionnels - les professionnels de santé et les caisses d'assurance maladie - en dressent la liste, qui correspondra à des contrats régionaux d'objectifs et de moyens, comme cela existe pour les agences régionales d'hospitalisation, qui devront être conclus au niveau de chaque union régionale de caisses d'assurance maladie au début de l'année suivante.
Aux termes de ces contrats, seront fixés des objectifs individualisés d'activité pour les médecins, qui tiennent compte de plusieurs éléments : écart par rapport à l'objectif de dépenses, caractéristiques de l'activité du médecin et de ses prescriptions, résultats des évaluations individuelles réalisées par les unions régionales de médecins, participation aux actions de formation médicale, respect des références médicales opposables.
Les médecins pourront donc, en cas de dépassement de l'objectif, amender leur pratique individuelle au regard d'objectifs individuels d'activité.
En fin d'exercice, un bilan d'application des contrats régionaux est réalisé. Les partenaires conventionnels en tirent les conséquences dans le contenu de l'annexe annuelle à la convention.
Ce dispositif de maîtrise des dépenses - il peut être amélioré, je le répète, mais nous essayons d'aider le Gouvernement actuel à sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons avec les professionnels de santé - présente les caractéristiques suivantes : il assure le maintien de la vie conventionnelle, il est simple, il est médicalisé, il est régionalisé, il est efficace et il permet aux médecins d'amender individuellement leur pratique professionnelle.
Madame la ministre, vous avez reçu un certain nombre de professionnels de la santé, notamment la confédération des syndicats médicaux français, la CSMF, et MG-France, et, selon les propos que l'on vous prête dans un article, vous auriez dit que le dialogue n'aurait peut-être pas été assez soutenu ces derniers temps et que les médecins que vous avez reçus ont été impressionnés par votre qualité d'écoute. Vous auriez dit également que vous n'aviez pas encore trouvé les bonnes solutions pour réguler les dépenses. Vous auriez condamné les sanctions collectives. Enfin, vous auriez plaidé pour une maîtrise non purement comptable.
L'auteur de l'article poursuit : « Elle ne fait pas autre chose qu'un mea culpa assorti d'un relatif aveu d'impuissance ». Je n'irai pas jusque-là, le mea culpa est quelque chose de très personnel.
Je dois souligner aussi que, dans le même article, sont citées un certain nombre de positions de l'ensemble des forces politiques, notamment de M. Alfred Recours, mon homologue à l'Assemblée nationale, et de M. Claude Pigement, délégué national au parti socialiste : « Il faut approfondir la concertation et mieux dialoguer ».
Bref, aujourd'hui, je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que le dialogue avec les professionnels de la santé a atteint un niveau au-dessous de zéro. Nous devons sortir de cette situation, car il faut, d'une part, pouvoir médicaliser l'attribution de l'ONDAM et, d'autre part, trouver le moyen de sanctionner ceux qui dérapent de façon non pas collective, mais individuelle.
Très sincèrement, madame la ministre, envisagez-vous de sortir des lettres-clés flottantes et des conférences de la CNAM tous les quatre mois, qui sont ridicules ? D'ailleurs, celle qui va se tenir aujourd'hui est sans objet, puisque l'ONDAM ayant déjà été « rebasé » par un amendement de l'Assemblée nationale, la CNAM ne pourra pas prendre de sanctions : l'ONDAM « rebasé » tient compte, en effet, des dérapages.
A l'évidence, c'est un mécanisme ubuesque ! Si j'y insiste, c'est que je crois que le système conventionnel et le dialogue entre les caisses, le ministère et les professionnels de santé en dépendent. Je le dis d'un façon calme, non polémique, et je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez faire une ouverture dans ce sens.
Je ne vous demande pas de donner un avis favorable au présent amendement mais, si vous le faisiez, j'en serais ravi ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Leclerc, pour défendre l'amendement n° 55.
M. Dominique Leclerc. Les propos tenus à l'instant par Charles Descours résument totalement notre état d'esprit.
Nous comprenons, bien évidemment, que les sanctions collectives soient rejetées. Dans la discussion générale, madame la ministre, j'avais dit qu'aujourd'hui aucun corps social - nous les premiers, en politique - n'admettrait de subir une sanction collective en raison de dérapages de quelques-uns. En médecine, c'est la même chose !
