7

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des finances m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat actuellement en cours d'examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

8

TRAVAIL, emploi et pouvoir d'achat

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Dans la suite de la discussion, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer un article additionnel avant l'article 8.

Article 7 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat
Article 8

Articles additionnels avant l'article 8

M. le président. L'amendement n° 95 rectifié, présenté par M. Fischer, Mme David et Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 59 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003 1311 du 30 décembre 2003) est abrogé.

II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus, le montant de la dotation globale de fonctionnement défini à l'article L. 1613 1 du code général des collectivités territoriales est relevé à due concurrence.

III. - Pour compenser les pertes de recettes résultant pour l'État du II ci-dessus, les taux prévus à l'article 200 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la loi du 18 décembre 2003 a entériné le transfert de la gestion du RMI de l'État au département.

Nous nous étions à l'époque opposés à une telle mesure.

En effet, nous estimions et estimons toujours que la décentralisation du RMI est une profonde injustice, non seulement parce qu'elle rompt le lien qui, par la Constitution, garantit à nos concitoyens l'attention et la solidarité nationale auxquelles ils ont droit, mais aussi parce qu'elle permettra demain une prestation à géométrie variable, selon la richesse des départements ou la politique qu'ils mènent.

Ainsi, un président de conseil général peut décider quasiment seul - il désigne en effet, lui ou son exécutif, les membres des conseils départementaux d'insertion et des commissions locales d'insertion - de la suspension de l'allocation. Le risque est alors d'assister au glissement progressif d'un dispositif universel vers une aide sociale départementale, donc facultative, susceptible, à terme, d'être remise en cause. La création du RSA qui nous réunit ce soir s'inscrit dans cette logique.

Rappelons également que cette première application de la décentralisation impliquait aussi des transferts de personnels de l'État vers les départements.

Or le transfert du RMI ne s'est pas accompagné des moyens adaptés permettant aux départements d'exercer leurs responsabilités dans toute leur plénitude. La loi du 18 décembre 2003 prévoyait pourtant qu'une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, leur serait octroyée pour assurer le financement du dispositif.

Dès le premier exercice, les recettes ont été inférieures aux charges liées au versement de l'allocation. Il en est résulté un déficit proche de 430 millions d'euros. Aujourd'hui, ce déficit approche le milliard d'euros.

Ce phénomène s'explique par la forte croissance du nombre de RMIstes. Ainsi, depuis le 1er janvier 2004, le nombre d'allocataires a augmenté de 30 % en Seine-Saint-Denis, ce qui représente 10 000 allocataires de plus entre décembre 2003 et novembre 2005.

Cette hausse est en partie imputable à la dégradation du marché du travail, dégradation que vous n'avez cessé de poursuivre. Nous aurons l'occasion d'en discuter.

Cette hausse résulte également de la réforme de l'UNEDIC, qui a entraîné une augmentation du nombre de chômeurs non indemnisés et le basculement plus fréquent et plus précoce de demandeurs d'emploi vers le dispositif du RMI.

L'enquête de l'UNEDIC que vient de révéler Les Échos sur la lutte contre la fraude et les abus des chômeurs laisse penser, monsieur le haut-commissaire, que la réforme du contrôle des chômeurs entraînera inévitablement, elle aussi, un basculement presque mécanique vers les minima sociaux.

Aujourd'hui, l'État doit plus de 1 milliard d'euros aux départements pour la gestion du RMI. Ce dispositif coûte 6 milliards d'euros.

Pour toutes ces raisons, nous estimons que l'expérience n'a pas été concluante et que la gestion du RMI doit revenir à l'État.

C'est la raison d'être de l'amendement n° 95 rectifié, qui reprend une proposition de loi que le groupe communiste républicain et citoyen avait déjà faite en ce sens. Elle avait été discutée à l'occasion d'une question orale avec débat. Nous en avions alors longuement débattu avec M. Mercier.

Nous pensons que seule l'abrogation de la loi de 2003 permettrait de redonner pleine compétence à l'État pour mener l'action en faveur de l'insertion des ménages les plus vulnérables, au moment même où certains prônent l'unification des minima sociaux et leur transfert intégral aux collectivités départementales, comme en témoigne ce projet de loi.

Sur le fond, la solution réside dans l'éradication du chômage, ce qui passe par la mise en oeuvre d'une autre politique économique nationale et européenne, fondée sur une sécurité en matière d'emploi et de formation.

Avec quel financement, me demanderez-vous ? Il suffit simplement d'augmenter les ressources publiques, grâce à une fiscalité plus juste et plus efficace. Hélas, les dispositions du projet de loi dont nous discutons depuis mardi vont dans la direction opposée !

Je rappellerai simplement au Sénat que la diminution de l'ISF se chiffrera à 50 milliards d'euros en cinq ans, soit cinq fois le déficit de la sécurité sociale !

Les mesures prévues dans le présent texte, qui sont autant de cadeaux aux plus nantis, coûteront 13 milliards d'euros au budget national. Ces mesures sont-elles vraiment des priorités ?

Bien sûr, ces sommes sont à rapporter aux 25 millions d'euros dont vous bénéficierez, monsieur le haut-commissaire, pour expérimenter le revenu de solidarité active. Vous me répondrez que vous avez bien souvent entendu ce type d'argument ! En tout cas, cela montre combien le fait de traiter ce dossier dans le cadre du présent projet de loi pose problème. Je le dis franchement : j'aurais souhaité que l'on parlât d'une manière plus naturelle de l'ensemble des minima sociaux, qui sont au nombre de dix. Nous aurions alors pu avoir un débat de fond.

Le coût de la diminution de l'impôt sur les sociétés s'élèvera, quant à lui, à 450 millions d'euros. C'est justement ce que devait l'État aux conseils généraux en 2004 pour le RMI !

Vous me direz que je mène encore une bataille d'arrière-garde, mais le problème aujourd'hui, c'est l'émergence, depuis cinq à dix ans, de ceux que l'on appelle les travailleurs pauvres. En France, aujourd'hui, on peut avoir un emploi et ne pas pouvoir faire face aux besoins essentiels dans la vie.

Nous souhaitons donc profiter de ce débat pour poser, avec cet amendement, les problèmes de façon plus générale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je comprends que Guy Fischer exprime un désaccord de fond et une opposition politique s'agissant du transfert du RMI aux départements tel qu'il a été adopté en 2003.

Cela étant dit, son amendement ne peut techniquement être adopté puisqu'il vise à supprimer purement et simplement 5 milliards d'euros de ressources des départements.

Je pense, monsieur le haut-commissaire, que vous aurez à coeur de répondre à notre collègue. Pour sa part, la commission des finances émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur le sénateur, vous avez posé plusieurs questions de fond et exprimé la crainte qu'elles ne soient occultées. Soyez assuré que nous y reviendrons tout au long de l'année.

Vous avez posé la question de la compétence des conseils généraux en matière de RMI. Vous avez posé la question de savoir comment conjuguer leur action avec la solidarité nationale. Enfin, vous avez posé la question de savoir s'il était possible d'infléchir la tendance et de diminuer le nombre de nos compatriotes qui vivent des minima sociaux.

Vous avez également évoqué les inégalités qui pourraient exister entre les départements. Or, même à l'époque où le RMI dépendait de l'État, des aides extralégales étaient à l'origine de différences qui pouvaient être importantes, et pas toujours bien vues, entre les départements.

Je voudrais revenir sur ce que nous faisons. Aujourd'hui, nous essayons de disposer d'instruments objectifs nous permettant de voir comment la solidarité s'exerce d'un département à l'autre, afin de pouvoir revenir à une politique d'ensemble, sans pour autant nier la compétence des conseils généraux pour conduire des politiques actives en matière d'insertion.

