SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2002


FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2003

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 78, 2002-2003) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
Dans la discussion générale, la parole est à M. lerapporteur.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, réunie mardi dernier au Sénat, la commission mixte paritaire sur le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est parvenue à un accord sur les trente-trois articles qui restaient en discussion.
Je vous rappelle que le texte initial comportait quarante-huit articles auxquels sont venus s'ajouter treize articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale en première lecture.
Sur les soixante et un articles qui lui étaient ainsi transmis, notre assemblée en a retenu trente-neuf sans modification, mais elle a également inséré onze articles nouveaux.
Dans ce contexte de dialogue constructif avec l'Assemblée nationale, il n'est guère étonnant que la commission mixte paritaire soit parvenue à un texte commun et que ce dernier comporte vingt-deux articles dans la rédaction issue de nos travaux.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur les apports du Sénat que traduisent ces vingt-deux articles. Je n'en mentionnerai que quelques-uns.
J'évoquerai tout d'abord l'article 4 concernant le relèvement des droits de consommation sur les tabacs. Votre commission des affaires sociales, soucieuse avant tout de santé publique, s'en était prudemment remise à la sagesse du Sénat sur un amendement ramenant à 106 euros le minimum de perception applicable aux cigarettes. Ce minimum avait été porté à 108 euros par l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire a, en définitive, retenu le texte du Sénat, estimant que le niveau de 106 euros paraissait de nature à satisfaire aux exigences de la lutte contre le tabagisme par l'augmentation des prix du tabac qu'il entraîne, sans favoriser, pour autant, le développement de la contrebande ni déséquilibrer le marché.
J'évoquerai également l'article 16. Tel qu'il a été adopté par le Sénat et repris par la commission mixte paritaire, cet article fait obligation au Gouvernement d'informer le Parlement, précisément et en temps réel, des conséquences sur l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, des accords et des conventions qu'il agrée ou qu'il approuve.
La commission mixte paritaire a considéré, en définitive, que c'était bien le Gouvernement qui, en dernière analyse, était responsable devant le Parlement du respect de l'ONDAM figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale. Le conseil de surveillance de la CNAMTS, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, dont la composition fixée par la voie réglementaire est très hétérogène, ne saurait en effet se voir confier la mission d'informer le Gouvernement et le Parlement sur le suivi de cet objectif national.
Je sais, monsieur le ministre, que cette solution vous chagrine quelque peu ; mais le dispositif initial que prévoyait l'article 16, dont l'Assemblée nationale avait poussé la logique jusqu'au bout, ne pouvait être mis en oeuvre.
Il reste qu'aujourd'hui comme hier nous attendons de la CNAMTS qu'elle évalue les conséquences sur l'objectif, voté par le Parlement, des négociations conventionnelles qu'elle conduit. Le respect de cet objectif doit constituer pour elle un élément substantiel de la négociation.
De ce point de vue, il n'y a pas d'ambiguïté de notre part, ni de la part de la commission mixte paritaire qui s'est ralliée au texte du Sénat.
Enfin, à l'article 47 quater , la commission mixte paritaire a confirmé l'introduction, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'un article approuvant les comptes prévisonnels du FOREC, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
Ainsi, la représentation nationale se prononce en toute connaissance de cause sur un ensemble de recettes et de dépenses d'un montant de 16 milliards d'euros qui déterminent, pour partie, l'équilibre financier des régimes de sécurité sociale, mais qui se trouvaient auparavant disséminés de façon particulièrement opaque dans les différents agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale. Cette disposition est un élément des propositions de votre commission pour clarifier la question de la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales.
Trois articles ont été adoptés dans le texte de l'Assemblée nationale.
Il s'agit notamment de la taxe sur les ventes directes de médicaments, que l'Assemblée nationale avait supprimée et que le Sénat, sur la proposition de votre commission, avait rétablie.
C'était une question difficile car, d'une part, ce n'est pas tous le jours, comme le rappelait en commission l'un d'entre nous - n'est-ce-pas M. Paul Blanc ?...
M. Paul Blanc. Mais oui !
M. Nicolas About, rapporteur. ... que l'on peut supprimer une taxe mais, d'autre part, la disponibilité de tous les médicaments, en toute sécurité et en tous lieux du territoire national, n'est pas une question négligeable.
En réalité, le débat ouvert par l'article 6 bis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ne permettra pas de faire l'économie d'une réflexion d'ensemble sur l'économie générale de notre système de distribution du médicament.
