SEANCE DU 28 JUIN 2001


M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Ma question, qui porte sur la démographie médicale, s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle m'est inspirée aussi bien par deux rapports récents que par un certain nombre de constatations que je fais dans mon département et que, j'en suis convaincu, la plupart de mes collègues, notamment ceux qui représentent un département rural, font également.
Ce que nous constatons, c'est que la pénurie de médecins et l'inégale répartition de ceux-ci sur le territoire national sont d'ores et déjà de douloureuses réalités. Or, selon les rapports que j'évoquais, elles vont encore s'aggraver.
Il semble en effet que le nombre des médecins, après une forte hausse ces trente dernières années, soit voué à baisser nettement à partir de 2008. On le sait, des spécialités comme l'anesthésie, la pédiatrie, la gynécologie ou l'ophtalmologie subissent déjà les premiers effets de ce déclin. A l'heure actuelle, comme j'ai pu l'observer dans mon département, certains jours, certains week-ends, trouver un médecin de garde relève de la gageure. Nous sommes nombreux, j'en suis sûr, à avoir vécu des moments difficiles quand, appelés par l'un de nos concitoyens malheureux ou inquiet, nous avons essayé de l'aider à trouver le médecin qui pouvait calmer sa souffrance.
Une diminution de la densité médicale commencera à se faire sentir dès 2005 pour les spécialistes et, selon le rapport de la direction générale de la santé, c'est aussi dès 2005 qu'un solde négatif pourrait occasionner la multiplication des zones en difficulté s'agissant des généralistes.
Si rien n'est fait, si des mesures ne sont pas rapidement prises afin de modifier le nombre des médecins formés et leur répartition, une véritable fracture sanitaire risque de s'instituer dans notre pays.
Certaines régions connaissent une densité médicale de 320 à 350 médecins pour 100 000 habitants, tandis que d'autres se situent largement en dessous de 200. Les déséquilibres régionaux concernent les spécialistes, les déséquilibres départementaux, les généralistes.
Madame la ministre, « gouverner, c'est prévoir ». Vous allez, je l'espère, nous montrer que vous êtes encore capable de gouverner. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Vous nous montrez souvent que votre premier souci est de durer. Là, s'agissant du temps nécessaire pour former des médecins, il faut prévoir et il faut agir ! Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison : gouverner, c'est prévoir !
C'est précisément pourquoi les rapports auxquels vous avez fait allusion ont été demandés par le Gouvernement en octobre dernier. Ces rapports m'ont été remis la semaine dernière par le directeur général de la santé et par le directeur général des hôpitaux, lequel avait confié l'étude souhaitée au professeur Nicolas.
J'ai non seulement demandé la publication de ces rapports, mais encore prié leurs auteurs de les commenter. Ils nous apportent en effet des informations extrêmement intéressantes et proposent des pistes pour l'avenir.
Ils dressent d'abord un état des lieux. En 2000, nous avions 197 224 médecins, se répartisssant à peu près comme suit : 95 000 généralistes et 99 000 spécialistes.
Le taux moyen de 331 médecins pour 100 000 habitants, qui se situe dans la moyenne européenne, est le résultat d'une longue période de forte croissance médicale, allant de 1960 à 2000. Cette période est d'ailleurs à l'origine de l'instauration, en 1971, d'un numerus clausus à la fin de la première année des études médicales. La baisse de la démographie médicale, due précisément à ce numerus clausus instauré voilà trente ans, doit effectivement se faire sentir à partir de 2007, année où les départs en retraite des médecins formés dans les années soixante-dix seront plus nombreux que les arrivées des jeunes médecins.
Pour éviter que la baisse de la démographie médicale globale prévue à compter de 2007 ne produise des effets préjudiciables, le Gouvernement a décidé une augmentation progressive du numerus clausus . Par exemple, cette année, nous avons fixé à 4 100 le nombre d'étudiants admis en deuxième année, ce qui représente 200 étudiants de plus qu'en 2000.
Sont également mises en évidence un certain nombre de disparités géographiques. Le nombre de médecins est bien plus important en Ile-de-France, en Provence - Alpes - Côte d'Azur et en Languedoc-Roussillon que dans d'autres régions : la Picardie, par exemple.
Quant à la répartition entre généralistes et spécialistes, la proportion de ces derniers est passée de 36 % à 51 % au cours de ces dernières années.
M. Philippe Marini. Vous allez créer un observatoire !
M. Alain Vasselle. Une table ronde !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. La pénurie enregistrée dans certaines spécialités, telles que la chirurgie, l'anesthésie-réanimation et la gynécologie médicale, doit nous conduire à nous soucier des recrutements.
M. Dominique Leclerc. Plus personne ne veut y aller !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour remédier à ces insuffisances quantitatives et à ces inégalités de répartition entre territoires et entre spécialités, nous étudions les propositions contenues dans les deux rapports que j'ai évoqués.
Il s'agit de la poursuite de la remontée du numerus clausus , de la mise en place d'un observatoire de la démographie médicale pour nous permettre d'être plus précis dans la durée...
M. Philippe Marini. Et voilà ! On observe !
M. Josselin de Rohan. Nous sommes sauvés !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et de la fixation de postes, spécialité par spécialité.
Monsieur Marini, si vous aviez mis en place cet observatoire lorsque vous étiez aux responsabilités, peut-être n'en serions-nous pas là ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées du RPR.)
Par ailleurs, nous étudions des outils incitatifs pour faire en sorte que des médecins puissent s'installer dans les territoires aujourd'hui délaissés.
J'ajoute que j'ai inscrit ce sujet à l'ordre du jour du « Grenelle de la santé » que j'ai lancé le 25 janvier dernier. Nous étudierons ces propositions le 12 juillet prochain. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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