Un argument plaide en faveur de la maîtrise par les conseils généraux d'un certain nombre d'instruments, c'est leur réussite. En effet, on a pu voir des conseils généraux, de quelque couleur politique qu'ils soient, réussir à remonter la pente en matière d'insertion, d'activation des dépenses, de création d'emplois. Ce sont sur ces prémisses que nous voulons nous appuyer pour aller plus loin et diminuer le nombre d'allocataires du RMI. Il n'est toutefois pas question de diminuer le montant du RMI ni de s'attaquer aux prestations sociales, bien au contraire. Ce que nous souhaitons, c'est une articulation beaucoup plus saine entre les prestations sociales et les revenus du travail.

Il s'agit donc non pas de revenir sur la décentralisation ou sur son financement, mais de laisser vivre ces expérimentations. Nous reverrons ensuite pendant l'année l'ensemble de ces sujets, comme je m'y suis engagé.

Puis, lorsque nous élaborerons le revenu de solidarité active, dont le but est de nous permettre de ne plus détenir le record d'Europe de l'émiettement des minima sociaux et, par conséquent, du nombre de leurs bénéficiaires, nous déterminerons avec les conseils généraux et les partenaires sociaux qui devra en assumer la responsabilité et les conditions dans lesquelles la solidarité nationale pourra jouer.

Le débat sera donc ouvert, monsieur le sénateur, à partir d'éléments objectifs. Pour ces raisons, en espérant que ma réponse vous aura donné satisfaction, je souhaite que vous retiriez votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 95 rectifié est-il maintenu ?

M. Guy Fischer. Oui, monsieur le président, car notre débat concerne bien trop de personnes.

Vous savez que les dix minima sociaux - on en dénombre souvent neuf, mais il faut également compter le revenu de solidarité pour nos compatriotes d'outre-mer - concernent aujourd'hui 3,5 millions d'allocataires, qui vivent dans l'angoisse.

Certes, il y a toujours des fraudes, des abus, contre lesquels un certain nombre de dispositions ont d'ailleurs été prises. Mais, pendant la campagne électorale, on a laissé entendre - cela a confiné pour moi à une chasse aux pauvres - que toute personne bénéficiaire d'un minimum social et ne travaillant pas ne cherchait en fait qu'à profiter du système.

Non, il ne faut pas parler de génération de « fainéants », comme l'extrême droite l'a laissé entendre, expression reprise quelquefois par d'autres. Il y a une réalité qui mérite d'être posée et approfondie.

Une étude concernant les chômeurs a été rendue publique par le quotidien Les Échos dans laquelle on sent également une certaine volonté de stigmatisation de la fraude.

Si M. Mercier était présent, j'aurais dénoncé les mesures de contrôle qui ont été mises en place dans le département du Rhône vendredi dernier et qui laissent supposer que tout bénéficiaire de minimum social est un fraudeur en puissance.

L'étude du contrôle des chômeurs fait apparaître une multiplication à la fois des exclusions définitives, des réductions des allocations de 20 % à 50 % et des exclusions temporaires. En 2006, sur un contrôle de près de 45 000 personnes, il y a eu 29,2 % d'exclusions temporaires, 2,7 % d'exclusions définitives et 25, 3 % de réductions d'allocations, c'est-à-dire 57,2 % de sanctions par rapport à l'ensemble de la population contrôlée.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce ne sont pas des sanctions !

M. Guy Fischer. Cela peut paraître légitime, correspondre à la réparation d'une situation...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il y avait peut-être de véritables abus !

M. Guy Fischer. Mais on peut aussi se demander comment l'UNEDIC a pu laisser perdurer des situations qui n'étaient pas régulières ! En tout cas, nous devons faire très attention à ce que l'on ne stigmatise pas une partie de notre population, notamment celle des quartiers les plus populaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 133, présenté par M. Charasse, Mme Bricq, MM. Massion, Masseret, Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et Cazeau, Mme Le Texier, Demontès, Schillinger, Printz, Jarraud-Vergnolle, Bergé-Lavigne et Khiari, MM. Repentin, Frimat, Godefroy, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 8, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

I. À compter du 1er janvier 2008, afin de contribuer au financement du revenu minimum d'insertion par les départements, les plus values de recettes constatées annuellement au titre de l'impôt de solidarité fortune sont prélevées sur les recettes de l'État.

Ces sommes viennent abonder les prélèvements sur recettes opérés sur le budget de l'État au profit des départements.

II. Les pertes de recettes pour l'État résultant du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement est dû à l'inventivité de notre collègue Michel Charasse.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Inventivité sans limites !

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président Arthuis, vous avez qualifié le projet de loi dont nous débattons « d'admirable », car il met en rapport les minima sociaux et l'impôt sur la fortune. Par cet amendement, notre groupe vous invite à traduire encore plus concrètement cette mise en rapport entre minima sociaux et ISF.

Je vous rappelle que l'ISF, qui s'appelait alors l'IGF, impôt sur les grandes fortunes, autant que je m'en souvienne,...

Mme Nicole Bricq.... a été créé à l'origine pour financer le revenu minimum d'insertion. Depuis, le système a évolué et, en vertu de la loi du 18 décembre 2003, la gestion du RMI a été transférée aux départements.

Nous savons, comme l'a rappelé notre collègue Guy Fischer, que le transfert n'a pas été opéré dans de bonnes conditions. Alors que les départements n'ont pas la maîtrise de ces dépenses, le déficit cumulé par les conseils généraux au titre du RMI atteint 2,350 milliards d'euros en 2007.

L'État en a pris conscience et a trouvé un certain nombre d'artifices pour résoudre le problème, comme la création du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, dont l'abondement est toujours insuffisant et les modalités d'attribution insatisfaisantes. Ce fonds ne constitue en outre qu'une réponse provisoire puisque, créé pour trois ans, il arrive à terme cette année.

Finalement, l'État n'a jamais prévu de solution structurelle ; c'est la raison pour laquelle nous vous en proposons une.

Quand on considère l'ISF, pour lequel vous nous avez proposé cet après-midi un fléchage en direction des PME, on s'aperçoit que cet impôt a un rendement assez dynamique, contrairement à ce que vous prétendez.

Cette année, ses recettes ont augmenté de 17 % par rapport à 2006, soit une hausse de 800 millions d'euros. Convenez que ces 800 millions d'euros permettraient de couvrir une large part de la dette annuelle de l'État à l'égard des départements au titre du RMI !

Nous vous proposons donc, mes chers collègues, d'affecter les plus-values de recettes annuelles de l'ISF au financement du RMI. Ainsi, on renouera avec l'esprit d'origine qui rapprochait l'impôt sur les grandes fortunes et les minima sociaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Michel Charasse et Nicole Bricq sont de trop fins connaisseurs du droit budgétaire pour ignorer le principe de l'universalité budgétaire, selon lequel toutes les ressources couvrent toutes les dépenses.

La commission des finances, par définition, est opposée aux affectations, notamment à celle-là. Elle émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Je tiens à dire qu'un fléchage d'une partie de l'ISF est prévu par la disposition à laquelle vous avez fait allusion, madame Bricq, puisqu'elle permettra de faire bénéficier les entreprises d'insertion d'une partie des 50 000 euros de l'ISF - ce qui est une petite révolution.

Pour le reste, je m'en remets à l'expertise de la commission des finances. J'émets donc un avis défavorable.

Mme Nicole Bricq. Les affectations budgétaires sont à géométrie variable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 158 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller, est ainsi libellé :

Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « revenu minimum d'insertion », sont insérés les mots : « est un droit individuel dont le montant ».

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Par cet amendement, nous proposons de faire du RMI un droit « individuel », sans lien avec les revenus du conjoint.

En effet, personne n'a envie de dépendre financièrement de son conjoint, ce qui est pourtant souvent le cas des personnes au chômage. Le droit au RMI doit être le même pour toutes et tous. Pour cela, seule l'individualisation des droits permet une véritable autonomie.

Cependant, l'affirmation que le dispositif du RMI est un droit individuel n'exclut pas la prise en compte de la situation familiale, selon des modalités fixées par décret, afin d'empêcher qu'un bénéficiaire puisse être déclaré simultanément comme personne à charge par son conjoint.

