SEANCE DU 2 DECEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : « IV. - Plan. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits demandés pour le Plan et les organismes qui lui sont associés en 2003 s'élèvent à 24,82 millions d'euros, en diminution de 7 % par rapport à 2002, ce mouvement ne faisant toutefois que refléter les résultats de l'exécution des gestions passées. Sur une année, une telle diminution ne peut avoir de conséquences, mais cela ne doit pas être pérennisé.
Il convient cependant de noter la forte diminution des crédits alloués à l'évaluation, en particulier au Conseil national de l'évaluation, le CNE, et au Fonds national pour le développement de l'évaluation, le FNDE.
Cette évolution ne me paraît pas particulièrement bienvenue, compte tenu de l'importance croissante que va prendre l'évaluation avec la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui fera obligation aux administrations de présenter les résultats de leurs activités sur la base d'indicateurs de résultats et de performances.
En dehors de ce point particulier, je souhaite faire quelques observations générales et soulever quelques interrogations.
L'abandon de la planification « à la française » a conduit à une véritable transformation du Plan, désormais chargé de l'animation de l'analyse prospective et stratégique et de la coordination de l'évaluation des politiques publiques. Le gouvernement précédent avait relancé le Commissariat général du Plan en fixant de nouvelles missions, conformément aux diverses orientations du Premier ministre arrêtées entre 1998 et 2000.
L'évaluation des politiques publiques me paraît revêtir aujourd'hui un grand intérêt. Le décret du 18 novembre 1998 a d'ailleurs renforcé le rôle du Commissariat général du Plan dans le dispositif interministériel d'évaluation des politiques publiques. Le Commissariat assure le secrétariat du Conseil national d'évaluation et, à ce titre, met en place les instances d'évaluation, suit les études lancées par ces instances et gère les crédits du FNDE. Il propose au Premier ministre les suites à donner aux évaluations réalisées.
Le décret de 1998 visait notamment à multiplier le nombre d'évaluations réalisées et à raccourcir leur délai de réalisation. Les objectifs ont été partiellement atteints. Au total, ce sont en effet quinze études d'évaluation qui ont été décidées en trois ans, cinq en 1999, trois en 2000 et sept en 2001, soit plus que les évaluations réalisées en huit ans dans le cadre du dispositif antérieur régi par le décret du 22 janvier 1990.
Les délais de production des études d'évaluation sont malgré tout encore très longs même si des progrès ont été constatés par rapport aux évaluations précédentes. Entre cinq et six mois s'écoulent généralement entre la décision d'entreprendre une évaluation et l'installation de l'instance qui la conduit. Il semble donc que les procédures d'évaluation restent perfectibles. Enfin, il serait nécessaire de mieux communiquer sur le suivi des évaluations et le devenir de leurs recommandation.
Enfin, le Plan conduit lui-même des travaux de recherche, ou y participe. On pourrait même évoquer ceux qui sont réalisés par des organismes associés ou subventionnés. Le service des études et de la recherche du Commissariat général établit un rapport d'activité des études effectuées. J'ai ainsi comptabilisé, entre le 1er janvier 2001 et le 31 mars 2002, 31 études achevées et 16 études en cours. C'est parce que les études du Commissariat général du Plan sont toujours marquées par une grande rigueur intellectuelle et par le souci de l'intérêt général qu'il conviendrait d'accorder encore plus d'attention aux travaux réalisés.
J'en viens maintenant à mes interrogations.
La première concerne l'évaluation.
Comme je l'indiquais, il me paraît important d'évaluer les politiques publiques, mais, bien entendu, cela ne doit pas se traduire par une diminution des crédits prévus à cet effet. Le maintien de crédits adaptés est-il envisagé par le Gouvernement ?
Je m'interroge ensuite sur la possibilité de la saisine du Commissariat général du Plan par le Parlement. Le Sénat, en particulier, ne pourrait-il pas saisir le Commissariat sur un certain nombre de questions dans le cadre de ses travaux parlementaires et lui commander diverses études ?
