SEANCE DU 16 DECEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 27, présenté par MM. Natali et Alfonsi, est ainsi libellé :
« Après l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le I de l'article 244 quater E du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. Le 2° est supprimé ;
« 2. Au troisième alinéa du 1°, les mots : "sous réserve de l'exception prévue au e du 2°" sont remplacés par les mots : "sauf lorsque le contribuable peut bénéficier des aides à l'investissement au titre du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole" ;
« 3. Au premier alinéa du 3°, le taux : "10 %" est remplacé par le taux : "20 %" ;
« 4. Le dernier alinéa du 3° est supprimé.
« II. - Ces dispositions s'appliquent aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2002 au cours d'un exercice clos à compter de la date de publication de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I et du II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Paul Natali.
M. Paul Natali. Chacun s'accorde à le reconnaître, et le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, l'a encore dit ce week-end, lors de sa visite dans l'île, le fond du problème en Corse, c'est le développement économique.
La loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse a fait la part belle aux aspects institutionnels, mais elle n'a pas, à mon sens, assez pris en compte la dimension économique de nos difficultés insulaires. Ainsi, le crédit d'impôt à 10 %, majoré à 20 % pour certaines catégories d'activités seulement, est insuffisant.
Cet amendement vise donc à le rendre plus significatif en portant le taux à 20 % uniformément pour l'ensemble des activités éligibles.
Je précise que cette mesure, selon les conclusions de l'excellent rapport Hirel, aboutirait à une dépense fiscale supplémentaire qui ne serait que d'environ 5 millions d'euros par an.
Monsieur le ministre, je profite de l'occasion qui m'est ici offerte pour vous demander votre position sur le dispositif à mettre en place pour la sortie dégressive de zone franche et vous interroger sur la manière dont ce dispositif de sortie, lorsqu'il sera mis en place, s'articulera avec le crédit d'impôt.
Je vous remercie par avance des précisions que vous voudrez bien m'apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Souvenons-nous des travaux préparatoires à ce qui allait devenir la loi du 22 janvier 2002. Nous avions constitué une commission spéciale qui était présidée par M. Jacques Larché et dont le rapporteur était M. Paul Girod. Nous avions délibéré de différents sujets d'ordre institutionnel, économique et fiscal, le tout étant relatif au devenir des deux départements de la Corse.
Nous avions ainsi débattu de l'efficacité du système de crédit d'impôt qui nous était proposé par le Gouvernement. Nombre d'entre nous, dont M. Natali, auraient souhaité que le régime antérieur de la zone franche - né d'une législation précédente - puisse être prorogé et étendu. Nous étions nombreux à considérer qu'il s'agissait là d'un outil économique beaucoup plus puissant que le seul crédit d'impôt, mesure nécessairement complexe et qui, comme son nom l'indique, ne s'adresse qu'aux entreprises en situation de payer l'impôt, donc qui dégagent des résultats bénéficiaires.
Nous avions, à l'époque, estimé que la délimitation des secteurs était assez artificielle et qu'il fallait, pour relancer l'initiative économique en Corse, prendre une mesure globale et lisible. Nombre d'amendements que nous avions suggérés et même adoptés, ici, au Sénat, n'avaient, hélas ! pas été votés à l'Assemblée nationale. Voilà pour l'état des lieux et le rappel du passé.
En ce qui concerne la situation présente, il nous est proposé d'améliorer la mesure de crédit d'impôt en remontant le taux de droit commun à 20 % et en supprimant la disparité qui existait selon les secteurs entre ceux qui bénéficiaient du taux de 10 % et ceux qui accédaient au taux de 20 %. La généralisation de ce crédit d'impôt au taux uniforme est une mesure de clarification utile et un bon signal.
Il faut toutefois remarquer que, depuis le début de l'année, les opérations déclenchées par le crédit d'impôt, que le taux soit de 10 % ou de 20 %, n'ont peut-être pas encore été extrêmement nombreuses.
Cet amendement est tout à fait acceptable du point de vue des finances publiques et répond au souci majeur qui anime la commission des finances. Il s'inscrit, en outre, dans un ensemble plus général, clairement défini par la nouvelle approche de M. le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, et du nouveau climat qu'il a suscité à l'occasion des différents déplacements qu'il a récemment effectués en Corse. C'est forte de cette analyse que la commission s'en remet, monsieur le ministre, à l'avis du Gouvernement. J'ose ajouter que, à titre personnel, je suis favorable à la mesure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. L'amendement vise à renforcer l'efficacité d'un dispositif essentiel pour le développement économique de la Corse. Il en simplifie l'application puisqu'il rend notamment inutile l'un des deux décrets d'application et raccourcit un article du code général des impôts.
Ainsi, tous les secteurs d'activité éligibles bénéficieront désormais d'un crédit d'impôt au taux unique de 20 %, c'est-à-dire le montant maximal autorisé par la réglementation communautaire actuelle. Ainsi, l'une des propositions principales du rapport de M. Hirel deviendra, si le Sénat le décide et si l'Assemblée nationale, à l'occasion de la commission mixte paritaire, le confirme, immédiatement applicable, et ce quelques jours seulement après la remise du rapport précité.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement et considère opportune l'initiative, dans le souci exprimé par M. le ministre de l'intérieur, de progresser sur la question corse.
L'autre proposition de nature législative formulée par M. Hirel, à savoir la sortie dégressive de la zone franche, mérite, en revanche, un examen plus approfondi, ce qui n'était pas compatible avec le calendrier prévu pour la discussion du présent collectif.
Si cette proposition était retenue, ses conséquences pourraient être importantes sur le crédit d'impôt en faveur de l'investissement au regard du respect des plafonds communautaires en matière d'intensité des aides. La sortie dégressive de la zone franche ne pourra, en effet, être cumulée avec le crédit d'impôt.
Cette deuxième proposition est donc plus complexe que celle qui fait l'objet de votre amendement, qui vise à l'unification du taux du crédit d'impôt. Elle mérite une expertise complémentaire, aussi bien au regard de son articulation avec le crédit d'impôt que de sa faisabilité technique et juridique.
Dans ces conditions, vous comprendrez que le Gouvernement ne puisse dès à présent vous faire part de sa position sur cette proposition-là, qui, somme toute, n'a été rendue publique que la semaine dernière.
Pour en revenir à l'amendement n° 27, le Gouvernement, signifiant ainsi sa volonté d'agir vite, émet un avis favorable et lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 27 rectifié.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Je me suis associé, dans l'intérêt commun, à l'amendement déposé par M. Natali. Nous avons suffisamment de préoccupations et de divergences par ailleurs pour ne pas, au moins, nous retrouver sur ce point.
Je n'ai pas, contrairement à de nombreux collègues, une conception théologique de la fiscalité en Corse, en particulier de la fiscalité du patrimoine. Mais, s'agissant de la fiscalité des entreprises, que le crédit d'impôt de 10 % passe à 20 % me convient.
Je le dis d'autant plus volontiers que cet amendement, au fond, s'inscrit dans la suite des propos qui ont été tenus samedi dernier par M. Sarkozy et, surtout, qu'il précède une réunion consacrée, entre autres, à la fiscalité, qui va se tenir à Bruxelles, avec M. Prodi, le président de la Commission européenne. Ce sera très compliqué. En revanche, je ne pense pas qu'il soit très complexe de porter le crédit d'impôt à 20 % : ce sera un ballon d'oxygène pour toutes les entreprises.
L'adoption de cet amendement ne changera pas grand-chose sur le fond, mais sera un signe adressé à Bruxelles par le Parlement français.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.

Article 29