Le 23 janvier dernier, lors de l'examen de la proposition de loi de Valérie Létard portant réforme des minima sociaux, Catherine Vautrin, alors ministre déléguée à la cohésion sociale, avait refusé cette idée au motif que « le RMI ne doit pas se substituer à la solidarité familiale, qui reste l'une des valeurs fondamentales de notre République. »

Nous pourrions discuter de la solidarité familiale ! Je vous signale que les divorces sont nombreux lorsque l'un des conjoints est au chômage. Nous pouvons dire qu'alors la situation familiale des deux personnes est aggravée.

Pour ma part, je ne peux pas accepter que la solidarité familiale soit une excuse permettant à la collectivité de se désengager de son rôle élémentaire de subvenir aux besoins des citoyens. Pour paraphraser l'ex-ministre, je dirai que « la solidarité familiale ne doit pas se substituer aux valeurs fondamentales de notre République », parmi lesquelles figure le devoir de fournir un revenu d'existence à toutes et à tous.

Monsieur le haut-commissaire, êtes-vous d'accord pour que le RMI soit individuel et ne soit pas lié à la situation du conjoint ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Selon l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, toute personne a droit au RMI dès lors qu'elle remplit les conditions suivantes : premièrement, elle réside en France ; deuxièmement, ses ressources n'atteignent pas le montant du RMI ; troisièmement, elle est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d'un ou plusieurs enfants ; quatrièmement, elle s'engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle.

L'amendement qui nous est présenté ne change en aucune manière le mode de calcul de la prestation, qui continuera à varier selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge. Actuellement, selon l'analyse que je viens de rappeler, le RMI est bien un droit individuel, mais le montant de la prestation dépend de la composition du foyer et du nombre de personnes à charge.

Si vous vouliez modifier ce second aspect, il fallait le préciser dans votre amendement. À mon sens, l'amendement ne change rien au droit existant.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Par conséquent, dans la logique de votre raisonnement, je ne peux que vous opposer un avis défavorable.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. C'est très juste, et fort bien dit !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Monsieur le sénateur, je serais choqué si le conjoint d'une personne ayant des revenus confortables pouvait bénéficier du RMI,...

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.... au moment où nous cherchons à faire non pas la chasse aux pauvres mais la chasse à la pauvreté.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Christian Cambon. Ce serait un vrai effet d'aubaine !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J'aurais pu être tenté de croire que M. Marini souscrivait sur le fond à mon amendement. Il suffisait alors de l'adopter, quitte à y apporter les améliorations de forme nécessaires en commission mixte paritaire. (Rires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh là là ! Vous êtes un sénateur très expérimenté !

M. Jean Desessard. Toutefois, comme une réponse a été donnée sur le fond, je vois déjà se dessiner la position générale du Sénat.

Il me paraît tout de même choquant, dans une société où la solidarité familiale n'est plus la même qu'il y a vingt ou trente ans, que l'on puisse considérer qu'il est facile pour une personne au chômage de demander à son conjoint de l'argent pour s'habiller, pour sortir un minimum, etc.

Vous avez été en contact avec nombre de personnes pauvres...

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Absolument !

M. Jean Desessard.... - moi aussi, vous le savez bien, puisque j'ai milité longtemps avec les mouvements de chômeurs - et vous devriez savoir comme moi combien ces personnes trouvent humiliant de demander dix ou vingt euros à leur conjoint, quelles que soient les ressources de ce dernier.

Si vous trouvez que les conjoints qui gagnent plus doivent participer à la solidarité nationale, je suis d'accord, monsieur le haut-commissaire ! Nous avons justement combattu pendant trois jours pour que les personnes qui ont de hauts revenus paient davantage d'impôts. Il suffit donc d'imposer les conjoints qui ont de bonnes situations, et les personnes qui n'ont pas d'argent n'auront pas à souffrir dans leur dignité d'avoir à quémander auprès de leur mari ou de leur femme.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas défendable, n'en rajoutez pas !

M. Guy Fischer. Je voudrais apporter quelques éléments complémentaires pour alimenter la réflexion générale.

La semaine dernière, j'évoquais les décrets parus au mois de mai aux termes desquels, pour obtenir le RMI ou l'API, il fallait pratiquement prouver que l'on ne pouvait prétendre à aucune obligation alimentaire.

Or nous constatons aujourd'hui que certains départements, sous prétexte de lutter contre les fraudes et les abus, font valoir des règles qui rendent l'accès au RMI ou à l'API plus difficile.

Je sais bien que l'obligation alimentaire existe depuis toujours dans nos lois. Mais, prenons l'exemple du conseil général du Rhône, où je siège. Nous avons eu à délibérer la semaine dernière, le 20 juillet, sur la décision du président Michel Mercier visant à faire valoir l'obligation alimentaire pour les demandeurs du RMI ou de l'API, jusqu'à trente-cinq ans.

Il en résulte qu'un jeune qui vit chez ses parents est soupçonné d'être un fraudeur ou de n'avoir besoin du RMI que pour son argent de poche. En outre, cela signifie qu'il pourrait entamer des poursuites judiciaires contre ses parents afin de faire valoir l'obligation alimentaire.

Je ne vous ai pas apporté les délibérations du conseil général, mes chers collègues, afin de ne pas vous importuner.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ne sommes pas au conseil général du Rhône !

M. Guy Fischer. Mais ces débats nous poussent vraiment à réfléchir, notamment sur le devenir de la société française et sur les réactions que font naître un certain nombre de situations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 8
Dossier législatif : projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat
Article 9

Article 8

Le revenu de solidarité active a pour objectif d'assurer l'augmentation des ressources d'une personne bénéficiaire d'un minimum social qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité afin d'atteindre un revenu garanti qui tient compte des revenus d'activité professionnelle et des charges de famille.

À titre expérimental, le revenu de solidarité active est mis en oeuvre simultanément dans les conditions définies aux articles 9 et 10 de la présente loi pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. Cet article 8 met en place le revenu de solidarité active, ce dispositif de revenu minimum, promu par l'Agence nouvelle des solidarités actives.

L'objectif clair de ce mécanisme est de réduire d'au moins un tiers en cinq ans le nombre de travailleurs pauvres en France afin d'éradiquer totalement la pauvreté d'ici à 2020.

En 2005, le rapport de la commission présidée par M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté proposait déjà un tel dispositif. Cependant, à l'époque, M. Hirsch était plus ambitieux et prônait un champ d'application beaucoup plus large.

En effet, ce qui nous est proposé aujourd'hui, c'est de limiter le bénéfice de cette mesure aux seuls allocataires du RMI et de l'API sous forme d'une expérimentation. Globalement, ce dispositif concerne 1,4 million de personnes, mais, comme il n'est mis en oeuvre que dans quelques départements, il n'y aura que 90 000 allocataires : 50 000 RMIstes et 40 000 APIstes.

Pourtant, la catégorie des travailleurs pauvres est beaucoup plus vaste. On dénombre en effet 7 millions de travailleurs pauvres. Pour ma part, je considère que 15 millions de personnes se trouvent dans de réelles difficultés, mais je ne vais pas développer ce point pour le moment.

Qu'en sera-t-il de ces femmes à qui l'on impose un temps partiel, les plongeant directement dans la précarité ? Qu'en sera-t-il des moins de vingt-cinq ans ?

En outre, en France, les pauvres ne sont pas tous en capacité de travailler. Parfois, ils sont retraités, soit ex-travailleurs pauvres, ou simplement inaptes au travail pour des raisons physiques. Et je pourrais citer des exemples précis ! Qu'en sera-t-il d'eux ?

Je crains que votre dispositif, monsieur le haut-commissaire, n'ait pas l'effet escompté, même si je souhaite me tromper. Pis, il stigmatisera un peu plus encore les plus démunis en créant plusieurs catégories de pauvres et en opposant encore un peu plus « ceux qui se lèvent tôt » et les prétendus « assistés », qui, bien évidemment, profiteraient du système. Cette vision populiste et profondément injuste pour tous ceux qui connaissent la précarité a largement alimenté la campagne du candidat Sarkozy.

