SEANCE DU 20 DECEMBRE 2001


ACCORD AVEC SINGAPOUR RELATIF
À LA COOPÉRATION DE DÉFENSE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 238, 2000-2001) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour relatif à la coopération de défense et au statut de leurs forces. [Rapport n° 59 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les sujets se suivent et ne se ressemblent pas ! Mais ce sont les contraintes de l'ordre du jour du Sénat...
Nous abordons ici un texte relatif à la coopération en matière de défense avec Singapour.
Encore limitée, voilà quelques années, à des actions de formation et à quelques escales navales, cette coopération a été complétée par une composante opérationnelle interarmées et par des relations soutenues entre les différents états-majors.
La position stratégique de la cité-Etat lui permet de veiller à la liberté de navigation dans le détroit de Malacca et dans la mer de Chine du Sud. A ce titre, afin de ne pas être uniquement dépendantes des puissances de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et des Etats-Unis, les autorités singapouriennes se sont montrées ouvertes au développement d'un partenariat avec la France.
Singapour est le seul pays de la zone qui soit actuellement capable de mettre en oeuvre une force interarmées d'envergure, et les opérations de maintien de la paix à Timor ont montré que nos deux pays pouvaient avoir à opérer en commun en Asie. Le renforcement du partenariat opérationnel entre armées est donc l'une des clés d'un ancrage marqué dans la zone, fondant le maintien de la paix sur une connaissance mutuelle approfondie.
Il était devenu nécessaire de couvrir l'ensemble de ces activités par un texte global assurant une couverture juridique satisfaisante des militaires français en mission pour exercices ainsi que des stagiaires singapouriens présents en France, plutôt que de continuer à recourir à la conclusion d'arrangements au cas par cas.
Telle est la genèse de l'accord relatif à la coopération de défense et au statut des forces, signé à Paris le 21 octobre 1998 : il pose le cadre permanent d'une coopération de défense bilatérale sous ses différents aspects : consultations, échanges, instruction, formation et exercices.
Cet accord représente un engagement stratégique de longue durée pour les deux partenaires, puisqu'il est conclu pour une durée de vingt ans, renouvelable par tacite reconduction.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations que je souhaiterais présenter sur cet accord.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis, en première lecture, d'un accord signé avec Singapour le 21 octobre 1998 relatif à la coopération de défense et au statut des forces singapouriennes.
Cet accord vise à donner un cadre juridique précis et détaillé à notre coopération militaire avec ce pays et, en particulier, à la présence sur la base aérienne de Cazaux, en Gironde, d'un escadron de dix-huit avions de chasse.
Ce dispositif, qui permet à l'armée de l'air de Singapour de disposer d'une zone d'entraînement - qui lui fait défaut dans son pays d'origine, car la cité-Etat, d'une superficie de 618 kilomètres carrés et peuplée par 4 millions d'habitants, est trop exiguë pour ces entraînements - vise à se substituer à une série d'arrangements techniques antérieurement conclus entre les deux ministères de la défense. Ces textes permettaient le déploiement des avions singapouriens en France et régissaient provisoirement le statut des forces armées singapouriennes résidant en France ainsi que celui des personnels civils et des familles. Ce sont, au total, 450 résidents civils et militaires qui sont accueillis depuis 1999 sur la base aérienne de Cazaux.
J'évoquerai tout d'abord le contexte dans lequel s'est conclu cet accord.
Singapour est le seul pays de sa zone géographique actuellement capable de mettre en oeuvre une force interarmées d'envergure. Ainsi, les interventions rendues nécessaires par les troubles sanglants survenus au Timor oriental ont montré que la France et Singapour pouvaient avoir à opérer en commun en Asie. Le renforcement du partenariat opérationnel entre ces deux armées est donc l'une des clés d'un ancrage durable de la France dans cette zone.
Il était donc nécessaire de couvrir l'ensemble des activités bilatérales de coopération militaire et de défense par un texte global assurant une couverture juridique satisfaisante des militaires français et singapouriens en missions pour exercices, plutôt que de continuer à recourir à la conclusion d'arrangements ponctuels.
L'accord permettra de renforcer le dialogue politico-stratégique grâce à des applications militaires concrètes. Cette finalité est conforme au choix fait par Singapour de mener ce dialogue de manière privilégiée avec notre pays, qui attache un prix particulier à l'équilibre géostratégique de la région, auquel contribue Singapour.
Par ailleurs, la France, il faut le rappeler, est le deuxième fournisseur d'équipements de défense de Singapour - loin cependant derrière les Etats-Unis - grâce à la vente de cinquante hélicoptères de transport Puma ainsi qu'à celle de six frégates furtives de type La Fayette.
Des perspectives existent pour notre industrie d'armement dans tous les domaines, car la France, contrairement aux Etats-Unis, propose quasi systématiquement la coproduction des équipements militaires avec Singapour, système auquel ce pays est très attaché.
Ainsi notre pays a-t-il été retenu pour concourir dans l'appel d'offre restreint lancé le 20 novembre dernier pour le renouvellement, d'ici à 2003, de la flotte d'avions de chasse de Singapour, actuellement composée de F 16 américains.
Les exportations potentielles porteraient sur vingt avions Rafale avec leur armement.
L'objet de cet accord est donc de conférer au détachement permanent singapourien stationnant à Cazaux un statut juridique qualifié par le ministère des affaires étrangères de « complet et définitif ».
Cet accord s'inspire de l'accord régissant le statut des forces alliées de la France au sein de l'OTAN.
Il précise ainsi les conditions d'entrée des personnels civils et militaires sur le territoire de chacun des deux Etats, le régime douanier régissant les importations d'équipements, de véhicules et d'approvisionnements militaires, le règlement des dommages, ainsi que les modalités de dénonciation éventuelle de l'accord, qui est conclu pour vingt ans et tacitement renouvelable.
Il convient de préciser que cet accord n'est pas un accord de défense, qui obligerait les parties contractantes à se porter secours en cas d'agression.
Enfin, une mention particulière doit être faite s'agissant de la compétence de l'Etat d'envoi ou s'agissant de fautes commises dans l'exécution du service.
La peine capitale est, en effet, appliquée à Singapour pour quatre qualifications pénales : meurtre, haute trahison, trafic d'armes aggravé et trafic de drogue. Il n'y a guère de probabilités que ces infractions graves soient commises dans l'exécution du service.
Cependant, la France a jugé opportun de préciser, dans l'exposé des motifs de l'accord, que l'article 8 organisant cette priorité de juridiction « ne saurait faire obstacle à l'application du principe d'ordre public, que la France est tenue de respecter en vertu d'autres engagements internationaux auxquels elle est partie, selon lequel les autorités françaises ne remettent pas une personne poursuivie pour une infraction passible de la peine capitale aux autorités d'un Etat étranger, à moins que ces dernières ne donnent l'assurance que cette sanction ne sera pas infligée ou, si elle est prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée. »
Cette interprétation a été admise par les autorités de Singapour, qui ont ratifié ce traité dès 1999.
Sous le bénéfice de ces précisions, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter à notre tour cet accord, qui, outre le cadre juridique complet qu'il propose au stationnement réciproque de forces armées aux fins d'entraînement dans chacun des deux pays, constituera un élément positif pour le partenariat stratégique avec un marché militaire potentiellement très attractif. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour relatif à la coopération de défense et au statut de leurs forces, signé à Paris le 21 octobre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le projet de loi est adopté à l'unanimité.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interromptre nos travaux ; nous les reprndrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)