SEANCE DU 30 OCTOBRE 2002


M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, d'une motion n° 39, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle (n° 24 rectifié, 2002-2003) relatif à l'organisation décentralisée de la République. »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le règlement prévoit que la motion tendant à opposer la question préalable vient en discussion après l'intervention du représentant du Gouvernement. Or je dois dire que votre réponse, monsieur le garde des sceaux, ne m'a pas convaincue.
Nous nous opposons non pas à la décentralisation elle-même, mais au projet de réforme constitutionnelle tel qu'il nous est présenté, et ce pour deux raisons essentielles. C'est l'objet de cette motion que je défends au nom de la quasi-totalité des membres de mon groupe,...
M. Gérard Braun. Ah ?
M. Philippe François. La quasi-totalité seulement ?
Mme Nicole Borvo. ... à l'exception de M. Paul Vergès, ainsi que vous pourrez le constater à la lecture de la liste des cosignataires, mes chers collègues !
Le Premier ministre ne cesse d'affirmer - c'est son leitmotiv - sa volonté de rapprocher les citoyens des décisions. En effet, la crise politique que nous connaissons, dont le 21 avril a révélé l'ampleur, exige - c'est le moins que l'on puisse dire - de repenser en profondeur les rapports des citoyens aux pouvoirs de décision et aux institutions dans tous les domaines.
La décentralisation, dites-vous, monsieur le garde des sceaux, ne doit pas être, pour les citoyens, la seule affaire de la communauté des élus. Mais il faut, alors, engager un large débat public, citoyen, sur une véritable démocratisation de la vie publique et permettre déjà aux citoyens de connaître les tenants et aboutissants de votre décentralisation, pour qu'ils se prononcent en toute connaissance de cause par référendum.
Or ce n'est pas ce que vous proposez, loin s'en faut ! Vous nous demandez de voter, dans une certaine précipitation, une réforme constitutionnelle qui, selon le Gouvernement, constitue le socle d'une organisation future des pouvoirs et de l'Etat, sans que nous connaissions nous-mêmes, parlementaires, l'ensemble des projets. Quid, dans ces conditions, des citoyens ?
Aussi, je crains fort que les concepts de « proximité », de « local », dont vous nous abreuvez, ne tournent le dos aux exigences de démocratisation et que la « gouvernance locale » n'incite les citoyens à traiter des affaires publiques à l'ombre de leur clocher, laissant les choix politiques, les enjeux complexes, en réalité déterminants pour la vie de chacun, à la gouvernance « mondiale » et insaisissable des technocrates, des financiers et de la classe politique.
Votre opposition résolue et constante, celle de vos amis politiques, à tout ce qui pourrait élargir les droits des citoyens et des salariés dans la vie économique et sociale en témoigne.
La seconde raison de notre opposition tient au contenu du projet constitutionnel lui-même. Il est apparu aux yeux de nombre de nos collègues, y compris, d'ailleurs, dans vos rangs, que ses ambiguïtés de rédaction recèlent de graves dangers d'éclatement de l'unité nationale.
Je relèverai trois phrases dans l'exposé des motifs : « Le présent projet vise à modifier profondément le cadre constitutionnel de l'action des collectivités territoriales. » Soit ! « C'est à l'Etat, et d'abord au Parlement, qu'il appartient de définir les grands principes et d'évaluer la façon dont ils sont mis en oeuvre sur tout le territoire. » Soit ! « Une République plus efficace, c'est un Etat qui sait maîtriser ses dépenses et simplifier ses structures. La décentralisation est la première réforme de l'Etat. Elle lui permettra de mieux exercer ses missions régaliennes et de solidarité. »
Il y a de quoi être inquiet, monsieur le garde des sceaux ! La première responsabilité nationale - celle de l'Etat et du Parlement - n'est-elle pas d'assurer l'égalité des citoyens dans tous les domaines, qu'il s'agisse de l'action publique, des grands services publics, de la protection sociale, de l'environnement ?
Hélas ! les signes précurseurs que donne le Gouvernement confirment nos craintes. M. Sarkozy propose à la Corse d'être à la pointe de l'expérimentation, et que promet-il ? La « corsisation » des emplois publics !
De plus, les propositions que font divers ministères - sur votre demande -, en matière de transferts de compétences préfigurent un véritable patchwork des réponses qui seraient données sur le logement, la formation, la justice, selon les territoires.
Enfin, les signes donnés par le projet de budget pour 2003, qui supprime des postes de surveillant dans l'éducation nationale, qui diminue les crédits du logement social, avant même que la question des transferts de compétences et, a fortiori, celle des moyens ne soient évoquées, nous éclairent sur votre conception de la décentralisation.