La troisième interrogation, qui est la plus importante, porte sur le débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale. Quel avenir pour le Plan ? Si j'en crois les déclarations du Premier ministre, le Gouvernement souhaite pouvoir être éclairé par des études prospectives et stratégiques sur les évolutions qui vont se poursuivre à la fois dans notre pays, mais aussi en Europe et dans le monde. Le Plan sera-t-il le lieu où ces études pourront être réalisées ?
Il serait intéressant de connaître au plus tôt les orientations du Premier ministre et du Gouvernement en la matière. Un nouveau programme de travail ne peut-il pas être fixé par le Premier ministre pour sortir rapidement de ces interrogations, qui nuisent à la sérénité des travaux du Commissariat ?
Je vous précise enfin, monsieur le ministre, que la commission des finances recommande le vote des crédits demandés pour le Plan et les organismes qui lui sont rattachés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits au titre du Plan s'élèvent à 24,83 millions d'euros.
Cette somme très modeste au regard du budget total de l'Etat ne reflète en rien l'importance stratégique que revêtent les fonctions de prospective et d'évaluation confiées au Commissariat général ; elle ne reflète pas davantage la contribution majeure qu'il apporte pour éclairer les grands débats qui animent la société française.
Pour votre rapporteur pour avis, la planification « à la française » conserve, par sa singularité et par le relief qu'elle donne aux grands débats de société, un caractère à la fois original et irremplaçable.
Concernant le budget proprement dit, l'excellente intervention de mon collègue Claude Haut m'évite de m'attarder sur le sujet. Je note seulement que le budget présenté est un budget sincère qui remet de l'ordre. On assistait les années précédentes à des reports surréalistes, faute de consommation des crédits. Le budget pour 2003 est en diminution de 7,7 %, mais, en fait, il correspond au niveau de la consommation des crédits en 2002.
Néanmoins, il apparaît nécessaire de maintenir les reports 2002 sur 2003 si l'on veut poursuivre - et c'est une nécessité - les évaluations engagées, notamment au travers des contrats de Plan Etat-régions.
Je centrerai mon intervention sur l'analyse qualitative des travaux du Commissariat du Plan.
La presse s'est récemment fait l'écho de deux rapports qui illustrent parfaitement le rôle de centre d'analyses et de prospectives que le Commissariat du Plan peut et doit jouer. Il s'agit du rapport « Rentabilité et risque dans le nouveau régime de croissance » du groupe de travail présidé par Dominique Plihon et du rapport « Immigration, marché du travail, intégration » du séminaire présidé par François Heran.
Dans l'un et l'autre cas, on voit bien que les décideurs politiques et économiques et l'ensemble des forces vives, je pense notamment aux syndicats, ont besoin de ces informations pour alimenter, corriger ou renforcer leurs prises de positions dans les débats et les négociations où ils sont engagés.
Néanmoins, il ressort de la lecture des rapports d'activité du Commissariat et des organismes satellites, le centre d'études prospectives et d'informations internationales, le CEPII, le centre d'étude des revenus et des coûts, le CERC, le centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, ou l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, une impression d'éclectisme et d'éparpillement plutôt que celle d'une planification coordonnée du programme de travail de ces organismes. Le Plan, non seulement ne planifie plus l'investissement de l'Etat, comme à son origine, mais semble ne pas planifier l'utilisation de son budget : on voit les services juxtaposés, des organismes rattachés très autonomes qui vivent leur vie non seulement sans contrôle parlementaire mais encore sans commande ou contrôle réel de l'exécutif.
Le plus étonnant est le positionnement du conseil d'analyse économique par rapport au Commissariat général du Plan.
Sans méconnaître les éminentes qualités de ce collège d'économistes de très haut niveau, force est de constater qu'il est monodisciplinaire. Or l'intérêt majeur du Commissariat général du Plan réside dans son caractère multidisciplinaire.
Il apparaît donc essentiel de réaffirmer le rôle de chef de file du Commissariat général du Plan. En d'autres termes, le conseil d'analyse économique devrait être placé sous l'autorité du Commissariat général du Plan, alors qu'aujourd'hui ce dernier en est seulement membre de droit.
Plus concrètement, le président du conseil d'analyse économique devrait être le commissaire au Plan. On voit sur cet exemple la lente désorganisation du dispositif. Il faut remettre de l'ordre et réaffirmer le leadership du commissaire au Plan.
