compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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PROCÈS-VERBAL

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Vera. Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement du Sénat, relatif à l'organisation de nos travaux.

Hier après-midi, le Sénat a examiné la motion tendant à opposer la question préalable déposée sur le projet de loi de finances pour 2007 par les membres du groupe CRC.

À cette occasion, nous avons cité quelques éléments relatifs à la situation patrimoniale d'un certain nombre de personnes résidant dans une commune de la proche banlieue ouest et dans certains arrondissements de la capitale.

Le fait d'avoir évoqué ces faits avérés a soulevé des interrogations de la part tant du rapporteur général que de vous-même, monsieur le ministre, puisque vous vous êtes demandé comment nous nous étions procuré ces informations, indiquant même que vous n'étiez pas certain qu'elles soient publiques.

Ces remarques appellent plusieurs observations de notre part.

Hier, dans mon intervention, je n'ai fait que constater que les contribuables de l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, résident plus souvent dans certaines communes et plus rarement dans d'autres. Tenir de tels propos ne revient pas à désigner qui que ce soit à la vindicte populaire ; il s'agit simplement de souligner le fait que certains quartiers de nos villes seraient destinés à être des ghettos de pauvres, tandis que d'autres n'accueilleraient, de façon massive, que des contribuables aisés.

Quant à la source, elle est tout à fait publique, monsieur le ministre, puisque ces informations sont communiquées sur l'un des sites du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

En effet, sur le site www.impots.gouv.fr, on peut trouver un certain nombre de données purement statistiques, et donc parfaitement anonymes, sur la consistance et l'évolution de la matière fiscale de tous les impôts qui existent dans notre pays. Ainsi peut-on disposer des éléments chiffrés - nombre de contribuables, patrimoine moyen et impôt moyen - relatifs à l'impôt de solidarité sur la fortune dans l'ensemble des communes de plus de 20 000 habitants que compte notre pays, à condition toutefois que plus de cinquante personnes résidant dans l'une de ces communes soient recensées. Je tiens bien entendu ces éléments à votre disposition, monsieur le ministre !

C'est ainsi que l'on apprend, sans surprise, que plus de 6 000 personnes résidant à Neuilly-sur-Seine, sur les 60 000 habitants environ que compte la ville, sont assujetties à l'ISF, tandis que moins de cinquante contribuables s'acquittent de cet impôt à Gennevilliers, ville qui compte pourtant plus de 40 000 habitants et est située à quelques kilomètres de là. Reconnaissez, mes chers collègues, que ce n'est pas un scoop !

Toutefois, comme nous n'aimons pas trop la langue de bois et les débats désincarnés, il arrive que nous soyons amenés à présenter nos arguments à partir de données officielles et fiables, donnant une illustration éclairante des réalités.

Permettez-moi enfin de m'étonner que ce soit ce point particulier de mon intervention qui ait éveillé votre attention !

Il est vrai que la nature d'une grande partie des amendements déposés sur la première partie du projet de loi de finances pour 2007 illustre assez nettement l'ordre des priorités qui anime certains membres de notre assemblée ; mais nous aurons l'occasion d'y revenir ultérieurement dans le débat, puisque la motion tendant à opposer la question préalable n'a pas été adoptée hier.

Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

3

Loi de finances pour 2007

Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 77, 78).

J'informe le Sénat que, en raison de la réunion du conseil des ministres, le Sénat ne tiendra pas séance le matin du mardi 28 novembre 2006. La séance commencera à quinze heures, et, à partir de seize heures, se déroulera le débat sur les recettes des collectivités locales.

En outre, le mercredi 29 novembre, à neuf heures trente, nous examinerons l'article 32 relatif au prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Enfin, dans le cadre de l'article d'équilibre, nous aurons deux débats : l'un sur les effectifs de la fonction publique et l'autre sur l'évolution de la dette.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Question préalable (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Première partie

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, je tiens à présenter une motion d'ordre et à exprimer une interrogation.

La motion d'ordre résulte d'une délibération de la commission des finances relative à l'examen des amendements de la première partie.

Un certain nombre d'amendements de la première partie sont susceptibles de se voir opposer l'article 40 de la Constitution. Par conséquent, sans rompre avec la pratique sénatoriale, mais afin de clarifier le débat et d'éviter que les échanges ne se prolongent sur des dispositions qui ne pourront, en définitive, être adoptées, le rapporteur général invoquera très vite l'article 40, c'est-à-dire dès que ces amendements auront été présentés par leurs auteurs. La discussion s'arrêtera alors.

Par ailleurs, madame la présidente, vous venez d'informer le Sénat d'une modification de notre ordre du jour, nous apprenant que nous ne siégerons pas mardi matin.

Eu égard au nombre d'heures programmées pour notre discussion, nous risquons de rencontrer des difficultés pour terminer d'ici à mercredi soir l'examen des articles de la première partie. Que je sache, la conférence des présidents ne s'est pas réunie pour modifier l'ordre du jour !

Mme la présidente. Monsieur le ministre, je crois savoir qu'il s'agit d'une demande du Gouvernement...

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Tout à fait, madame la présidente ! La réunion du conseil des ministres a été avancée au mardi matin, et c'est ce qui explique ce changement de programme.

