PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Demande de priorité (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Rappel au règlement

Engagement national pour le logement

Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant engagement national pour le logement (nos 188, 270).

Rappel au règlement

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Article 1er A (supprimé)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour un rappel au règlement.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, comme le savent tous nos collègues ainsi que le Gouvernement, par deux décisions, l'une en janvier et l'autre en mars, le Conseil constitutionnel a modifié, précisé et affiné sa jurisprudence sur l'exercice du droit d'amendement. Si le Conseil constitutionnel confirme, avec les réserves habituelles - type article 40 et autres -, que le droit d'amendement s'exerce pleinement au cours de la première lecture, il pose plusieurs interdictions pour les lectures suivantes. Nous sommes donc maintenant en présence de nouveaux cas d'irrecevabilité.

La question que je me pose - et je ne suis sans doute pas le seul - est comment s'appliqueront au Sénat les décisions du Conseil constitutionnel, qui, en vertu de l'article 62 de la Constitution, s'imposent aux pouvoirs publics, et donc au Parlement comme aux autres institutions de la République.

Nous savons parfaitement quelle est la procédure de l'irrecevabilité fondée sur l'article 40 de la Constitution qui peut être invoquée par le Gouvernement ou par tout sénateur, quelle est celle de l'irrecevabilité en vertu de l'article 41 qui ne peut être opposée que par le Gouvernement, ce dernier ou tout sénateur se partageant la possibilité de soulever l'irrecevabilité au regard de la loi organique relative aux lois de finances ou de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Nous savons comment le règlement du Sénat permet d'écarter les cavaliers législatifs sur l'initiative du Gouvernement, de la commission ou de tout sénateur, sans oublier les diverses irrecevabilités liées à des délais, qui sont automatiquement appliquées par la présidence. En revanche, nous avons besoin d'être éclairés par le bureau du Sénat sur la manière dont s'appliqueront les nouvelles irrecevabilités résultant de la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Je ne vous demande pas de me donner une réponse tout de suite, monsieur le président, car la question mérite réflexion. Mais il serait bon que nous sachions rapidement si c'est à un sénateur, à la commission ou au Gouvernement qu'appartiendra la faculté de les soulever ou de les opposer.

Si nous ne modifions pas notre règlement pour le compléter sur ce point, les règles applicables aux cavaliers législatifs prévaudront-elles ? On pourrait en effet considérer, par assimilation, que tout ce qui sort du cadre des amendements que le Conseil constitutionnel autorise maintenant à partir de la deuxième lecture constitue en fait un « cavalier ».

Je souhaiterais donc que vous saisissiez le président du Sénat et, éventuellement, le bureau de cette question afin qu'une note précise soit adressée aux sénateurs, moins d'ailleurs pour commenter les décisions du Conseil constitutionnel, qu'il suffit de lire dans le Journal officiel, que pour connaître la marche à suivre dans l'hypothèse où - c'est ce que je crois - nous ne jugerions pas utile de rectifier notre règlement.

M. le président. Monsieur Charasse, voici les éléments qui sont en ma possession : la note que vous sollicitez a déjà été envoyée aux membres de la conférence des présidents. M. le président du Sénat a saisi les présidents des groupes et les présidents des commissions. Cette question a donc fait l'objet d'une première discussion.

M. le président du Sénat souhaite qu'une voie pragmatique et consensuelle soit recherchée. C'est à l'intelligence de chacun qu'il est fait appel.

Cela étant, la procédure reste à définir.

M. le président. Les différents groupes sont donc invités à débattre en leur sein de la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel et à indiquer leur position.

Acte vous est donné de votre rappel au règlement. Je transmettrai, bien entendu, vos observations.

M. Michel Charasse. Merci, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je vais traiter du même sujet que Michel Charasse.

Mes chers collègues, avant de commencer l'examen des articles du projet de loi portant engagement national pour le logement, dont nous allons débattre aujourd'hui et tout au long de la semaine, il m'apparaît important d'appeler à nouveau l'attention de tous sur l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la recevabilité des amendements déposés à partir de la deuxième lecture. Le président du Sénat, M. Christian Poncelet, a d'ailleurs écrit aux membres de la conférence des présidents afin de souligner la nécessité d'être vigilant sur cette question, tout en écartant l'idée d'un contrôle préalable de recevabilité.

M. le rapporteur l'a rappelé à la fin de la discussion générale, pour être considérés comme recevables en deuxième lecture, conformément à la nouvelle jurisprudence, les amendements portant articles additionnels doivent être « en relation directe avec les dispositions restant en discussion ».

Le Conseil constitutionnel confirme ainsi la règle dite de « l'entonnoir » en vertu de laquelle la deuxième lecture est exclusivement réservée à l'examen des divergences subsistant entre les deux assemblées.

S'agissant des amendements ne satisfaisant pas à cette exigence du Conseil constitutionnel, pour lesquels votre commission ne saurait en conséquence garantir la constitutionnalité, M. le rapporteur vous a déjà fait savoir la position qu'il défendra : si la commission est défavorable à un tel amendement sur le fond, elle l'exprimera sans ambages en mentionnant éventuellement que sa constitutionnalité n'est pas assurée ; en revanche, si elle est favorable à un amendement dont la constitutionnalité n'est pas garantie, elle émettra un avis de sagesse en mentionnant chaque fois son doute sur sa constitutionnalité.