Mais surtout, aujourd'hui, il est urgent que le programme de travail et la coordination des actions du Commissariat général du Plan soient redéfinies en fonction des priorités du nouveau gouvernement. La réforme des retraites, la redéfinition des emplois aidés et des politiques de réinsertion, les conditions de réussite de la territorialisation des politiques publiques sont autant de défis nouveaux pour l'action gouvernementale, qui impose une mobilisation forte du Commissariat, en matière d'évaluation et de prospective.
Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité ouvrir un nouveau chantier en matière de décentralisation, que le Sénat soutient pleinement. En faisant de l'expérimentation une voie possible pour transférer de nouvelles compétences, le Gouvernement doit pouvoir s'appuyer sur le Commissariat général du Plan en tant qu'instance d'évaluation des politiques publiques. Faute d'une évaluation rigoureuse, les expérimentations ne seront que des expériences sans lendemain.
La commission des affaires économiques souhaite, comme M. le rapporteur spécial l'a indiqué, que le Parlement soit associé à la redéfinition du rôle et des missions du Commissariat.
De même, on note cette année encore une anomalie grave : aucun parlementaire ne figure parmi les membres du Conseil national d'évaluation et les organes du Parlement, à commencer par les commissions permanentes des assemblées, ne peuvent saisir le Conseil national de l'évaluation d'une proposition d'évaluation.
Pour conclure, je rappellerai les propos de M. le Premier ministre lors de son discours de politique générale : la France a besoin pour tenir son rang dans la compétition internationale d'« un Etat stratège », c'est-à-dire d'un Etat qui « renforce ses capacités de réflexion et de prospective, pour évaluer sur le long terme les défis de demain ». J'ajoute que la France a besoin dans cette étape de réorganisation de l'appareil de l'Etat, avec le double mouvement de décentralisation et de réforme des administrations nationales, d'un Etat innovant et évaluateur. Le Commissariat général du Plan devient, dans ce contexte, un outil décisif à condition de voir ses missions redéfinies, sa capacité de coordination renforcée et le contrôle du Parlement enfin affirmé.
Le titre même de « Commissariat général du Plan » ne correspond plus à son rôle ; c'est plutôt d'une « délégation interministérielle de l'analyse stratégique et de l'évaluation des politiques publiques » dont le Gouvernement a aujourd'hui besoin.
Cette nouvelle dénomination - ou une autre - marquerait la réorientation des axes de travail du Commissariat, vers plus de concertation, d'évaluation et de prospective.
Dans l'attente de cette réorganisation que nous appelons de nos voeux, la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits consacrés au Plan. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président que je suis de la délégation du Sénat pour la planification, qui fête cette année son vingtième anniversaire, souhaite, en saluant les travaux du Commissariat général du Plan, témoigner sa gratitude pour l'excellence des relations qui unissent la délégation et, plus largement, le Sénat et le commissariat. Il souhaite aussi dire son estime pour la qualité de la contribution de cet organisme aux débats publics.
Des rumeurs et une initiative isolée ont pu laisser penser que le Commissariat pourrait disparaître. Je ne souscris ni aux unes ni à l'autre.
A l'heure où le Premier ministre a très pertinemment - comme vient de l'indiquer notre collègue Jean-Paul Alduy - fixé le cap d'un « Etat stratège », on ne peut sérieusement imaginer de se passer de ce « réducteur d'incertitudes » qu'a toujours été le Commissariat général du Plan.
Il y a lieu, au contraire, de tout mettre en oeuvre pour qu'il augmente encore son rayonnement. Mais avant d'envisager cette question, je voudrais dire quelques mots d'un sujet qui, au Sénat, nous tient à coeur : l'information économique. Le budget du Plan est en effet le support du soutien du budget de l'Etat aux organismes indépendants de réflexion économique.
Il est notoire que notre pays souffre, par rapport à ses voisins anglo-saxons, d'un développement trop limité de sa culture économique. Cette situation résulte d'un ensemble de données. Parmi celles-ci, je me dois d'évoquer la relative faiblesse des institutions indépendantes par rapport à l'épanouissement des Think tanks anglais et plus encore américains.