Alors, non, monsieur le garde des sceaux, nous ne ferons pas un grand bond en avant dans la décentralisation ; nous ferons un grand retour en arrière dans la féodalité ! (Rires et protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Le débat sur la modification de l'article 1er de la Constitution est éclairant à cet égard.
C'est un mouvement de longue portée qui a façonné notre conception de la République : elle s'est nourrie de l'universalité des Lumières, de la Révolution de 1789, qui lui a donné figure populaire, de celle de 1848, de la Commune de Paris, qui a fait émerger la perspective d'un pouvoir direct des citoyens. Après les années terribles de l'Occupation, les constituants de 1946 voulaient consacrer les aspirations à la liberté, à l'égalité, à la fraternité et à la paix.
C'est ce mouvement historique qui a donné ses lettres de noblesse aux idées de citoyenneté et de laïcité, qui a favorisé l'implication du peuple dans la vie politique et donné sa légitimité aux revendications démocratiques et sociales. Le même mouvement a également permis le développement original des services publics et fait de l'égalité des citoyens une question centrale.
La reconnaissance de ces principes dans l'article 1er de la Constitution a forgé l'identité de la République.
Bien évidemment, la République est le lieu de contradictions et d'affrontements ; elle a aussi porté des conceptions fortement étatistes, centralisées, méprisant la diversité et supportant des pratiques sociales autoritaires, dans la vie publique comme dans l'entreprise. Les citoyens ne l'acceptent plus et c'est pour cette raison qu'il est urgent de revisiter nos institutions, toutes nos institutions.
Mais, en modifiant l'article 1er et en ajoutant : « son organisation est décentralisée » - celle de la République -, vous proposez, monsieur le garde des sceaux, de donner à un principe d'organisation administrative - quelle qu'en soit la légitimité - la même valeur, la même force qu'aux principes fondamentaux de la République qui établissent le contrat politique et social entre les citoyens, le projet commun.
Il y a là une confusion extrêmement grave. Les tentatives de réécriture, de changement d'article faites par la commission des lois sont symptomatiques du problème soulevé. Mais cette confusion révèle, au fond, vos objectifs : ce projet de loi remet gravement en cause l'égalité, il fragmente et divise ; il marque l'abandon de la solidarité et de la souveraineté nationale.
En gravant dans le préambule de la Constitution que « la nation assure à l'individu et à la famille des conditions nécessaires à leur développement », les constituants de 1946, alors que la situation économique et sociale était pourtant extrêmement difficile, reconnaissaient que l'essor de la citoyenneté, condition de la démocratie, exigeait d'assurer à tous la satisfaction d'un certain nombre de besoins fondamentaux.
Ces principes, pourtant repris dans le texte constitutionnel de 1958, ne se sont, hélas ! pas encore concrétisés et sont bien loin de l'être. C'est dans le sens de leur concrétisation que la réforme constitutionnelle doit aller. Sinon, la défiance à l'égard des institutions, à l'égard de la représentation politique et de la politique elle-même augmenterait encore dangereusement.
Dans ce contexte, la décentralisation peut être une des réponses. Encore faut-il qu'elle soit synonyme de déconcentration et de démocratisation, de réponse aux besoins d'égalité entre les citoyens et entre les territoires et qu'elle se traduise par de véritables droits dans la cité et dans l'entreprise. Or, dans sa face publique comme dans sa face cachée, tel n'est pas l'objet du présent projet de loi.
Alors que, d'ores et déjà, la dérégulation, les privatisations, la mise en cause des services publics et de la capacité d'intervention de la puissance publique sapent les fondements de la République, alors que l'exclusion d'une part croissante de la population met en question l'égalité des citoyens devant la loi, ce projet va encore plus loin.
M. Fillon l'a fort justement dit : ce texte est un projet de société, le projet d'une société ultralibérale (Exclamations sur les travées du RPR), destiné à répondre aux exigences de l'Europe, au regard de laquelle, même amputé d'une partie de ses missions, l'Etat - avec notamment ses grands services publics, ses entreprises publiques - reste un obstacle à la libre circulation des capitaux.
L'expérimentation proposée est une porte ouverte à la mise en cause du principe d'égalité et à l'affaiblissement des missions de l'Etat. Le Conseil d'Etat ne s'y est pas trompé, puisqu'il proposait d'inscrire clairement dans le texte : « Le droit à l'expérimentation pourra déroger au principe d'égalité. »
M. Roger Karoutchi. Et la péréquation !
Mme Nicole Borvo. Quant à l'égalité devant l'impôt, déjà bien mal en point, elle sera encore plus compromise si ce sont les collectivités territoriales qui fixent l'assiette des contributions fiscales.