L'objectif du Gouvernement correspond à terme à une réforme générale du système des allocations sociales. Nous espérons donc que ce nouveau dispositif n'est pas le prélude à la suppression pure et simple du RMI. Nous le savons, le problème de l'existence des minima sociaux est posé. Plusieurs textes en témoignent. Valérie Létard a beaucoup travaillé sur cette question et deux de nos plus honorables collègues, Michel Mercier et Henri de Raincourt, ont rédigé des rapports lumineux en la matière.

De plus, selon le rapport de M. Vasselle, seuls 50 000 personnes pourraient expérimenter un tel dispositif. Nous sommes donc loin des objectifs du Gouvernement !

Si le coût du dispositif ne nous donne pas d'indication sur l'efficacité d'une telle mesure, le chiffre annoncé de 25 millions d'euros semble assez dérisoire en comparaison des 3,7 milliards d'euros consacrés au nouveau régime des heures supplémentaires - pour cette année seulement ! -, au 1,9 milliard d'euros de crédit d'impôt, aux 950 millions d'euros pour la suppression des droits de succession et aux 810 millions d'euros du bouclier fiscal, dont 583 millions d'euros seront directement remboursés aux 12 784 foyers dont le patrimoine est supérieur à 7,14 millions d'euros.

Telles sont les priorités du gouvernement Fillon, sous les ordres du Président Sarkozy.

La démagogie de ce gouvernement est sans borne : d'un côté, toutes les politiques mises en oeuvre conduisent à une précarisation accrue des individus ; de l'autre, on accorde quelques miettes aux plus démunis sans leur proposer pour autant des solutions pérennes d'insertion.

Il s'agit là d'une spirale du déclin. Vous accompagnez simplement les méfaits du libéralisme sans essayer, loin s'en faut, de créer une autre conception du développement partagé.

Ce dispositif aura l'effet pervers de favoriser les emplois faiblement rémunérés alors même que, dans votre rapport de 2005, monsieur le haut-commissaire, vous indiquiez que « la mise en oeuvre du RSA devait s'inscrire dans une politique de l'emploi dynamisée et sécurisée contre le temps partiel contraint, le travail précaire ou discontinu ».

Nous sommes d'accord avec vos propos, mais nous constatons que les choses évoluent. À l'époque, vous n'étiez pas partie prenante de ce gouvernement.

Nous estimons que seule une politique ambitieuse du travail pourra répondre à l'objectif d'éradication du nombre de travailleurs pauvres, voire de la pauvreté. Pour cela, la première mesure est la recherche du plein-emploi.

M. le président. Monsieur Fischer, vous avez dépassé vos cinq minutes de temps de parole. Vous le savez, cette règle s'applique à tous.

M. Guy Fischer. Dans ces conditions, je m'arrête là. Mais j'interviendrai tout à l'heure en explication de vote.

M. le président. J'ai été tolérant la première fois, mais je dois me montrer plus ferme, sinon le débat risque de déraper.

M. Guy Fischer. On dérape toujours avec les pauvres !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Après ces dizaines d'heures de débat consacrées aux petits problèmes fiscaux des plus riches de nos concitoyens, je salue à cette heure tardive, en fin de débat, cette discussion qui porte sur les 7 millions de bénéficiaires de minima sociaux. Je salue également la volonté d'expérimentation de M. le haut-commissaire et sa ténacité à vouloir mettre en oeuvre le revenu de solidarité active, quitte à s'associer à un projet de loi qui vise à offrir 15 milliards d'euros aux riches et 25 millions aux pauvres. Quel décalage !

Sur le fond, monsieur le haut-commissaire, j'approuve votre volonté de permettre le cumul des minima sociaux et des revenus de l'activité afin d'éviter de pénaliser les chômeurs qui retrouvent un travail peu rémunéré et qui, du coup, perdent de nombreuses aides sociales. Cela évitera les effets de seuil et rendra toute reprise de travail financièrement intéressante.

Malgré tout, j'ai un doute sur la réussite du revenu de solidarité active, et ce pour plusieurs raisons.

La première, c'est qu'il est difficile de mettre en place une politique de solidarité nationale lorsque l'on a pour projet principal de favoriser l'enrichissement des plus riches.

Je comprends votre position. Vous vous dites que la politique nationale qui est menée n'est peut-être pas celle que vous souhaitez, mais qu'il faut s'adapter à la mondialisation qui rend les riches de plus en plus riches. Vous n'allez peut-être pas jusqu'à dire que les pauvres deviendront de plus en pauvres, mais les deux aspects sont liés. Vous pensez sans doute que, si vous pouvez faire quelque chose pour ceux qui souffrent, vous allez essayer d'agir, même dans un gouvernement dont vous ne partagez pas les principales orientations.

Même si vous réussissez à régler quelques situations, le mécanisme enclenché par la politique du Gouvernement et du Président de la République aboutira à ce qu'il y ait de plus en plus de pauvres. Cela risque donc d'être un travail sans fin, qu'il faudra à chaque fois recommencer.

La deuxième raison pour laquelle je doute de la réussite du revenu de solidarité active, ce sont les difficultés techniques liées à sa mise en oeuvre. Coincé entre les minima sociaux et le SMIC, ce RSA est condamné à n'être considéré que comme un revenu d'assistance. Il sera perçu par beaucoup comme un « petit boulot » et malheureusement pas comme un vrai travail.

Je vous souhaite bien du plaisir pour régler toutes ces difficultés : il y aura ceux qui seront aux minima sociaux, ceux qui retrouveront du travail, ceux qui seront à temps partiel, ceux qui sont au SMIC... D'autant que, comme l'a très bien dit M. Fischer, dès qu'il s'agit de contrôler les chômeurs et les RMIstes, l'administration se montre tatillonne. Elle ne veut surtout pas verser 3 ou 4 euros de plus ! En revanche, elle n'est pas à 10 000 ou à 100 000 euros près dans les affaires d'abus de biens sociaux. Il y a même moins de contrôles dans ces cas-là, car il ne faut surtout pas brider la liberté du travail. Mais qu'un chômeur cumule les prestations et touche 10 euros ou 100 euros de trop, là, c'est inacceptable !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Caricature !

M. Jean Desessard. Puisque vous vous en remettez aux départements, vous pourrez toujours vous tourner vers eux. Ils sont pragmatiques et ils ont l'habitude de régler ce genre de difficulté. Quoi qu'il en soit, je le répète, vous condamnez cette expérience à n'être que de l'assistance en plus.

Même si je reste persuadé que l'objectif est bon, je suis sceptique sur la mise en oeuvre de cette expérimentation.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne jugez pas par avance !

M. Jean Desessard. Que faire ? Je vois deux solutions.

La première consisterait à augmenter fortement les minima sociaux en les portant à 80 % du SMIC. Cela permettrait au moins aux gens de vivre. Mais se poserait alors un problème avec les smicards, qui seraient mécontents que quelqu'un qui ne travaille pas gagne presque la même chose qu'eux. D'ailleurs, je pense que cet aspect explique en partie la réussite du vote populaire en faveur du candidat Sarkozy.

Il est évident que la « politique sociale » a ses limites et qu'il est difficile d'augmenter les minima sociaux, parce que c'est mal perçu par les travailleurs.

La deuxième solution, ce serait le revenu d'existence. Les minima sociaux seraient versés à tous, aussi bien aux travailleurs pauvres qu'aux travailleurs plus aisés, mais on récupérerait l'argent sur leurs impôts.

Comme j'ai épuisé mon temps de parole, je développerai cette question ultérieurement dans le débat. En attendant, je veux quand même vous dire que la vraie solution est là. De plus, ce n'est pas simplement une idée de gauche, puisque certains centristes l'ont déjà défendue.

Lorsque j'ai déposé un amendement visant à créer ce revenu d'existence, M. Arthuis m'a opposé l'article 40.