Monsieur le président de la commission, je vous propose d'évaluer le rythme d'avancement au fur et à mesure de nos travaux. Nous pourrions éventuellement siéger un peu plus tardivement lundi 27 novembre, au soir, si cela se révélait nécessaire.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je suis d'accord avec cette proposition, monsieur le ministre !

Motion d'ordre
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Article 1er

Mme la présidente. Nous en sommes parvenus à la discussion des articles de la première partie.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. - IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

A. - Autorisation de perception des impôts et produits

Première partie
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Article additionnel avant ou après l'article 2

Article 1er

I. - La perception des impôts, produits et revenus affectés à l'État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée pendant l'année 2007 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.

II. - Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s'applique :

1° À l'impôt sur le revenu dû au titre de 2006 et des années suivantes ;

2° À l'impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2006 ;

3° À compter du 1er janvier 2007 pour les autres dispositions fiscales.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2

Article additionnel avant ou après l'article 2

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-57, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

  Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 1er et 1649-OA du code général des impôts sont abrogés.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement tend à revenir sur la notion de « bouclier fiscal », qui s'apparente plus à une armure fiscale dans la mesure où il protège intégralement les plus riches.

Selon les calculs réalisés par les organisations syndicales du ministère des finances, cette disposition, dont le coût n'est pas encore répertorié dans le document portant évaluation des voies et moyens, ne s'appliquera véritablement qu'à quelques milliers de contribuables.

Le bouclier fiscal sera particulièrement luxueux, puisque le plafonnement des impôts en fonction du revenu profitera, pour l'essentiel, comme le disent les syndicalistes, à « ceux qui sont déjà concernés par le plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune, soit environ 5 000 personnes, parmi lesquelles les deux tiers ont un patrimoine net supérieur à 6,9 millions d'euros, ou qui s'en approchent, soit environ 8 000 personnes ».

Sur un coût global estimé à 400 millions d'euros, la mesure se traduira par le versement de plus de 250 millions d'euros « à une poignée de contribuables - entre 12 000 et 15 000 -», une somme que nous ne pouvons manquer de rapprocher de la majoration de la prime pour l'emploi, qui sera, quant à elle, partagée entre 8,8 millions de foyers fiscaux, ce qui démontre le caractère profondément inégalitaire de la mesure et illustre la conception de la justice fiscale de ce gouvernement, monsieur le ministre.

Mais les foyers modestes, qui se verront, quant à eux, privés d'une partie des financements publics de nature à soulager notamment des familles, ne seront pas les seuls à supporter les conséquences de cette mesure. En effet, celle-ci touche également les collectivités locales, qui peuvent être tenues pour responsables du dépassement du plafond des impositions, au regard du revenu fiscal de référence du contribuable concerné.

Au demeurant, indépendamment du fait que nous attendons les effets de l'application des articles 1er et 1649-OA du code général des impôts, il est parfaitement évident que c'est dans le champ de l'impôt de solidarité sur la fortune que le bouclier fiscal jouera pleinement son rôle.

Je m'attarderai quelques instants sur les conditions de la mise en oeuvre de cette mesure.

Alors que le taux d'imposition maximum du revenu est fixé à 40 % pour la tranche la plus importante, nous sommes loin du plafond de 60 % retenu pour la mise en oeuvre du bouclier fiscal. Il faut en effet, pour que le dispositif s'applique, que les impositions locales relatives à l'habitation principale et le montant de la cotisation de l'impôt de solidarité sur la fortune représentent plus de 20 % du revenu fiscal de référence.

Eu égard aux revenus qui sont, je le répète, imposés au taux de 40 %, il faut donc que la taxe d'habitation et la taxe foncière atteignent 13 336 euros annuels par part. Pour peu qu'il s'agisse d'une famille comprenant trois enfants, l'imposition locale doit s'élever à plus de 40 000 euros annuels pour atteindre ce plafond ! Soit vous êtes propriétaire d'un appartement de très grand luxe ou d'un château classé monument historique comptant plusieurs dizaines de pièces, soit les taux d'imposition locaux sont particulièrement exorbitants !

Je rappelle, pour mémoire, que la moyenne nationale au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties s'établit à 1 070 euros environ en 2005 et que la taxe d'habitation est, pour sa part, de 456 euros. N'est donc clairement visée que la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune, dont le caractère confiscatoire est, comme vous le savez, mes chers collègues, régulièrement dénoncé ici par certains.

À ce stade de la controverse, permettez-moi simplement de relever l'une des réalités de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Quand vous disposez d'un patrimoine imposable au titre de l'ISF d'un million d'euros, vous devez a priori vous acquitter d'une cotisation ISF de 1 474 euros, hors tout abattement pour personne à charge ou autre disposition correctrice.

Si cela représente 60 % de votre revenu, c'est que votre revenu mensuel imposable est inférieur au RMI, ce qui signifie donc bien que le bénéfice du bouclier fiscal ne vise réellement que les très gros contribuables tant de l'impôt sur le revenu que de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Par conséquent, nous n'avons pas à laisser subsister dans notre législation une disposition parfaitement injuste et qui ne profitera décidément qu'à quelques-uns. Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.