Nous sommes, pour notre part, opposés à toute idée d'autonomie fiscale parce qu'elle est un leurre et qu'elle est porteuse d'une conception inégalitaire du développement de l'accès aux services.
M. Gérard Cornu. C'est la meilleure !
Mme Nicole Borvo. C'est ce que vous dites !
Nous redoutons de voir les collectivités poursuivre la privatisation de leurs services, faire appel aux groupes privés, qui n'attendent qu'une chose : voir s'ouvrir un immense marché des services en matière d'éducation, de santé et de culture.
Alors que le projet de loi fait craindre de graves remises en cause, il renvoie, pour sa mise en oeuvre, à des lois ultérieures dont la teneur ne nous est pas présentée. Les débats en commission des lois ont mis en évidence de nombreuses ambiguïtés. La commission s'est sentie obligée de proposer des limites à l'expérimentation, de tenter d'exclure les risques de tutelle. Ce risque existe parce que le couplage Etat-régions permettra aux régions d'exercer une autorité sur les départements, devenus simples exécutants de décisions prises en dehors d'eux.
Nous avons aussi de fortes inquiétudes quant à la création de collectivités à statut particulier : je pense aux fusions, qui feront disparaître les départements, à la mise en place de grandes régions à l'échelle européenne. Quel avenir pour les communes ?
Les ressources dont bénéficieront les collectivités pour faire face à leurs nouvelles responsabilités sont d'ores et déjà prévues à un niveau totalement insuffisant, et sans garantie de pérennité. La péréquation, expression de la solidarité nationale, n'est ni obligatoire ni définie. Toutes les craintes sont permises au vu des dispositions du projet de budget pour 2003, qui réduit encore les moyens des collectivités locales.
Y compris au sein de votre formation politique, monsieur le garde des sceaux, beaucoup de nos collègues élus locaux font part de leurs inquiétudes devant la responsabilité politique qui sera la leur quand l'Etat se sera défaussé de ses missions et qu'ils devront expliquer aux habitants qu'ils doivent augmenter les impôts ou le coût des services. Adopter ce projet de loi en l'état, sans que soit précisé le contenu d'une réforme fiscale, c'est prendre de lourdes hypothèques sur l'avenir.
Quelles seront les conséquences pour les personnels de la fonction publique, quand, pour l'heure, la réforme annoncée de l'Etat trouve sa seule expression dans la diminution des emplois publics ?
J'ajoute que, lors des travaux du groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, mon groupe a exprimé son opposition à la primauté donnée au Sénat pour les projets de loi concernant les collectivités territoriales, notre assemblée n'étant pas issue du suffrage direct. Par ailleurs, il est quand même curieux de réformer la Constitution pour donner plus de pouvoirs au Sénat et d'ignorer la réduction de la durée du mandat sénatorial ou la démocratisation de l'élection sénatoriale !
Le projet de loi dont nous débattons organise une France où la particularité devient la norme. Il introduit dans la Constitution une conception de la République non unitaire, qui n'est plus un projet commun reconnaissant les diversités mais un rassemblement de statuts particuliers, de normes particulières.
Il ouvre la voie aux conceptions lobbyiste ou communautariste de la vie publique.
Si ce texte est adopté, des décisions d'une extrême importance pour l'avenir de nos concitoyens et de notre territoire seront prises sans que les citoyens ni les assemblées territoriales concernées aient été consultés et entendus.
Les assises régionales ne répondent pas à cette exigence démocratique : entamées voilà seulement quelques jours, elles prendront fin après les débats parlementaires sur la réforme constitutionnelle. Les premières expériences desdites assises montrent qu'il s'agit d'une consultation très limitée.
Nous proposons que les assemblées élues des collectivités locales puissent se prononcer. Ce serait déjà la reconnaissance du droit des élus des collectivités territoriales à donner leur avis.
Je l'ai déjà indiqué : si l'on veut rapprocher les citoyens des décisions, il faut sans délai engager un grand débat national sur les finalités, le contenu, les moyens de la décentralisation, c'est-à-dire sur l'ensemble des éléments constitutifs de la décentralisation que vous souhaitez mettre en oeuvre, débat qui doit déboucher sur le référendum promis par le Président de la République pendant la campagne électorale. Ce serait manifester la volonté que les citoyens sont partie prenante d'une démocratisation et d'une décentralisation de la vie publique.
