SEANCE DU 16 DECEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 56, présenté par MM. Oudin et Othily, est ainsi libellé :
« Après l'article 30 undecies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 238 bis HO du code général des impôts, il est inséré un article 238 bis HOA ainsi rédigé :
« Art. 238 bis HOA . - Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les souscriptions en numéraire effectuées entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2017, au capital de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun qui ont pour activité le financement de la pêche artisanale dans un département ou une région d'outre-mer et qui ont été agréées par le ministre chargé du budget après avis du ministre chargé de la pêche sont admises à déduction dans les conditions définies aux articles 163 duovicies et 217 decies . »
« II. - A. - Au premier alinéa de l'article 163 duovicies du même code, les mots : "à l'article 238 bis HO" sont remplacés par les mots : "aux articles 238 bis HO et 238 bis HOA".
« B. - A l'avant-dernier alinéa de cet article, les mots : "cet article" sont remplacés par les mots : "ces articles". »
« III. - Au premier alinéa de l'article 217 decies du même code, les mots : "à l'article 238 bis HO" sont remplacés par les mots : "aux articles 238 bis HO et 238 bis HOA". »
« IV. - Après l'article 238 bis HP du même code, il est inséré un article 238 bis HPA ainsi rédigé :
« Art. 238 bis HPA. - L'agrément prévu à l'article 238 bis HOA est accordé aux sociétés anonymes qui ont pour objet exclusif l'achat en copropriété de navires de pêche immatriculés dans un département ou une région d'outre-mer, exploités de façon directe et continue par des artisans pêcheurs ou des sociétés de pêche qui débarquent la totalité de leur production dans ce département ou cette région.
« Par dérogation au premier alinéa, les sociétés agréées peuvent, dans la limite de 10 % de leur capital social libéré, mettre ou laisser leurs disponibilités en compte productif d'intérêts si la créance correspondante est liquide.
« Un cinquième au moins des parts de la copropriété doit être détenu soit par un artisan pêcheur, soit par un armement coopératif, soit conjointement par un artisan pêcheur et un armement coopératif.
« Le capital mentionné à l'article 238 bis HOA s'entend du capital de la société lors de sa constitution, de la première augmentation de capital intervenant dans les trois mois de cette constitution et des augmentations du capital agréées par le ministre en charge du budget après avis du ministre chargé de la pêche.
« Les actions souscrites doivent revêtir la forme nominative pendant un délai de cinq années à compter du versement effectif de la souscription au capital de la société agréée, une même personne ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital de la société.
« Les sociétés agréées doivent conserver, à compter de la mise en exploitation du bateau pendant au moins cinq ans, les parts de copropriété de navires mentionnés au premier alinéa.
« Les sociétés anonymes visées au premier alinéa doivent conclure une convention permettant le transfert de propriété, au profit de ces mêmes artisans, sociétés ou armements coopératifs, des parts de copropriété du navire dans un délai maximal de dix ans. »
« V. - A. - A l'article 238 bis HQ et dans la première phrase de l'article 238 bis HR du même code, les mots : "à l'article 238 bis HO" sont remplacés par les mots : "aux articles 238 bis HO et 238 bis HOA".
« B. - Dans la première phrase de l'article 238 bis HR et à l'article 238 bis HS du même code, les mots : "à l'article 238 bis HP" sont remplacés par les mots : "aux articles 238 bis HP et 238 bis HPA".
« VI. - Le décret prévu à l'article 238 bis HU du même code fixe les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives.
« VII. - La perte de recettes pour l'Etat résultant des I à V ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. L'article 27 de la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines du 18 novembre 1997 a instauré le dispositif des Sofipêche, qui permet aux personnes physiques de déduire de leur revenu net global le montant des souscriptions au capital de ces sociétés, dans une certaine limite.
Ce dispositif doit être particulièrement soutenu dans les départements d'outre-mer, où la pêche joue un rôle primordial au niveau tant des possibilités d'emploi offertes et de la valeur économique des productions que du maintien d'une activité économique diffuse sur le littoral.
Cet amendement a précisément pour objet de créer un dispositif fiscal de « Sofipêche renforcé » qui soit susceptible d'agir en faveur de la modernisation de la flotte de pêche dans les départements d'outre-mer.
La pêche artisanale des départements d'outre-mer souffre d'un réel besoin de modernisation des bateaux.
Il s'agit, tout d'abord, de répondre aux exigences de sécurité et d'hygiène, dans un contexte de présence limitée des établissements financiers spécialisés et de concurrence internationale ne répondant pas aux mêmes contraintes réglementaires.
Il s'agit, en outre, de limiter le taux d'endettement des navires à l'investissement, ce qui peut permettre une meilleure adaptation aux variations biologiques et environnementales naturelles des stocks.
Ce dispositif, prévu pour une durée de quinze ans, est destiné aux patrons pêcheurs exerçant dans les départements d'outre-mer qui ont pour projet de devenir propriétaires de leur navire dans un délai maximum de dix ans. Les navires acquis dans le cadre d'une Sofipêche d'outre-mer doivent être maintenus en activité dans un département d'outre-mer et doivent être revendus sous dix ans à un autre artisan pêcheur.
Bien entendu, mes chers collègues, la formule classique des Sofipêche est pratiquée en métropole comme dans les départements d'outre-mer. Ici, vous l'avez bien compris, il s'agit d'un cadre renforcé pour imprimer une dynamique plus forte dans le secteur des pêches de nos départements d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement tend à proroger jusqu'en 2017 le dispositif des Sofipêche, mais uniquement en faveur des départements d'outre-mer.