En outre, la commission mixte paritaire a supprimé, sur proposition de l'Assemblée nationale, l'article 47 ter qui avait été adopté par le Sénat sur l'initiative de votre commission. Cet article visait à créer, au sein des comptes des branches famille et accidents du travail, un compte de réserve et de régulation conjoncturelle sur le modèle de celui qui existe déjà pour la branche maladie.
Il est apparu à la commission mixte paritaire que la création d'un tel fonds destiné, notamment, à garantir l'autonomie financière de chacune des branches du régime général, et plus particulièrement, de la branche famille, devait plutôt être envisagée dans le cadre de la réflexion qui sera engagée sur la clarification des circuits financiers de la sécurité sociale. Nous y reviendrons donc.
Huit articles, enfin, ont fait l'objet de nouvelles rédactions en commission mixte paritaire, qui ne sont pas nécessairement d'ailleurs des rédactions de compromis, mais souvent des précisions apportées au texte voté par le Sénat.
Deux articles appellent toutefois un commentaire particulier.
Il s'agit, tout d'abord, de l'article 1er bis créant un office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. En première lecture, notre assemblée avait supprimé cet article sur proposition conjointe de ses commissions des affaires sociales et des finances.
Nous avions alors souligné la confusion qui apparaissait dans les missions de cet office entre, d'une part, l'évaluation en quelque sorte prospective des choix dans le domaine de la santé publique et, d'autre part, le suivi ou le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
En outre, nous n'étions pas convaincus que la création d'offices mixtes entre les deux assemblées constituait la bonne réponse au besoin d'expertise des commissions permanentes ; celles-ci, sous l'impulsion du bureau du Sénat et de ses questeurs, disposent en effet des crédits permettant de recourir aux études dont elles constateraient la nécessité.
Le texte retenu par la commission mixte paritaire a été corrigé de ses ambiguïtés initiales. La mission du nouvel office a été clarifiée : en résumé et en simplifiant, l'office est chargé d'informer le Parlement sur les conséquences des choix de santé publique.
Son rattachement aux commissions des affaires sociales des deux assemblées rassurera en outre nos collègues de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, car il garantira que le nouvel office restera fidèle à sa mission initiale ainsi précisément définie.
Le second article qui appelle un commentaire particulier est l'article 4 bis taxant les bières fortes, afin d'en décourager la consommation préjudiciable à la santé publique. Adhérant au principe même de cet article, le Sénat en avait toutefois voté la suppression en première lecture, car sa rédaction initiale n'était pas conforme au droit communautaire.
S'inspirant de la cotisation additionnelle sur les alcools forts, instituée en faveur de l'assurance maladie, la nouvelle rédaction adoptée par la commission mixte paritaire tend à satisfaire cette exigence. Elle crée ainsi une taxe de 200 euros par hectolitre pour toutes les bières titrant plus de 8,5 degrés, quel que soit leur conditionnement.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principales conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
Il reste que le présent projet de loi de financement, dont la navette parlementaire s'achève aujourd'hui au Sénat, ouvre un certain nombre de chantiers sur lesquels la commission des affaires sociales, mais également le Sénat dans son ensemble, devront rester très attentifs.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que la commission avait proposé une vaste opération de clarification des relations financières entre les différentes branches de la sécurité sociale et les différents fonds qui concourent à son financement, ainsi que entre ces branches et fonds, d'une part, et le budget de l'Etat, d'autre part. M. le rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux avait d'ailleurs effectué un très gros travail sur ce sujet.
L'article que nous avons voté sur le fonds de réserve des branches de la sécurité sociale s'inscrivait également dans cette perspective.
Dans ce cadre, la commission avait proposé une simplification des recettes du FOREC, qui aboutissait notamment à rendre au budget général la taxe générale sur les activités polluantes.
Or le projet de loi de finances rectificatives, qui a été adopté en conseil des ministres voilà une semaine, aménage les dispositions relatives à cette taxe et en modifie notamment l'assiette.
D'une certain façon, l'article 20 du collectif budgétaire conforte notre proposition, et nous nous en réjouissons tous.
Mais cette proposition ne figurant pas dans le texte définitif de la loi de financement de la sécurité sociale, je constate à regret que nous sommes en pleine incohérence : une recette affectée exclusivement à la sphère sociale figurait en prévision de recettes dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or son assiette a été modifiée dans le projet de loi de finances sans possibilité de coordination et sans que son effet sur les équilibres financiers de la sécurité sociale soit même évalué.