M. le président. Veuillez conclure, s'il vous plaît !

M. Jean Desessard. Je suis souvent défavorable au recours à l'article 40, mais je dois reconnaître que cette mesure aurait vraiment coûté cher à la collectivité et qu'elle aurait représenté un important transfert de charges. (Sourires.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 93, présenté par M. Fischer, Mmes David et Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - La loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques est abrogée.

II. - Le code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 321-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 321-1. - Constitue un licenciement pour motif économique, tout licenciement réalisé par un employeur pour un ou plusieurs motifs sans rapport avec la personne du ou des salariés licenciés, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise. » ;

2° L'article L. 321-13 est rétabli dans sa version antérieure à la modification effectuée par la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social.

III. - Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 224-3, il est inséré un article L. 224-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 224-4. - La société, dont le chiffre d'affaires hors taxes est supérieur à 50 millions d'euros, ne peut, pendant trois années consécutives, être à l'initiative d'une offre publique d'achat ou d'échange lorsqu'elle a procédé à des licenciements dans le cadre d'un plan social et que l'arrêté des comptes a constaté l'existence d'un résultat net d'exploitation bénéficiaire.

« La même société ne peut faire l'objet d'une offre publique d'achat ou d'échange pendant ce même délai, qu'après avis conforme du ministre de l'économie et des finances et du ministre de chargé de l'emploi. » ;

2° Après l'article L. 225-186, il est inséré un article L. 225-186-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-186-1. - Lorsque l'arrêté des comptes a constaté un résultat net d'exploitation bénéficiaire, aucune option donnant droit à la souscription d'achat d'action ne peut être consentie aux mandataires sociaux et aux cadres dirigeants pendant les trois années qui suivent la mise en oeuvre de licenciements dans le cadre d'un plan social. » ;

3° Après l'article L. 232-12, il est inséré un article L. 232-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 232-12-1. - Aucune distribution de dividendes ne peut-être faite aux actionnaires pendant trois années consécutives lorsque la société dont le chiffre d'affaires hors taxes est supérieur à 50 millions d'euros, a procédé à des licenciements dans le cadre d'un plan social et que l'arrêté des comptes a constaté l'existence d'un résultat net d'exploitation bénéficiaire. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a déjà été défendu !

M. Guy Fischer. Monsieur le président, je proteste énergiquement contre la pression que fait peser M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle est amicale, mon cher collègue !

M. Guy Fischer. On m'interrompt, et ensuite on viendra me dire que j'ai dépassé mon temps de parole !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. C'est bien parti pour !

M. Guy Fischer. Cet amendement vise à donner un autre sens à l'article 8.

Dans un rapport publié en 2005 et réalisé sous votre présidence, monsieur le haut-commissaire, rapport au titre prometteur, Au possible, nous sommes tenus. La nouvelle équation sociale, on pouvait lire entre autres que « la lutte contre la pauvreté ne peut être couronnée de succès que si elle se traduit par une mobilisation générale et si elle repose sur des principes de justice ».

Effectivement, seule une action politique d'une autre ampleur que l'instauration du revenu de solidarité active pourrait être efficace pour lutter sur le long terme contre la pauvreté.

Pour vous en convaincre, je commencerai par un bel exemple de justice sociale engendré par l'économie ultralibérale que vous encouragez...

En 2005, un leader mondial de la bagagerie souhaite recentrer ses activités vers l'Asie et décide de se séparer de son unique site de fabrication français.

L'affaire est conclue en septembre ; deux repreneurs sont choisis ; le site sera progressivement reconverti en usine de fabrication de panneaux solaires. Sauf que, depuis, aucun panneau n'est sorti du site, aucun investissement n'a été réalisé ! En réalité, l'entreprise en cause a voulu éviter une fermeture pure et simple, très coûteuse, et a organisé une reprise fictive permettant le licenciement de l'ensemble des salariés à moindre coût.

Le directeur du site a confié à la presse que le contrat sur le solaire n'était qu'un contrat de commercialisation et ne pouvait donc engendrer d'emplois.

Alors que des centaines de salariés se trouvaient sans emploi, le groupe annonçait qu'il distribuerait à ses actionnaires 175 millions de dollars de dividendes.

Je vous prie de croire que toutes ces personnes, souvent des familles entières, qui basculent ainsi dans des situations d'extrême fragilité ne demandent pas à être assistées ; elles souhaitent simplement qu'on leur garantisse un travail leur permettant de vivre dans des conditions décentes.

Or votre politique comme celles de vos prédécesseurs ont montré leur incapacité à faire reculer les taux d'emplois précaires et de pauvreté.

Vos actions nient la valeur travail et engendrent des inégalités de plus en plus profondes dans la société.

C'est pourquoi nous ne pouvons nous satisfaire du dispositif proposé par l'article 8.

La société que nous voulons pour nos concitoyens est une société dans laquelle le travail est rémunérateur, une société dans laquelle on est capable de protéger les salariés contre le dumping social et économique, les licenciements boursiers et les OPA.

Or le présent dispositif transforme les aides sociales en subventions à l'emploi, pour le plus grand profit des employeurs ! Tel est l'analyse brute que nous faisons de ce texte.

Nous ne pouvons pas nous contenter du RSA alors que tout est mis en oeuvre pour précariser l'emploi, fragiliser les travailleurs, museler les syndicats.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas la présentation de l'amendement !

M. Guy Fischer. Les textes de ces derniers mois constituent une série assassine du droit du travail : contrat nouvelles embauches, contrat première embauche, service minimum, recodification par ordonnance du code du travail, qui s'est éloignée dangereusement de l'impératif de codification à droit constant !

Le revenu de solidarité active constitue dans ce contexte une mesure qui nous semble inefficace et imparfaite. Il oublie un certain nombre de salariés pauvres, notamment nombre de femmes qui travaillent à temps partiel et se retrouvent en dessous du seuil de pauvreté.

De plus, si le chômage s'accompagne d'un risque accru de pauvreté, l'inactivité reste encore associée à la pauvreté pour plus de 2 millions de personnes. Ainsi, hors du travail, il n'y aurait point de salut !

Ce n'est pas sans rappeler la philosophie qui avait conduit à envisager un accès prioritaire aux foyers d'hébergement de nuit pour les salariés sans domicile fixe !

En bref, le revenu de solidarité active se contenterait d'enregistrer comme une fatalité la tendance à la faible rémunération des emplois et à la multiplication des contrats précaires.

Nous restons persuadés que l'objectif d'augmenter le pouvoir d'achat des Français ne peut se passer d'une forte revalorisation des minima sociaux et de la fixation du SMIC à 1 500 euros.

Notre amendement vise à s'attaquer aux racines du problème de la pauvreté dans notre pays et tend à agir, pour cela, en faveur de l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés, contre la précarité, les licenciements, en particuliers contre les licenciements boursiers.

Parce qu'il est nécessaire de prendre des mesures fortes, en rupture avec un modèle économique qui n'assure ni le développement de l'emploi ni le dynamisme de l'activité économique, cet article 8 nous pose problème.

En conséquence, mes chers collègues, nous vous demandons de voter en faveur de notre amendement.

M. le président. Le groupe CRC, jusqu'à présent, respectait très scrupuleusement son temps de parole. C'est la première fois que j'assiste à des dérapages !

M. Guy Fischer. Pas du tout, j'ai respecté mon temps de parole à la minute près ! (M. Guy Fischer brandit sa montre.)

M. le président. Nous n'avons pas le même chronomètre !

L'amendement n° 17, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le revenu de solidarité active tient compte des prestations et aides locales ou extralégales à caractère individuel recensées par chaque département et, dans la mesure du possible, de l'ensemble des droits et aides qui sont accordés aux bénéficiaires du revenu de solidarité active.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement est important car il porte sur l'article 8, qui définit le revenu de solidarité active.

