Art. 8
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie
Art. additionnel avant l'art. 8 bis

Article additionnel après l'article 8

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 225-209 du code de commerce est ainsi modifié :

I. - Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les actions achetées dans le cadre des finalités et selon les modalités définies par l'assemblée générale ne peuvent être réaffectées à d'autres finalités sans son autorisation. »

II. - Après le quatrième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Le nombre d'actions acquises par la société en vue de la conservation et de la remise ultérieure en paiement ou en échange dans le cadre d'une opération de fusion, de scission ou d'apport ne peut excéder 5 % de son capital. Les actions acquises depuis moins de trois mois par la société dans le cadre d'un programme de rachat ne peuvent faire l'objet d'une telle remise en paiement ou en échange.

« Sans préjudice des dispositions de l'article L. 225-208, les actions non utilisées dans le cadre d'une finalité d'un programme de rachat dans un délai de vingt-quatre mois à compter de leur acquisition sont annulées.

« Les dispositions des deux alinéas précédents sont applicables aux programmes de rachat soumis à l'approbation des assemblées générales se tenant à compter du 1er janvier 2006. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. Nous avons déjà abordé ce sujet avec le ministre le 2 mai dernier, à l'occasion de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.

Il convient de rappeler les objectifs que s'est assignés la commission des finances en la matière.

Tout d'abord, la commission souhaite que les assemblées générales soient correctement informées et qu'elles puissent pour décider suivre clairement les résolutions aux termes desquelles la société est autorisée à racheter ses propres actions. Les différents objectifs en la matière sont définis à la fois par le droit national et par le droit européen.

Si la commission considère que tant la régulation de cours que le fait d'acquérir des actions en vue de financer une croissance externe ou de racheter des actions afin de pouvoir servir de contrepartie à des plans d'options répondent à la vie des entreprises et à la respiration du capital, elle estime toutefois qu'il faut créer les conditions d'une traçabilité entre les autorisations données et les opérations effectuées.

C'est à cet objectif de transparence et de bonne information que répond le I de l'amendement n° 16.

La commission souhaiterait ensuite que plusieurs dispositions permettent de mieux encadrer les rachats d'actions.

C'est pourquoi elle propose que soit fixé un plafond de 5 % du capital de la société pour ce qui est des actions susceptibles d'être rachetées en vue de financer une opération ultérieure de croissance externe.

Elle souhaite également que des précautions soient prises en ce qui concerne les délais d'utilisation des actions ainsi rachetées, et qu'il soit bien acté que les actions acquises depuis moins de trois mois par la société dans le cadre d'un programme de rachat ne puissent faire l'objet d'une remise en paiement ou en échange en vue de concrétiser une opération de croissance externe.

Enfin, elle voudrait qu'il soit bien précisé que les actions non utilisées dans le cadre d'un programme de rachat doivent être annulées dans un délai de vingt-quatre mois à compter de leur acquisition. Cette mesure lui paraît nécessaire pour éviter que l'on ne connaisse plus, à un moment donné, la situation du capital de l'entreprise.

Tel est l'objet du présent amendement, qui avait déjà été déposé dans les mêmes termes et qui avait déjà été discuté le 2 mai. Vous aviez répondu alors, monsieur le ministre, que le Gouvernement allait réfléchir et que nous en reparlerions à l'occasion de l'examen d'un prochain projet de loi au cours de l'été.

Nous y voici, monsieur le ministre, et je vous écoute avec par avance un grand intérêt !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, nous avions en effet entamé cette discussion à l'occasion de l'examen en première lecture du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, vous l'avez rappelé.

Je comprends votre préoccupation et je souhaiterais vous répondre au sujet de chacune des mesures prévues par votre amendement.

Tout d'abord, concernant l'obligation de recueillir une autorisation préalable des actionnaires avant de réaffecter les actions, je crains que cette mesure ne se heurte à de réelles difficultés pratiques. Il faut privilégier une information a posteriori plutôt qu'une autorisation a priori !

Ensuite, s'agissant du plafond de 5 %, si je comprends votre souhait d'encadrer dans la loi cette pratique en termes de volume, j'ai le sentiment que le niveau que vous proposez est raisonnable.