C'est une nouvelle preuve que l'essentiel de la tâche est encore devant nous en matière de clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
Nous avons retenu, monsieur le ministre, votre proposition d'un groupe de travail rassemblant sur cette question les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat avec, naturellement, les ministres concernés. Nous sommes prêts à y participer sans délai.
Vous avez eu la courtoisie de considérer que nos réflexions pourraient servir de base aux travaux de ce groupe. Nous nous en félicitons.
Cependant, pour aboutir au printemps 2003, date à laquelle commenceront à se construire les grandes lignes des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2004, il faut que ce groupe de travail se mette en place dans les meilleurs délais.
En outre, j'ai fait part à plusieurs reprises de la volonté de notre commission d'avancer dans la voie d'une réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, en vue de donner à cet instrument plus de cohérence, de contenu et de rigueur. Là encore, nous sommes à votre disposition pour une concertation étroite. (Applaudissements sur les travées du RPR.).
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, ce soir a lieu le vote définitif du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il marquera la fin du débat au Parlement sur ce premier projet de loi de financement de notre gouvernement.
Comme je vous l'ai dit lors de mon audition par la commission des affaires sociales et lundi dernier en introduction des débats, la sécurité sociale est au coeur de la vie des Français. Je crois que vous en êtes tous convaincus, comme la majorité de nos citoyens. Or notre système connaît actuellement une crise majeure, financière évidemment, mais en fait bien plus profonde, comme le montre la situation des conseils d'administration des diverses caisses.
De nombreux acteurs sont démotivés et s'interrogent sur leur rôle, et les Français s'inquiètent de l'avenir de leur protection sociale.
Nous souhaitons tous surmonter ces difficultés. Le Gouvernement s'est engagé sur la voie de la réforme. Ce projet de loi en est, en quelque sorte, le point de départ.
Nos débats au Sénat, et ceux auxquels j'ai participé avec les députés, dont j'aimerais également à cette occasion saluer le travail, ont permis d'esquisser les voies de réforme possibles. Cette confrontation de nos idées et de celles des différents partenaires permet de dessiner les pistes d'évolution de notre système de sécurité sociale. De ces débats, je retiens, et je m'en félicite, le ferme soutien de la majorité gouvernementale sur les principes d'action du Gouvernement.
Il faut d'abord clarifier les compétences des uns et des autres. La réforme de la gouvernance que nous mènerons ensemble doit le permettre.
Il faut ensuite apporter plus de transparence aux financements - vous l'avez souligné à juste titre, monsieur le président de la commission. Le Gouvernement s'est engagé, cette année, dans une première étape. Je sais que certains parlementaires auraient souhaité qu'il avance plus vite. Les propositions très constructives de votre rapporteur, M. Vasselle, allaient d'ailleurs dans ce sens. Mais vous avez compris les contraintes du Gouvernement et je vous en remercie.
Je souhaite renouveler mon engagement de travailler le plus rapidement possible sur ce sujet avec le Parlement grâce à un groupe de travail ad hoc qui devra, notamment, se pencher sur le financement de la branche famille et des exonérations de charge.
Il faut responsabiliser tous les acteurs. J'ai noté que c'était un des sujets qui nous séparait de l'opposition. Mais, je le redis, c'est grâce à cette responsabilisation de l'ensemble des acteurs, de l'Etat, des gestionnaires - assurance de base et assurances complémentaires -, des offreurs de soins et aussi des patients que nous réussirons la réforme. Nous nous devons d'adopter une telle politique équilibrée pour ne pas échouer.
Je retiens ensuite avec plaisir l'impression d'un consensus en formation autour des idées que j'ai développées. Vous êtes tous conscients des difficultés de notre système et vous voulez l'améliorer. Vous l'avez remarqué, même si certaines mesures que les différents gouvernements ont adoptées étaient bonnes, ces derniers, depuis vingt ans, n'ont pas réussi à mener cette réforme à son terme.
Vous avez accepté la suppression de mécanismes comptables peu opérants, mis en place par les uns et par les autres. Vous avez aussi reconnu, en particulier, ma volonté de remettre au premier plan la politique de santé publique. Je m'engage à vous présenter dans les prochains mois un projet de loi quinquennale de santé publique.