En tout cas, les élus de mon groupe n'acceptent pas que les citoyens, les élus locaux ne puissent se prononcer en toute connaissance de cause. C'est pour cette raison, entre autres, qu'ils estiment que le projet de loi, en l'état, doit être rejeté. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, contre la motion.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant Mme Borvo, je me demandais si j'étais devenu le défenseur de la féodalité. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Guy Fischer. Une certaine féodalité !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je me suis demandé si, dans la discussion que nous avons engagée et au cours de laquelle M. le garde des sceaux a apporté d'excellentes réponses à diverses questions, nous étions en train de consolider un certain nombre de privilèges, de droits acquis, sans nous préoccuper de l'avenir.
L'objet d'une question préalable est non pas de rejeter un texte mais de décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Il faut bien saisir la nuance entre le rejet d'un texte, toujours possible une fois qu'il aura été examiné, et le fait de l'écarter d'un trait de plume avant toute discussion des articles ! Or je pense que les articles qui constituent ce projet de réforme constitutionnelle, sur lequel nombre de nos collègues se sont exprimés depuis hier, méritent d'être examinés parce que ce texte est à la fois nécessaire et opportun.
Il est nécessaire, car, après cinq années d'une recentralisation des recettes fiscales des collectivités territoriales que nous avons tous subie et que, ma chère collègue, vous avez appuyée de vos votes année après année, il convient de mettre un terme à cette politique de l'Etat central qui substitue aux libres recettes des collectivités locales des dotations budgétaires qui présentent un double inconvénient.
Elles ont un inconvénient interne, celui de ne plus donner aux collectivités et à ceux qui les gèrent les marges de manoeuvre nécessaires pour faire face aux besoins, et un inconvénient externe vis-à-vis de nos partenaires de l'Union européenne. En effet, le gonflement, année après année, de ces concours de l'Etat aux collectivités locales nous amène à un total de 58 milliards d'euros, très largement supérieur au déficit budgétaire de l'Etat, qui est de 46 millards d'euros. Nous sommes sous le regard de la Commission et de l'ensemble de nos partenaires, qui se demandent ce qu'est cet Etat dans lequel, continûment, on augmente, sans qu'ils en perçoivent les raisons, la part des concours de l'Etat aux collectivités locales.
Mes chers collègues, le premier élément de fond du texte qui nous est présenté renvoie à la nécessité de mettre fin à cette dérive qui, en cinq années, a fait basculer des dizaines de milliards d'euros des recettes fiscales vers les dotations budgétaires. C'est un des points fondamentaux qui justifient en partie ce texte.
Un autre point que Mme Borvo s'est efforcée de développer concerne l'expérimentation.
Nous savons tous, quelle que soit la collectivité que nous gérons, qu'il vaut mieux, plutôt que de faire des lois complexes pour couvrir tous les cas particuliers, expérimenter d'abord, dans des territoires de dimensions et de sociologies variables, les meilleures solutions pour répondre aux problèmes qui nous sont posés. Le texte qui nous est présenté autorise et généralise, sous le contrôle du Parlement, cette expérimentation.
Vous avez également, ma chère collègue, indiqué que, dans cette affaire, une féodalisation de notre pays interviendrait. Je crois, au contraire, qu'à partir du moment où l'Etat régalien, M. Perben vient de le rappeler à l'instant même à cette tribune, reprend l'ensemble de ses compétences et tient à les exercer, il est normal que les collectivités territoriales que nous représentons, et dont le Sénat est le représentant naturel, prennent plus de place dans l'organisation de l'ensemble des services.
La discussion de ce projet de loi est opportune. En effet, nous avons bien conscience que les mécanismes des concours de l'Etat aux collectivités et les systèmes de péréquation, qui sont très imbriqués, arrivent à leur terme.
Par conséquent, le fait d'inscrire dans la Constitution l'obligation d'assurer plus de cohérence par la mise en oeuvre de mécanismes de péréquation, afin d'éviter justement l'inégalité des ressources et des charges entre les collectivités territoriales, est un élément essentiel.
De même, il me semble tout à fait important de faire figurer dans la Constitution le fait que la France est désormais non pas un Etat fédéral, non pas un Etat unitaire centralisé tel que l'avait défini Napoléon Ier, mais un Etat dans lequel l'organisation territoriale est décentralisée. Cela est important à souligner au moment où nous avons un certain nombre de défis à relever et de réformes à entreprendre.
Or, contrairement à ce que vous avez déclaré, madame Borvo, on ne peut pas dire qu'il y a contradiction entre les objectifs affichés et le processus mis en oeuvre, ou que la démocratisation est insuffisamment développée. Au contraire, ainsi que certains orateurs, dont M. le garde des sceaux, l'ont précisé lors de la discussion générale, l'un des points qui risque d'irriter le plus certains élus est l'extension de la démocratisation à travers le référendum décisionnel et le droit de pétition.