Enfin, concernant l'encadrement de l'usage des titres rachetés dans le temps, votre préoccupation répond à un souci légitime. La période de réserve était d'ailleurs prévue dans les textes de la commission des opérations de bourse, la COB, jusqu'en octobre dernier. Cet encadrement me paraît toutefois relever plus du droit boursier et des règles permettant de prévenir les abus de marchés que du droit des sociétés.

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !

M. Thierry Breton, ministre. Par conséquent, je pense que cette mesure devrait plutôt figurer dans un texte réglementaire.

Dans ces conditions, monsieur le rapporteur, je vous demande de retirer cette disposition contre l'engagement ferme de ma part de la reprendre très rapidement dans un texte réglementaire, et je vous propose de rectifier votre amendement dans ce sens.

M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de répondre à la sollicitation de M. le ministre ?

M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le ministre, selon vous, l'alinéa I se heurterait à des objections pratiques et vous préféreriez un système d'information.

Je vous propose donc la rédaction suivante : « Un rapport spécial informe chaque année l'assemblée générale de la réalisation des opérations d'achat d'actions qu'elle a autorisées et précise en particulier, pour chaque finalité, le nombre et le prix des actions ainsi acquises, le volume des actions utilisées pour ces finalités, ainsi que les éventuelles réallocations à d'autres finalités dont elles ont fait l'objet. »

Il s'agit là de la traçabilité, sujet sur lequel vous me permettre un commentaire.

J'ai essayé de comprendre les résolutions votées par l'assemblée générale de Vivendi Universal, dont parlait tout à l'heure l'un de nos collègues. Eh bien, même avec l'aide d'un collaborateur de très haut niveau, je n'y suis pas parvenu. En effet, tout était tellement emmêlé que cette traçabilité n'existait pas. Cette situation n'est pas tolérable du point de vue du marché.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, il me semble qu'avec ce dispositif d'information nous répondrons au moins à l'un des soucis exprimés par la commission des finances.

Ensuite, monsieur le ministre, si le plafond de 5 % que nous proposons à l'alinéa II ne rencontre pas d'objection de votre part, la question du délai de réserve de trois mois vous paraît relever du décret, et vous prenez l'engagement de le confirmer dans un prochain texte.

Il reste enfin la dernière disposition, qui concerne l'annulation des actions non utilisées dans un délai de vingt-quatre mois à compter de leur acquisition. L'engagement de procéder par décret porte-t-il aussi sur cette annulation d'office dans un délai de vingt-quatre mois ?

M. Thierry Breton, ministre. Oui, monsieur le rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. Dès lors, monsieur le ministre, j'accepte de rectifier l'amendement dans le sens que vous suggérez.

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est donc ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 225-209 du code de commerce est ainsi modifié :

I. - Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un rapport spécial informe chaque année l'assemblée générale de la réalisation des opérations d'achat d'actions qu'elle a autorisées et précise en particulier, pour chaque finalité, le nombre et le prix des actions ainsi acquises, le volume des actions utilisées pour ces finalités, ainsi que les éventuelles réallocations à d'autres finalités dont elles ont fait l'objet. »

II. - Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le nombre d'actions acquises par la société en vue de la conservation et de la remise ultérieure en paiement ou en échange dans le cadre d'une opération de fusion, de scission ou d'apport ne peut excéder 5 % de son capital. Ces dispositions sont applicables aux programmes de rachat soumis à l'approbation des assemblées générales se tenant à compter du 1er janvier 2006. »

Je mets cet amendement aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

Art. additionnel après l'art. 8
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Art. 8 bis

Article additionnel avant l'article 8 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Avant l'article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-94 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les caisses d'épargne et de prévoyance régionales sont représentées au conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance par une majorité de présidents de conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne, désignés par l'assemblée générale sur proposition du collège des présidents de conseils d'orientation et de surveillance. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit là encore de gouvernance et de transparence : cet amendement concerne le groupe des caisses d'épargne, que vous connaissez bien, mes chers collègues.

Il existe actuellement une particularité dans l'organisation de ce groupe.

Il comprend, en premier lieu, les caisses d'épargne régionales, chacune d'elles étant dotée d'un exécutif, le directoire, et d'un conseil d'orientation et de surveillance, organe délibératif reflétant la diversité du sociétariat et du partenariat. Le dynamisme du réseau, sa force de développement résident dans ces caisses d'épargne régionales qui ont accompli un parcours tout à fait remarquable au cours de ces dernières années.