Enfin, je ne peux que me satisfaire du texte qui a été enrichi par le travail du Sénat et de l'Assemblée nationale, et que vient de présenter M. le président de la commission des affaires sociales. J'aimerais d'ailleurs insister sur quelques amendements du Parlement que je trouve particulièrement dignes d'intérêt.
Ainsi, les amendements qui portaient sur les articles relatifs au médicament vont permettre d'accroître l'efficacité de la politique menée par le Gouvernement et l'ont clarifiée.
L'amendement sur la permanence des soins permettra aux acteurs d'assurer ensemble une véritable continuité des soins. Je peux vous dire que le groupe de travail présidé par le sénateur honoraire M. Charles Descours avance, et que son action est facilitée par les deux amendements qui ont été adoptés.
Enfin, la création de l'office parlementaire montre votre intérêt pour la politique de santé et le rôle que doit y jouer le Parlement.
Pour conclure, j'aimerais revenir sur la qualité des débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle. Ayant moi-même participé comme parlementaire à des débats pendant de nombreuses années, vous connaissez mon attachement à un tel climat.
Cette qualité est à mettre d'abord sur le compte du président et des vice-présidents qui ont conduit les débats avec souplesse et, en tant que de besoin, avec fermeté. Je voudrais les remercier pour cela.
Je voudrais aussi remercier le président de la commission des affaires sociales, M. About, et les rapporteurs, MM. Leclerc, Lorrain et Vasselle, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Gouteyron. Leurs analyses remarquables ont réellement permis d'approfondir notre réflexion.
J'aimerais enfin remercier l'ensemble des sénateurs. Vous avez montré votre attachement pour la sécurité sociale et votre intérêt pour la politique que je mène.
Le Gouvernement se félicite du soutien de sa majorité, soutien qui l'oblige. Soyez assurés, mesdames et messieurs, de notre détermination à réformer la sécurité sociale.
J'aimerais aussi saluer l'opposition. Ses remarques, parfois non dénuées de pertinence, ont permis au Gouvernement de mieux expliquer sa politique. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, les parlementaires communistes ont exprimé un désaccord profond et franc sur des dispositions ce texte.
C'est ainsi que nous avons formulé un certain nombre de critiques sur le remboursement de la moitié de la dette du FOREC par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, sur la modification de l'assiette de la contribution due par les laboratoires pharmaceutiques au titre de leurs dépenses de promotion, sur l'expérimentation d'un mode de tarification à l'activité - tarification unique à l'hôpital et aux cliniques -, sur le financement des programmes immobiliers des hôpitaux par des investisseurs privés, sur la fixation d'un ONDAM insuffisant, sur le forfait de remboursement des médicaments sur la base de leurs génériques, sur la liberté des prix pour les médicaments innovants, sur la nouvelle composition de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, sur la stabilisation du taux de cotisation pour les accidents du travail et maladies professionnelles, les AT-MP, sur l'amplification du transfert sur la branche famille du coût de la majoration de 10 % de la pension vieillesse pour les parents ayant élevé au moins trois enfants ou encore sur la revalorisation a minima des avantages vieillesse.
Nous avons également eu l'occasion de nous inquiéter de l'avenir de notre système de protection sociale, du devenir des principes fondateurs, notamment du principe de solidarité et du principe d'égalité pour l'accès aux soins.
Pour bien marquer notre volonté de rejet d'un texte que nous percevons comme une étape vers une transformation substantielle de notre système de santé ou de notre système de retraites faisant la part belle à l'assurance privée, nous avons défendu une exception d'irrecevabilité. A l'appui de cette dernière, j'ai avancé des arguments politiques, certes, mais également constitutionnels, auxquels, monsieur le ministre, vous n'avez pas daigné répondre.
Vous n'avez pas plus argumenté votre avis défavorable sur les amendements que nous proposions, notamment pour accroître les ressources de la protection sociale, alors que le problème se situe bien, à notre sens, à ce niveau.
Le seul moment où le débat a pu se nouer réellement, c'est à la suite d'un de nos amendements visant la prise en charge par la sécurité sociale du risque dépendance. Les réponses apportées par M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées ne nous ont pas rassurés dans la mesure où le Gouvernement envisage, nous semble-t-il - mais nous aurons l'occasion d'en discuter une nouvelle fois - le démantèlement point par point de cette prestation universelle. Cette discussion a eu au moins le mérite de clarifier le débat !
