SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2002


M. le président. Nous en revenons à l'amendement n° I-11 rectifié, qui avait été précédemment réservé.
L'amendement n° I-11, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Après l'article 4 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
« A. - Il est inséré un article 208 C ainsi rédigé :
« Art. 208 C. - I. - Les sociétés d'investissements immobiliers cotées s'entendent des sociétés par actions cotées sur un marché réglementé français, dont le capital social n'est pas inférieur à 15 millions d'euros, qui ont pour objet principal l'acquisition ou la construction d'immeubles en vue de la location, ou la détention directe ou indirecte de participations dans des personnes visées à l'article 8 et aux 1, 2 et 3 de l'article 206 dont l'objet social est identique.
« II. - Les sociétés d'investissements immobiliers cotées visées au I et leurs filiales détenues à 95 % au moins, directement ou indirectement, de manière continue au cours de l'exercice, soumises à l'impôt sur les sociétés et ayant un objet identique, peuvent opter pour l'exonération d'impôt sur les sociétés pour la fraction de leur bénéfice provenant de la location des immeubles non liées au sens du 12 de l'article 39 d'immeubles, de participations dans des personnes visées à l'article 8 ou dans des filiales soumises au présent régime.
« Les bénéfices exonérés provenant des opérations de location des immeubles sont obligatoirement distribués à hauteur de 85 % avant la fin de l'exercice qui suit celui de leur réalisation.
« Les bénéfices exonérés provenant de la cession des immeubles, des participations dans des personnes visées à l'article 8 ou dans des filiales soumises au présent régime sont obligatoirement distribués à hauteur de 50 % avant la fin du deuxième exercice qui suit celui de leur réalisation.
« Sont exonérés les produits versés en application des trois alinéas précédents s'ils sont distribués au cours de l'exercice suivant celui de leur perception par une société ayant opté pour le présent régime.
« Pour l'application des présentes dispositions, les opérations visées au premier alinéa et réalisées par des organismes mentionnés à l'article 8 sont réputées être faites par les associés, lorsque ceux-ci sont admis au bénéfice du présent régime, à hauteur de leur participation.
« III. - L'option doit être notifiée au plus tard avant la fin du quatrième mois de l'ouverture de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite être soumise au présent régime, à l'exception de l'exercice clos en 2003 pour lequel l'option doit être notifiée avant le 30 septembre 2003.
« Cette option est irrévocable.
« IV. - En cas de sortie du présent régime de la société d'investissements immobiliers cotée dans les dix années suivant l'option, les plus-values imposées au taux visé au IV de l'article 219 font l'objet d'une imposition au taux prévu au I de l'article 219 au titre de l'exercice de sortie sous déduction de l'impôt payé au titre du IV de l'article 219.
« V. - Un décret fixe les conditions de l'option et les obligations déclaratives des sociétés soumises au présent régime. »
« B. - L'article 219 est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. - Le taux de l'impôt est fixé à 16,5 % en ce qui concerne les plus-values imposables en application du 2 de l'article 221 et du deuxième alinéa de l'article 223 F, relatives aux immeubles et parts des organismes mentionnés au dernier alinéa du II de l'article 208 C inscrits à l'actif des sociétés d'investissements immobiliers cotées et de leurs filiales qui ont opté pour le régime prévu à cet article. »
« C. - A l'article 221 bis , il est inséré un deuxième alinéa ainsi rédigé :
« La première condition n'est pas exigée des entreprises lors de leur option pour le régime prévu à l'article 208 C pour leurs immobilisations autres que celles visées au IV de l'article 219, si elles prennent l'engagement de calculer les plus-values réalisées ultérieurement à l'occasion de leur cession d'après la valeur qu'elles avaient, du point de vue fiscal, à la clôture de l'exercice précédant l'entrée dans le régime. Les entreprises bénéficiant de cette disposition devront joindre à leur déclaration de résultat un état faisant apparaître les renseignements nécessaires au calcul du résultat imposable de la cession ultérieure des immobilisations considérées. Cet état est établi et contrôlé comme celui prévu à l'article 54 septies et sous les mêmes garanties et sanctions. »
« D. - Aux articles 235 ter AZ et 235 ter ZC, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis . - Les sociétés d'investissements immobiliers cotées visées au I de l'article 208 C et leurs filiales détenues à 95 % au moins, directement ou indirectement, de manière continue au cours de l'exercice, ne sont pas assujetties à la présente contribution sur les plus-values imposées en application du IV de l'article 219. »
