SEANCE DU 21 DECEMBRE 2000


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Borvo pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. A l'Assemblée nationale, au moment de l'examen du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, vous indiquiez, monsieur le ministre, « inscrire ce projet dans la perspective globale de la politique du Gouvernement en matière d'emplois publics ».
Lors de la discussion de ce texte devant notre Haute Assemblée, un certain nombre des amendements que nous avions présentés étaient rejetés, avant même discussion, au motif de préserver l'équilibre général du texte.
A l'Assemblée nationale, ce même motif frappait d'irrecevabilité, si je puis dire, les amendements déposés par nos amis députés.
Or, dans le même temps, le Gouvernement n'hésitait pas à introduire des modifications substantielles au texte : il en est ainsi, par exemple, de l'article additionnel après l'article 2, ou encore de l'article additionnel après l'article 5 quater.
Pour être tout à fait précise, ce n'est pas le contenu des amendements qui ont été introduits qui justifie mon observation. En effet, la plupart vont dans le sens d'une relative amélioration du texte qui nous était proposé. Il s'agit donc moins du contenu que de la méthode, qui consiste tantôt à refuser des amendements au nom de l'équilibre général du texte, tantôt à en retenir.
Pour notre part, nous ne doutons pas que, pour être tout à fait conforme à l'esprit qui animait la majorité plurielle lors du récent sommet de la gauche, mais plus encore pour inscrire ce texte dans la perspective globale du Gouvernement en matière d'emploi public, bien des aménagements devront être apportés à ce projet de loi.
Je m'étais rangée à l'idée d'un texte succinct concernant un objet précis. Mais force est de constater qu'un certain nombre de choses n'ont pu être discutées, ce qui me pose problème : je note, par exemple, l'absence du secteur postal, que rien ne justifie, dans le dispositif. Cela nous préoccupe d'autant que la presse ne cesse de parler de changement de statut de La Poste. Ces annonces sont inquiétantes s'agissant des emplois précaires actuels à La Poste !
Nous resterons également attentifs aux mesures qui nous seront proposées dans la prochaine période concernant les emplois-jeunes, puisque, là aussi, un amendement présenté dans ce sens n'a pu être discuté.
Enfin, la modernisation du service public rend plus que jamais nécessaire la création de nouveaux cadres d'emplois, comme nous l'avions proposée, dans l'ensemble des fonctions publiques, et en particulier dans la fonction publique territoriale. Les nombreux départs en retraite du fait du vieillissement des agents de la fonction publique permettront, certes, le recrutement et la titularisation de nombreux - trop nombreux ! - agents en situation précaire aujourd'hui. Encore ces renouvellements ne doivent-il pas être un frein au développement de la fonction publique dans son ensemble ! En effet, de nouvelles missions de services publics - nous étions également intervenus sur ce point - sont aujourd'hui nécessaires pour répondre aux besoins divers de nos concitoyens et ces missions ne peuvent être conduites à moyens constants.
Puisque le hasard du calendrier nous amène à légiférer sur l'emploi précaire au moment même où, pour la deuxième fois, se déroulent des négociations salariales dans la fonction publique, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour dire combien les agents de l'Etat attendent de notre majorité, donc du Gouvernement, un signe fort, en matière salariale notamment. A ce titre, nous doutons que l'augmentation proposée au titre du rattrapage du pouvoir d'achat de 0,5 % cette année soit conforme aux attentes des fonctionnaires. Peut-on d'ailleurs réellement parler de négociations salariales dès lors qu'unilatéralement un seuil d'augmentation est ainsi décidé ?
Pour l'ensemble de ces raisons, je m'abstiendrai sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. A ce stade du débat, je ne reviendrai pas sur le détail de ce projet de loi, je rappellerai simplement les objectifs que l'on cherche à atteindre : résorber la précarité dans la fonction publique et en prévenir efficacement la reconstitution ; adapter les procédures de recrutement pour assurer une meilleure gestion de l'emploi public ; appliquer les 35 heures dans la fonction publique territoriale à partir de janvier 2002.
Ce projet de loi, en mettant en place un dispositif exceptionnel de titularisation, témoigne d'une détermination commune du Gouvernement et des organisations syndicales à lutter contre la précarité de l'emploi et à oeuvrer à la nécessaire réforme de modernisation de l'Etat. Ces objectifs ne pouvaient qu'être partagés, ce qui a, sans nul doute, contribué à la sérénité et à la qualité des débats, qui ont d'ailleurs largement concouru à préciser et compléter le dispositif.