Il comprend, en second lieu, des organes centraux, qui ont été simplifiés par la loi de 1999 et qui prennent aujourd'hui la forme d'une société anonyme : la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. Celle-ci est détenue à 65 % par les caisses d'épargne régionales et à 35 % par la Caisse des dépôts et consignations. La Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance comporte elle-même, comme les caisses régionales, un exécutif, le directoire, et non pas un conseil d'orientation et de surveillance mais un conseil de surveillance.

La majorité - relative aujourd'hui - des membres du conseil de surveillance de la Caisse nationale est constituée de présidents de directoires de caisses régionales. Or ces derniers ne peuvent exercer leurs fonctions que s'ils sont agréés par le directoire de la Caisse nationale, et le directoire de la Caisse nationale est sous le contrôle du conseil de surveillance de la Caisse nationale, où l'on trouve des présidents de directoire dont je viens d'évoquer le statut.

Depuis plusieurs années, la préoccupation de la commission des finances du Sénat est de faire progresser la gouvernance du réseau des caisses d'épargne vers un modèle qui soit aisément compréhensible par tous les investisseurs.

Actuellement, quels que soient les mérites de ce groupe, il se trouve encore dans une situation d'endogamie...

M. Jean-Jacques Jégou. C'est grave, docteur ? (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur. ...puisque les contrôleurs sont désignés par ceux qu'ils désignent, ce qui ne peut durer éternellement dans quelque organisation que ce soit, surtout lorsque l'on entend développer son activité et la banaliser.

Depuis 1999, les caisses d'épargne se sont transformées. Elles sont intervenues dans un très grand nombre de métiers, elles se sont internationalisées, elles ont pris position dans le domaine de la banque de marché, par exemple, en reprenant le contrôle de certaines filiales de la Caisse des dépôts et consignations, laquelle, en contrepartie, est entrée à 35 % dans le capital de la Caisse nationale.

La commission des finances du Sénat est toujours constante et lisible dans ses positions, elle ne surprendra personne en la matière.

Ainsi, dès 2003, nous avons posé le problème. Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003, nous avons fait voter, par le Sénat en premier lieu, puis par la commission mixte paritaire en second lieu, une disposition qui reprenait exactement, au mot près, à la virgule près, celle que je propose de nouveau en cette fin d'après-midi.

Malheureusement, cette disposition sur la gouvernance a été disjointe à l'époque par le Conseil constitutionnel car, il faut en convenir, il s'agissait alors d'un cavalier budgétaire. Il nous a donc fallu trouver le bon texte « d'accueil ». Or c'est bien le cas aujourd'hui avec cette locomotive « Breton », ce train « confiance et modernisation », auquel il est donc simplement proposé de raccrocher ce petit wagon !

M. Jean-Jacques Jégou. C'est un TGV, ou c'est un express ?

M. Philippe Marini, rapporteur. Oh, tout cela progresse de façon très poussive, très lente : il faut s'efforcer de franchir les pentes, en résistant, çà et là, à quelques soubresauts ; la discussion n'est d'ailleurs pas finie !

Nous vous proposons donc de ne pas oublier ce petit wagon, stocké depuis la fin de l'année 2003, afin de le raccrocher au train.

Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur joue au train électrique ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Béteille, est ainsi libellé :

Avant l'article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-94 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les caisses d'épargne et de prévoyance régionales sont représentées au conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance par des administrateurs désignés par l'assemblée générale de la Caisse nationale sur proposition des caisses d'épargne régionales. »

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Laurent Béteille et moi-même avons déposé notre propre amendement, car celui de la commission des finances nous gêne quelque peu. En effet, si nous partageons sa préoccupation sur la gouvernance de ce grand groupe qu'est la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, la CNCE, nous n'avons pas nécessairement la même approche, et sur la forme et sur le fond.

Sur la forme, s'agissant de l'opportunité de légiférer aujourd'hui sur un tel sujet, le présent projet de loi ne nous paraît certainement pas le cadre approprié pour résoudre un problème de gouvernance dans un tel groupe, dont l'expérience et le sérieux sont connus de tous les Français. En effet, la CNCE a fait sa révolution en 1999 et a notamment engagé un processus interne pour modifier son mode de gouvernance. Ce processus, qui est toujours en cours, doit normalement s'achever à la fin de l'année. Par conséquent, à quelques mois du terme de la négociation, l'intervention du législateur dans le débat interne d'un groupe aussi important que celui des caisses d'épargne nous semble quelque peu gênante, inopérante et inopportune.