« E. - Le quatrième alinéa du 2 de l'article 1663 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Par exception, le montant dû par les sociétés d'investissements immobiliers cotées et leurs filiales au titre de l'imposition des plus-values visées au IV de l'article 219 est exigible le 15 décembre de l'année d'option pour le quart de son montant, le solde étant versé par fraction égale au plus tard le 15 décembre des trois années suivant le premier paiement. »
« F. - L'article 111 bis est complété par un troisième alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de cet article ne sont pas applicables aux sociétés admises au bénéfice du régime prévu à l'article 208 C. »
« G. - Le 6 de l'article 145 est complété par un h ainsi rédigé :
« h Aux bénéfices distribués aux actionnairres des sociétés d'investissements immobiliers cotées et de leurs filiales visées à l'article 208 C et prélevés sur les bénéfices exonérés en application du premier alinéa du II de cet article. »
« H. - L'article 158 quater est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Par les sociétés d'investissements immobiliers cotées et leurs filiales visées à l'article 208 C et prélevés sur les bénéfices exonérés en application du premier alinéa du II de cet article. »
« I. - Le 5 de l'article 206 est complété par un e ainsi rédigé :
« e Des dividendes des sociétés d'investissements immobiliers cotées visées à l'article 208 C et prélevés sur les bénéfices exonérés en application du premier alinéa du II de cet article. »
« L. - Le c du I de l'article 219 bis est ainsi rédigé :
« c Les dividendes mentionnés au d et c du 5 de l'article 206. »
« K. - Le 3 de l'article 223 sexies est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Par les sociétés d'investissements immobiliers cotées et leurs filiales visées à l'article 208 C et prélevés sur les bénéfices exonérés en application du premier alinéa du II de cet article. »
« II. - Au 2 du I de l'article 2 de la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992, les mots : "1° ter et 3° septies de l'article 208" sont remplacés par les mots : 1° ter, septies de l'article 208 et au 208 C". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est des amendements par lesquels on préconise des dépenses. Ils sont légion. Il est d'autres amendements qui visent à permettre au budget de l'Etat de disposer de ressources supplémentaires. Ils sont moins fréquents.
Celui que je vais avoir l'honneur de défendre devant vous, mes chers collègues, est un amendement qui, de manière un peu paradoxale, va conduire l'Etat, je l'espère, à disposer d'une ressource supplémentaire tout en apportant une réelle satisfaction à ceux qui la paieront. Vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, qu'une telle conjonction ne se trouve pas souvent !
Vous savez que la commission des finances est animée du souci de dynamiser autant qu'il est possible la vie économique et, en particulier, nos marchés.
Nous considérons que la phase de dépression que connaissent encore actuellement les marchés financiers, particulièrement le marché des actions de Paris, est un handicap important pour l'investissement et pour l'emploi. Nous avons donc recherché au cours des derniers mois, vous le savez, monsieur le ministre, les méthodes, les idées, les modalités, qui nous permettraient d'apporter notre pierre à l'édifice de la nouvelle politique économique, qui tend à plus d'initiative, plus de responsabilité, plus de confiance aussi, de la part des différents acteurs de l'économie.
L'amendement n° I-11 rectifié concerne les sociétés françaises d'investissements immobiliers cotées, ces sociétés que l'on appelait traditionnellement les « foncières ». Les foncières cotées ont pour activité la détention à long terme et la négociation d'actifs immobiliers destinés à la location. Les clients de cette activité sont des entreprises ou des particuliers, et il peut s'agir d'immobilier d'entreprise ou d'immobilier d'habitation. Elles ont toujours existé sur le marché boursier, dont elles représentent l'un des compartiments les plus traditionnels.
L'évolution de ces dernières décennies a conduit ce compartiment à s'atrophier progressivement. Il ne représente plus aujourd'hui que 1 % de la capitalisation boursière de Paris, ce qui représente environ 12,5 milliards d'euros de valeur de capitalisation. Il est d'ores et déjà utile d'indiquer que, comparée à cette valeur de capitalisation, la valeur comptable des actifs gérés est beaucoup plus importante : pour 12,5 milliards d'euros de capitalisation, elle s'établit au moins à 22,5 milliards d'euros.