Il vise à inciter les départements participant à l'expérimentation à recenser les aides et les prestations locales et extralégales qui existent sur leur territoire. Nous souhaitons que les départements les prennent en compte dans le calcul du RSA.

M. Jean Desessard. Et voilà !

M. Guy Fischer. Deux poids, deux mesures !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Il vise également à ouvrir la possibilité d'une prise en compte des prestations et droits connexes légaux, tels que la prime pour l'emploi, les exonérations de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle, pendant la durée de l'expérimentation.

En effet, dans sa rédaction actuelle, ce projet de loi n'indique pas précisément quelles sont les modalités de calcul du RSA et laisse ainsi une grande marge d'appréciation aux départements.

Bien entendu, la commission des affaires sociales approuve le principe de cette liberté d'action. Elle est sans doute une des clefs du succès de l'expérimentation, car elle permettra aux départements de proposer des solutions adaptées à la réalité de leurs territoires et de tester l'efficacité des solutions diverses qu'ils retiendront.

Toutefois, il peut être opportun de tester certaines des pistes avancées pour réformer le système de solidarité nationale ; je veux parler des droits connexes.

Ces droits peuvent prendre deux formes.

Il y a, d'une part, les prestations ou droits légaux, ouverts à des personnes du fait de leur statut - exonération de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle - ou du niveau de leurs revenus - prime pour l'emploi, accès à la couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC, ou à l'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire.

Il y a, d'autre part, les prestations d'aides locales ou extralégales - tarif réduit de cantine scolaire ou de transports, aide à la garde d'enfant, bourse scolaire.

Je considère que ces droits, aides ou prestations participent à l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages. Pour cette raison, il me paraît logique que les départements puissent en tenir compte dans l'appréciation des ressources des bénéficiaires potentiels du RSA.

Vous l'avez compris, mes chers collègues, le RSA est un revenu différentiel : son montant sera calculé en fonction d'un revenu cible garanti, variable selon la composition familiale, d'où seront déduits les revenus de l'activité.

L'objectif du Gouvernement est de garantir un certain niveau de ressources - le seuil de pauvreté européen - et de rendre financièrement attractive toute nouvelle heure travaillée.

Pourquoi les droits et aides connexes n'entreraient-ils pas dans le revenu garanti ?

Sans qu'ils soient forcément intégrés à ce stade dans le RSA pour leur versement - ce qui, à terme, serait préférable -, je propose via cet amendement qu'ils soient au minimum pris en compte par les départements dans la composition du revenu garanti et, par conséquent, pour le calcul du revenu différentiel.

J'y tiens tout particulièrement pour une autre raison : cela permettra de réduire l'iniquité de traitement entre les travailleurs pauvres et les bénéficiaires de minima sociaux.

M. Jean Desessard. Et voilà !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. C'est une des dimensions majeures du problème : le renforcement de l'attractivité de l'emploi et la réduction de la pauvreté passent par la disparition de cette situation inéquitable et donc intolérable pour les plus courageux de nos concitoyens qui ont choisi le travail plutôt que l'assistance, même si le travail ne rémunère pas plus !

En effet, dans le cadre de cette expérimentation, les travailleurs pauvres ne seront pas éligibles au RSA.

De surcroît, la situation actuelle favorise les bénéficiaires de minima sociaux par rapport aux travailleurs pauvres en leur accordant certaines aides liées à leur statut. Les personnes qui travaillent au SMIC ou à mi-temps n'en bénéficient pas.

À la fin du mois, le revenu mensuel d'une personne qui travaille au SMIC sans avoir jamais touché de minimum social sera inférieur à celui d'un RMIste reprenant une activité au même niveau de qualification. Considérez-vous que cela soit juste ?

La prise en compte des prestations connexes dans le calcul du RSA permettra au moins de lisser ces inégalités et de préparer la réforme inéluctable qui prévoit que, au nom de l'équité, à ressources égales, les droits soient égaux.

Alors comment procéder ? Cela suppose, d'une part, de recenser, dans chaque département, l'ensemble des prestations et aides locales ou extralégales, d'autre part, de permettre aux départements de calculer au plus juste le montant du RSA et d'être pionniers dans la mise en place progressive d'une allocation unique qui intégrera prestations et minimum social.

Une expérimentation est conduite actuellement dans l'Eure et c'est ainsi que ce département procède. Pas moins de cinquante et une prestations extralégales ou connexes ont été recensées. Ce département les a prises en compte et calcule le RSA de cette manière.

Le recensement de ces aides pour chaque individu se fait sur un mode déclaratoire. À terme, il faudrait qu'un système centralise ces informations.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales a déposé cet amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 269, présenté par le Gouvernement est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 17, remplacer les mots :

tient compte

par les mots :

peut tenir compte

La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. M. le rapporteur pour avis a posé une question compliquée : comment prenons-nous en compte des différents droits connexes qui peuvent être eux-mêmes facteurs d'effets de seuil ?

On l'a vu, certaines personnes ont des revenus supérieurs de quelques euros au revenu maximum permettant de bénéficier de la CMUC et n'y ont plus droit. D'autres personnes peuvent perdre la totalité de certains droits quand elles reprennent un peu d'activité, car certains droits ne sont réservés qu'à ceux qui sont allocataires du RMI.

Il faudra donc obligatoirement remettre de l'ordre dans les droits connexes si l'on ne veut pas déplacer les effets de seuil.

Il faudra également veiller à diminuer ou à réduire la disparité des prestations.

M. le rapporteur pour avis a fait référence à un tableau que j'ai contribué à élaborer et qui dénombrait le nombre d'aides auxquelles pouvaient être éligibles les allocataires du RMI. Il y en a effectivement cinquante et une. Mais le pire est que personnes ne les connaissait toutes ; pas un seul travailleur social n'était capable de les dénombrer !

Il y avait donc à la fois de la déperdition en ligne et de la neutralisation entre les différentes aides.

Il sera nécessaire de remettre de l'ordre, non pas, je le répète, pour pénaliser les différents publics, mais pour éviter de se trouver enfermés dans des dispositifs dont on n'arrive plus à sortir.

Cependant, si on commence par imposer la prise en compte automatique des droits connexes, on risque de desservir les principes que vous avez défendus tout à l'heure, monsieur Vasselle ; c'est pourquoi, tout modestement, le Gouvernement propose d'indiquer que le département « peut tenir compte » des prestations et aides.

C'est d'ailleurs exactement ce qui se fait dans le département de l'Eure, sous la houlette du président du conseil général, M. Jean-Louis Destans. Il faut arriver par des expérimentations très concrètes et très ajustées à harmoniser les dépenses engendrées par les allocataires du RMI qui reprennent du travail avec le jeu des différentes prestations. De telle sorte qu'on ne défasse pas d'un côté ce que l'on fait de l'autre.

Les conseils généraux pourront faire du « cousu-main », sous l'oeil d'un comité d'évaluation au sein duquel siégeront un certain nombre de présidents de conseils généraux. Les expériences pourront ainsi être mutualisées et nous serons assurés de ne pas nous enfermer dans une démarche qui nous conduirait, finalement, à perdre le bénéfice de la souplesse des expérimentations.

M. le président. L'amendement n° 194 rectifié ter, présenté par M. Seillier, Mme Bout, Desmarescaux et B. Dupont, M. Esneu, Mme Hermange et Procaccia, MM. Laffitte et Mouly et Mme Payet est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En conformité avec l'objectif fixé par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, tel qu'en dispose l'article L. 115-4 du code de l'action sociale et des familles, les bénéficiaires du revenu de solidarité active sont associés à sa mise en oeuvre, dans les départements volontaires à l'expérimentation ainsi qu'à son évaluation.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. En conformité avec l'objectif fixé par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, cet amendement prévoit que les bénéficiaires du revenu de solidarité active sont associés à sa mise en oeuvre dans les départements volontaires à l'expérimentation, ainsi qu'à son évaluation. Il part du principe que les mesures comprises par ceux qui en bénéficient et évaluées avec eux peuvent réussir.