Rappelons que les contribuables qui souscrivent des parts de société exerçant leur activité dans le secteur de la pêche peuvent, pour l'impôt sur le revenu, déduire les sommes correspondantes du revenu imposable et, pour l'impôt sur les sociétés, bénéficier d'un régime d'amortissement avantageux. Cet avantage fiscal est conditionné à un agrément du ministre chargé du budget.
L'amendement n° 56 a pour objet de proroger un dispositif qui doit normalement arriver à expiration le 31 décembre 2003. Il doit être interprété, monsieur le ministre, à la fois comme un jalon et comme un appel, dans la perspective du débat sur la prorogation globale du dispositif et de la loi de programme sur l'outre-mer dont le dépôt nous a été annoncé pour le début de l'année prochaine.
Il serait intéressant que le Gouvernement puisse nous indiquer s'il a déjà pris contact avec la Commission européenne en vue de négocier la prorogation des Sofipêche.
En effet, les dispositifs de défiscalisation de ce type sont des aides d'Etat qui ne peuvent être appliquées que lorsque la commission les a approuvées.
S'agissant de la loi de programme pour l'outre-mer, sa présentation sera l'occasion pour le Gouvernement de nous livrer ses intentions en matière de soutien au secteur de la pêche dans les départements d'outre-mer. Nos collègues des départements d'outre-mer, en particulier M. Georges Othily, qui a cosigné avec M. Jacques Oudin cet amendement, pourront alors réagir s'ils le jugent opportun.
Il nous semble que ce dispositif - c'est pourquoi j'ai parlé d'un amendement d'appel - ne peut pas être voté en l'état : d'abord, parce que sa rédaction n'est peut-être pas complètement achevée ; ensuite, parce que le dispositif n'a pas été soumis à la Commission européenne.
Tout récemment, dans son rapport sur la défiscalisation outre-mer, notre excellent collègue M. Roland du Luart a mis l'accent sur les inconvénients d'une discussion au Parlement de textes qui n'ont pas été préalablement soumis à la Commission et approuvés par elle au moins dans leurs grandes lignes.
C'est pourquoi nous devons nous abstenir de faire ce que nous reprochons parfois au pouvoir exécutif, et je suppose, monsieur le ministre, qu'après avoir entendu l'appel de M. Jacques Oudin il vous sera possible de nous dire dans quel contexte évoluera ce dossier, de telle sorte que nos collègues puissent, à ce stade, retirer leur amendement, après avoir entendu votre avis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. M. Oudin nous propose ici d'assouplir le régime des Sofipêche au profit des seules sociétés finançant l'activité de pêche artisanale dans les départements et territoires d'outre-mer.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur général, le Gouvernement s'est engagé à présenter un projet de loi spécifique aménageant le régime d'aide fiscale à l'investissement outre-mer, et il est sans doute prématuré aujourd'hui d'introduire dans notre droit une telle disposition.
Monsieur le rapporteur général, des démarches ont effectivement été entreprises auprès de la Commission, notamment sur la prorogation du régime des Sofipêche, et je puis vous dire que la commission semblait ouverte sur le sujet, même si ces démarches ont, pour l'instant, un caractère informel.
Tout cela me conduit à inviter Jacques Oudin, compte tenu de l'appel qu'il a lancé et du jalon qu'il a posé, à retirer son amendement, afin de pouvoir le déposer à nouveau lorsque le texte sur l'investissement outre-mer viendra en discussion devant le Sénat.
M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Oudin ?
M. Jacques Oudin. Parler de pêche en ce jour, alors que les discussions sur la politique commune des pêches vont commencer à Bruxelles, est un hasard à la fois heureux et délicat.
Je n'ignore pas qu'aux niveaux national et européen les discussions sur la pêche vont être très dures, et je ne suis d'ailleurs pas certain qu'un accord puisse être trouvé tant les positions de la Commission sont extrémistes sur certains points.
Quoi qu'il en soit, au-delà des préoccupations purement métropolitaines, le problème de la pêche pèse lourdement sur l'avenir de nos départements d'outre-mer.
En tant que président du groupe d'étude de la mer de cette assemblée, j'ai été amené à recevoir de nombreuses délégations des départements d'outre-mer. Ceux-ci sont dans une situation très difficile, ils ont besoin d'une impulsion que nous sommes seuls à pouvoir leur apporter. Cette disposition est attendue ; elle sera utile.
Je comprends tout à fait les arguments qui ont été invoqués. Il faut que nous trouvions un accord avec la Communauté européenne. Nous devons inclure cette préoccupation dans le projet de loi global sur le développement de l'outre-mer. Les assurances données par M. le rapporteur général, mais surtout par M. le ministre, sont tout à fait compréhensibles. Par conséquent, je veux bien retirer cet amendement.
Néanmoins, il ne faut pas parler du développement de l'outre-mer si les actes ne viennent pas soutenir les bonnes intentions. Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous avez entendu cet appel ; nous aurons l'occasion d'en reparler. Il y a en effet derrière cet amendement une possibilité importante de développement de l'outre-mer. Nous avons connu trop de déboires - je pense en particulier au tourisme - pour ne pas vous inciter à regarder de près le développement de la pêche, qui est une ressource formidable de nos départements d'outre-mer.
M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.

II. - AUTRES DISPOSITIONS

Article 31 A