Faute d'augmenter les dépenses de l'Etat et celles des départements, on s'oriente vers une maîtrise des dépenses, certes, mais l'Etat et les départements ne se mettront-ils pas d'accord, pour la respecter, aux dépens de la sécurité sociale, pis, des familles et des établissements ? Un rapport doit être rendu le 15 décembre. Nous y serons très attentifs, car ce qui est vrai aujourd'hui pour la dépendance le sera également demain pour la santé.
Le texte que nous examinons à la suite de l'accord intervenu en commission mixte paritaire n'a guère évolué. Il ne répond pas davantage aux besoins sanitaires et sociaux de nos concitoyens. Il n'est pas non plus de nature à améliorer le champ des risques couverts. Bien au contraire !
A l'article 6 bis , il nous semble que l'on a cédé au lobby des laboratoires pharmaceutiques en supprimant la taxe sur les ventes directes de médicaments.
A notre sens, ce budget demeure celui de tous les dangers, celui qui porte en germe une sécurité sociale à deux vitesses. Vous êtes resté, monsieur le ministre, dans le clair-obscur de la nouvelle gouvernance.
Vous nous annoncez un projet de loi de programmation quinquennale de santé publique : nous aurons l'occasion d'en débattre et de montrer que nous allons vers une privatisation rampante. Vous l'aurez compris, notre attitude n'a pas changé. Nous serons donc très attentifs et nous y participerons avec l'ouverture d'esprit dont nous avons fait preuve au cours des débats.
En conclusion, nous nous opposerons au texte élaboré par la commission mixte paritaire, comme nous nous étions opposés au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2003. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a, sans surprise, dégagé un accord et abouti à un texte commun à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Un seul point a fait l'objet d'une discussion plus poussée : il s'agit de la demande, par les sénateurs de la majorité, de création d'un fonds de réserve pour les excédents de la branche famille. Le rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, M. Alain Vasselle, a dû, une nouvelle fois, capituler. Les députés ont considéré que cette décision ne paraissait pas opportune. Ils ont tout de même déclaré qu'il était essentiel que le Gouvernement s'engage résolument en faveur d'une politique familiale ambitieuse, ce qui revient à dire que la famille a été oubliée dans le texte de loi qui nous a été présenté !
M. Nicolas About, rapporteur. Non, pendant les cinq dernières années plutôt !
M. Gilbert Chabroux. Et il est vrai qu'il n'y a rien ou presque rien pour la famille. Il n'y a, je le redis, d'une mesure laborieuse pour atténuer la baisse des ressources des familles d'au moins trois enfants, dont l'aîné atteint l'âge de vingt ans. Elle ne s'appliquera qu'au 1er juillet 2003 au lieu du 1er janvier prochain, faute d'argent.
J'exprimerai de nouveau ma profonde compassion à M. Vasselle, qui a dû accepter tout ce qu'il avait refusé l'année dernière, à commencer par le FOREC. L'exercice auquel il s'est livré a dû être particulièrement douloureux. J'éprouve une certaine sympathie pour lui parce qu'il s'est beaucoup investi. Toutefois, comme vous nous l'avez rappelé, monsieur le ministre, nous savons bien qu'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.
M. Jean-François Mattei, ministre. Guillaume d'Orange !
M. Gilbert Chabroux. Revenons au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2003.
Ainsi que le déclarait M. François Fillon, le lundi 18 novembre, à cette même tribune, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est un texte de transition comprenant un nombre très limité de dispositions.
Il est vrai que votre projet est vide d'ambitions et de mesures concrètes. Il n'y a rien ou presque rien pour la famille ; il n'y a rien ou presque rien pour la retraite ; il n'y a rien ou presque rien pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Cependant, vous avez, je le reconnais, un certain talent pour bien présenter ce projet et faire, d'une certaine manière, illusion.
Vous avez ainsi réussi à reléguer au second plan, en arrière-fond même, le problème le plus important, celui du déficit, dont on a, finalement, peu parlé. Ce déficit très lourd, annoncé à 3,9 milliards d'euros, risque de peser fortement sur l'avenir de notre système de protection sociale. Il n'y a rien, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui soit de nature à nous rassurer, que ce soit pour l'évolution des recettes ou pour celle des dépenses.
Je l'ai dit, la sécurité sociale, pour 2003, n'est pas financée ; elle dérive, et le déficit cumulé sera au moins de 10 milliards d'euros. Certains dresseront alors un constat de faillite et la porte sera ouverte à des reculs sociaux.
Ce qui nous inquiète le plus, au-delà du projet de loi lui-même, c'est la politique libérale qui l'inspire et que trahissent certaines déclarations dans les médias.
