SEANCE DU 16 DECEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Charasse, Miquel, Angels, Auban, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Lorsque plusieurs fonctionnaires civils ou militaires sont poursuivis devant la juridiction pénale pour des faits identiques commis à l'occasion ou dans l'exercice de leurs fonctions, la décision par laquelle l'Etat décide de défendre l'un d'entre eux est automatiquement applicable, dans les mêmes conditions, aux autres prévenus. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Comme vous le savez, mes chers collègues, l'Etat est tenu de défendre les fonctionnaires civils et militaires mis en cause à l'occasion ou dans l'exercice de leurs fonctions.
Or on a constaté récemment que, dans une affaire qui mêle fonctionnaires civils et militaires, le fonctionnaire civil concerné, qui est un préfet, est défendu par son ministère, qui paie la défense et l'avocat - et cher ! -, alors que la défense des personnels militaires, qui sont des gendarmes, n'est pas prise en charge par leur ministère.
Ce double traitement est particulièrement choquant et c'est la raison pour laquelle je propose avec mon groupe, par cet amendement n° 11, un article additionnel après l'article 34 visant à préciser que, lorsque plusieurs fonctionnaires civils ou militaires sont poursuivis dans la même affaire, ils doivent être défendus par l'Etat de la même manière et, dès lors que l'un d'entre eux est défendu, la décision le concernant vaut pour les autres.
M. Philippe de Gaulle. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est très intéressée par ces considérations dont elle reconnaît le bien-fondé. Il est clair que les propos deMichel Charasse paraissent frappés au coin du bon sens et traduisent le sens de la République que nous lui connaissons.
Un sénateur socialiste. Comme toujours !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Toutefois, le sujet nous semble quelque peu éloigné de ceux qui sont habituellement traités dans une loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Comme M. le rapporteur général, le Gouvernement craint que nous ne soyons en présence d'une disposition qui ne soit pas appropriée à une loi de finances.
Il reste que la situation évoquée par Michel Charasse est profondément choquante. Aussi, je lui propose d'étudier avec lui cette question et d'attendre de trouver un véhicule législatif approprié pour introduire une disposition telle que celle qu'il imagine.
Selon l'analyse du Gouvernement, le statut général des fonctionnaires offre déjà un cadre protecteur, qui a d'ailleurs été renforcé par la loi du 16 décembre 1996.
En l'état actuel, la décision de prendre en charge la défense de fonctionnaires faisant l'objet de poursuites pénales est appréciée et devrait - mais cela mérite un examen plus approfondi - pouvoir continuer à être appréciée au cas par cas en tenant compte du rôle et des responsabilités de chacun, des circonstances de l'affaire et du caractère hiérarchique du système de la fonction publique.
Mais j'ai compris que la préoccupation de Michel Charasse, c'était le fait que les fonctionnaires qui relevaient de la même affaire puissent être traités de manière équitable.
Une telle disposition - mais il connaît le sujet aussi bien que moi - n'est pas appropriée à la loi de finances. Cependant, nous sommes à sa disposition pour y travailler et, dès que le véhicule législatif le permettra, pour déterminer comment nous pourrions adapter le dispositif qu'il propose.
A ce stade, je suis obligé de lui demander de retirer cet amendement, dont il connaît, sur le plan constitutionnel, la difficulté par rapport à la loi de finances. A défaut, je serai contraint, à regret, de demander au Sénat de rejeter l'amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. le ministre a fort bien exprimé les craintes qui étaient les miennes quant au positionnement de cet article. Il me semble que ces craintes devraient être de nature, dans l'instant, à obtenir le retrait de l'amendement.
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Dans cette affaire, il y a la forme et le fond. Je suis très étonné de la position du rapporteur général et du ministre, puisqu'il est fréquent que les lois de finances comportent des dispositions relatives au statut de la fonction publique lorsqu'elles ont des incidences financières ou des incidences de gestion.
Je dirai à notre estimable rapporteur général qu'il présentera, dans un moment, un amendement n° 77 qui concerne des agents mis en position hors cadres lors de périodes antérieures au 1er janvier 2002 pour les admettre à faire valider ces périodes de position hors cadres au titre du régime spécial français dont ils relevaient. Dans cette affaire, il s'agit de régler un cafouillage de l'Etat.
Donc, si l'amendement du rapporteur général qui concerne le statut de la fonction publique est recevable, je ne vois pas pourquoi le mien ne le serait pas. Par conséquent, je ne pense pas qu'il soit bon de s'engager dans cette voie.
En revanche, sur le fond, monsieur le ministre, je vous ai bien entendu. Il n'en demeure pas moins que, puisqu'il faut appeler un chat un chat, nous avons, dans l'actualité, une situation insupportable. Je ne prends pas position sur le fond, mais que, dans l'affaire des paillotes de Corse, puisqu'il faut appeler un chat un chat, le préfet soit actuellement défendu par son ministère - et je ne conteste pas cette décision -, alors qu'il a été reconnu en première instance qu'il a effectivement donné l'ordre aux gendarmes de faire ce qu'ils ont fait, et que les gendarmes, qui ont obéi à l'ordre du préfet, soient, eux, non concernés et soient obligés, sans le sou et sans moyen, de se payer leur défense tant et si bien qu'on a été obligé de solliciter le concours de la caisse mutuelle de secours des militaires et de la gendarmerie, je trouve cela particulièrement choquant. Alors, cher Alain Lambert, moi, je ne sais pas quand on va avoir un texte. Dans six mois, dans un an ? Mais ce sera trop tard : ce qui est fait est fait, on ne reviendra pas rétroactivement en arrière.
Par conséquent, je suis navré d'embêter le ministre délégué au budget avec ce genre d'affaire, mais je n'ai pas trouvé d'autre projet porteur utile pour ce genre de chose, et je dois dire que c'est particulièrement choquant.
La décision, je dois le dire, a été prise précédemment par M. Richard lorsqu'il était ministre de la défense. Sans doute pour ne pas avoir à désavouer M. Richard, Mme Alliot-Marie l'a confirmée en ce qui concerne les gendarmes. La défense du préfet coûte des sommes astronomiques et on continue à payer comme si de rien n'était. Actuellement, les gendarmes qui sont impliqués dans l'affaire des paillotes et qui sont des gens tout à fait honorables - et servir comme gendarme en Corse, ce n'est pas si simple, croyez-moi ! - se trouvent dans une situation où ils ne peuvent pas payer leurs avocats. Par conséquent, je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi après l'article 34.

Article 34 bis