Aujourd'hui, l'informatisation des caisses locales permet d'identifier toutes les dérives qui existent - c'est humain mais, heureusement, fort rare - au sein de chacun des corps professionnels de la santé. Aussi, quand j'entends dire que l'on ne peut pas mettre en place des sanctions individuelles, car les sanctions ne peuvent être que collectives, je ne comprends pas : je ne vois pas comment l'ont pourrait imposer à quelques-uns ce que l'on refuserait pour soi-même. C'est le premier point.
Tout à l'heure, l'un de mes collègues a dit, que l'expression « maîtrise médicalisée » ne voulait rien dire. Pour ma part, je constate que les lois de financement de la sécurité sociale ont une histoire de cinq ans et que : beaucoup de chemin a été fait : toutes les personnes concernées, notamment les professionnels, qu'ils soient publics ou privés, ont pris conscience du fait qu'il était impossible de continuer comme auparavant. C'est énorme ! Derrière le mot « maîtrise » , il y a désormais deux volets indissociables : l'un financier, l'autre professionnel, donc médicalisé.
De grâce, n'oubliez pas que la médecine n'est pas une science exacte ! C'est une science, certes, mais, derrière le volet de connaissances scientifiques, il y a, de plus en plus, un volet humain et, depuis ces dernières années, un volet social.
Par ailleurs, on le sait tous pour les cotoyer, les patients, comme la société, ont beaucoup changé. La maîtrise médicalisée des dépenses est donc un exercice variable mais aussi, et surtout, évolutif.
Enfin, comme Charles Descours, j'ai lu, moi aussi, madame le ministre, dans un quotidien spécialisé, l'article auquel il a fait allusion. La maîtrise médicalisée des dépenses permet, aujourd'hui, de s'orienter vers une responsabilisation de plus en plus grande, que les praticiens attendent, et je m'en félicite ! Mais il faut aussi laisser le temps au temps, afin que les uns et les autres prennent conscience de leur propre responsabilité.
Pour autant, il faut procéder à des évaluations. Mais celles-ci ne peuvent être effectuées qu'avec les professionnels, au travers de syndicats représentatifs. Des erreurs ont été commises dans le passé. Un syndicat représentatif, ce n'est pas seulement celui qui s'assied autour de la table, c'est aussi celui qui représente une majorité de professionnels. Or les professionnels déplorent de ne pas avoir été associés aux évaluations.
En matière de maîtrise médicalisée des dépenses en dehors de l'Etat, donc de l'intérêt général, les premiers concernés, en termes de santé, ce sont les praticiens et les patients. On caricature parfois en disant que ce pays n'a pas de politique de santé. C'est aller un peu vite en besogne ! Il est toutefois indispensable, au-delà des dix points forts que peut retenir une conférence nationale de la santé, que les praticiens et les patients puissent identifier un objectif national qui recouvre tous les aspects de la santé : la prévention, l'hygiène, l'impact de l'environnement - on en parle beaucoup ces temps-ci - et les soins publics et privés.
Aujourd'hui, la motivation est absente parce que ces personnes n'identifient pas très bien ni le pourquoi ni le comment des mesures qu'elles subissent ou qu'elles sont chargées de mettre en oeuvre.
Enfin, s'agissant du partenaire qu'est la sécurité sociale, on connaît tous des médecins contrôleurs. Ils ont reçu, à juste titre, une formation administrative et comptable. Or ils disent leurs difficultés à pouvoir évaluer médicalement leur collègues, car ils ne sont pas sur le terrain tous les jours : ils ne connaissent pas le patient, son histoire, sa famille, son environnement.
Voilà un certain nombre de raisons qui expliquent les malentendus qui existent. Mais nous sommes là pour les dissiper. Aujourd'hui, les choses semblent évoluer dans le bon sens.
C'est pourquoi il est important d'identifier une politique de santé. Il faut également que les praticiens se responsabilisent, afin que cette maîtrise à double détente - financière et médicalisée - puisse enfin voir le jour pour la satisfaction des patients, car on les oublie souvent. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lorrain, pour défendre l'amendement n° 69.
M. Jean-Louis Lorrain. Je ne répéterai pas ce qui a été excellemment dit par mes deux prédécesseurs. Simplement, c'est l'occasion pour moi de témoigner du désarroi d'une profession. Je ne parle pas en son nom, loin de là, mais je constate que, lorsque l'on a le dos au mur, comme dans la vie courante, des sentiments, voire des comportements d'autodéfense se développent.