Il s'agit donc d'un amendement de cohérence par rapport à la loi de 1998.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est défavorable à l'amendement n° 93. Il me paraît inutile de revenir sur les questions d'ordre général qui nous opposent à M. Fischer ; nous n'avons pas la même logique !

Par ailleurs, la commission est favorable au sous-amendement n° 269 du Gouvernement. S'il est adopté, elle émettra un avis favorable sur l'amendement n° 17, présenté par Alain Vasselle.

Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° 194 rectifié ter, la commission se rangera à l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. S'agissant de l'amendement n° 93, je souhaite apporter quelques explications ; un débat de fond s'impose, car un certain nombre d'observations que je ne peux pas laisser sans réponse ont été formulées.

Monsieur Fischer, vous avez soulevé trois questions.

Premièrement, le RSA peut-il contribuer à réduire la pauvreté ou va-t-il aggraver la situation ?

Deuxièmement, l'article 8 va-t-il dans le bon sens ou nous éloigne-t-il de l'objectif fixé ?

Troisièmement, les dispositions contenues dans cet article sont-elles suffisantes ou faut-il prévoir d'autres mesures ?

Sur le premier point, je rappellerai que le revenu de solidarité active est né d'une réflexion collective à laquelle ont été associés l'ensemble des partenaires sociaux, des associations, ainsi que toutes celles et tous ceux qui, dans les collectivités locales, concourent à la lutte contre la pauvreté.

Il est faux de dire que le revenu de solidarité active stigmatiserait certaines catégories de la population ou irait à l'encontre de la lutte contre la pauvreté et l'extrême pauvreté. Toutes les réflexions de la commission ont été guidées par l'objectif strictement inverse. Il serait donc paradoxal aujourd'hui de défendre une position différente !

Après ma nomination au Gouvernement, j'ai réuni de nouveau l'ensemble des partenaires et je leur ai demandé s'ils se considéraient toujours solidaires des conclusions que nous avions tirées en 2005, des propositions que nous avions faites et du souhait que nous avions déjà émis, alors, de pouvoir procéder par expérimentations. La réponse a été affirmative, si bien que, quand ces dispositions ont été soumises à l'avis de la CNAF, dans laquelle tous les partenaires sociaux sont représentés, elles ont été adoptées avec dix-sept voix pour et quelques abstentions.

On ne peut lutter contre la pauvreté que sur la base d'un certain consensus entre les partenaires afin, justement, de ne pas dresser les uns contre les autres.

Donc, pour cette raison, le RSA peut contribuer à réduire la pauvreté.

Deuxième point, l'article 8 nous éloigne-t-il de cet objectif ?

Était-il concevable que, tout d'un coup, nous « jetions à la poubelle » les quatre cinquièmes du rapport pour n'en conserver qu'un fragment en ne nous intéressant qu'à une catégorie ? À l'évidence, la réponse est non.

D'abord, il est faux de dire que l'article 8 ne concernerait pas les travailleurs pauvres. Vous dites qu'il ne faut pas stigmatiser les RMIstes ; je rappellerai que, parmi ces derniers, au moins 15 % ou 20 % de personnes travaillent, qu'elles sont donc des travailleurs pauvres et qu'elles seront concernées par ces dispositions. Par conséquent, ne simplifiez pas à outrance, en escamotant un certain nombre de gens qui sont travailleurs pauvres et allocataires du RMI. Cet article s'inscrit bien dans l'objectif de réduction de la pauvreté.

Vous avez exprimé le regret qu'un certain nombre de personnes ne bénéficient pas de cette expérimentation, me laissant ainsi penser que vous lui prêtez quelque vertu, ce qui nous rapproche. Nous avançons avec prudence, afin de ne pas créer d'effets pervers par rapport à ce que nous croyons être une bonne mesure.

C'est la raison pour laquelle nous commençons par des échantillons réduits, des catégories limitées, en nous réservant la possibilité d'étendre le dispositif si les effets pervers peuvent être restreints, ce dont je suis persuadé, et s'ils sont beaucoup moins importants que ce que certains laissent entendre. Mais, effectivement, il faut se donner le temps d'étudier la situation et, lorsque nous aurons la preuve que l'expérimentation fonctionne bien, nous viendrons vous en rendre compte.

Enfin, dernière question, ces dispositions sont-elles cohérentes avec les mesures déjà existantes ?

Je souligne que, pour la première fois, le Président de la République et le Premier ministre ont cosigné une lettre de mission dans laquelle a été fixé un objectif de réduction de 30 % de la pauvreté pendant le quinquennat. Nous sommes là pour mettre en oeuvre les indicateurs et définir les moyens d'atteindre cet objectif. Nous pourrons désormais, devant la représentation nationale, indiquer où nous en sommes de sa réalisation. Par le passé, cela n'a jamais été possible, car les chiffres dont nous disposions ne prenaient pas en compte les mesures arrêtées pendant les trois dernières années. Ces nouvelles dispositions constituent donc un gage extraordinaire de changement dans les politiques.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est, bien entendu, défavorable à l'amendement n° 93, qui tend à la suppression de l'article 8.

Il est en revanche, comme vous l'avez compris tout à l'heure, favorable à l'amendement n° 17 de M. Vasselle, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 269.

Enfin, il est très favorable à l'amendement n° 194 rectifié ter, soutenu par Mme Hermange et par le président du comité interministériel de lutte contre l'exclusion, M. Seillier.

Cet amendement, qui vise à associer les personnes pour lesquelles on travaille au dispositif que l'on construit, est extrêmement important. Je peux vous assurer - - le Premier ministre en a, d'ailleurs, été récemment témoin, lorsque nous avons travaillé avec un groupe d'allocataires du RMI - que cela change tout. Cela garantit qu'on ne fait pas des usines à gaz. C'est un garde-fou qui empêche que puissent être supprimés par erreur des droits connexes. C'est également l'assurance que l'on oriente ces activités vers le retour au travail.

Lorsque, dans les départements, nous discutons avec des groupes d'allocataires du RMI, ils nous parlent, non pas du maintien dans l'assistance, mais de l'accès au travail, des conditions dans lesquelles ils peuvent retourner vers l'emploi et sortir de la pauvreté par le travail. Il est donc extrêmement important de développer ce type de démarche.

D'ailleurs, au comité d'évaluation, outre des présidents de conseils généraux, des économistes, des représentants des administrations, siège également une personnalité qualifiée parce qu'en tant qu'allocataire du RMI elle a créé à Angers un comité des usagers. Son aide nous sera utile, car nous voulons développer cette démarche dans chaque département le plus largement possible.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Je souhaite lever tout malentendu avec le Gouvernement et, éventuellement, avec la commission des finances, puisque le rapporteur général a approuvé le sous-amendement n° 269 : mon amendement ne crée aucune obligation pour les départements.

Il y est écrit : « Le revenu de solidarité active tient compte » - j'insiste sur ce verbe - « des prestations et aides locales ou extralégales à caractère individuel recensées par chaque département... ». Si le département ne les recense pas, ces prestations ne sont pas prises en considération. Donc, il n'y a aucun caractère contraignant.

Pour ce qui concerne les autres prestations, mon amendement dispose : «... et, dans la mesure du possible, de l'ensemble des droits et aides qui sont accordés aux bénéficiaires du revenu de solidarité active ». Les départements gardent donc leur entière liberté dans leur choix. Simplement, j'indique une direction, celle d'une prise en considération.

J'ai fait cette proposition parce qu'on ne peut pas accuser le conseil général de l'Eure, dont le président est socialiste, de vouloir réserver un sort moins enviable aux RMIstes que ne le ferait un département présidé par un élu de droite, ce qui serait source de tous les maux et de toutes les difficultés ! Le département de l'Eure les a pris en considération et cela ne pose aucun problème, cela fonctionne remarquablement bien. Par conséquent, pourquoi être plus royaliste que le roi dans ce domaine ?