Les débats ont également permis d'enrichir ce texte d'un certain nombre de dispositions nouvelles ; elles ont été rappelées, je n'y reviens donc pas.
Dans un domaine différent, nous devons aussi nous féliciter de la disposition, très attendue de tous les élus locaux à nouveau candidats aux prochaines élections municipales, autorisant la publication de leur bilan de mandat, imputée sur leurs comptes de campagne.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est un cavalier !
M. Claude Estier. C'est peut-être un cavalier, mais il met fin à une situation qui était inégale !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est un bon cavalier ! (Sourires.)
M. Claude Estier. Il y a aussi de bons cavaliers, effectivement !
Aussi, après une première lecture dans chaque assemblée, demeuraient essentiellement trois points de divergence qui ont été résolus de manière tout à fait satisfaisante en commission mixte paritaire, comme vient de le souligner M. le rapporteur.
La condition de présence requise au cours de la période de référence pour bénéficier des procédures d'intégration a été maintenue à deux mois, comme le prévoyait le protocole d'accord.
S'agissant de la possibilité d'embaucher des agents contractuels sur des emplois à temps non complet dans les communes de moins de deux mille habittants, que le projet de loi proposait de supprimer, la commission mixte paritaire a trouvé un bon compromis, qui permet à la fois d'éviter la reconstitution de la précarité et de tenir compte de la spécificité des plus petites collectivités territoriales, en limitant cette possibilité aux communes de moins de mille habitants.
Quant à l'application de la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, point très débattu, là encore, nos deux assemblées sont parvenues à une rédaction qui permet à la fois d'affirmer le principe de parité entre la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale et de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales.
Par conséquent, le groupe socialiste votera, bien entendu, ce texte, qui vient à point pour prendre le relais du dispositif précédent arrivé à échéance.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je serai bref. Ce texte, très attendu me semble-t-il, par l'ensemble de la fonction publique, se situe dans la continuité des mesures qui ont déjà été prises. Il s'agit, en effet, d'une construction longue, notamment en ce qui concerne la fonction publique territoriale, et, bien entendu, Daniel Hoeffel n'y est pas étranger, et ce à aucun des stades, c'est le moins que l'on puisse dire.
Il est vrai que la précarité est parfois une nécessité, monsieur le ministre, notamment pour une question de gestion prévisionnelle, nous nous en sommes aperçus tout à l'heure : entre le moment où l'on déclare des postes vacants et celui où l'on peut recruter, on est souvent obligé de faire appel à des vacataires ou à des agents contractuels pour faire face aux besoins. Cela existe au sein de l'Etat, et parfois aussi dans les collectivités territoriales.
C'est pourquoi, au-delà de ce texte, il nous faut réfléchir à une amélioration des formations initiales et à une simplification des procédures pour permettre à l'Etat et aux collectivités de pouvoir recruter plus rapidement des fonctionnaires dans les postes qui sont créés.
Bien entendu, l'un des points essentiels de ce projet de loi concernait l'aménagement et la réduction du temps de travail. Il était important d'affirmer la libre administration des collectivités territoriales et de ne pas leur imposer le même carcan réglementaire que l'Etat, carcan qui est d'ailleurs adaptable en fonction des administrations et des types d'activité.
Tout à l'heure, M. Sapin a bien dit que le texte que nous proposions d'adopter se situait dans les limites de ce qui se pratiquait au sein de l'Etat. Cela me paraît important, notamment eu égard à certaines revendications très démagogiques qui s'expriment dans certaines corporations : je pense notamment aux sapeurs-pompiers, où l'on voudrait appliquer des règles en matière d'astreinte et de mise à disposition du service autres que celles qui sont fixées par le décret concernant l'Etat. Des précisions vous seront sans doute demandées à ce sujet, monsieur le ministre, afin d'éviter toute dérive. Autrement, on aboutirait à des situations complètement absurdes.
Je me réjouis aussi que la commission mixte paritaire ait trouvé une solution pour les petites communes. Il ne s'agit pas de précarité : cette mesure a pour objet de permettre, pour des services très limités, à des personnes qui exercent une autre activité - je pense à des agriculteurs, notamment - de rendre un service à leur petite commune. C'est une bonne chose et cela ne remet en cause ni le statut de la fonction publique ni, bien sûr, les grands équilibres que nous souhaitons voir préserver.
Enfin, tout à l'heure, l'un de nos collègues a dit qu'il fallait absolument éviter les cavaliers. Toutefois, quand il y en a de bons, le Parlement peut se permettre de les voter. C'est pourquoi je voterai, bien entendu, ce projet de loi, qui représente un bon équilibre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

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