Toutes ces dispositions figurent dans le texte. Il faut donc poursuivre la délibération de ce projet de loi constitutionnelle, aussi nécessaire qu'opportun.
J'ajoute qu'au moment où l'Europe se constitue et s'élargit - et cela sera fait dans peu de temps -, au moment où la mondialisation se développe, où l'irruption des nouvelles technologies dans la vie collective de l'ensemble de nos pays commence à poser un certain nombre de problèmes, à la fois d'emploi, de communication et de démocratisation, il me paraît important d'adopter le processus que nous propose le Gouvernement. Commençons par réviser la Constitution afin de permettre le recours à l'initiative, l'expérimentation et le développement d'un certain nombre de structures nouvelles. Continuons par l'élaboration de lois organiques qui viseront à bien définir le rôle de l'Etat et celui des collectivités territoriales et, enfin, de lois simples qui détermineront les taux, l'assiette, les mécanismes de péréquation et d'expérimentation.
Au fond, madame Borvo, vous auriez voulu que l'on vous présente tout à la fois la réforme constitutionnelle, les lois organiques, les lois simples, les décrets et les circulaires d'application ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. Oh ! Pas tant que cela !
Mme Nicole Borvo. Cela ne démontre rien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais il aurait fallu alors un certain temps pour s'y retrouver !
Je veux néanmoins vous rassurer sur deux points.
A partir du moment où le texte offrira la garantie constitutionnelle de l'autonomie financière des collectivités territoriales et où la péréquation sera placée au coeur du dispositif financier qui vous est proposé,...
Mme Nicole Borvo. La péréquation est une possibilité offerte par le texte et non pas une obligation !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... il faudra à l'évidence en tirer des conséquences sur les plans tant de la réforme des concours de l'Etat que de la modernisation nécessaire de la fiscalité locale. Il importera de trouver des pistes nouvelles pour donner davantage de cohérence aux nécessaires péréquations de ressources et de charges entre les différentes collectivités.
Ce sont là, me semble-t-il, les conséquences logiques du présent projet de loi constitutionnelle. Aussi, mes chers collègues, plutôt que de céder - permettez-moi ce mot difficile - au conservatisme, qui consiste à ne jamais rien faire (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen)...
M. Guy Fischer. Oh ! Nous traiter de conservateurs !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... il faut s'engager résolument dans la réforme et repousser la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc. Tout ce qui est exagéré est sans effet, monsieur Fourcade !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Je ne voudrais pas abuser de la patience de mes collègues et, après le remarquable exposé qui vient d'être fait, je dirai simplement que la commission des lois est défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. Oh !
Mme Hélène Luc. C'est méprisant !
M. René Garrec, rapporteur. Non, c'est amical !
Mme Hélène Luc. N'avez-vous point d'arguments ?
M. Robert Bret. C'est court !
M. Jean-Claude Carle. C'est court, c'est net et c'est précis !
M. le président. Les discours les plus courts sont toujours les meilleurs !
M. Jean-Claude Carle. Parfaitement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord esquisser rapidement ce qui est à mon sens la signification constitutionnelle de la notion de décentralisation. Je crois qu'après cela bien des polémiques devraient cesser.
Je rappelle que nous agissons ici comme constituants. C'est à nous qu'il revient de dire le droit ! Nous avons à l'interpréter par ailleurs, mais dans les textes que nous établissons, nous disons le droit et ce droit s'impose au Conseil constitutionnel comme au Conseil d'Etat. Il est donc inutile d'invoquer leur accord ou leur désaccord. C'est le peuple souverain qui décide à travers nous ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
En conséquence, je souhaite rappeler, notamment par rapport à certains amendements que j'ai déjà entrevus, qu'il n'y a pas d'articles sacrés - j'ai lu ce terme - auxquels il serait interdit de toucher. Le peuple souverain a d'autant plus le droit, non seulement juridique mais également moral, de toucher à l'article 1er que cela s'est déjà produit, et récemment encore, je le rappelle à ceux qui l'auraient oublié, le 4 août 1995. C'est d'ailleurs faire beaucoup d'honneur à la majorité de l'époque que de considérer que le texte de l'article 1er qu'elle avait voté serait sacré : c'est tout de même quelque peu excessif !