Mme la présidente. L'amendement n° I-98, présenté par MM. Massion,  Masseret,  Angels et  Auban, Mme Bricq, MM. Charasse,  Demerliat,  Frécon,  Haut,  Marc,  Miquel,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

  Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Tandis que les prélèvements obligatoires augmentent pour le plus grand nombre, le Gouvernement propose, avec la nouvelle rédaction de l'article 1er du code général des impôts, une mesure dont le seul objectif réel est, encore une fois, la remise en cause de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Alors que 90 % des foyers paient plus de prélèvements sociaux que d'impôt sur le revenu, le Gouvernement a décidé de baisser l'impôt sur le revenu et l'ISF, tout en augmentant les prélèvements sociaux ! Quant aux plus riches, ils bénéficieront non seulement de la baisse de l'impôt sur le revenu, mais également du plafonnement du total des impôts dus en fonction des revenus !

Les plus hauts revenus sont - c'est un fait avéré - les gros gagnants de la réforme projetée. Et les réductions de quelques euros qui pourront concerner certains ménages modestes sont peu de chose par rapport aux milliers d'euros, voire aux dizaines de milliers d'euros que pourront percevoir en plus les contribuables qui relèvent des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Le Gouvernement voudrait faire croire aux Français qu'ils seront nombreux à profiter du plafonnement appelé « bouclier fiscal » ; mais ce bouclier ne va pas protéger les classes moyennes, comme le prétend le Gouvernement. En réalité, la mesure ne bénéficiera, selon les meilleures estimations, qu'à 93 000 contribuables. Et si elle s'applique à d'autres contribuables, ce ne sera que par accident : il en sera ainsi, par exemple, pour ceux qui subissent une perte brutale de revenus.

En dehors de cas exceptionnels, seuls quelques milliers de contribuables fortunés assujettis à l'ISF sont concernés - en fait, surtout les propriétaires d'une fortune supérieure à 5 millions d'euros ! Ce bouclier fiscal n'est qu'un moyen détourné de toucher à l'ISF.

L'amendement que nous proposons vise donc à supprimer cette mesure fiscale injuste.

Mme la présidente. L'amendement n° I-101, présenté par MM. Massion,  Masseret,  Angels et  Auban, Mme Bricq, MM. Charasse,  Demerliat,  Frécon,  Haut,  Marc,  Miquel,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le b du 2 de l'article 1649-O A du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Il ressort de l'argumentation présentée à l'appui de la demande de suppression du mécanisme du « bouclier fiscal » qu'il est évident pour nous, socialistes, que si, par malheur, la majorité ne votait pas l'abrogation de ce bouclier, il serait fortement souhaitable qu'au moins l'ISF soit exclu dudit bouclier !

Nous vous demandons d'ailleurs de ne considérer cette proposition que comme une affaire de bon sens, au-delà même d'une question de justice. En effet, si l'on doit limiter la contribution fiscale des plus aisés, il tombe sous le sens qu'il est tout à fait normal que les plus fortunés, en général ceux qui sont redevables de l'ISF, contribuent plus que les autres à l'effort fiscal, parce qu'ils peuvent, eux, particulièrement se le permettre !

Nous vous proposons donc d'exclure les contribuables redevables de l'ISF du bénéfice du mécanisme du « bouclier fiscal ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Sans surprise, la commission est tout à fait opposée à ces trois amendements.

Je rappelle que, selon les informations transmises par vos services, monsieur le ministre, le bouclier fiscal doit concerner 93 300 contribuables, dont 77 000 ne sont pas redevables de l'ISF. Parmi ceux-ci, 76 500 ont un revenu fiscal de référence inférieur à 5 332 euros par an. Le bouclier fiscal concerne donc différentes catégories sociales.

L'amendement n° I-101 aboutirait à spolier purement et simplement certains contribuables. En effet, retirer les redevables de l'ISF du bénéfice du bouclier fiscal conduirait à proposer sciemment que certains contribuables subissent un impôt confiscatoire au sens propre, c'est-à-dire une absorption excessive de leurs revenus pour acquitter l'impôt et/ou une aliénation d'une partie de leur patrimoine. Nul doute que la Cour européenne des droits de l'homme serait amenée à condamner l'État qui adopterait une telle législation fiscale. (M. Alain Lambert marque son approbation.)

L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à la protection de la propriété dispose en effet :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

« Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

Cet article s'applique, selon la Cour européenne des droits de l'homme, à la matière fiscale et aux rapports de celle-ci avec le droit de chacun au respect de ses biens.

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la perception d'un impôt est contraire au respect des biens si elle impose à celui qui doit le payer une « charge spéciale et exorbitante »

Sont contraires à la Convention européenne des droits de l'homme toutes les obligations financières résultant de la levée d'impôt et de cotisations qui font peser un fardeau excessif « sur la personne concernée ou portent atteinte substantiellement à sa situation financière ».

Il en est ainsi a fortiori lorsque l'imposition incriminée aboutit à une véritable confiscation en ce qu'elle contraint le contribuable à céder une partie de son capital pour acquitter l'imposition, ou qu'il s'avère que ladite imposition devient supérieure aux revenus disponibles annuels.

La commission des finances appelle donc au rejet de ces trois amendements, qui reflètent des attitudes que nous persistons à considérer comme particulièrement archaïques. Tout à l'heure, M. Massion nous parlait de la capacité de contribuer aux charges communes pour les contribuables qui jouissent de revenus et de patrimoines importants ; mais il a oublié de nous dire que ceux qui se sont délocalisés et habitent Bruxelles ou ailleurs ne contribuent plus du tout aux charges communes !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je suis naturellement défavorable à ces trois amendements. M. le rapporteur général a bien rappelé l'esprit dans lequel j'avais proposé, voilà un an, l'instauration de ce bouclier fiscal dans notre droit positif.