M. Alain Gournac. Tout à fait !

M. Philippe Dominati. A l'issue de cette négociation, une simple réforme des statuts décidée par ce groupe évitera précisément au législateur d'interférer dans ce domaine.

Si nous avons déposé nous-mêmes notre propre amendement, c'est parce que nous avons été sensibles aux arguments présentés par Mme Moreau, présidente de la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, qui représente 3,5 millions de sociétaires.

M. Philippe Dominati. Certes, nous reconnaissons à la commission des finances sa volonté constante d'agir en la matière. Cela étant, le fait d'inscrire la disposition qu'elle propose dans un texte portant sur la confiance et la modernisation de l'économie reviendrait à remettre en doute le souci de réforme exprimé par ces 3,5 millions de sociétaires. Agir ainsi ne serait donc pas, à mon sens, une preuve de confiance.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'avenir de ce grand groupe, une introduction prochaine en bourse est souvent évoquée. De ce point de vue, le législateur porterait un mauvais coup au monde des affaires s'il exprimait sa volonté d'intervenir dans la gouvernance interne d'un groupe quelque temps avant son introduction en bourse. En l'espèce, il vaut mieux que les dirigeants, les membres du directoire, les membres des conseils d'orientation et de surveillance, les COS, et les sociétaires aient véritablement une vision claire de la gouvernance de leur groupe. Nous avons donc déposé cet amendement à titre conservatoire.

Mais j'en viens à trois arguments de fond.

D'abord, toutes les sociétés ont à coeur de préserver la nomination d'administrateurs dits indépendants. En proposant de nommer d'office une majorité de présidents de COS, la commission des finances fait quelque peu abstraction de la liberté normalement laissée aux sociétaires de désigner des administrateurs indépendants. Cette particularité serait d'ailleurs techniquement envisageable si notre amendement était adopté. Au demeurant, il serait plus sage de ne pas légiférer du tout sur ce problème de gouvernance dans le cadre du présent projet de loi.

Ensuite, nous sommes attachés à la culture de chaque entreprise, et il est toujours difficile d'imposer des évolutions. A cet égard, dans la culture d'entreprise, l'action et le contrôle sont deux fonctions différentes. Il appartiendra donc aux sociétaires de choisir celui qui est le mieux à même de représenter une caisse régionale, parmi le président du directoire, le président du COS, et éventuellement un administrateur indépendant.

Enfin, la commission des finances propose que la majorité des membres soit obligatoirement constituée de présidents de COS. Mais comment cette majorité sera-t-elle obtenue s'agissant d'établissements à vocation régionale ? Si cette majorité ne résulte pas du libre choix des caisses régionales, nous serons alors confrontés au non-respect de cette disposition législative en la matière. Or Laurent Béteille et moi-même souhaitons justement l'application du droit et la désignation d'administrateurs indépendants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement n° 84 rectifié me semble relever d'intentions très voisines de celles que la commission a exprimées, même si son dispositif est assez différent.

Tout d'abord, monsieur Dominati, vous qualifiez d'« administrateurs » des membres de conseils de surveillance, mais j'admets qu'une telle dénomination n'est pas dramatique en soi.

En outre, vous considérez, ce qui est en effet intéressant, que ces administrateurs représentant les caisses d'épargne régionales n'ont pas vocation à être systématiquement des présidents de conseils d'orientation et de surveillance. Si j'ai bien compris, vous souhaitez plus de liberté, afin qu'il soit éventuellement possible de désigner des tiers ayant vocation à représenter les caisses d'épargne régionales. (M. Philippe Dominati acquiesce.)

Si la commission est en effet intéressée par votre démarche, néanmoins, à ce stade, elle préfère son propre amendement et souhaiterait que vous puissiez vous y rallier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement partage évidemment l'objectif d'une bonne gouvernance du groupe Caisse d'épargne.

Du reste, lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2003, je rappelle que le Gouvernement s'en était remis à la sagesse du Sénat sur un amendement similaire.

Ce débat a d'ailleurs peut-être servi d'aiguillon car, depuis, il faut reconnaître que la représentation des caisses d'épargne au conseil de surveillance de la CNCE a significativement évolué.