Ainsi, le 4 août 1995, certaines dispositions qui figuraient à l'article 2 ont été réintroduites dans l'article 1er. A cette occasion, le législateur a fait un peu de « ménage » - si j'ose employer ce terme - à l'égard des dispositions concernant la France d'outre-mer. C'est donc un article auquel on a touché. Il est par conséquent permis de continuer.
On aurait également tort de reprocher au Gouvernement de vouloir inscrire, avec la notion de décentralisation, un concept flou au sein de l'article 1er puisque c'est un article affirmant des principes. Or les principes offrent par essence une latitude d'interprétation. Pour reprendre la formule de René Cassin, je dirai que c'est en quelque sorte un « préambule prolongé ».
D'ailleurs, dire que la République est sociale n'est pas beaucoup plus précis que d'affirmer que son organisation est décentralisée. La notion de République sociale donne aussi lieu à de nombreuses interprétations, et Dieu sait s'il y en a eu !
M. Robert Bret. C'est comme l'égalité !
M. Michel Charasse. Mais c'est vieillot !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Bien entendu ! Et ce sont là des concepts sur lesquels le débat politique trouve légitimement et noblement à s'exprimer. Mais il ne faut pas reprocher aux principes d'être flous lorqu'ils peuvent donner lieu à interprétation.
Dans quel contexte constitutionnel s'inscrit le principe de décentralisation ?
J'indique qu'il s'inscrit naturellement dans le contexte constitutionnel de l'article 3, afin d'apaiser les craintes de M. Pierre Mauroy.
L'article 3 dispose que : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. » Fort heureusement, personne ne veut toucher à l'article 3, lequel confirme le caractère indivisible de la République inscrit à l'article 1er et éloigne toute menace de dérive fédéraliste. Il n'y a donc nulle raison de craindre une dérive fédéraliste...
M. Michel Charasse. Cela reste à démontrer !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... parce qu'elle serait précisément contraire à la disposition de l'article 3 qui affirme qu'aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale.
Cette disposition nous garantit contre le fédéralisme, mais aussi contre la crainte sans fondement de voir les collectivités territoriales s'emparer des compétences de l'Etat, qui ne posséderait plus aucune compétence résiduelle, comme le redoutait M. Sueur. Il n'y a pas de risque à cet égard puisque l'Etat central conserve, malgré la réforme de la décentralisation, la compétence des compétences.
Tout transfert, toute décentralisation ne pourront avoir lieu qu'à la suite d'une décision du Parlement. Par conséquent, il n'y a aucune crainte de dépouillement de l'Etat qu'il n'ait consenti lui-même et qu'il ne puisse reprendre...
M. Michel Charasse. On en reparlera pour la Corse !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... puisque ce que le Parlement a fait, le Parlement peut le défaire. Il n'y a pas de décentralisation automatique et obligatoire. Il y aura simplement une décentralisation possible et protégée, là où souvent elle ne l'était pas. Mais il ne s'agit pas simplement d'une décentralisation administrative, comme M. Charasse le suggérait.
M. Michel Charasse. Ah bon !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il est faux de dire que l'objet de la réforme serait une simple décentralisation administrative, car nous souhaitons nous aussi, monsieur Charasse, une administration déconcentrée en même temps. Les préfectures resteront sous la tutelle de l'Etat central, fort heureusement ! Elles seront non pas décentralisées, mais continueront simplement à être déconcentrées.
Mme Hélène Luc. Mais les préfets feront ce que les régions leur diront de faire ! Là est toute la différence !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je veux vous dire, madame, que la décentralisation répond à un projet politique. Elle vise à confier davantage de liberté et de responsabilité à des élus du suffrage universel. Il s'agit, le plus souvent, de transférer les services publics qui se trouvent sous la responsabilité « réelle » - cette notion de « réelle » devrait vous être importante, madame - du fonctionnaire à la responsabilité réelle de l'élu. Les raisons de la décentralisation sont d'ordre non pas administratif, mais constitutionnel, comme l'affirmait le doyen Hauriou.
Les pays modernes ont besoin non seulement d'une bonne administration, mais aussi de liberté politique.
Cette mise au point étant faite sur le contenu juridique de la décentralisation, je répondrai à Mme Borvo qui, de manière quelque peu superficielle, nous déclare que, ne connaissant pas l'ensemble du projet de loi constitutionnelle - et c'est là son argument principal -, le groupe communiste républicain et citoyen ne peut pas statuer aujourd'hui.
Mmes Nicole Borvo et Hélène Luc. C'est vrai !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais, madame, si nous étions arrivés aujourd'hui avec tous les textes sur l'ensemble du projet, vous nous auriez accusés de mépriser le Parlement, de ne lui reconnaître aucun droit d'amendement et d'avoir déjà tout préparé ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Fischer. On n'en demandait pas tant !