Si je rappelle notre position et les raisons qui la sous-tendent, c'est parce que, à la suite du pointage effectué par les services, il est apparu que, sur les quelque 520 amendements que le Sénat aura à examiner, la commission ne sera en mesure de garantir la constitutionnalité que d'environ 350 d'entre eux.

C'est pourquoi il m'apparaît important que les auteurs de tels amendements ne les défendent pas avec trop d'insistance de manière à assurer la fluidité de nos débats et à conserver à la deuxième lecture du projet de loi l'esprit que le Conseil constitutionnel a souhaité rappeler au travers de sa jurisprudence.

Cette demande de modération s'adresse tout particulièrement à ceux de nos collègues ayant déposé des amendements dont le Conseil constitutionnel pourrait contester la constitutionnalité et que le Sénat a d'ores et déjà rejetés en première lecture.

J'espère que la position de la commission recueillera votre compréhension et votre approbation, et je vous en remercie par avance.

M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

TITRE IER

MOBILISATION DE LA RESSOURCE FONCIÈRE POUR LA RÉALISATION DE LOGEMENTS

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Articles additionnels avant l'article 1er

Article 1er A (supprimé)

M. le président. L'article 1er A a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 35, présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - Compte non tenu du programme national de rénovation urbaine prévu par les articles 6 à 9 de la loi n° 2003-70 du 1er août 2003 d'orientation et programmation pour la ville et la rénovation urbaine, 700.000 logements locatifs sociaux seront réalisés, au cours des années 2006 à 2010, selon la programmation suivante :

Nombre de logements

2006

2007

2008

2009

2010

Total

Logements financés par des prêts locatifs à usage social (PLUS) et prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI)

110.000

110.000

110.000

110.000

110.000

550.000

Logements financés par des prêts locatifs sociaux (PLS)

20.000

20.000

20.000

20.000

20.000

100.000

Logements construits par l'association agrée prévue à l'article 116 de la loi de Finances pour 2002

10.000

10.000

10.000

10.000

10.000

50.000

TOTAL

140.000

140.000

140.000

140.000

140.000

700.000

II. - Les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Affirmer un engagement national pour le logement implique, en particulier, de donner à l'effort de construction une portée nouvelle et significative.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à une crise du logement, qui, par de multiples aspects, rappelle celle des années 1950. Cependant, la crise d'aujourd'hui est caractérisée par des facteurs spécifiques : le niveau des loyers dans le secteur privé a littéralement explosé au cours des cinq dernières années, le parc locatif social de fait est en voie d'extinction rapide, et certains poussent aujourd'hui les feux de la disparition définitive de ce parc dit « de la loi de 1948 » ; l'investissement locatif privé a pris un tour nouveau.

Nombre d'opérateurs sont passés d'une logique de revenus fonciers à la rentabilité annuelle stable, comprise entre 3 % et 4 %, à une logique purement spéculative, visant à tirer au plus vite une plus-value maximale des logements, ce qui se traduit notamment par des changements fréquents de propriétaire.

Un tel phénomène se retrouve, par exemple, dans les opérations de vente à la découpe, où l'argent que certains veulent absolument tirer de la pierre nuit aux conditions de vie et à la sécurité des locataires.

Permettez-moi de vous citer un exemple parmi tant d'autres : dans le VIe arrondissement de Paris, celui-là même où se trouve le palais du Luxembourg, 10 % des logements recensés sont vacants ! Au demeurant, il s'agit d'un secteur où le nombre de logements sociaux, quel que soit leur mode de financement, est particulièrement faible et même, selon les statistiques officielles, proche de zéro.

Il conviendrait donc de mener une ample politique de construction de logements sociaux, plus ambitieuse encore que celle qui l'a été au titre de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

Par conséquent, cet amendement vise à rendre plus volontariste la politique qui est conduite en la matière et plus ambitieux les objectifs que le Gouvernement a fixés.

D'ailleurs, comment ne pas relever que notre proposition, qui tend à permettre la réalisation de 700 000 logements sociaux, doit être appréhendée au regard de la réalité de la demande ?

En effet, selon les données dont nous disposons, 86 500 personnes sont sans domicile fixe, 809 000 sont privées de domicile personnel, 2 187 000 connaissent des conditions de logement très difficiles, 715 000 sont en situation de précarité pour des raisons financières, 625 000 vivent dans des copropriétés dégradées et 3 507 000 sont hébergées par des proches, faute de logement personnel !

Dans le cadre de ce débat, nous ne pouvons pas ignorer, me semble-t-il, de telles données, qui motivent d'autant plus cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 501 rectifié, présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I- Avant le 1er décembre 2007, le gouvernement réforme le zonage des agglomérations servant à plafonner les différents plafonds et barème liés aux aides à la personne et aux aides à la pierre en matière de logement. Il tiendra compte de l'évolution de la démographie, de la sociologie et des coûts du foncier des agglomérations.

