SEANCE DU 21 FEVRIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Signé.
(Exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Ma question s'adresse à M. Hubert Védrine, ministre des affaires
étrangères.
Lors de la trente-deuxième édition du Forum économique mondial, venus de 106
pays, des centaines de décideurs du monde politique, économique ou financier
ont débattu d'un vaste éventail de sujets, dont la réduction de la pauvreté, la
lutte contre la récession et contre le terrorisme dans le monde après les
attentats du 11 septembre.
Ce forum, porteur à la fois d'avancées et d'incertitudes, a donné lieu à un
certain nombre de propositions.
Bien sûr, on a parlé de « mondialisation », un mot qui suscite invariablement
les mêmes remarques, laissant perpétuellement de côté l'analyse.
La mondialisation n'est pas l'apocalypse planétaire que certains décrivent.
Elle n'est pas non plus la panacée dont d'autres rêvent avec plus ou moins de
naïveté. Elle suscite la réflexion et appelle à une certaine discipline. Loin
de la diaboliser
a priori
, il faut lui donner un sens, c'est-à-dire lui
assigner des finalités et des perspectives. Il faut aussi en maîtriser le cours
en évitant que ceux qui la dénoncent ne glissent vers un nationalisme
frileux.
Bref, il s'agit de bâtir un monde humain et ouvert, et de le bâtir sur des
bases solides de justice et de progrès social, un monde organisé, rassemblé
dans une construction politique devenue nécessité, un monde régulé, fondé sur
des valeurs de coopération, de solidarité, et non sur des rapports de force.
Ce qui est notamment en jeu, c'est la définition des moyens permettant de
mieux maîtriser les capitaux spéculatifs, de renforcer l'aide au développement,
de revoir la dette publique des pays pauvres, d'encadrer une économie de marché
que certains veulent débridée, de mieux redistribuer les richesses.
Une nouvelle culture a émergé. Une pensée et une vision du monde se sont
affirmées. Porto Alegre a démontré que les décideurs multinationaux,
essentiellement mus par la course au profit, devaient composer avec des
aspirations fortes que le capitalisme sauvage ne saurait satisfaire.
Monsieur le ministre, quel sentiment retirez-vous de votre passage au Forum
économique mondial ? Comment, en particulier, articuler questions sociales et
questions géopolitiques ? Pouvez-vous nous faire part de vos impressions sur
les différentes prises de position dans ce débat, sachant que, à nos yeux,
l'unilatéralisme et le simplisme de la politique des Etats-Unis ne laissent
guère présager une évolution positive du mouvement de globalisation.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux.
C'est du gaullisme !
M. le président.
Monsieur Signé, j'espère que vous avez apprécié le grand silence dans lequel
vous avez pu vous exprimer et que vous en tirerez un enseignement !
(Sourires.)
Un sénateur du RPR.
Nous attendons la réciproque !
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'était la première fois qu'il faisait des phrases complètes !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur-maire de
Château-Chinon.
(rires et exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants)
,...
M. Gérard Larcher.
Comme quoi c'est bon de cumuler !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
... depuis 1997, le gouvernement de
Lionel Jospin a agi à tous les niveaux et dans toutes les négociations pour que
nous puissions progresser vers une mondialisation maîtrisée.
En effet, il ne s'agit pas de contester le phénomène en soi, qui comporte
d'ailleurs des potentialités créatrices, libératrices et enrichissantes sur
tous les plans ; il convient simplement d'essayer d'en maîtriser les aspects
destructeurs, néfastes ou déstabilisants. En tout cas, on ne peut pas, sur ce
sujet, se contenter d'incantations, car nous avons à surmonter des obstacles
considérables.
Il existe dans le monde des forces énormes de dérégulation, au sens le plus
brutal du terme, qui sont en même temps des forces de nivellement. C'est cela
que nous voulons maîtriser.
Nous devons, bien sûr, mener notre action propre, en tant que Français, mais
aussi agir à l'échelon européen. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à
plusieurs reprises, il faut compléter la coalition contre le terrorisme qui
s'est imposée à nous tous depuis le 11 septembre par une coalition pour un
monde équitable et pluraliste. C'est ce même message de régulation, de maîtrise
de la mondialisation que nous avons porté à Davos, à New York et à Porto
Alegre. Les différents membres du Gouvernement qui se sont déplacés tant à New
York qu'à Porto Alegre ont tenu le même discours. A New York, il s'agissait
d'écouter, d'interpeller, de contester et de présenter des contre-propositions.
A Porto Alegre, il s'agissait d'écouter et de dialoguer. Dans tous les cas,
l'objectif est de rassembler les forces qui veulent voir s'instaurer un autre
type de mondialisation. C'est dans ce sens que nous agissons.
J'ajoute que tous ces efforts seraient évidemment beaucoup plus efficaces si
nos amis américains se réengageaient, comme le Premier ministre français les y
a appelés voilà quelques jours, dans une approche multilatérale du monde. Tant
que cette évolution reste hypothétique, nous persévérons à défendre nos propres
idées et à agir en conséquence. Mais on voit bien quelles perspectives
ouvrirait une véritable entente entre les Etats-Unis et l'Europe sur ce grand
objectif qu'est la maîtrise de la mondialisation et sur lequel nous
continuerons à travailler.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
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