Mme Hélène Luc. Il n'y a que quatorze jours que ce projet a été présenté au conseil des ministres !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Et il faut bien dire que le droit d'amendement existe dans cette enceinte, puisque 250 amendements ont déjà été déposés.
M. Michel Charasse. Mais seront-ils adoptés, c'est une autre paire de manches !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Souffrez donc que le Gouvernement, avec beaucoup de respect, attende le résultat du débat parlementaire et connaisse le sort qui sera réservé aux différents amendements qui seront discutés pour ajuster la loi organique et les lois ordinaires de transfert de compétences ou d'expérimentation. Aurions-nous procédé autrement que vous nous auriez déclaré que tout était joué d'avance !
Je souhaiterais ajouter une remarque concernant M. Nicolas Sarkozy que vous avez injustement calomnié, l'accusant de préparer la « corsisation » des emplois. Il n'en est rien !
Mme Hélène Luc. Cela figure dans ses déclarations !
M. Michel Charasse. Et c'est ce que les Corses ont compris !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il a tellement le souci de l'égalité qu'il a envisagé que des concours administratifs à caractère régional pourraient être ouverts en Corse comme ils existent sur l'ensemble du continent.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas cela qu'il a proposé !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il n'a jamais dit que l'accès à ces concours serait réservé à telle ou telle catégorie de citoyens en fonction de leurs origines géographiques ou ethniques.
Mme Hélène Luc. C'est une interprétation !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La « corsisation » des emplois serait la mise en place d'un tel dispositif. Mais ouvrir simplement en Corse, comme dans d'autres régions de France, des concours administratifs ne me semble pas constituer une atteinte à l'égalité républicaine.
Vous avez déclaré également que, la péréquation n'étant qu'une possibilité qu'il n'était pas obligatoire d'utiliser, elle n'était qu'un leurre. En réalité, madame, l'obligation nouvelle pour l'Etat, c'est de corriger les inégalités des territoires. Parmi les moyens de corriger ces inégalités la péréquation est en effet une possibilité. Nous pouvons d'ailleurs les corriger par un autre moyen que la péréquation : lorsque nous observons la carte des autoroutes ou des TGV qui convergent tous vers Paris, nous voyons qu'il est possible de corriger autrement que par la péréquation les inégalités structurelles des territoires. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Domeizel. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Bravo !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Enfin, vous avez qualifié le projet de budget pour 2003 de médiocre, parce qu'il n'est pas en augmentation. Je m'inscris en faux contre cette affirmation puisque la dotation globale de fonctionnement augmente de 2,29 %, tandis que la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale progressent de 2 %.
M. Robert Bret. Cela va-t-il durer ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Par conséquent, votre affirmation n'est pas exacte !
Les assises régionales des libertés locales s'achèveront effectivement après le débat constitutionnel, madame, parce qu'elles sont destinées à nourrir la réflexion, premièrement sur la loi organique, deuxièmement sur les transferts de compétences, et qu'elles permettront de vérifier l'appétit de décentralisation des collectivités territoriales. Je puis vous dire que, d'après ce qui commence à se dégager de ces assises régionales, il semble que les élus, même lorsqu'ils veulent être critiques, sont en réalité tous demandeurs de grands progrès dans la décentralisation.
M. Jean-Claude Carle. C'est tout à fait vrai !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est pourquoi ce projet de loi constitutionnelle est à la fois un projet de liberté et un projet d'égalité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. En application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe politique.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai écouté avec attention les réponses de M. le président de la commission, aujourd'hui également rapporteur, et de M. le ministre sur la motion tendant à opposer la question préalable qu'a déposée mon amie Nicole Borvo.
Je dois vous avouer que vous ne m'avez pas convaincu ; bien au contraire, vous m'avez renforcé dans la conviction qu'il faut rejeter ce projet de loi constitutionnelle qui, sous l'apparence trompeuse d'un élargissement démocratique de la décentralisation que nous appelons de nos voeux, pose les fondations d'un retour sinon aux féodalités, du moins aux baronnies, en institutionnalisant les inégalités.