II- Avant le 31 décembre 2006, le gouvernement publie un rapport sur les conditions d'application du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 relatif au taux d'indemnité de résidence dont bénéficient certains fonctionnaires de l'État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière. Il tiendra compte de l'évolution de la démographie, de la sociologie et des coûts du foncier des agglomérations.

La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Cet amendement avait été adopté à l'unanimité au Sénat en première lecture, puis supprimé à l'Assemblée nationale. Je souhaite tout simplement y revenir.

Comme vous le savez, en matière de logements sociaux, un zonage a établi. Il existe trois zones et la zone C concerne les territoires ruraux, c'est-à-dire ceux qui regroupent moins de 50 000 habitants agglomérés.

Nous connaissons tous l'extrême difficulté de réaliser une opération HLM sur de tels territoires, tant l'équilibre y est fragile, car les loyers et les aides au logement ou à l'investissement sont faibles.

Dans ces conditions, l'obligation de travailler à un rééquilibrage entre la zone B et la zone C présenterait plusieurs intérêts.

En effet, le souhait du Gouvernement de mener une politique active dans les zones urbaines sensibles implique de faciliter la construction de logements locatifs sur les territoires voisins. Or c'est extrêmement difficile, puisque les règles applicables ne sont pas les mêmes entre la zone B et la zone C. C'est un premier paradoxe.

Il y en a un deuxième. Nous souhaitons tous l'aménagement équilibré du territoire. À cette fin, nous avons adopté la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Or il est extrêmement difficile pour les maires ruraux qui souhaitent réaliser ce type de logements d'y parvenir, faute de trouver l'équilibre dans le montage.

Les territoires ruraux subissent donc, serais-je tenté de dire, une double peine. D'une part, ils ne peuvent pas équilibrer leurs opérations, car ils bénéficient de moins de subventions que les territoires urbains. D'autre part, lorsque les maires décident de construire des logements sociaux malgré tous ces handicaps, on ne leur rembourse pas la taxe foncière sur les propriétés bâties sur les dix années supplémentaires qui ont été accordées par le Gouvernement.

C'est pourquoi notre groupe souhaite que le Gouvernement s'engage à réformer la zone C et à rééquilibrer les zones B et C sur le territoire métropolitain.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. Pour mémoire, je rappellerai à la Haute Assemblée le plan de cohésion sociale que nous avons adopté l'année dernière. Comme vous le savez, celui-ci prévoit la construction de 500 000 logements sociaux sur cinq ans.

Dans ces conditions, j'aurais tendance à dire à Mme Demessine : « restons raisonnables » ! Les objectifs manifestement très ambitieux que nous avons adoptés dans la loi de programmation pour la cohésion sociale nécessitent la mobilisation de tous les acteurs. Et si nous les atteignons, nous apporterons, je le crois, une sérieuse réponse à la crise du logement.

En outre, permettez-moi de vous dire, madame Demessine, que je trouve vos leçons en matière de logements sociaux tout à fait déplacées ! En effet, c'est pendant la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix, alors que la croissance était forte, que le volume de logements sociaux construits a été le plus faible !

Mme Michelle Demessine. Changez un peu de disque !

M. Dominique Braye, rapporteur. Seulement 38 000 logements sociaux ont été réalisés en 1999 et 42 000 en 2000 !

La pénurie à laquelle nous sommes actuellement confrontés est en grande partie due à votre inaction...

Mme Michelle Demessine. C'est faux ! Nous avons voté l'article 55 de la loi SRU pour obliger vos amis à construire des logements sociaux !

M. Dominique Braye, rapporteur. ... à l'époque où il y avait de la croissance et où vous étiez aux manettes ! (Bravo ! sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Ça va tellement mieux aujourd'hui ! Il suffit d'aller le vérifier dans la rue !

M. Dominique Braye, rapporteur. Par conséquent, je trouve votre proposition, madame Demessine, tout à fait déplacée ! J'émets donc un avis défavorable sur votre amendement. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. C'est scandaleux !

M. Dominique Braye, rapporteur. J'en viens à présent à l'amendement n° 501 rectifié.

En première lecture, la Haute Assemblée avait adopté, non pas à l'unanimité, puisque c'était contre l'avis de la commission et du Gouvernement, un amendement tendant à obliger le Gouvernement à réformer le zonage des agglomérations servant au calcul des plafonds et des barèmes des aides à la personne et des aides à la pierre avant le 1er décembre 2007.

Comme vous le savez, l'Assemblée nationale, sur la proposition de son rapporteur M. Gérard Hamel, a souhaité supprimer cet article pour deux raisons.

D'une part, elle a estimé que le dispositif ne permettait pas d'atteindre les buts recherchés, à savoir mieux adapter le zonage aux prix de l'immobilier. De surcroît, une telle réforme serait lourde de conséquences, de nombreux ménages se retrouvant « désolvabilisés » à budget constant.

D'autre part, le rapporteur a souligné que le Gouvernement était en train d'élaborer un zonage plus fin et plus adapté aux réalités locales, ajoutant qu'une telle réforme relevait essentiellement du domaine réglementaire.

La commission est donc sensible à de tels arguments. En outre, la rédaction que vous proposez constituerait une injonction au Gouvernement, ce qui, comme vous le savez, est totalement inconstitutionnel.