Sur ce point, sans vouloir tenir des propos redondants après ce qu'a excellemment dit M. Marini, permettez-moi d'ajouter une observation à l'attention de M. Foucaud, pour les sénateurs communistes, et de M. Massion, pour les sénateurs socialistes.

Selon moi, l'instauration d'un bouclier fiscal dans notre système fiscal français est l'une des avancées les plus innovantes parmi celles qui ont été réalisées ces dernières années dans ce domaine. La raison en est simple : en France, le regard sur l'impôt est parfois d'un autre temps. En effet, on a trop tendance à considérer que la seule fonction de l'impôt est la redistribution ; mais il en est une autre que l'on oublie, à savoir le financement des services publics.

Ces deux fonctions doivent être prises en considération en même temps, et non séparément. Sinon, on a une approche non plus économique, mais idéologique, qui transforme l'impôt en une espèce d'énorme machine à exclure et à pointer du doigt ceux qui auraient trop par rapport à ceux qui n'ont pas assez.

Sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, le bouclier fiscal rappelle que l'impôt ne peut pas être totalement confiscatoire ; or, il est un seuil au-delà duquel il l'est. En fixant ce seuil à 60 % et en intégrant à la fois les impôts locaux, l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune, nous avons considéré qu'il était possible d'obtenir un effet de redistribution et de justice.

Il ne faut pas oublier que 90 % des bénéficiaires de ce bouclier fiscal se situent en réalité dans le premier décile des revenus et sont par conséquent des personnes modestes appartenant à ce que l'on appelle les classes moyennes ou modestes. Beaucoup travaillent, mais n'ont pas de revenus suffisants pour acquitter leurs impôts au-delà de 60 %. Cette donnée mérite d'être intégrée dans le raisonnement ; vous l'avez d'ailleurs bien compris, monsieur Massion, puisque, dans l'un de vos amendements, vous proposez assez habilement de ne pas retenir l'ISF !

En outre, il n'y a pas de bons et de mauvais Français. Il y a des Français qui, quels que soient leur situation, leur condition, le niveau de leur revenu, participent à une seule et même nation, la France, et contribuent, chacun par ses compétences, ses talents, au développement et à l'excellence de notre pays.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que je sois très défavorable à ces trois amendements et que je demande à la Haute Assemblée de les repousser.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° I-57.

M. Thierry Foucaud. Pour mesurer la pertinence de la notion de bouclier fiscal, la meilleure pédagogie est parfois celle de l'exemplarité des situations. Après M. le rapporteur général, je vais à mon tour donner un exemple, bien évidemment à contre-courant du sien, et, ce faisant, je répondrai en même temps à M. le ministre.

Nous sommes favorables à la redistribution et, en cela, forcément d'accord avec le Gouvernement. Mais, justement pour une meilleure justice, nous demandons que tout soit pris en compte.

L'exemple que je vais prendre pour illustrer mon propos est tiré de la situation personnelle avérée d'un contribuable, dont je respecterai bien entendu l'anonymat, et fondé sur la déclaration de ses revenus.

Ce contribuable marié, sans personne à charge, dispose d'un revenu salarial d'environ 215 000 euros annuels, d'une pension d'un peu plus de 41 000 euros et de revenus de capitaux mobiliers pour un montant proche de 4 100 000 euros. Compte tenu des dispositions actuellement en vigueur, ces revenus donnent droit à un crédit d'impôt légèrement supérieur à 4 000 000 d'euros.

Au terme de l'application de la législation sur l'impôt sur le revenu, ce contribuable dispose d'un revenu imposable légèrement inférieur à 2,3 millions d'euros et doit s'acquitter d'une cotisation d'un peu moins de 1,07 million d'euros, largement « digérée », comme nous venons de le dire, par le crédit d'impôt « capitaux mobiliers » de plus de 4 millions fixé par l'article 200 septies du code général des impôts et dont l'excédent - un peu moins de 3 millions d'euros - lui est restitué.

Je suis d'accord avec vous, le revenu fiscal de référence de ce contribuable est singulièrement élevé, puisqu'il atteint près de 4,3 millions d'euros après réintégration du crédit lié aux revenus mobiliers. C'est ce revenu de référence qui sera utilisé pour appliquer le bouclier fiscal de 60 % et établir la quotité d'impôt exigible à un peu moins de 2,6 millions d'euros.

Cette somme va donc couvrir le coût de l'impôt sur le revenu, des impositions directes locales liées à l'habitation principale et l'éventuelle imposition découlant de l'application du barème de l'ISF. Dans tous les cas de figure, le montant de l'ISF exigible sera plafonné, si l'on peut dire, à 1,5 million d'euros.

Pour en arriver à ce niveau, notons qu'il faut disposer d'un patrimoine de très grande valeur, proche des 90 millions d'euros en valeur nette !

Notons toutefois que notre contribuable dispose de près de 47 millions de revenus tirés de plus-values de cession de titres, en report d'imposition, ce qui laisserait penser qu'il bénéficierait pleinement de l'application du bouclier fiscal, et ce alors même qu'il dispose de plus d'1,7 million d'euros pour faire face aux soucis de la vie quotidienne.