Je ne peux pas ne pas citer une nouvelle fois Jacques Barrot, qui a distingué les « gros risques » et les « petits risques ». Je ne crois pas que ses propos soient à mettre sur le compte de la maladresse.
M. Nicolas About, rapporteur. Il a été mal compris !
M. Gilbert Chabroux. Le Gouvernement avance ses pions et lance des ballons d'essai.
M. le ministre devait nous expliquer qu'il n'y a pas de différences entre les petits et les gros risques, mais il ne l'a pas fait.
M. Nicolas About, rapporteur. Il l'a dit en commission !
M. Gilbert Chabroux. En commission oui, mais à la tribune, je ne l'ai pas entendu !
M. Nicolas About, rapporteur. Cela revient au même !
M. Jean Chérioux. Ce n'était pas la peine qu'il le dise, vous l'aviez déjà compris !
M. Gilbert Chabroux. Nous aimerions être rassurés, mais vos propres déclarations, monsieur le ministre, confirment qu'une réforme de grande ampleur se prépare pour sortir du « tout gratuit », pour reprendre votre expression.
Vous faites bon compte, monsieur le minitre, des cotisations payées par les salariés, les assurés sociaux et les mutualistes. Vous voulez revoir le « rôle respectif de la sécu et des régimes complémentaires », ajoutant que « les assurances complémentaires pourraient proposer des couvertures variables selon la volonté des gens de s'assurer pour tel ou tel risque ». Vous proposez une assurance à la carte en quelque sorte et donc, quoi que vous vous vous en défendiez, forcément une sécurité sociale à deux vitesses.
Vous voulez « responsabiliser le patient » et, pour cela, l'amener à prendre en charge lui-même une part croissante de ses dépenses de santé. Habilement, vous expliquez qu'il faudrait aider ceux qui n'ont pas de gros moyens à contracter une assurance volontaire complémentaire ; les plus pauvres seraient aidés par l'Etat ; la solidarité ferait place à l'assistance. Or ce n'est pas du tout la même chose.
M. Nicolas About, rapporteur. De votre temps, certains étaient privés de la CMU complémentaire !
M. Gilbert Chabroux. Le principe de solidarité veut que l'on aide chacun face aux risques universels que sont la maladie, la vieillesse, le chômage.
Au nom de quoi pourrait-on exclure quiconque de ce progrès de civilisation ? Au nom du fait « pragmatique » que certains peuvent faire appel aux assurances ? Mais ces dernières ne fonctionnent pas sur une logique de solidarité. Au contraire, la prime réclamée à chaque assuré est fonction du risque. Certaines compagnies envisagent déjà d'utiliser les progrès de la génétique pour évaluer le « risque maladie » de leurs clients.
On pourrait aussi imaginer un système de bonus-malus pour l'assurance santé. Beau modèle de société en perspective !
M. Nicolas About, rapporteur. Qui a exclu les handicapés de la CMU complémentaire ?
M. Gilbert Chabroux. Je vous ai proposé de remonter le plafond et de lisser les seuils, mais vous ne m'avez pas entendu, monsieur le président-rapporteur !
M. Nicolas About, rapporteur. Il fallait le faire à l'époque, quand vous étiez aux affaires !
M. Gilbert Chabroux. Vous avez été muet !
Il faut améliorer la CMU, et chaque année apporter sa contribution pour ce faire. Mais vous vous y refusez !
M. Nicolas About, rapporteur. Vous avez privé de CMU les personnes handicapées !
M. Gilbert Chabroux. En fait, c'est parce qu'elle assure la solidarité entre tous que la sécurité sociale a résisté dans notre pays à tant d'attaques.
M. Jean Chérioux. Elle n'a jamais été attaquée !
M. Gilbert Chabroux. Si elle n'avait été, comme le défendent les libéraux, qu'un filet de protection pour les plus pauvres, elle n'aurait jamais bénéficié d'un soutien aussi large pour sa défense.
Monsieur le ministre, nous dénonçons le choix que porte en germe ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, un choix qui s'amorce en rupture avec les principes fondateurs de la sécurité sociale. Nous restons très attachés à l'esprit des ordonnances de 1945 et à un système fondé avant tout sur la solidarité et l'égal accès pour tous à des soins de qualité. Nous voterons donc contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

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DE LA POLITIQUE DE SANTÉ
ET DE SÉCURITÉ SOCIALE