M. Philippe Marini, rapporteur. C'est vrai !

M. Thierry Breton, ministre. A l'époque, cette représentation était assurée majoritairement par les présidents de directoire. Elle est aujourd'hui paritaire, avec six présidents de directoire et six présidents de conseils d'orientation et de surveillance.

La CNCE et la Fédération nationale des caisses d'épargne viennent de me faire part de leur souhait de poursuivre, en interne, leur réflexion sur d'éventuelles évolutions à envisager s'agissant de la gouvernance du groupe.

M. Thierry Breton, ministre. Il me semblerait donc préférable, à ce stade et au bénéfice de ce nouvel aiguillon, de ne pas légiférer sur ce point et de prendre un nouveau rendez-vous.

Cela dit, si vous y teniez, le Gouvernement s'en remettrait à la sagesse du Sénat sur votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, contre l'amendement n° 17.

M. Jean-Jacques Jégou. Je voterai contre les amendements nos 17 et 84 rectifié.

Monsieur le rapporteur, vous connaissez éminemment bien tous ces sujets. Toutefois, je me permettrai de vous apporter, en toute amitié, la contradiction à propos de cet amendement voté lors d'une réunion de la commission des finances à laquelle je n'étais pas présent.

Mes chers collègues, le groupe des caisses d'épargne est le troisième groupe bancaire français. La loi de 1999 l'a soumis au droit commun, au même titre que des banques mutualistes du type Crédit mutuel ou coopératives tel le Crédit agricole.

Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, cette banque de droit commun a connu depuis 1999 des évolutions très importantes, voire faramineuses. Quel chemin parcouru entre les caisses d'épargne telles que nous les connaissions auparavant et ce qui est devenu le troisième groupe bancaire français, dont vous avez vous-même reconnu l'envergure internationale et qui, avec une banque comme IXIS, intervient désormais sur le marché financier de façon importante et quasi institutionnelle !

Certes, des affrontements ont pu être été observés, mais vous admettrez qu'une telle situation est bien normale dans un groupe qui n'est soumis au droit commun que depuis 1999.

Toutefois, depuis quelques semaines, les réseaux et la Caisse nationale se sont rencontrés à plusieurs reprises. Un certain nombre d'entre nous ont d'ailleurs été témoins de ces rencontres, à l'issue desquelles il a été décidé d'apporter une réponse d'ici à la fin de l'année à l'interrogation lancinante et récurrente que la commission des finances soulève depuis déjà un certain temps.

Il serait donc de bonne gouvernance de ne pas nous immiscer dans un groupe bancaire privé, même si la Caisse des dépôts et consignations en est un actionnaire important.

Ainsi, monsieur le rapporteur, le retrait des amendements nos 17 et 84 rectifié permettrait aux réseaux et à la Caisse nationale de continuer le dialogue qui s'est instauré, afin d'être en mesure d'apporter une réponse à votre demande. Ce faisant, ils poursuivraient la modernisation de la gouvernance en cours depuis 1999, qui a favorisé l'éclosion du grand groupe bancaire que nous connaissons tous. Cela permettrait ensuite d'aborder, à la fin de 2006 ou au début de 2007, la prochaine échéance que nous attendons avec impatience, à savoir l'introduction en bourse.

M. Philippe Marini, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.

M. Alain Gournac. Monsieur le rapporteur, je souhaite tout d'abord vous féliciter, car votre analyse de la situation des caisses d'épargne est parfaite.

Je reviendrai néanmoins sur ce « petit wagon » que nous avons introduit en 2003. A l'époque, il nous fallait tenir compte de la situation interne aux caisses d'épargne, en prévoyant une disposition spécifique. Et, parce qu'il s'agissait d'un cavalier budgétaire, ce petit wagon a été placé sur une voie de garage.

Aujourd'hui, il ne s'agit pas de se déjuger, mais une discussion s'est engagée sur ce sujet à l'intérieur même des caisses d'épargne et, pour la suivre personnellement depuis quelques mois, je puis vous dire qu'elle est tout à fait intéressante. Pourquoi donc vouloir y couper court, alors que nous ne cessons de prôner le débat, le dialogue ? Or c'est bien ce qui se passerait, monsieur le rapporteur, si nous votions l'amendement de la commission des finances !