C'est pourquoi je vous demanderai de retirer cet amendement, afin de ne pas me contraindre à émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Madame Demessine, nous pourrions certes faire des enchères croissantes, mais il faut toujours partir des réalités.

Souvenez-vous : en 2000, lorsque vous étiez au gouvernement, seulement 42 000 logements sociaux ont été réalisés. En 2005, nous avions fixé un objectif de 90 000 logements et 81 000 ont effectivement été engagés. Nous avons désormais un objectif de 100 000 logements et la loi de programmation pour la cohésion sociale en prévoit 120 000.

À cette fin, nous avons signé une convention de production, notamment avec l'Union sociale pour l'habitat. Nous avons des conventions de financement avec le 1 %.

Si nous atteignons l'objectif de 120 000 logements sociaux, ce qui est la volonté du Gouvernement, nous aurons rempli les objectifs définis tant par le Conseil économique et social que par l'Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre du plan de cohésion sociale.

Cela anticipe ma réponse sur d'autres propositions qui feront monter les enchères.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 35, mais il exprime également le sentiment que l'ensemble des groupes politiques pourraient soutenir effectivement le plan de cohésion sociale, car il s'agit d'une ambition élevée.

S'agissant de l'amendement n° 501 rectifié, présenté par M. Dubois, devrais-je rappeler ce que j'ai entendu tout à l'heure sur les parts respectives des domaines réglementaire et législatif ? Non !

Je souhaite simplement confirmer que le Gouvernement a déjà su bouger sur les zonages : il entend le faire avec finesse. Ce n'est pas sans conséquences, car c'est l'ensemble des logements qui entrent, à ce moment-là, dans la modification du zonage.

Mais nous sommes naturellement sensibles au secteur rural, qui est parfois un peu oublié.

Je voudrais donc vous répondre, monsieur le rapporteur, puisque vous avez demandé le retrait de l'amendement de M. Dubois, tout en reprenant une partie de ses préoccupations.

Pour les raisons que je viens d'indiquer, je souhaite également le retrait de cet amendement, mais je réaffirme que le Gouvernement s'engage à examiner ces différents points.

Dès lors que les moyens budgétaires sont disponibles,...

M. Didier Boulaud. Mais les caisses sont vides !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...nous réalisons un très grand effort en matière de logements sociaux.

Ainsi, des rattrapages de zonage ont été réalisés dans les zones agglomérés, notamment dans la région d'Île-de-France qui avait un retard considérable, sur 321 communes.

Par conséquent, je demanderai également à l'auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 35.

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons l'amendement déposé par nos collègues du groupe CRC, bien que nous en ayons déposé un légèrement différent, dont nous aurons l'occasion de débattre dans le cours des discussions qui s'ouvrent aujourd'hui.

Certes, nous ne sommes pas totalement d'accord sur la répartition et sur l'objectif quantitatif. Mais le dispositif que tend à instituer cet amendement permettra effectivement de donner une réelle ambition sociale au programme national de rénovation urbaine.

En effet, cet amendement vise à accroître le nombre de logements locatifs à destination des catégories moyennes et modestes, mais il tend également à cibler, et ce de manière très concrète, les véritables logements sociaux, les prêts locatifs aidés-intégration, les PLAI, et les prêts locatifs à usage social, les PLUS. Comme nous le savons, dans l'éventail des logements sociaux, certains sont effectivement disponibles pour les classes modestes et les classes moyennes et d'autres le sont beaucoup moins ; je pense aux prêts locatifs sociaux, les PLS.

Mme Demessine, il est vrai, a défendu un amendement dont l'objectif quantitatif est beaucoup plus élevé que celui de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Un tel objectif pourra être atteint - c'est aussi une réponse à certains intervenants que j'ai entendus - grâce à un certain nombre de dispositions qui ont été adoptées en décembre 2000.

M. Thierry Repentin. Je pense notamment à la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, qui a notamment incité 750 communes de France à rattraper le retard qu'elles avaient.

Mme Michelle Demessine. Tout à fait !

M. Thierry Repentin. Je fais également référence à un dispositif qui suscite les appétits de certains : le PLS, créé en 2001.

En outre, j'évoquerai la possibilité qui a été donnée à la Foncière Logement de pouvoir construire des logements dans le cadre du programme de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU. Cette possibilité a également été accordée en 2001.

Je mentionne enfin un engagement qui a été pris entre la ministre du tourisme et le ministre du logement de l'époque de réaliser 5 000 logements pour les saisonniers.

Ces quatre dispositifs ont été institués entre décembre 2000 et fin 2001.

Cela concourt aujourd'hui à augmenter la construction des logements sociaux et donc à les quantifier à un niveau supérieur à ce qu'il était possible de réaliser avant la fin 2000. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Dubois, l'amendement n° 501 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Dubois. Je prends simplement bonne note des propos de M. le ministre, ainsi que de la volonté d'engager un certain nombre de réflexions et de propositions s'agissant du milieu rural.

Monsieur le rapporteur, je pensais m'inscrire dans une logique d'incitation, et non d'injonction. Quoi qu'il en soit, je retire l'amendement n° 501 rectifié.