L'effet de décote est donc particulièrement important et très pénalisant pour le secteur, et il explique dans une large mesure l'atrophie progressive que j'évoquais. En effet, une société cotée en Bourse qui se trouve dans une telle situation est très pénalisée pour recourir au marché, drainer de l'argent supplémentaire, financer des augmentations de capital, concevoir une restructuration par échange ou apport de titres, etc.
Or, simultanément, des fonds d'investissements et immobiliers allemands, néerlandais ou belges sont actifs sur le marché immobilier de Paris, car ils sont protégés par des régimes fiscaux beaucoup plus propices à leurs activités et qui permettent à ces professionnels tout à fait respectables d'occuper des parts de marché croissantes.
Si nous examinons, d'une part, l'intérêt des sociétés foncières cotées traditionnelles de la Bourse de Paris et, d'autre part, l'intérêt du marché boursier lui-même, nous pouvons à bon droit rechercher les conditions nécessaires pour mettre fin à la situation que j'ai décrite, et donc à la distorsion de concurrence dont les acteurs traditionnels de la place de Paris sont victimes du fait de l'inadaptation de leur régime fiscal. Car c'est bien entendu à ce résultat que je souhaite aboutir !
Les sociétés foncières cotées sont assujetties, dans les conditions de droit commun, à l'impôt sur les sociétés. De ce fait, leurs résultats, par nature, ne remontent pas suffisamment entre les mains de leurs actionnaires, alors que les fonds d'investissements étrangers bénéficient, dans leur pays d'origine, d'un régime dit de transparence fiscale, si bien que la fiscalité afférente aux opérations réalisées est assumée par les actionnaires eux-mêmes, et non par la société dans laquelle ils se trouvent.
La réforme qui vous est ici soumise obéit à des conditions très précises : les sociétés doivent être cotées en bourse avec un capital social minimum et avoir pour objet exclusif l'activité immobilière ; ces sociétés peuvent bénéficier de la transparence fiscale à condition de mettre en distribution au minimum 85 % du bénéfice net de chaque exercice.
L'amendement qui vous est soumis définit de façon claire les conditions, à vrai dire nombreuses, de ce nouveau régime fiscal.
Bien entendu, il faut concevoir les modalités de passage du système actuel au nouveau système de transparence fiscale. Il faut traiter la question des valeurs d'actif de ces compagnies, qui disposent d'un patrimoine immobilier d'origine ancienne en général, et le problème de la fiscalité des plus-values latentes afférentes à ces portefeuilles.
C'est là que l'intérêt fiscal de l'Etat intervient, puisque la demande des professionnels de passer à la transparence fiscale avait comme contrepartie l'acceptation par ces mêmes professionnels d'une charge sous forme d'une taxe forfaitaire, d'une taxe de sortie du système antérieur, dite, par conséquent, « exit-tax » permettant à l'état de récupérer les sommes correspondant à la taxation des plus-values latentes.
Cette taxation serait fixée au taux de 16,5 %, payable sur quatre années. Le stock existant des plus-values latentes serait taxé dans les conditions que je viens d'indiquer. Chaque année, pendant quatre ans et à compter de 2003, le gain fiscal pour l'Etat serait proche de 400 millions d'euros. Le rendement total du dispositif serait de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.
Nous sommes en mesure de donner des chiffres précis car les sociétés concernées sont peu nombreuses : elles ne sont qu'une quinzaine. Leurs patrimoines sont bien connus. Les sociétés étant cotées sont auditées. Elles délivrent une information financière transparente. Elles ont des commissaires aux comptes. Les évaluations qui servent de support à notre mesure offrent donc, nous semble-t-il, toutes les garanties nécessaires.
Monsieur le ministre, telle est la contribution de la commission des finances du Sénat au difficile exercice qui est le vôtre pour équilibrer le projet de loi de finances pour 2003 et trouver les moyens d'améliorer le climat qui règne sur les marchés financiers.
Mes chers collègues, nous avons entamé la discussion de la première partie du projet de loi de finances par l'examen d'un certain nombre de mesures relatives à la fiscalité de l'épargne. Nous la terminons sur le même sujet. Il est de l'intérêt de tous que, sur le marché boursier de Paris, le compartiment immobilier puisse à nouveau se développer. En effet, dans certaines conjonctures économiques, comme la nôtre actuellement, il est moins volatile que d'autres. C'est donc un élément de stabilisation du marché que nous pouvons apporter en rendant plus attractif ces véhicules cotés et en leur permettant de développer à nouveau leur rôle.
