SEANCE DU 29 MARS 2001


M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.
Les parlementaires ont souhaité apporter une amélioration aux dispositions régissant la garde à vue, exigeant désormais que l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République « dès le début de la garde à vue ».
Cette disposition a pour objet de permettre au procureur de la République de contrôler la légalité et l'opportunité de la mesure, et ce dès le commencement de celle-ci.
La modification apportée par les parlementaires n'est que la traduction concrète du principe selon lequel toute mesure de contrainte ne peut être prise que sur la décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire.
Or on constate aujourd'hui que, faute de moyens, les pratiques des parquets ne sont pas conformes à la loi. En effet, des mesures de garde à vue interviennent également la nuit. Dans la plupart des parquets, les officiers de police judiciaire informent les substituts du procureur par la voie d'un fax qui, au mieux, arrive au domicile du magistrat, au pire, arrive au siège du tribunal de grande instance. Dans tous les cas, les documents ne sont lus qu'au petit matin.
Quand, par obligation, les substituts de permanence sont appelés à plusieurs reprises durant la nuit, comment espérer un contrôle de qualité alors même que ces magistrats ont souvent travaillé la veille, travailleront le lendemain et, pour certains, continueront leur tâche le week-end, sans jamais qu'un repos compensateur soit prévu par vos services ? Ces conditions de travail équivalent à priver dans les faits les justiciables de la protection qui leur est accordée par la loi. Elles engendrent par ailleurs une grave désaffection des magistrats pour les fonctions du parquet, soulignée dans le rapport d'activité de l'année 1999 du Conseil de la magistrature.
Alertés à plusieurs reprises, vos services ont préféré éluder cette question essentielle. Dans une circulaire aux parquets en date du 4 décembre 2000, ils ont indiqué que « les services ou unités de police judiciaire et les juridictions pourront conserver les pratiques actuelles dès lors que ces dernières respectent la loi et la jurisprudence ».
Ma question est donc très simple : quelles mesures comptez-vous adopter en vue de mettre les magistrats du parquet en capacité de se conformer - c'est le minimum ! - aux dispositions de la loi ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et sur plusieurs travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser Mme Lebranchu, qui est actuellement retenue à l'Assemblée nationale pour la discussion du projet de loi sur la réforme des tribunaux de commerce.
Monsieur About, vous avez reconnu que la loi du 15 juin 2000 représentait une avancée incontestable sur le plan du droit des justiciables et de l'administration de la justice. Evidemment, se pose la question des moyens, notamment en personnel.
Sur ce point, ont été créés, depuis quatre ans, 729 postes de magistrats, dont 307 au titre du budget de 2001, 209 d'entre eux, qui ont été annoncés dès le 8 février 2001, sont mis en place actuellement, sans oublier la future promotion de l'Ecole nationale de la magistrature qui comprend 200 magistrats. Toutefois, pour former des magistrats il faut du temps et c'est heureux, pour qu'ils soient compétents.
Les besoins du parquet ont été le plus possible pris en compte dans cette première affectation et dans l'affectation complémentaire qui interviendra à l'automne. En effet, si les parquets représentent un peu plus de 20 % du corps judiciaire, près de 45 % des postes leur seront affectés au cours de cette année pour prendre en compte ces difficultés. Il y a donc un recrutement de magistrats.
Au-delà de la mise en oeuvre de la loi du 15 juin 2000, il faut un effort complémentaire. Le Premier ministre vient de recevoir les organisations professionnelles de magistrats. Il a annoncé le recrutement de 1 200 magistrats supplémentaires au cours des quatre prochaines années. Ainsi, aux 200 postes prévus à travers la promotion de l'Ecole nationale de la magistrature devraient s'ajouter, pour tenir compte des départs, plus d'une centaine de recrutements exceptionnels. Le Sénat sera d'ailleurs saisi prochainement du projet de loi organique sur le recrutement des magistrats. C'est un effort important qu'il faut accomplir globalement.
Je saisis l'occasion de cette question pour remercier les magistrats de leur dévouement et de leur sens du service public, dont ils font preuve dans l'application des textes, et ce dans les difficultés que nous connaissons. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

ÉPIDÉMIE DE FIÈVRE APHTEUSE