Notre rôle à nous tous, à droite comme à gauche, est donc de rétablir un climat de confiance. On peut le rétablir à l'aide de moyens techniques, et il faut essayer de les trouver là où ils se cachent. Nous avons pu participer, cette année, à la création d'outils statistiques très pointus permettant de mesurer les dépenses d'assurance maladie. Mais, surtout, il faut prendre conscience du fait que la santé n'est plus du tout ce qu'elle était : nous sommes passés de l'époque du soin « pur » à celle de la prise en charge du malade dans sa dimension psychosociale et environnementale. De ce fait, il nous est de plus en plus difficile de cerner les besoins.
Nous souhaitons tous, les uns et les autres, garantir et stimuler la prévention, développer la technicité comme la sécurité. Mais cela entraîne des coûts qu'il est impossible de répercuter directement et brutalement à l'occasion de sanctions collectives, qui sont considérées souvent comme des stigmatisations.
Cependant, l'arrivée d'un nouveau ministre devrait permettre de reprendre le dialogue d'une façon plus sincère et plus forte. La situation ne semble pas désespérée, mais il est urgent d'agir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 55 et 69 ?
M. Charles Descours, rapporteur. L'avis de la commission est simple : si le Sénat veut bien voter l'amendement que je lui présente, au nom de la commission, les amendements n°s 55 et 69 seront satisfaits. Ils pourraient donc être utilement retirés, ou deviendront sans objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 23 rectifié ainsi que sur les amendements identiques n°s 55 et 69 ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai, comme toujours, mais cette fois encore plus particulièrement, écouté très attentivement vos propositions tant il est vrai que notre système demande à être amélioré en raison des inconvénients qu'il présente aujourd'hui, à l'évidence.
En même temps, nous avons la responsabilité collective de maîtriser les dépenses de santé. D'ailleurs, vous-même plaidez, dans ce débat, pour le respect strict de l'ONDAM voté par le Parlement.
Nous avons donc la responsabilité de maîtriser les dépenses de santé, car nous savons que les besoins seront toujours, par définition, extensibles à l'infini. Cette maîtrise doit être conduite de manière intelligente avec les professions concernées.
Le projet de loi prévoit une méthode, vous en proposez une autre. J'ai bien noté, monsieur le sénateur, que vous n'attendiez pas que je prenne position sur les modalités que vous proposez. D'ailleurs, à mon avis, ce ne serait pas raisonnable. Nous devons réfléchir posément à ces questions, dans un dialogue politique, bien sûr, mais aussi en concertation avec les professionnels. Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur ces trois amendements qui, d'ailleurs, ont le même objet.
Je précise qu'il s'agit ici de supprimer une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'article 24, sans véritablement que le système de remplacement proposé soit convaincant.
J'ai bien entendu vos arguments généraux. Le problème n'est pas neuf, et nous le connaissons depuis des années. Mais passer de prises de position générales, comme celle, d'ailleurs, que je viens de défendre, à un système qui marche, c'est beaucoup plus difficile !
J'ai commencé les consultations avec les professionnels de santé. Je les poursuivrai, bien entendu, pour modifier, améliorer, parfaire le système. Mais comprenez que je refuse toute précipitation.
Je suppose que vous ne voterez pas l'ONDAM, mais le Parlement, en définitive, l'adoptera. Alors, il faut être cohérent : respecter ce que vote le Parlement, c'est, en l'occurrence, accepter une maîtrise des dépenses de santé. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Toutefois, je le répète, s'agissant des modalités, je suis ouverte à la discussion.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. L'intervention de Mme le ministre a mieux débuté qu'elle ne s'est terminée, mais enfin ! (Sourires.)
S'agissant de l'ONDAM, les informations publiées par la CNAM ce matin nous montrent au moins que les sanctions actuelles restent sans effet.
L'enjeu est très grave. Je le dis à titre personnel, mais nous sommes sans doute tous disposés à rechercher avec les professionnels, et avec le Gouvernement s'il le souhaite, les moyens de sortir de cette crise.
Si nous sortons du système conventionnel - et c'est ce que nous sommes en train de faire - je ne sais pas, et vous ne savez pas plus, madame le ministre, de quoi la médecine française sera faite demain. Je ne prétends pas que le système que j'ai proposé l'année dernière soit génial. Je souhaite simplement que les services l'étudient.