M. Michel Charasse. Ce sont des Girondins !
M. le président. M. Fischer seul a la parole, monsieur Charasse. Si vous souhaitez intervenir, demandez la parole !
M. Michel Charasse. Je me rattraperai plus tard ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Sur cette dernière question, nous avons bien entendu M. le Premier ministre affirmer que les inégalités existent déjà et que son objectif est précisément de les réduire par le biais de la décentralisation. On ne peut s'empêcher de trouver cette déclaration audacieuse, pour ne pas dire osée, lorsque l'on découvre la teneur du projet de loi de finances pour 2003, qui sape les budgets à connotation sociale tels que ceux de l'éducation nationale, de l'emploi ou d'autres départements ministériels, lorsque l'on constate aussi que le Gouvernement freine des quatre fers pour éviter de s'engager sur la question des transferts de ressources qui devraient accompagner les transferts de compétences ou que la sécurité sociale et les retraites sont menacées.
Non, messieurs les ministres, l'objectif du gouvernement auquel vous appartenez n'est pas de réduire les inégalités. Ce que vous avez déjà décidé et commencé à mettre en oeuvre, c'est l'aggravation des inégalités, parfois masquée.
N'est-il pas honteux, à l'approche de l'hiver - redouté par un nombre croissant de nos concitoyens - que le débat sur l'ISF soit au centre des préoccupations budgétaires des députés et des sénateurs de l'Union pour la majorité présidentielle ? (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Roger Karoutchi. C'est faux !
M. Guy Fischer. Non, messieurs les ministres, on ne nous fera pas croire à la réduction décentralisée de la fracture sociale !
Le projet de loi constitutionnelle dont nous préconisons le rejet par cette motion - sur laquelle je demande d'ailleurs, au nom de mon groupe, un scrutin public (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) - vise à adapter et à soumettre la société française à un libéralisme exacerbé par un moyen nouveau, le fédéralisme.
Ce fédéralisme est non pas celui de Danton et de la Gironde,...
M. Roger Karoutchi. Danton n'était pas un Girondin !
M. Guy Fischer. ... mais celui d'Adam Smith et de Ricardo. (Exclamations amusées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Pour toutes ces raisons, nous appelons le Sénat à voter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je vous rappelle, monsieur Fischer, que le scrutin public est de droit en la circonstance.
M. Michel Charasse. Voilà une satisfaction qui ne coûte pas cher !
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Je voudrais simplement, à ce moment du débat et avant que l'on entame l'examen des articles, vous dire, messieurs les ministres, à quel point vous avez, me semble-t-il, volontairement éludé la question du nécessaire contrepoids à tout élargissement de l'autonomie des collectivités territoriales que représentent toutes les formes de péréquation, notamment les formes de péréquation nationale.
Nous sommes, nous les radicaux de gauche - de même que la gauche en général - favorables à la décentralisation. Ainsi, je me souviens, messieurs les ministres, avoir passé de nombreuses heures, durant l'été de 1982, à débattre du projet de loi relatif à la décentralisation de MM. Defferre et Mauroy, dont la majorité du Sénat voulait empêcher l'adoption. Nous avons ensuite fidèlement soutenu toutes les nouvelles avancées dans ce domaine, et nous ne formulons donc pas, nous les radicaux de gauche, d'objection de principe à une nouvelle étape de la décentralisation.
En revanche, nous tenons à souligner une nouvelle fois qu'il est fondamental à nos yeux que l'Etat soit le garant de la cohésion sociale et territoriale, même si cela peut vous paraître anecdotique, voire superfétatoire.
Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, une formule que vous avez employée tout à l'heure à la tribune m'a choqué et inquiété : en effet, vous avez dit que ce projet de loi constitutionnelle se présente comme une rupture avec les lois de décentralisation de 1982 et de 1983.
Mme Nicole Borvo. Tout un programme !
M. Jean Chérioux. C'est une amélioration !
M. Gérard Delfau. Vous consulterez le Journal officiel, mes chers collègues ! M. le ministre a bien dit qu'il y a rupture avec les lois de décentralisation.
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Jean Chérioux. Et alors ?
M. Gérard Delfau. Et alors ? Eh bien, pour les décentralisateurs, dont je fais partie, ce projet de loi constitutionnelle pose désormais un problème fondamental ! Je vous répète, monsieur le garde des sceaux, ce que je vous ai dit hier lors de la discussion générale : vous aviez les moyens d'obtenir un large consensus sur un sujet qui peut permettre de dépasser les clivages politiques traditionnels. Or, non seulement vous ne recherchez pas ce consensus, mais vous voulez susciter un clivage ! Vous y parviendrez à vos dépens, parce que ce projet de loi constitutionnelle, s'il est adopté, ne correspondra pas aux idées de la grande majorité des Français. Ce sera un texte de circonstance, et un texte dangereux ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 39, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi constitutionnelle.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 13:

Nombre de votants 311
Nombre de suffrages exprimés 224113
Pour l'adoption 22
Contre
202

Demande de renvoi à la commission