J'ai eu l'honneur de travailler sur ces sujets pour le compte de la commission des finances et de la délégation du Sénat pour la planification. L'une de nos conclusions est qu'il convient de relancer le processus entamé par M. Raymond Barre à la suite du rapport Lenoir-Baudoin Prot, c'est-à-dire de mettre en oeuvre les mesures susceptibles de consolider un pôle indépendant d'expertise économique. Cela suppose quelques moyens financiers. Il me semble que le rapporteur général partage cette conviction vu ses propositions que nous avons examinées lors de la discussion de la première partie de ce projet de loi de finances. A ce propos, je me félicite du fait que l'Assemblée nationale ait jugé bon d'amender le budget du Plan pour augmenter la subvention versée à l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, qui, depuis sa création, est un partenaire efficace du Sénat.
C'est bien, mais cela ne suffit pas ! Il existe aujourd'hui quelques organismes indépendants qui pourraient légitimement prétendre au soutien public. Il faudra donc reprendre cette question. Mais déjà, je crois qu'on ferait beaucoup - et sans que cela coûte - en instaurant des relations apaisées entre les pôles d'expertise gouvernementaux et les instituts indépendants. On pourrait, par exemple, faciliter l'accès aux données publiques et énoncer un principe de gratuité des informations statistiques standards mises en ligne. Il faut aussi que les programmes statistiques annuels tiennent mieux compte de la demande sociale. Il faut enfin ranimer le dialogue entre l'expertise de l'exécutif et l'expertise indépendante.
Avec ce mot « dialogue », je reviens au Commissariat général du Plan, dont l'une des vocations historiques est de garantir que la décision publique soit mieux concertée.
Cette mission a sans doute été quelque peu perdue de vue à mesure que des structures adhoc de concertation ont été instituées. Je ne crois pas que la gouvernance du pays ait intérêt à la multiplication de telles structures. L'esprit de concertation s'y efface trop souvent devant des tactiques d'affichage. Je pense, au contraire, que notre pays doit placer au coeur de sa gouvernance des enceintes stables de concertation.
C'est également d'une culture solide de prospective et d'évaluation des services et des politiques publics dont nous avons besoin et qui appelle l'existence d'un point d'ancrage administratif doté de permanence et de moyens et qui privilégiant une action en continu. A ce propos, il est souvent question de la concurrence existant entre le conseil d'analyse économique, la direction de la prévision et le Commissariat général du Plan. Je crois pourtant que tout distingue ces différents organismes. La direction de la prévision est un service du ministère de l'économie et des finances et elle a bien l'intention de le rester. Nous le savons au Sénat puisque notre collaboration avec la direction de la prévision a été interrompue pour ce motif. Quant au conseil d'analyse économique, le brillant de son succès n'enlève rien au sérieux des taches du Commissariat général du Plan et il me semble que nul Premier ministre ne saurait se plaindre d'un excès de moyens d'analyse.
Notre délégation travaille à un rapport sur l'organisation des processus d'évaluation des politiques publiques dans notre pays. Sans déflorer ses conclusions, je puis vous dire que les processus nous apparaissent profondément perfectibles. Il nous paraît nécessaire de les réorganiser et de les doter des moyens nécessaires. Le budget du Plan et la situation actuelle du conseil national de l'évaluation laissent beaucoup à désirer sur ce point.
Il faut, enfin, hisser l'évaluation au niveau politique et, en particulier, associer pleinement le Parlement à un processus qui est aujourd'hui confisqué par l'exécutif.
Le Commissariat général du Plan n'a, dit-on, pas reçu de nouvelle lettre de mission du Gouvernement.
J'ai gardé à l'esprit les excellents propos du président de la commission des finances lors de l'examen des crédits du Plan. Ils m'autorisent à vous indiquer, et ce n'est qu'à moitié une boutade, que, si le Gouvernement ne percevait pas l'utilité d'un organisme d'expertise, le Parlement saurait, quant à lui, réconcilier pouvoir et expertise.
Nous avons récemment adopté une réforme de notre droit budgétaire qui doit être un outil de la réforme de l'Etat. Nous devrons sans doute l'accompagner par une réforme des processus d'évaluation des politiques publiques.