En définitive, nous ne sommes pas contre votre proposition, nous souhaitons simplement que le dialogue puisse se poursuivre et évoluer. Par conséquent, je souhaite que le petit wagon en question demeure sur la voie de garage qu'il occupe depuis 2003.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je tiens à dire à quel point la commission des finances est désireuse de promouvoir la bonne gouvernance dans toutes nos institutions financières.

Le groupe Caisse d'épargne s'est tranformé dans des conditions tout à fait exemplaires, et il faut rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont contribué à cette évolution.

Il est vrai, cependant, que ce groupe possède des caractéristiques très particulières. Philippe Marini est d'ailleurs intervenu pour dire qu'il fallait clarifier la situation et légiférer dans ce domaine : en effet, dans la structure financière du groupe Caisse d'épargne, certaines relations s'apparentent à l'endogamie, puisque les caisses régionales souscrivent au capital de la Caisse nationale et que, parallèlement, cette dernière souscrit des certificats d'investissement dans le capital des caisses régionales. Il s'agit donc d'un montage assez particulier, dont l'objet est de permettre, d'une part, aux caisses régionales de faire remonter leurs résultats au niveau national et, d'autre part, à la Caisse des dépôts et consignations, qui est actionnaire de la Caisse nationale, de percevoir au passage son juste dividende.

Pour mettre un terme à cette situation, nous avons voté en 2003 - et vous avez voté avec nous, cher Alain Gournac - le dispositif que nous vous proposons à nouveau aujourd'hui. Au demeurant, ce n'est pas le Sénat qui a mis le petit wagon dans un congélateur ou sur une voie de garage, mais le Conseil constitutionnel. Si ce dernier n'avait pas censuré une telle disposition au motif qu'il s'agissait d'un cavalier, la loi s'appliquerait d'ores et déjà !

Ce vote a en tout cas suscité, à l'époque, un appel à la concertation, afin que chacun recherche une gouvernance appropriée, ce qui n'était en aucune façon critiquable. Et un tel mouvement est aujourd'hui à l'oeuvre, comme vous venez d'en témoigner avec beaucoup de conviction.

A mes yeux, monsieur le rapporteur, votre initiative - celle-ci comme les autres ! - a au moins une immense vertu, puisqu'elle donne un relief particulier à ce débat : ne sommes-nous pas un peu plus nombreux dans cet hémicycle que lors de la discussion des autres dispositions de ce projet de loi ? (Sourires.)

Quoi qu'il en soit, si le législateur peut s'abstenir d'intervenir en la matière, ce sera sans doute la plus belle des consécrations. Nous ne pouvons que donner la priorité à ce beau geste et, par conséquent, retenir notre plume, nous qui légiférons d'une main tremblante.

En revanche, il serait fâcheux, monsieur le rapporteur, de prendre le risque, ce soir, d'un vote aléatoire. En effet, si une si bonne disposition était, par malheur, censurée, ce serait fort dommage.

Chers collègues de la commission des finances, nous qui avons approuvé cette disposition lorsque M. le rapporteur nous l'a soumise, peut-être serait-il judicieux en l'instant de laisser tous les responsables de ce mouvement, au sein du groupe Caisse d'épargne, mener à son terme la négociation en cours et de nous réjouir tous ensemble de son aboutissement avant la fin de cette année. En effet, tous ceux qui ont pris la parole sur ce thème en seront les grands témoins et veilleront à ce que cette affaire soit alors réglée comme nous le souhaitons, afin que la gouvernance de ce groupe soit exemplaire à tous égards.

Dans ces conditions, monsieur le rapporteur, sans doute pourrions-nous retirer l'amendement n° 17, et je ne doute pas que notre collègue Philippe Dominati fera de même.

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.

M. Laurent Béteille. Je ne veux pas répéter ce qu'ont dit beaucoup mieux que je ne pourrais le faire Jean-Jacques Jégou et Alain Gournac.

La proposition qui vient d'être faite par le président de la commission des finances est tout à fait opportune. En effet, alors qu'un groupe entreprend lui-même, de l'intérieur, une réflexion inspirée par les travaux du Parlement à la suite de la demande conjointe du ministère des finances et des assemblées pour réformer sa gouvernance, il serait très dommageable de lui envoyer aujourd'hui un signal lui intimant de cesser tout travail, toute réflexion, et d'appliquer la loi.