M. Didier Boulaud. C'est plus facile à retirer que le CPE !

M. le président. L'amendement n° 501 rectifié est retiré.

CHAPITRE IER

Faciliter la réalisation de logements sur les terrains publics

Article 1er A (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le chapitre VI du titre 1er du livre VI du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un chapitre intitulé « Permis de diviser »

II. - Après l'article L. 616 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Toute division d'immeuble à usage d'habitation est soumise à une autorisation municipale préalable, dénommée permis de diviser. Ce permis de diviser ne sera délivré qu'après examen de la conformité technique, actuelle ou prévisible, de l'immeuble et des lots divisés, avec des normes minimales d'habitabilité. Dans la ou les zones géographiques où la situation résidentielle provoquée par l'évolution et le niveau anormal du marché porte atteinte à la mixité sociale, ce permis de diviser ne sera délivré qu'en tenant compte des engagements souscrits dans un dossier locatif, permettant de garantir la pérennité de la situation locative des locataires ou occupants habitant l'immeuble et de maintenir la fonction locative existante. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ».

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Cet amendement nous a été directement inspiré par l'examen de la situation résultant du développement des ventes à la découpe, qui précarise de manière particulièrement forte des ménages aux revenus moyens et qui aggrave la crise du logement dans notre pays.

Nous l'avons déjà indiqué, les ventes à la découpe constituent, à nos yeux, une atteinte grave aux droits des locataires. Nous considérons qu'elles constituent en réalité un véritable détournement de la loi de 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

On constate, en effet, que les dispositifs existants de protection des locataires, notamment les accords collectifs, ne les protègent en rien contre les agissements des marchands de biens, véritables professionnels du harcèlement, de l'éviction et de la vente forcée.

La vente à la découpe, si l'on n'y prête pas garde, aboutira en fait à donner une sorte de priorité au droit de propriété, au détriment du droit au logement. En l'espèce, c'est plutôt un droit à spéculer et à intimider qui est mis en oeuvre ! En effet, dans certaines opérations, notamment dans le centre de Paris - je pense à l'affaire de la rue des Arquebusiers -, ce sont des plus-values latentes de 90 % qui sont attendues des congés-ventes !

En conséquence, nous proposons de donner aux municipalités la possibilité de maintenir la vocation locative des logements et de s'opposer, le cas échéant, à la vente par lots, en fonction du quartier et du parc locatif.

Il s'agit pour nous non pas d'introduire une mesure administrative supplémentaire, mais de définir les instruments nouveaux d'une politique. Instaurer un permis de diviser, c'est mettre en place un garde-fou face à la spéculation immobilière.

Au demeurant, comment ne pas évoquer, dans le cadre de ce texte, la question de l'intervention publique au moment où un important opérateur de logements sociaux, la Caisse des dépôts et consignations, tire parti de l'expiration des conventions de financement de certains programmes de son patrimoine pour les banaliser sur le marché locatif dit « libre » ? Il conviendra, d'ailleurs, un jour, de s'interroger sur cette liberté du marché du logement qui consiste, in fine, à priver la grande majorité de nos compatriotes de toute possibilité de logement.

Cet amendement vise donc à redonner sens à l'intervention politique dans le domaine du logement, à prendre des décisions courageuses pour interdire la spéculation dès lors qu'elle porte atteinte au droit au logement.

Nous nous refusons, en qualité d'élus de la nation, à voter des textes qui ne font qu'accompagner et réguler - à peine ! - les travers du marché, lesquels s'inscrivent dans sa logique et résultent de la soumission aux principes du libéralisme économique et social.

Cet amendement peut contribuer à donner corps et sens à la notion d'engagement national pour le logement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Je reconnais que notre collègue Michèle Demessine fait preuve d'une grande constance !

Mme Michelle Demessine. Il en sera ainsi jusqu'à ce que nous obtenions satisfaction !

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous avons déjà longuement eu l'occasion de débattre de cette question, notamment la semaine dernière, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi de Martine Aurillac, dont le rapporteur au Sénat était notre collègue Laurent Béteille.

Mme Michelle Demessine. Elle ne protégera pas les locataires !

M. Dominique Braye, rapporteur. Le problème que soulève Mme Demessine a donc été traité par le Sénat, dans des conditions d'ailleurs autrement plus satisfaisantes que celles que nous propose notre collègue dans son amendement. Par conséquent, je ne reviendrai pas sur tous les arguments qui ont été développés la semaine dernière.

La commission est défavorable à cet amendement, sur le fond et sur la forme.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Comme Mme Demessine, le Sénat fera sans aucun doute lui aussi preuve de constance. Je rappelle en effet qu'il n'a pas adopté cet amendement au cours des deux lectures de la proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble.

Le permis de diviser que cet amendement vise à instituer s'apparente à un permis de mise en copropriété. Il nous apparaît comme une mesure très administrée, lourde, de nature à figer le marché, alors que tel n'est pas l'objectif. (Mme Michelle Demessine s'exclame.) Il me semble important de rappeler qu'une telle mesure serait contre-productive.

Mme Michelle Demessine. Je ne crois pas !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Michelle Demessine. Méfiez-vous de votre propre constance !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 457, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Dans le troisième alinéa de l'article L. 641-1 du code de la construction et de l'habitation, les mots : « peut, après avis du maire » sont remplacés par les mots : « et le maire peuvent ».