Cette situation, je le concède, présente peut-être un caractère exceptionnel, mais elle illustre assez nettement les effets du plafonnement de l'impôt induit par le principe du bouclier fiscal, dont l'importance est d'autant plus grande que les revenus en jeu s'avèrent particulièrement élevés et les patrimoines significatifs.

À dire vrai, plus la part des revenus mobiliers est importante dans le revenu total d'un contribuable, plus le bouclier fiscal trouvera à s'appliquer.

Quant à la diminution du taux prévu à 50 % du revenu de référence, soulignons simplement que, dans le cas d'espèce que nous venons de décrire, ce sont juste 430 000 euros que nous serions éventuellement amenés à reverser au contribuable concerné.

Voilà pourquoi, recherchant nous aussi un effet de justice, nous avons déposé l'amendement n° I-57.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

B. - Mesures fiscales

Article additionnel avant ou après l'article 2
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Articles additionnels après l'article 2

Article 2

I. - Le I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi rédigé :

« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 5 614 € le taux de :

« - 5,50 % pour la fraction supérieure à 5 614 € et inférieure ou égale à 11 198 € ;

« - 14 % pour la fraction supérieure à 11 198 € et inférieure ou égale à 24 872 € ;

« - 30 % pour la fraction supérieure à 24 872 € et inférieure ou égale à 66 679 € ;

« - 40 % pour la fraction supérieure à 66 679 €. » ;

2° Dans le 2, les montants : « 2 159 € », « 3 736 € », « 829 € » et « 611 € » sont remplacés respectivement par les montants : « 2 198 € », « 3 803 € », « 844 € » et « 622 € » ;

3° Dans le 4, le montant : « 407 € » est remplacé par le montant : « 414 € ».

II. - Dans le deuxième alinéa de l'article 196 B du même code, le montant : « 5 398 € » est remplacé par le montant : « 5 495 € ».

III. - En 2007, les acomptes provisionnels ainsi que les prélèvements mensuels prévus respectivement aux articles 1664 et 1681 B du code général des impôts sont réduits au maximum de 8 % dans la limite totale de 300 €, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Ces dispositions ne privent pas le contribuable de la faculté de modifier ses acomptes provisionnels ou ses prélèvements mensuels, s'il estime que la totalité de ses versements après la réduction prévue au premier alinéa excède le montant de l'impôt dû.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 2 porte sur la question essentielle de la réforme de l'impôt sur le revenu telle qu'elle a été prévue par la seconde partie de la loi de finances pour 2006. Cette réforme s'articule autour de deux axes fondamentaux.

Le premier d'entre eux est la disparition de l'abattement de 20 % sur les revenus salariaux et assimilés, dont les principaux bénéficiaires ne seront d'ailleurs ni les salariés les plus modestes ni même les travailleurs indépendants les plus respectueux du droit fiscal.

Bien au contraire, ce sont d'abord et avant tout les détenteurs d'autres formes de revenus et les salariés particulièrement bien rémunérés qui vont le plus tirer parti de cette « réforme » de l'impôt sur le revenu, illustration pour le moins éclatante des choix politiques qui guident votre budget. Ce sont les P-DG salariés, les cadres dirigeants des compagnies transnationales, les concepteurs de plans sociaux à répétition, les accumulateurs de plans d'options d'achat d'actions qui sont les principaux gagnants de cette pseudo-réforme que vous nous avez proposée l'an dernier et que cet article 2 confirme.

Le second axe de la réforme est la réduction globale de l'ensemble des tranches du barème, réduction poursuivant, si l'on peut dire, le mouvement engagé de longue date en la matière.

Je ferai deux remarques à cet égard.

Première remarque, dans notre pays, l'impôt sur le revenu n'est pas trop élevé et son poids est bien moindre que celui des impôts indirects dans le volume global des recettes fiscales de l'État ; a fortiori, il représente une faible part de l'ensemble des prélèvements. ; il s'apparente même de plus en plus à la défunte surtaxe progressive d'un impôt général sur le revenu que constitue le bloc CSG-CRDS, qui tire pleinement parti d'une assiette plus large pour rapporter plus.

Les chiffres sont connus : le produit de l'impôt sur le revenu devrait être d'environ 57,1 milliards d'euros, montant d'ailleurs plus proche d'une stabilisation de son rendement que d'une véritable baisse, tandis que les deux contributions sociales - la CSG et la CRDS - rapporteront près de 84 milliards d'euros.

Seconde remarque, pour quel motif la question cruciale du traitement des revenus catégoriels n'est-elle toujours qu'imparfaitement résolue par la réforme proposée ? Nous avons maintes fois formulé notre interrogation, fort légitime me semble-t-il, sur l'inégalité de traitement entre les revenus catégoriels qui consistent à faire des salaires d'abord, des revenus de remplacement ensuite, les deux principaux éléments de l'assiette de l'impôt sur le revenu.

Cette situation perdure d'ailleurs puisque la suppression de l'abattement de 20 % rapproche l'assiette « salaires » de l'impôt sur le revenu de l'assiette « salaires » de la CSG et de la CRDS.

Nous avons rappelé au cours de la discussion générale notre position sur la dépense fiscale, qui corrige la portée de l'impôt sur le revenu et qui agit essentiellement sur les revenus du capital et du patrimoine.

Comment ne pas souligner qu'une véritable réforme de l'impôt sur le revenu appelle donc une réflexion sur le traitement des revenus catégoriels et un renforcement de la progressivité de l'impôt ?