N'oublions pas que les caisses d'épargne ont un statut tout à fait à part dans le droit bancaire français. C'est d'ailleurs très bien, car elles véhiculent un esprit très particulier, en lien, notamment, avec leur mission sociale. Et il n'est pas forcément nécessaire de remonter au duc de la Rochefoucault-Liancourt pour en apporter la preuve : aujourd'hui, les caisses d'épargne utilisent une partie de leurs bénéfices pour financer des projets d'économie locale et sociale, les PELS.

Ce réseau a des valeurs et un esprit différent des autres : il possède donc un régime différent. A mon avis, il faut le laisser travailler à se réformer. Il a déjà beaucoup évolué, et ce, me semble-t-il, dans le bon sens.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je serai très brève, car un certain nombre de choses ont déjà été dites. Je voudrais cependant vous faire part, comme un certain nombre d'autres collègues, de ma surprise devant la proposition qui nous est faite de légiférer sur une telle situation. Certes, cela a été rappelé, un amendement a été adopté en 2003. Mais il l'a été par la majorité et, par conséquent, en ce qui me concerne, je ne me sens pas liée par ce vote.

Cela fait un peu moins de cinq ans que les caisses d'épargne ont engagé de profondes transformations. Or cinq ans, c'est court en comparaison du temps de vie d'un tel organisme. La mise en place des caisses locales d'épargne a nécessité du temps. Parallèlement, les caisses d'épargne ont montré leur dynamisme et leur capacité à réagir face à la situation économique à laquelle nous sommes confrontés.

Comme vient de le dire M. Béteille, les missions assurées par les caisses d'épargne, que j'appellerai pour ma part des missions de service public, sont très importantes.

C'est la raison pour laquelle j'approuve la proposition de M. le président de la commission des finances, car elle me paraît tout à fait judicieuse.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. Je suis absolument ravi du débat qui vient de se dérouler. A la vérité, l'enjeu économique que représentent les caisses d'épargne vaut bien, de temps en temps, un débat au Sénat, ainsi, sans doute, qu'à l'Assemblée nationale.

J'ai souhaité provoquer le débat...

M. Charles Pasqua. Vous avez réussi ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur. ... et je constate que les interventions et les arguments ont été de grande valeur, ce qui nous a permis de réfléchir à la stratégie et à l'évolution de ce groupe.

Les modifications nécessaires peuvent être apportées alternativement selon une voie ou une autre : celle de la législation - les caisses d'épargne ont connu successivement de grandes lois de réforme en 1983 puis en 1999 -, ou celle de l'autodiscipline, du dialogue et de la réforme internes.

Il me paraissait en tout cas nécessaire de prendre conscience que la composition actuelle des instances n'est plus, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, acceptable pour les investisseurs de ce groupe. Il s'agit de comprendre la nécessité d'évoluer pour s'adapter à l'environnement économique et pour préparer les échéances du futur, en particulier celles de l'ouverture du capital et de l'évolution du partenariat actuel - qui, à mes yeux, ne sera pas toujours éternel - avec la Caisse des dépôts et consignations. Prendre conscience que ces objectifs vont devoir être poursuivis à l'avenir, cela me paraît l'essentiel.

La gouvernance du groupe Caisse d'épargne doit bien sûr s'adapter aux projets stratégiques que la fédération établira. A mon avis, celle-ci doit en effet prendre, en ce qui la concerne, une part croissante en tant qu'organe de représentation légitime du sociétariat de ces caisses.

Mes chers collègues, je suis donc vraiment très heureux qu'une telle mission ait été accomplie et que ce modeste amendement ait suscité des réflexions d'une telle qualité.

Bien entendu, la commission des finances sera attentive à l'évolution de la situation, car il faudra après tout cela des initiatives concrètes. Mais le groupe Caisse d'épargne sait que nous l'accompagnons avec vigilance et confiance vers sa modernisation.

Je vous remercie, mes chers collègues, de votre participation à ce débat, et je retire l'amendement n° 17 de la commission

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 17 est retiré.

Monsieur Dominati, l'amendement n° 84 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 84 rectifié est retiré.

Quoi qu'il en soit, cette discussion aura été riche, puisqu'elle nous aura permis de mieux envisager l'avenir du groupe Caisse d'épargne.