La Cour des comptes est au service du Gouvernement et du Parlement et la nouvelle loi organique sur les lois de finances a consolidé l'accès du Parlement à l'expertise de la Cour.
Ce n'est pas trop rêver, ce me semble, que d'imaginer de transposer un tel modèle au Commissariat général du Plan. Par cette perspective, vous aurez compris, monsieur le ministre, quel prix attache le Sénat à un organisme qui peut pleinement contribuer à l'affirmation d'un Etat rénové qui ne saurait se passer d'un Sénat stratège. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 24,8 millions d'euros, les crédits destinés au Plan baissent de 7,7 %. Ces chiffres traduisent une politique sévère de restrictions budgétaires qui nous paraît inquiétante.
Dans la période actuelle de mondialisation, de mise en réseaux des firmes, notamment sous l'impulsion des nouvelles technologies de l'information, de turbulences boursières et financières, nous avons un besoin crucial d'un outil d'analyse et de prospective socio-économique capable d'accroître la visibilité à moyen et à long termes, de générer une information susceptible d'orienter et de guider, autant que faire ce peut, les grands choix et les enjeux de société qui se présentent à nous aujourd'hui.
C'est précisément la mission que remplit le Plan et ce, il faut le souligner, à travers une large concertation des différents partenaires sociaux, des représentants des administrations centrales, des collectivités locales et en étroite association avec le monde universitaire. Personne ne nierait aujourd'hui la qualité des études et des diagnostics produits dans le cadre de la réflexion du Commissairat général du Plan.
Dans cette période manifeste de transition budgétaire, d'énormes incertitudes pèsent sur les moyens futurs du Plan ainsi que sur la nature même de ses missions.
C'est également la pluralité des analyses permettant d'alimenter les débats sur toutes les grandes questions de société que vous compromettez en réduisant de manière importante les crédits destinés à certains organismes subventionnés par le Plan.
Ainsi, les crédits de recherche versés à l'Observatoire français des conjonctures économiques diminuent de plus de 32 %, les subventions affectées aux crédits de fonctionnement de l'Institut de recherche syndicale baissent de plus de 12 %. Quant aux dotations budgétaires du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, elles régressent de plus de 16 %.
Cette réduction des moyens budgétaires du Plan va bien au-delà d'un simple désengagement financier de l'Etat. Elle manifeste qu'une étape supplémentaire consacrant l'abandon par l'Etat de ses fonctions régulatrices au profit des forces du marché, notamment celles des marchés financiers, est franchie.
Pourtant, la récente débâcle financière et la situation de la croissance jettent de sérieux doutes quant aux mécanismes régulateurs du marché.
Il est donc peut-être utile de rappeler qu'après la Seconde Guerre mondiale les initiateurs de la planification française avaient élaboré une stratégie collective capable d'enclencher une dynamique vertueuse de croissance. Ils cherchaient non seulement à augmenter globalement les investissements productifs, mais aussi à les canaliser et à les orienter vers les secteurs les plus porteurs à même de moderniser et d'accroître le potentiel économique de la France. Qui nierait qu'ils y soient parvenus ?
Enfin, comment ne pas souligner que le Commissariat général du Plan joue un rôle éminent en matière de planification territoriale. C'est à ce niveau que se situent précisément les exigences d'une planification moderne, capable de penser et d'élaborer de manière collective une stratégie de développement équilibré de notre territoire, notamment à travers les contrats de plan Etat-régions.
Or, loin de veiller à assurer la cohérence nationale de notre territoire, l'accélération du processus de décentralisation engagé par le Gouvernement comporte de graves risques de fractionnement de notre territoire, de marginalisation de certaines zones, et de formation de poches de pauvreté.
Outre qu'il suppose de nouveaux moyens financiers, le transfert des compétences aux régions requiert, à n'en pas douter, une véritable vision à long terme, dont l'Etat a priori est le garant, à travers la persistance d'un « dialogue » qu'il doit entretenir avec les régions. Les contrats de plan Etat-régions en sont l'un des moyens.
En ce domaine, que ce soit en matière de réflexion prospective ou d'évaluation des politiques mises en oeuvre, le Commissariat général du Plan a évidemment toute sa place. Encore faut-il qu'il en ait les moyens et qu'il ne soit pas affaibli, au gré d'une concentration avec d'autres organismes à des fins de réduction des coûts qui lui ferait perdre son rôle spécifique.