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-96 rectifié, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 412 € le taux de :

« - 6,83 % pour la fraction supérieure à 4 412 € et inférieure ou égale à 8 677 € ;

« - 19,14 % pour la fraction supérieure à 8 677 € et inférieure ou égale à 15 274 € ;

« - 28,26 % pour la fraction supérieure à 15 274 € et inférieure ou égale à 24 731 € ;

« - 37,38 % pour la fraction supérieure à 24 731 € et inférieure ou égale à 40 241 € ;

« - 42,62 % pour la fraction supérieure à 40 241 € et inférieure ou égale à 49 624 € ;

« - 48,09 % pour la fraction supérieure à 49 624 €.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Avec l'intégration de la révision des tranches et des taux fixés par la loi de finances pour 2006, le nombre des tranches de l'impôt sur le revenu est passé de six à quatre, et l'abattement de 20 % a été intégré au barème.

Or toute diminution du nombre des tranches de l'impôt sur le revenu conduit à remettre en cause la progressivité de celui-ci, laquelle est l'emblème du pacte républicain. Ce recul, décidé dans la loi de finances pour 2006, affiche clairement la volonté du Gouvernement de tourner le dos à toute ambition redistributrice.

S'il s'était contenté de simplement élargir les tranches, le Gouvernement aurait déjà accordé aux contribuables une remise fiscale d'autant plus importante que leur revenu est élevé.

Mais il y a ajouté une baisse des taux de chaque tranche, censée refléter l'intégration dans le barème de l'abattement de 20 % appliqué aux salaires, et dont le montant était jusqu'ici plafonné en fonction des revenus.

En diminuant le nombre de tranches et en abaissant leur taux, le Gouvernement est parvenu à diminuer considérablement la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu et à relever fortement le niveau de revenu à partir duquel les contribuables sont soumis au taux marginal le plus élevé.

Ce que le Gouvernement a appelé une réforme de l'impôt sur le revenu n'est qu'une nouvelle étape dans son entreprise injuste de distribution de cadeaux fiscaux aux plus aisés, dans le cadre d'un alourdissement global des prélèvements pesant sur l'ensemble des ménages.

Les simulations qui avaient pu être faites préalablement avaient démontré l'injustice des mesures proposées.

De plus, alors que la dette publique n'a cessé d'augmenter, le Gouvernement n'avait pas les moyens financiers d'engager une réforme coûteuse qui n'aura, comme l'ensemble des baisses d'impôts menées depuis 2002, aucun effet sur la consommation ni sur la croissance.

Cette réforme du barème de l'impôt sur le revenu va amputer les ressources de l'État de 3,9 milliards d'euros en 2007. Depuis 2002, ces ressources auront été diminuées de plus de 9 milliards d'euros au bénéfice des ménages imposables, dont 6 milliards d'euros pour les Français les plus aisés. La politique fiscale a été sélective, injuste et inefficace, et sera donc dommageable pour les gouvernements qui suivront en les privant de marges de manoeuvre.

Nous proposons donc de revenir à l'ancien barème de l'impôt sur le revenu.

Mme la présidente. L'amendement n° I-58, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer les quatrième et cinquième alinéas du texte proposé par le I de cet article pour le 1 de l'article 197 du code général des impôts par trois alinéas ainsi rédigés :

« -30% pour la fraction supérieure à 24.872 euros et inférieure ou égale à 40.241 euros ;

« -40% pour la fraction supérieure à 40.241 euros et inférieure à 49.624 euros ;

« -54% pour la fraction supérieure à 49.624 euros. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement a pour objet de reposer la question cruciale des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu.

On peut concevoir, à l'image du débat mené à l'Assemblée nationale, que la « réforme » en cours concernant l'impôt sur le revenu prévoie un allégement de la contribution des plus importants contribuables. Quelques situations fiscales observables l'attestent d'ailleurs.

À nos yeux, la question du taux marginal est donc loin d'être secondaire. Ce n'est pas pour nous une sorte de dogme immuable de notre système fiscal, un signe fort qu'il conviendrait de préserver coûte que coûte. C'est tout simplement une nécessité.

Nous nous attachons en effet depuis de longues années à défendre et à illustrer le principe constitutionnel en vertu duquel chacun contribue à la charge publique à proportion de ses facultés.

La « défense et illustration » de ce principe passe à notre sens par un double mouvement de renforcement de la progressivité de l'impôt par le biais du barème et de rééquilibrage du traitement de la « matière » fiscale pour chacune des catégories de revenu.

Cet amendement vise à favoriser le premier terme de ce mouvement en permettant que la progressivité du barème soit plus clairement affirmée.

Nous en sommes parfaitement conscients, cette proposition ne recueille pas tout à fait l'assentiment de M. le rapporteur général, qui est attaché depuis de longues années à une baisse sensible du taux marginal,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci de le rappeler !

M. Thierry Foucaud. ...attachement certes compréhensible mais qui ne concerne pourtant, si je ne me trompe, que 1 % environ des contribuables de notre pays.

On peut également penser que ce débat sur le taux marginal est quelque peu biaisé par la confusion savamment entretenue entre taux marginal et taux marginal moyen, le nombre de contribuables dont l'essentiel du revenu est frappé par le taux marginal étant encore plus marginal que le pourcentage cité plus haut !