II. En conséquence, dans le deuxième alinéa de l'article L. 641-4 du même code, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le maire peuvent ».

III. Dans les articles L. 642-1, L. 642-7, L. 642-11, L. 642-13 du même code, après les mots : « le représentant de l'Etat dans le département » sont insérés les mots : « ou le maire de la commune ».

IV. Dans les articles L. 642-8 et L. 642-10 du même code, après les mots : « au représentant de l'Etat dans le département » sont insérés les mots : « ou au maire de la commune ».

V. Dans l'article L. 642-9 du même code, les mots : « Après avoir sollicité l'avis du maire, le représentant de l'Etat dans le département » sont remplacés par les mots : « Le maire ou le représentant de l'Etat dans le département après avoir sollicité l'avis du maire ».

VI. Dans l'article L. 642-12 du même code, après les mots : « du représentant de l'Etat dans le département » sont insérés les mots : « ou du maire ».

VII. L'article L. 642-2 du même code est abrogé.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Si la constance de Mme Demessine fait perdre du temps, que dire de l'inconstance du Gouvernement, qui va nous conduire à délibérer de nouveau sur le CPE ? (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Selon l'INSEE, la France compte 2 millions de logements vacants et, selon la Fondation Abbé Pierre, plus de 86 000 SDF.

Les réquisitions permettent de répondre à des situations d'urgence. L'amendement n° 457 vise donc à donner aux maires, et plus seulement aux préfets, la faculté d'y avoir recours. En effet, malgré la crise du logement actuelle, les préfets n'exercent pas le droit de réquisition autorisé par la loi. Étendre cette compétence à un élu local, doté d'une fine connaissance des vacances de logements et des besoins de sa population, permettrait de mieux répondre aux situations d'urgence.

Cette mesure concrète permettrait de conjuguer décentralisation et possibilité de débloquer des logements supplémentaires.

Les citoyens n'ont pas le réflexe de se tourner vers le préfet pour exiger des réquisitions. Aussi, donner ce pouvoir à un élu local, connu de tous, c'est donner aux citoyens un levier d'action, un moyen de faire reconnaître le droit au logement.

Face à la crise du logement, même si l'État est responsable en dernier recours, il faut octroyer de nouvelles compétences à l'échelon local.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Notre collègue Jean Desessard fait, lui aussi, preuve de constance ! En effet, cet amendement a déjà été examiné et rejeté en première lecture. D'ailleurs, conformément à la règle dite « de l'entonnoir », il n'est plus constitutionnel ; M. le président de la commission des affaires économiques, comme d'ailleurs votre collègue Michel Charasse, a rappelé quelles précautions devaient être prises à cet égard.

Sur le fond, je ne crois pas que donner aux maires un pouvoir de réquisition soit leur faire un cadeau. En effet, nous le savons tous, la réquisition est une arme lourde, qui doit être maniée avec beaucoup de précaution, car elle porte atteinte à un droit constitutionnel : le droit de propriété. Il me semble donc préférable de laisser cette arme au préfet.

M. Jean Desessard. Qu'il l'utilise alors !

M. Jean-François Voguet. Il ne l'utilise jamais !

M. Dominique Braye, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je ne suis pas tout à fait certain que le maire de Paris ait envie de disposer de cette arme dans l'immédiat, mais peut-être que l'un de ses élus...

Soyons efficaces ! Entre 1996 et 1997, les mesures Périssol ont difficilement permis de réquisitionner 1 000 logements. Les dispositifs du plan de cohésion sociale ont, eux, permis de remettre 13 000 logements vacants en location au cours de cette année, grâce notamment au ciblage des aides de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.

Être efficace, nous le démontrons, c'est instituer des procédures incitatives et non suradministrer en permanence. C'est ainsi que nous remettrons des logements vacants à la disposition des locataires.

Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 457, pour des raisons d'efficacité et de fond. En effet, les réquisitions massives ne peuvent porter que sur des immeubles entiers, alors que le travail en profondeur sur l'habitat vacant peut se faire logement par logement, dans la diversité de l'habitat. Voilà pourquoi ce qui a été mis en place dans le cadre du plan de cohésion sociale est bien plus efficace.

Je le répète : en une seule année, nous avons remis 13 000 logements vacants en location. Voilà, concrètement, ce que permettent le plan de cohésion sociale et l'action gouvernementale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye, rapporteur. Bravo !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 457.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est proposé, pour les années 2006 à 2010, un objectif quinquennal de réalisation de 50 000 logements sociaux destiné à participer aux opérations de résorption d'habitat insalubre, mises en oeuvre dans le cadre des plans locaux pour l'habitat prévus par l'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitation.

II. - Les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Le problème de la résorption de l'habitat insalubre est clairement posé dans le cadre de ce débat.

Il est sans doute difficile de chiffrer avec exactitude le nombre de personnes vivant dans des conditions d'habitat indignes de notre époque et dans des logements insalubres.

Selon certaines estimations, 625 000 ménages vivraient aujourd'hui dans des copropriétés dégradées, en particulier dans des immeubles anciens dont les occupants, aux revenus particulièrement modestes, n'ont d'ailleurs pas les moyens de faire face aux problèmes qui se posent.