Il faut des sanctions individuelles. Pour ce qui est des sanctions collectives, nous les avons décidées, et cela nous a coûté assez cher en 1997, madame le ministre ! Donc, nous savons ce qu'il en est.
En outre, le dispositif de sanctions individuelles doit lui-même être plus médicalisé.
Je maintiens donc mon amendement, et je demande à mes collègues et amis de bien vouloir le voter, malgré l'avis défavorable du Gouvernement, qui m'a peiné.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Descours, je ferai étudier vos propositions comme je fais étudier toutes celles qui me sont soumises actuellement. J'estime en effet que nous sommes confrontés à une situation très difficile et que, par conséquent, il ne faut rien exclure a priori.
Mais il arrivera tout de même un moment où il faudra se doter véritablement d'instruments élaborés à la lumière de l'expérience actuelle, qui prouve que ceux qui existent ne sont pas utilisés.
Donc, il faudra bien tirer les conséquences de toutes sortes de dysfonctionnements, et pas simplement de façon unilatérale.
Cela dit, vous avez fait des propositions. Elles sont là. Nous n'avons pas eu le temps de les examiner parce qu'elles ne s'inscrivent pas dans la logique et dans l'esprit de ce débat, mais soyez sûr que je les étudierai avec la plus grande attention, au même titre que les autres propositions.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23 rectifié.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Pour notre part, nous entendons maintenir la position que nous avions adoptée l'année dernière. Nous nous étions alors abstenus sur la question des lettres-clés flottantes.
Nous reconnaissons que les lettres-clés flottantes n'auraient jamais été introduites si n'avaient pas été constatées des dérives importantes. Il s'agissait alors de se doter d'un outil de maîtrise des dépenses. Nous n'avons pas totalement adhéré à cette solution et nous nous sommes abstenus.
Je l'ai dit dans la discussion générale, nous n'entendons pas jeter l'opprobre sur l'ensemble des professions de santé. Nous savons fort bien, compte tenu des nombreux outils dont nous disposons, que Mme la ministre, avec l'aide de ses services, j'en suis persuadé, a les moyens de localiser, d'identifier, de rapporter à des personnes les dysfonctionnements.
Comme la majorité de nos collègues, nous avons reçu, surtout durant les semaines d'action, des représentants de la plupart des professions de santé.
Madame la ministre, ne croyez pas que la position que nous prenons traduit une défiance vis-à-vis du Gouvernement. Nous restons sur la position que nous avions définie, mais nous faisons confiance à votre sens du dialogue, à votre capacité de négociation, et ce que nous attendons, mais vous avez déjà engagé cette action, c'est que vous renouiez le dialogue afin que l'on puisse envisager un déblocage de la situation.
Bien entendu, nous sommes totalement opposés aux points de vue qui ont été développés par la majorité sénatoriale sur ce projet de loi. Mais je crois que, sur ce point, il faut savoir entendre les cris d'alarme, les cris de colère, savoir comprendre les manifestations de mécontentement, savoir discerner ce qui relève du collectif et ce qui vient, finalement, de dépassements très identifiés, bien personnalisés.
Mais renouez le dialogue, madame la ministre !
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Nous ne sommes pas favorables à cet amendement, car sans être particulièrment favorables aux lettres-clés flottantes,...
M. Dominique Leclerc. Ah !
M. Bernard Cazeau. ... je pense que cet amendement met la charrue avant les boeufs !
J'ai moi aussi, monsieur le rapporteur, essayé de suivre dans la presse, notamment médicale, souvent bien informée, les efforts - et je les ai salués - qu'a fait Mme la ministre depuis son arrivée pour avoir un dialogue plus approfondi avec l'ensemble des professions.
On ne peut pas supprimer les lettre-clés flottantes, très pointues, très précises, en les remplaçant par le concept assez vague, pour l'instant du moins, de « maîtrise médicalisée des dépenses ».
Seule une nouvelle convention médicale associant une majorité de professionnels de santé, ce qui n'a pas été le cas ces dernières années, peut nous faire avancer et permettre alors une véritable maîtrise des dépenses, c'est-à-dire une véritable meilleure utilisation des ressources.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 31, et les amendements identiques n°s 55 et 69 n'ont plus d'objet.

Article 31 bis