Pour toutes les raisons que je viens de développer, le groupe CRC votera contre les crédits de ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue du vote de l'Assemblée nationale, les crédits inscrits au budget du Plan pour 2003 s'élèvent à 25,32 millions d'euros en crédits de paiement. Ils sont certes en diminution de 1,37 million d'euros par rapport à la dotation 2002, mais ils sont supérieurs aux 24,8 millions d'euros inscrits au budget initial.
En ce qui concerne les crédits de personnel, dans le cadre des actions préparatoires à la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, une partie des emplois et des crédits alloués à la rémunération d'agents de catégorie A - contractuels à durée déterminée ou titulaires en détachement sur des emplois contractuels - fait désormais l'objet d'une présentation globalisée, ce qui permet une plus grande souplesse de gestion dans la limite d'un plafond fixé en emplois et en crédits.
Je voudrais revenir sur le rôle et sur le positionnement administratif du Commissariat général du Plan.
Le rôle du Commissariat général du Plan et des organismes qui lui sont rattachés est de contribuer à la réflexion stratégique collective, notamment dans le domaine économique et social, et d'éclairer le Gouvernement sur les enjeux de moyen et long terme et les moyens d'y répondre.
Les missions du Plan se déclinent autour de trois axes : animer l'analyse prospective, constituer un lieu privilégié de la concertation avec l'ensemble des acteurs socio-professionnels et piloter le dispositif d'évaluation des politiques publiques.
Ces missions sont aujourd'hui plus que jamais nécessaires. Dans un monde en évolution, avec des acteurs nombreux ayant chacun sa stratégie, les décisions publiques ne sont véritablement acceptées que si elles ont été sérieusement instruites, les différentes options équitablement confrontées et les catégories sociales les plus concernées entendues. Cette méthode, rigoureuse, ouverte et participative, qui est celle du Commissariat général du Plan, est particulièrement adaptée à la préparation des réformes structurelles.
Les organismes rattachés au Commissariat général du Plan sont indépendants. Cela figure d'ailleurs dans leur statut la plupart du temps, notamment dans ceux de l'OFCE.
Le positionnement du Commissariat général du Plan et de ses organismes rattachés auprès du Premier ministre permet une approche interministérielle, nécessaire à l'approche pluridisciplinaire des analyses et des préconisations.
Ces institutions devraient donc être amenées dans un proche avenir à jouer un rôle déterminant dans le renforcement des capacités stratégiques de l'Etat, que le Premier ministre a inscrit comme priorité dans son discours de politique générale du 3 juillet dernier en annonçant son intention « de renforcer la capacité de réflexion et de prospective d'un Etat qui doit aussi être un Etat stratège à qui il incombe d'évaluer sur le long terme les défis de la nation ».
En effet, au cours des récentes années, le travail de prospective et la concertation sociale ont tous deux beaucoup décliné. Nous avons un besoin urgent de revitaliser ces fonctions qui sont au coeur des missions d'un Etat moderne.
Dans ce cadre, un plan de dynamisation de la prospective sera présenté dans les prochaines semaines. Il comportera trois axes.
Le premier vise à mieux fédérer les moyens humains et administratifs à la disposition du Premier ministre, la réflexion stratégique étant balkanisée entre de multiples services et organismes. A cette occasion, la question de la saisine pourra être examinée dans ce cadre et des propositions pourront être faites.
Le deuxième axe tend à développer la prospective pluridisciplinaire. Il faut en effet mieux intégrer les travaux de prospective et d'évaluation conduits par les différents départements ministériels afin de favoriser l'émergence de diagnostics partagés.
Enfin, il s'agit de rapprocher l'université et la recherche privée du conseil de politique publique, ce qui se fait naturellement chez nos voisins, mais trop peu en France.
C'est pour toutes ces raisons que je vous demande d'approuver les crédits d'évaluation et de prospective alloués au Plan. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Plan et figurant aux états B et C.

ÉTAT B



M. le président. « Titre III : moins 1 246 181 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)