Pour une grande part, ces familles modestes sont devenues propriétaires de leur appartement dans le cadre de la loi Méhaignerie, grâce, notamment, à la mise en oeuvre du congé-vente.

Dans certaines villes, tandis que sortent de terre les logements dits « Robien », dont les loyers sont élevés, subsistent des immeubles où l'inconfort le dispute aux dangers pour la santé des habitants. Dans la région parisienne, y compris dans la capitale elle-même, des milliers de familles et des travailleurs sont victimes de ces conditions de vie d'un autre âge. Les affections respiratoires, le saturnisme, la fréquentation régulière des cabinets médicaux sont leur lot quotidien.

Dans d'autres cas, c'est l'inconfort patent qui caractérise ces logements : ici, il manque une salle de bains ou une salle d'eau est hors d'usage ; là, c'est l'isolation thermique qui fait défaut et contraint bien souvent les occupants à utiliser des chauffages d'appoint - dévoreurs de kilowattheures, ils alourdissent sensiblement les factures d'électricité - ; ailleurs, c'est l'usage incontrôlé de bouteilles de gaz, qui fait peser le risque d'un accident domestique grave.

Combien des drames que nous avons connus ces dernières années sont-ils dus à ces divers phénomènes ?

Comment ne pas souligner le fait que les crédits engagés au titre de l'action publique pour la lutte contre l'habitat indigne ne sont pas consommés ? Les chiffres fournis par le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement lui-même attestent que 6 293 logements insalubres auront été résorbés en 2005, ce qui ne représente que 84 % de l'objectif fixé et moins de la moitié de celui pour 2006, et ce alors même que certaines villes se sont engagées, de manière parfois volontariste, dans des opérations de résorption de l'habitat insalubre.

Ces politiques, qui demandent bien souvent de longs et patients efforts, soulèvent de nombreuses questions.

Quelle est la responsabilité des bailleurs dans le défaut d'entretien des immeubles ? Ne peut-on, dans certains cas, parler de complicité des agences immobilières, qui acceptent de gérer pour leur compte un patrimoine dégradé ? Et comment ne pas souligner les difficultés que rencontrent les locataires pour trouver des solutions de relogement plus respectueuses de la santé ?

Qui sont, en effet, les victimes de ce véritable marché du sommeil ? Il s'agit de travailleurs isolés, souvent d'origine étrangère, de familles monoparentales, de familles dont le parcours résidentiel a déjà été marqué par des expulsions ou par l'obligation de trouver de toute urgence une solution de logement.

Combien de jeunes ayant dû quitter leur région d'origine pour la capitale afin de trouver un emploi sont aujourd'hui confinés dans ces logements sans confort et souvent dangereux pour la santé ?

Un effort majeur doit donc être accompli pour accompagner les politiques de résorption de l'habitat insalubre menées par les collectivités territoriales dans le cadre des programmes locaux de l'habitat.

Tel est le sens de cet amendement qui, au-delà de l'objectif quantifiable qu'il tend à fixer, vise à mettre en oeuvre le principe simple de la substitution d'un logement locatif social à chaque logement insalubre désaffecté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous sommes naturellement tous d'accord, sur l'ensemble de ces travées, pour renforcer la lutte contre l'habitat insalubre, mais pas comme nous le propose notre collègue.

En effet, comme toujours, Mme Demessine fixe des objectifs sans prévoir les moyens et les outils nécessaires. Or, comme le rappelait M. le ministre tout à l'heure, nous préférons les mesures pratiques, pragmatiques. Nous devons prévoir les moyens de réaliser les objectifs que nous nous fixons.

Telle est d'ailleurs la démarche de la commission des affaires économiques, qui a proposé au Sénat, en première lecture, de prévoir le repérage des habitats insalubres et des copropriétés dégradées dans les programmes locaux de l'habitat et la création d'un observatoire de l'habitat indigne à l'échelon départemental.

En outre, toujours sur ce thème, la commission vous a proposé de ratifier l'ordonnance relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux, qui renforce considérablement les outils mis à la disposition de l'État et des collectivités territoriales pour prévenir et réduire ces situations.

Cette ordonnance constitue, à n'en pas douter, un grand progrès pour lutter contre les marchands de sommeil, essentiellement dans les logements dégradés des centres-villes.

En conséquence, préférant naturellement, à l'instar de M. le ministre, les avancées concrètes et opérationnelles aux grandes déclarations d'intention, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Comme l'a dit M. le rapporteur, la résorption de l'habitat insalubre est une composante essentielle de la lutte contre l'habitat indigne. L'ordonnance du 15 décembre 2005 vise précisément à simplifier et à accélérer les procédures afin que, concrètement, l'habitat indigne disparaisse.

Dans le cadre du Pacte national pour le logement, nous avons prévu la réalisation, sur deux ans, de 5 000 logements d'urgence et d'insertion et de 5 000 places dans des résidences hôtelières à vocation sociale, notamment pour faciliter le traitement des situations d'insalubrité. Il s'agit notamment du relogement, car, dans nombre de cas, c'est le relogement temporaire qui a freiné la résorption de l'insalubrité.

