SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 92 rectifié, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Au deuxième alinéa du II de l'article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, après les mots : "Les communes de plus de 5 000 habitants", sont insérés les mots : "et au moins dix des vingt arrondissements de Paris". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. L'affaire des gens du voyage est délicate. On vient de le voir avec le temps que nous avons consacré à l'examen de l'article 19 depuis l'ouverture de la séance.
J'ai, sur cette affaire, une réaction de maire d'une commune de province et de président d'une association de maires, qui trouve que, véritablement, quelquefois trop c'est trop. On lit trop souvent dans la presse nationale et parisienne des choses insupportables sur l'attitude des maires de province, et notamment des maires de petites communes, envers les gens du voyage. Or la plupart de ces articles paraissent dans la presse nationale et parisienne, laquelle a plusieurs caractéristiques, mais, cas particulier, en a une très claire : elle ne voit les gens du voyage qu'en photo ! En effet, à ma connaissance, aucun des journalistes écrivant dans la presse parisienne n'a jamais eu à supporter un campement de nomades sous ses fenêtres. Ils ne savent donc pas de quoi ils parlent !
Le plus extraordinaire, monsieur le président, c'est que, bien que, à ma connaissance, la ville de Paris soit une commune de plus de 5 000 habitants, jamais aucun gouvernement, ni de droite ni de gauche, ne lui a imposé de construire sur son territoire les aires de stationnement obligatoires qui étaient imposées dans toutes les autres communes de France comptant plus de 5 000 habitants.
J'ajoute que Paris est aussi un département, que Paris doit, comme tous les départements de France, élaborer son schéma départemental d'accueil des gens du voyage, que Paris a une majorité qui est la même que celle qui a voté la loi Besson et que, à ma connaissance, le schéma départemental des gens du voyage à Paris, qui devrait être arrêté et approuvé depuis le 8 janvier dernier, n'est toujours pas établi ou si peu.
M. Gérard Cornu. Allez voir Bertrand Delanoë !
M. Michel Charasse. Personnellement, je n'accuse personne, mais je sais bien lesquels je vise : tous les donneurs de leçons ! (Sourires.)
En ce qui concerne mon propre département, il y a des communes de 500 ou 1 000 habitants à qui on impose des aires de stationnement représentant une population de 200 à 300 habitants. On me dit que Paris s'orienterait peut-être vers un schéma lui imposant 100 ou 150 personnes, et certainement à un endroit où personne ne les verra !
Moi, je trouve cette situation un peu anormale. Paris a vingt arrondissements qui pratiquement dépassent tous les 200 000 habitants ou presque. Il n'est pas normal que pour une population pareille Paris n'ait pas au moins dix aires de stationnement sur vingt arrondissements. Donc, c'est l'objet de l'amendement n° 92 rectifié, et j'attends avec intérêt ce que M. le ministre va me répondre. (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je sais très bien que le préfet de Paris a toujours, quel que soit le gouvernement, épargné la municipalité parisienne parce que, généralement, les majorités ne coïncidaient pas. Je me souviens très bien d'une époque où l'on m'avait dit : « M. Chirac est maire de Paris, il faut donc être modéré, il faut être souple... » Nous l'avons été, je l'ai été, moi en particulier. Aujourd'hui, c'est sans doute l'inverse. Mais, dans ce cas-là, on n'est pas en plus obligé de faire la morale ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. J'ai particulièrement apprécié les explications de M. Charasse. En tant que maire de commune de Mâcon, 40 000 habitants qui voit, elle aussi, défiler quelques troupes de nomades qui campent sur les terrains de la ville, je suis particulièrement intéressé par le fait que l'on puisse imposer dans au moins la moitié des arrondissements de Paris des aires de stationnement pour les gens du voyage, même si je ne vois pas exactement où. Moi aussi, j'attends avec un grand intérêt l'explication du Gouvernement, qui ne manquera pas de trouver une solution à ce problème. (Sourires sur de nombreuses travées.)
M. le président. Le Gouvernement brûle de seprononcer !
Quel est donc son avis sur cet amendement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. D'abord, il y a beaucoup de vrai dans ce que dit M. Charasse. Nombreux sont les élus, et nos concitoyens qui sont assommés de recevoir des leçons de gens qui ne connaissent pas la vie que vivent ceux de nos concitoyens qui sont particulièrement exposés.
M. Gérard Cornu. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Aussi, ne serait-ce que pour cela, cet amendement méritait d'être déposé, car les donneurs de leçons ne sont pas ceux qui paient ni ceux qui vivent ce genre de situation.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous pourrions, sur bien d'autres articles, faire le même commentaire.
Par ailleurs, à ma connaissance, monsieur Charasse, la commune de Paris, le département de Paris n'est pas hors de l'application de la loi Besson. Il n'y a pas de situation extraterritoriale. Paris est commune et département, et donc, puisque c'est un appel que vous faites au Gouvernement, je le prends comme une marque de confiance, et je vois que vous avez plus confiance dans le Gouvernement que dans les élus locaux parisiens pour mettre en place cette disposition. Monsieur Charasse, venant de vous, sachant d'où vous venez, quelles sont vos idées et vos amitiés, c'est un acte de courage que le Gouvernement retient. En vérité, vous nous demandez de bien veiller à ce que le maire de Paris puisse faire face à ses obligations.
M. Michel Charasse. La Ville de Paris !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement entend cet appel et y veillera. Pour autant, je ne crois pas qu'il soit besoin de stigmatiser la commune de Paris, qui ne peut pas en elle-même être victime du défaut d'action de ses élus du moment.
M. Michel Charasse. Et de ses anciens élus !
M. Robert Bret. Et de leurs prédécesseurs, en effet !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Charasse, je pense qu'ainsi l'esprit de votre amendement sera satisfait par la réponse du Gouvernement. Peut-être pourriez-vous, dans ces conditions, le retirer pour ne pas donner aux Parisiens l'impression qu'ils sont désignés comme des ennemis ! J'ajoute que bien des habitants de l'Ile-de-France, de la petite comme de la moyenne couronne, pourraient s'associer aux remarques justifiées des maires des communes rurales, qui se demandent pour quelle raison eux subissent ce dont parfois la capitale semble s'exonérer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ne nous prenez pas pour des idiots ! M. le président. L'amendement n° 92 rectifié est-il maintenu, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse. J'ai entendu ce qu'a dit M. le ministre et je ne veux pas faire perdre de temps au Sénat. Je prends ces propos comme un engagement de l'Etat de veiller à ce que Paris applique la loi et la respecte, comme les autres. Par conséquent, je retire l'amendement. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sans débat ! C'est scandaleux !
M. le président. L'amendement n° 92 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.