Au demeurant, du point de vue de l'économie générale, cette réforme n'est pas négligeable car, si ces sociétés se renforcent, elles pourront investir, travailler, vendre des biens immobiliers, en acquérir d'autres, rénover des immeubles, en d'autres termes alimenter des branches d'activités qui sont loin d'être indifférentes en termes d'investissement et d'emploi.
Mes chers collègues, voilà, brièvement résumée la mesure qui vous est proposée, qui, je le rappelle, rapporterait au budget de l'Etat, l'année prochaine, 400 millions d'euros.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement a entendu la proposition de M. le rapporteur général avec grand intérêt. La mesure proposée vise à faire bénéficier des sociétés d'investissement immobilier cotées de la transparence fiscale, à l'instar de ce qui existe dans certains pays voisins comme la Belgique et les Pays-Bas.
Outre le fait qu'elle permettra de rétablir la compétitivité de ces sociétés face à leurs homologues étrangères et, par là même, contribuera à la dynamisation de la place de Paris comme place financière européenne, cette proposition est de nature à relancer l'intérêt des investisseurs, notamment des petits actionnaires désireux de trouver des placements à long terme, sûrs et source de revenus réguliers.
Je note en outre avec satisfaction, et je vous en sais gré, monsieur le rapporteur général, que votre proposition contribue à améliorer le solde budgétaire. Cette mesure aura un impact immédiat en matière de rentrées fiscales, puisqu'elle se traduira, pour les sociétés qui opteront pour ce système, par le paiement sur quatre ans d'un impôt de 16,5 % sur les plus-values fiscales latentes existant sur les immeubles à la date d'option.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme est très intéressante. Elle est justifiée d'un point de vue économique, puisqu'elle permettra à la fois de rendre plus dynamique un secteur et de mobiliser une épargne désireuse d'échapper aux fluctuations boursières récentes.
Toutes ces raisons me conduisent à remercier la commission des finances de cette proposition et à émettre, au nom du Gouvernement, un avis favorable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Je n'interviendrai pas sur le fond : tout a été dit. Mais, me souvenant de certains débats qui ont eu lieu dans cette enceinte, je voudrais souligner, grâce à ce bel exemple de transparence fiscale, ce qu'est la réalité de l'avoir fiscal, qui, pour certains, notamment au sein du groupe communiste, est un « cadeau ».
Voyez-vous, ce n'est justement pas un cadeau, puisque ce n'est pas un moyen suffisant pour assurer la transparence. La commission propose, elle, un système de transparence bien plus intéressant.
Vous avez laissé entendre, monsieur le ministre, que vous aviez l'intention de revoir un jour la question de l'avoir fiscal. Ce qui vient d'être proposé constitue peut-être une piste de réflexion.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Je voudrais remercier M. le ministre pour l'accueil favorable qu'il a réservé à l'amendement que lui propose la commission des finances.
Cet amendement contribue en effet à l'équilibre de la loi de finances pour 2003. A son propos, je réitérerai le souhait que j'ai formulé lors de la discussion générale : j'espère que, compte de la plus-value fiscale qu'il entraîne, l'équilibre budgétaire qui sera voté par le Sénat à la fin de nos travaux dans deux semaines marquera un allégement du déficit prévisionnel. Nous ne voudrions pas que le Sénat ayant apporté cette contribution, l'effort sur la dépense s'en trouve amoindri.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-11 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4 bis .
Mes chers collègues, nous en sommes parvenus à l'article 34, relatif à l'équilibre général des ressources et des charges.
Le Gouvernement vient de déposer un amendement n° I-225, qui vise à tenir compte des votes précédemment émis par le Sénat.
Cet amendement va être mis en distribution et communiqué à la commission des finances, qui pourra ainsi l'examiner.
Monsieur le président de la commission des finances, combien de temps faut-il à la commission pour examiner cet amendement d'équilibre ?
M. Jean Arthuis, président de la commission. La commission a besoin d'une demi-heure environ, monsieur le président.
M. le président. Le Sénat va donc interrompre ses travaux.
La séance est suspendue.