Par ailleurs, le présent projet de loi comporte des mesures d'intensification de cette lutte, notamment pour les plus défavorisés. À cet égard, le Gouvernement vous présentera un amendement autorisant la création de ces résidences hôtelières à vocation sociale.

Nous avons, comme vous, la volonté de résorber l'habitat insalubre, mais nous souhaitons qu'elle se traduise très concrètement au travers des mesures que je viens d'évoquer.

Voilà pourquoi nous ne sommes pas favorables à la proposition de programmation que vous présentez, madame, même si nous partageons les mêmes objectifs.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Si j'interviens sur cet amendement, ce n'est pas pour l'approuver - sans doute au grand désespoir de Mme Demessine -,...

Mme Michelle Demessine. C'est aller un peu loin !

M. Alain Vasselle. ... mais pour rassurer le ministre et surtout le rapporteur, qui est toujours inquiet quand je prends la parole (exclamations amusées sur le banc de la commission), redoutant que je ne vienne apporter mon soutien aux amendements de l'opposition ! (Sourires.)

Plus sérieusement, je crois que nous devons cesser les incantations en ce qui concerne les logements insalubres.

Tous les gouvernements, quels qu'ils soient, se sont efforcés d'agir dans ce domaine, mais ils ont obtenu des résultats mitigés. Le gouvernement de M. Jospin n'a pas fait beaucoup mieux en matière de logement insalubre que ce que fait l'actuel gouvernement ou ce qu'ont fait d'autres.

M. le ministre a raison d'affirmer que le gouvernement auquel il appartient a pris la question à bras-le-corps et a démontré sa capacité d'agir en obtenant des premiers résultats. Simplement - et j'attire l'attention de M. le ministre et de Mme Demessine sur ce point -, en matière de logements insalubres, il faut cesser de croire qu'il suffit de reconstruire ou de réhabiliter pour que l'insalubrité disparaisse.

Je suis président d'un organisme HLM qui gère 7 000 logements. Les logements construits sont de très bonne qualité, hyper isolés, HQE, de haute qualité environnementale. Or l'on constate que, chez trois familles qui ont pris possession d'un logement en même temps, qui vivent côte à côte dans le même immeuble, pour un logement qui tombe dans l'insalubrité la plus complète, les deux autres restent impeccables trois, quatre ou cinq ans après.

C'est donc plus d'un problème éducatif qu'il s'agit. Il faudrait renforcer, dans certains ensembles, le suivi social des familles plutôt que d'envisager la réhabilitation et la construction. À défaut de mettre en place un tel suivi, vous trouverez régulièrement de l'insalubrité dans les logements sociaux, et vous serez obligés de procéder à une réhabilitation lourde, peut-être tous les cinq, six, sept ou huit ans, et, deux ans plus tard, l'insalubrité réapparaîtra. Le problème se trouve donc parfois ailleurs.

Enfin, j'appelle l'attention du Gouvernement sur l'insalubrité de certains logements dont on ne parle jamais, notamment dans les médias, parce que ceux qui les occupent sont tenus au droit de réserve : ce sont les logements occupés par les gendarmes.

Je suis effaré par les conditions innommables - j'insiste sur ce mot - dans lesquelles sont logés des gendarmes. J'aimerais que le Gouvernement fasse de la reconstruction des logements de certaines brigades de gendarmerie sur le territoire une priorité.

Ainsi, dans mon département, l'Oise, je peux citer, entre autres, l'exemple de la caserne de gendarmerie de Clermont. Voilà un bâtiment qu'il est question, depuis trente ans, de reconstruire, et que je vous invite, monsieur le ministre, à venir voir. Demandez au ministre de la défense, Mme Alliot-Marie, de visiter certains de ces logements, qui ne sont pas dignes de la France, ni de notre époque. Il n'est pas digne de loger des gendarmes dans de telles conditions !

C'est un exemple parmi tant d'autres, et je souhaite que l'on prenne à bras-le-corps ce problème. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. André Vézinhet, pour explication de vote.

M. André Vézinhet. Je voudrais soutenir le point de vue défendu par Mme Demessine parce que l'habitat insalubre est effectivement une question d'une extrême gravité.

C'est un problème pernicieux, qui s'installe ici ou là dans nos cités. Ainsi, un appartement qui était signalé comme un logement de qualité peut, sans que l'on s'en rende compte, se muer en un habitat particulièrement insalubre.

Je veux plus particulièrement poser le problème de la copropriété dégradée. Aujourd'hui, de véritables scandales se produisent dans les agglomérations, notamment dans les quartiers dits populaires, où la copropriété devient le refuge de marchands de sommeil. Je connais des copropriétés dégradées où les tranches de sommeil sont vendues à des prix exorbitants.

Je ne suis donc pas scandalisé par l'amendement déposé par Mme Demessine et, au contraire, je la félicite de proposer une quantification sur la résorption de l'habitat insalubre. En effet, si l'est bon d'être d'accord sur l'objectif fixé, il est encore mieux de définir les moyens de l'atteindre, car, ce faisant, nous aurons déjà franchi un pas essentiel vers la suppression de l'habitat insalubre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)