Pour notre part, nous estimons donc nécessaire de maintenir l'existence du taux marginal au niveau où nous le proposons.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° I-97, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le III de cet article.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Pour faire bénéficier rapidement, nous dit-on, les contribuables de la baisse de l'impôt sur le revenu prévue par la loi de finances pour 2006, le III de l'article 2 instaure une réduction de 8 % du montant des acomptes provisionnels ou des prélèvements mensuels, plafonnée à 300 euros.

Permettez-nous de juger cette mesure pleine de sollicitude pour les contribuables comme une mesure de pure démagogie, à visée purement électoraliste. Plus c'est gros, plus ça passe !

En conséquence, la simple raison voudrait qu'on supprime cette disposition saugrenue.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne surprendra personne que la commission des finances émette un avis tout à fait défavorable sur ces trois amendements. La majorité de ses membres est en effet convaincue que la réforme votée l'an dernier était et demeure une bonne réforme, qui va dans le bon sens, celui de la compétitivité. Telle est notre approche de la question.

Mme Marie-France Beaufils. Nous n'avons pas la même approche !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dieu merci !

Moi, je ne suis ni communiste ni socialiste ! Je me réfère à d'autres valeurs et à d'autres principes d'action politique, à une autre vision de l'économie. Il est bon qu'il y ait sur certains sujets des différences claires entre les grandes tendances qui animent la démocratie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La majorité de la commission des finances estime qu'il faut arrêter le mouvement de pertes de recettes fiscales liées aux écarts de compétitivité entre la France et un grand nombre de pays voisins.

Les compétences sont mobiles, de même que le capital. Dans un monde ouvert, dans une Europe ouverte, nous ne pouvons plus raisonner en termes de doctrine et de stratégie fiscale comme à l'époque où nous étions séparés des autres par toutes sortes de barrières. Qu'on le veuille ou non, chacun devra assumer cette réalité. La réforme de l'impôt sur le revenu est moderne ; elle préserve nos bases fiscales et permet d'imaginer pour demain et après-demain un bon rendement de la fiscalité.

La commission est défavorable à l'amendement n° I-97, car il est important, selon elle, qu'une réforme, dès lors qu'elle est décidée, trouve rapidement une traduction concrète. Permettre une diminution des acomptes dès le début de l'année 2007 crédibilise beaucoup notre vote de l'an passé.

Nous devons assumer la responsabilité des votes émis au cours de cette législature. Dans le bilan de cette dernière figurent les baisses successives du taux marginal et des différents taux de l'impôt sur le revenu, baisses que nous avons poursuivies avec persévérance et dont nous pouvons rendre compte sans aucune réserve devant le corps électoral. Ces mesures s'inscrivent dans le cadre de la politique économique et fiscale qui a été conduite.

Au total, mes chers collègues, la commission vous invite à repousser ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Messieurs Massion et Foucaud, à vous deux, vous cochez toutes les cases !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas terminé !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Après le bouclier fiscal, vous vous attaquez maintenant à la réforme de l'impôt sur le revenu !

M. Thierry Foucaud. Si vous le souhaitez, nous pouvons vous laisser seuls !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pas du tout ! Je voulais simplement vous dire que j'étais heureux de pouvoir cocher ces cases avec vous !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous apprécions les échanges !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Prenons les choses dans l'ordre.

Vous proposez de supprimer notre réforme de l'impôt sur le revenu. Je me permets de rappeler que celle-ci a pour objectif, en premier lieu, d'aligner sur la moyenne européenne le barème de l'impôt sur le revenu afin que ce dernier, compte tenu des risques de délocalisations, ne soit pas plus élevé en France que dans les autres pays. Nous avons en effet intérêt à ce qu'un certain nombre de personnes restent en France et contribuent à la croissance.

En second lieu, nous avons simplifié, en supprimant deux tranches, le barème de l'impôt sur le revenu. Je ne connais pas un seul Français qui ne le souhaitait pas !

En troisième lieu, nous avons supprimé l'abattement de 20 % et diminué d'autant en pourcentage, tout en neutralisant les effets, la tranche marginale - elle est passée de 48 % à 40 % -, afin de nous aligner sur les autres pays européens et d'être aussi compétitifs qu'eux.

Jusqu'à présent, n'importe quel citoyen, quelle que soit sa sensibilité politique, peut penser que c'est une réforme de bon sens. Et voilà que vous nous proposez de supprimer celle-ci, comme si de rien n'était, parce que vous appartenez à l'opposition et que vous êtes condamnés à ne rien trouver de bon parmi les propositions de la majorité ! Permettez-moi de le regretter.

Par ailleurs, monsieur Massion - je me permets de m'adresser à vous, puisque c'est vous qui, avec l'amendement n° I-97, avez défendu l'indéfendable -, vous proposez que le Gouvernement ne fasse pas l'avance de la baisse d'impôts, au motif que ce serait « électoraliste ». Vous qui êtes mon aîné,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...vous n'allez pas me dire que vous pensez une seconde que l'on gagne une élection en baissant les impôts quelques semaines avant le scrutin ! Je ne peux pas croire que vous le pensiez ! Et je ne peux pas croire que vous pensez que je vais penser cela ! (Sourires.) Sinon, cela se saurait !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Sinon, Lionel Jospin aurait été élu !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Non, parce qu'il a très peu baissé les impôts !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il a accordé la prime pour l'emploi la veille de l'élection !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Quelques mois avant, c'est vrai !

Sinon, les gouvernements resteraient au pouvoir pour l'éternité ! Il leur suffirait simplement de se présenter devant les électeurs quelques semaines avant le suffrage en leur promettant de baisser les impôts ! C'est considérer les Français moins adultes qu'ils ne sont lorsqu'ils ont à choisir leurs dirigeants.

Donc, monsieur Massion, ayant anticipé tout cela, nous avons décidé cette réduction dès le début de l'année des acomptes provisionnels et des prélèvements mensuels de l'impôt dû par les Français, parce que nous avons tout simplement considéré qu'il n'y avait aucune raison que l'État se fasse de la trésorerie sur le dos des contribuables ! Et, là encore, je ne connais pas de citoyen français, qu'il soit de gauche, de droite...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...ou du centre, qui puisse penser un instant que c'est une mauvaise décision !

Monsieur Massion, pris dans l'enthousiasme, dans la volonté qui est la vôtre d'en découdre avec la majorité, vous avez sans doute pensé que l'amendement n° I-97 était encore plus indispensable que les autres.

Je souhaite que, après réflexion, vous considériez qu'il pourrait être retiré et qu'il n'y ait ainsi pas de débat sur un sujet qui va de soi : mettre en place un dispositif par lequel, dès le début de l'année, les Français peuvent anticiper la baisse de l'impôt que le Gouvernement a décidé pour eux avec l'appui du Parlement, c'est évidemment un « plus » pour leur pouvoir d'achat, donc pour la croissance, donc pour l'activité économique et l'emploi. Et tout le monde est favorable à ce genre de choses !

Pour toutes ces raisons, il y a lieu que la Haute Assemblée rejette avec force ces trois amendements, à supposer que, dans un moment ultime de remords, vous n'ayez pas souhaité au moins retirer le troisième.

M. Marc Massion. Ni regret ni remord ! (Exclamations sur les travées de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° I-96 rectifié.

M. Thierry Foucaud. Il faut clarifier un certain nombre de choses. Hier, à la fin de la discussion générale, M. le ministre a dit que les membres du groupe CRC étaient en désaccord sur tout. C'est vrai. Mais cela ne signifie pas qu'il serait, lui, en accord sur tout avec nous. La preuve ! Je crois qu'il faut prendre la dimension de mes propos ; ce qui m'inquiète le plus, c'est que M. le ministre nous ferait passer - les membres du groupe CRC, mais aussi ceux du groupe socialiste - pour des extrémistes !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Un peu !

M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, si nous sommes ici, c'est que nous assurons la représentation du peuple en étant élus par les grands électeurs, eux-mêmes désignés par la population.

M. Paul Girod. Très bien !

M. Thierry Foucaud. Alors, monsieur le ministre, - je vous appelle encore ainsi -,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je suis ministre !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une appellation permanente à laquelle il aura toujours droit !

M. Thierry Foucaud. ...si nous sommes en démocratie, prenez en compte nos observations, mais ne « bottez pas en touche » par rapport à un certain nombre d'éléments qui vous seront transmis, notamment aujourd'hui, au cours de la discussion.

Et ne dites pas que nous sommes en désaccord sur tout ! Nous approuvons tout à fait la politique que mène le Président de la République sur la question irakienne ou le programme ITER, international thermonuclear experimental reactor.

M. Philippe Marini, rapporteur général. En français, on dit RETI : réacteur expérimental thermonucléaire international !

M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, arrêtez de tenir de tels propos !

Par ailleurs, vous parlez de réforme. Mais la réforme structurelle que vous évoquez n'existe pas ! Comme nous l'avons rappelé, ce ne sont que des cadeaux, et ce en permanence !

M. le rapporteur général, quant à lui, évoque les débouchés sur l'emploi. Marie-France Beaufils, Bernard Vera et moi-même rappelions hier dans nos interventions que, depuis quatre ans et demi, le nombre d'emplois industriels en France a baissé de 265 000 !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais les emplois dans les services augmentent fortement !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je dirai un petit mot complémentaire à M. Foucaud, qui m'a pris par les sentiments !

Je persiste et signe ! Il vous arrive heureusement, à titre incident, de rejoindre la majorité ou le Président de la République sur quelques sujets. C'est le cas pour la question irakienne. Et c'est la moindre des choses, en ce qui concerne le programme ITER, que vous soyez favorables à un projet d'intérêt national de cette ampleur ! (M. Thierry Foucaud s'exclame.)

Mais, monsieur Foucaud, je voudrais juste rappeler une chose à propos de cette réforme de l'impôt sur le revenu : dans notre esprit, il n'y a pas, d'un côté, les bons Français, et, de l'autre, les mauvais ; tous les Français forment une seule et même nation ! Il n'est donc pas question de faire des cadeaux aux uns et pas aux autres. (Mme Marie-France Beaufils et M. Thierry Foucaud s'exclament.)

Et si vous examinez avec attention la réforme et ses effets, vous constaterez que c'est l'ensemble des Français qui bénéficient de cette baisse d'impôt. Ceux qui en profitent le plus en pourcentage de leurs revenus sont les ménages dont les revenus se situent entre 1 000 euros et 3 500 euros par mois, c'est-à-dire les classes moyennes et modestes de notre pays. C'est justice que de le rappeler.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y en a qui en sont toujours à la lutte des classes !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-96 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)