Monsieur le haut-commissaire, j'espère avoir réussi à vous convaincre de retenir notre amendement sans le sous-amender puisque, en fait, il satisfait votre demande. (Mme Marie-Thérèse Hermange s'exclame.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'aimerais tenter une conciliation.

Il s'agit d'une expérimentation.

M. Philippe Marini, rapporteur général. En ajoutant l'auxiliaire « peut », le but est atteint. On va comparer ce que fait l'Eure, ce que fait le Rhône, etc., et, ensuite, on dressera le bilan de toutes ces expériences. Il ne faut pas être aussi catégorique.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Il n'y a aucune obligation !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une expérimentation, il existe des voies différentes. Je comprends très bien le sous-amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. On nous dit que, comme il s'agit d'une expérimentation, les mécanismes peuvent être beaucoup souples. S'ils sont plus souples, pourquoi M. Vasselle se croit-il obligé de présenter un tel amendement ? L'ayant bien écouté, je suis atterrée par ses propos sur les allocataires de minima sociaux par rapport aux travailleurs pauvres !

Dans la ville dont je suis maire, le revenu moyen par habitant est le plus bas de mon département. La part de logements sociaux y est de 42 % ; tous les jours, je traite les situations difficiles, les menaces d'expulsion, etc. Je suis donc amenée, de façon régulière, à connaître de la situation des habitants. J'ai mis en place des quotients familiaux pour la restauration scolaire, pour l'ensemble des services de la petite enfance...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme tout le monde !

M. Christian Cambon. Même dans une municipalité de droite, cela existe !

Mme Marie-France Beaufils. Laissez-moi terminer mon propos !

Aujourd'hui, on prétend renforcer l'accompagnement des foyers. Moi, je ne fais aucune distinction de principe entre un allocataire du RMI, un travailleur pauvre, celui qui perçoit un salaire ; seule compte la prise en considération des situations particulières.

M. Vasselle estime qu'il faut faire la chasse aux aides spécifiques que percevraient les attributaires de minima sociaux, qui seraient, selon lui, mieux traités que d'autres qui sont des salariés, parce leur situation ne serait pas prise en compte de la même façon. Ce n'est pas acceptable !

Dans une expérimentation, il faut faire confiance aux gestionnaires de terrain qui travaillent sur ces questions. La démarche que vous proposez, monsieur Vasselle, revient à opposer - comme on l'a entendu durant toute la campagne électorale - les gens qui perçoivent des minima sociaux, parce qu'ils ne voudraient prétendument pas travailler, et les salariés pauvres. C'est inadmissible !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je voterai le sous-amendement présenté par le Gouvernement. Nous verrons si cela marche, même si je n'y crois pas beaucoup...

L'amendement de M. Vasselle est significatif, comme je l'ai dit lors de mon intervention sur l'article, des difficultés de gestion qui vont se poser aux départements et des longues discussions qu'il va y avoir autour de ce dispositif.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Absolument !

M. Jean Desessard. Je leur souhaite bon courage !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Il nous faut tenir compte de la réalité. Pourquoi les allocataires du RMI ont-ils tant de difficultés à retrouver un emploi ? Parce que l'ensemble des éléments connexes, qu'ils soient d'ordre national, départemental ou communal - par exemple, les systèmes de quotients familiaux - les dissuadent de reprendre une activité.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Tout à fait !

Mme Marie-France Beaufils. Mais non, ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, si l'on veut vraiment expérimenter le revenu de solidarité active que M. Hirsch nous propose, il faut additionner l'ensemble des aides pour déterminer le seuil compatible avec la reprise d'une activité, de manière qu'au moins 20 % ou 25 % des allocataires de l'API ou du RMI retournent vers l'emploi.

Par conséquent, l'amendement de M. Vasselle est frappé au coin du bon sens.

Cela dit, j'approuve le sous-amendement du Gouvernement.

En effet, à ce stade de l'expérimentation, il me paraît préférable de ne pas figer le dispositif. Aussi, le sous-amendement n° 269, qui vise à remplacer les mots « tient compte » par les mots « peut tenir compte » au sein de l'amendement n° 17, tend à modifier utilement, me semble-t-il, le dispositif proposé par M. le rapporteur pour avis.

Puisque notre objectif est bien d'inciter les allocataires de minima sociaux à retrouver une activité professionnelle, et ce dans des conditions raisonnables en termes de revenu, nous sommes favorables à l'expérimentation, et l'ensemble formé par l'amendement n° 17 et le sous-amendement n° 269 nous semble aller dans la bonne direction.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 269.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.

M. Guy Fischer. Mes chers collègues, jusqu'à présent, je comptais m'abstenir sur l'article 8, en assortissant ce vote d'une connotation très négative. Mais, après les propos qui viennent d'être tenus par M. le rapporteur pour avis, par M. le président de la commission des finances et par M. Fourcade, ce n'est plus possible.

Depuis quatre jours, nous débattons d'exonérations fiscales comprises entre 14 milliards d'euros et 16 milliards d'euros pour les contribuables les plus fortunés.

M. Philippe Marini, rapporteur général. N'en rajoutez pas ! Vous ferez une conférence de presse demain, ce sera plus efficace !

M. Guy Fischer. Monsieur le rapporteur général, lorsque je peux prendre la parole, je le fais ! C'est mon rôle de parlementaire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr !

M. Guy Fischer. Et ce n'est sûrement pas vous, tout rapporteur général que vous êtes, qui me ferez taire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ça, je le sais bien !

M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de garder votre calme.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, cela fait seulement une heure et quart que nous débattons d'un problème pourtant grave, puisqu'il concerne près de 3,5 millions de nos concitoyens issus des populations les plus pauvres.

Personnellement, j'ai beaucoup d'estime pour M. Hirsch, qui était présent lorsque nous avons réinstallé le centre régional d'Emmaüs à Vénissieux en compagnie de l'abbé Pierre, dont ce fut d'ailleurs l'une des dernières apparitions publiques. Pour autant, je voterai contre l'article 8, car je n'accepte pas la stigmatisation dont les plus pauvres font l'objet. Ainsi, M. le rapporteur pour avis faisait référence aux cinquante et une prestations extralégales ou connexes recensées dans le département de l'Eure. Croyez-moi, une fois que son amendement aura été voté, une telle pratique deviendra la règle préconisée par l'ensemble des départements.

M. Guy Fischer. Certes, l'existence de droits connexes, légaux et extralégaux est une réalité. Mais l'approche qui a été retenue pour les évoquer illustre une volonté de remettre en cause les minima sociaux et, peut-être, d'en préparer in fine l'extinction. (M. le rapporteur général fait un signe de dénégation.)

Dans la mesure où la création du revenu de solidarité active s'effectue dans de mauvaises conditions et où elle s'accompagne d'une stigmatisation des plus pauvres, nous voterons à la fois contre l'amendement n° 17 et contre l'article 8.

Monsieur le haut-commissaire, vous aviez vous-même indiqué que le RSA devait « s'inscrire dans une politique de l'emploi dynamisée et sécurisée contre le temps partiel contraint, le travail précaire ou discontinu » et que « les modalités de pénalisation du temps à petite durée devaient être étudiées ». Or, comme l'a souligné Roland Muzeau, lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, le Gouvernement ne s'engage pas sur cette voie et il est à craindre que vos bonnes intentions ne conduisent à renforcer les mécanismes qui construisent la pauvreté.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous irez expliquer cela aux travailleurs pauvres !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 194 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article 8.

Mme Bariza Khiari. Je n'insisterai pas sur la dissymétrie grossière qui préside à l'économie générale du présent projet de loi.

D'un côté, il y a entre 13 milliards et 15 milliards d'euros d'allégements fiscaux qui sont, pour l'essentiel, destinés aux plus riches. De l'autre, seuls 25 petits millions d'euros sont consacrés aux plus précaires !

Néanmoins, j'atténuerai mon propos. S'agissant du RSA, la solution peut également se trouver dans les partenariats pertinents et dans le volontarisme, ce dont vous n'êtes pas dépourvu, monsieur le haut-commissaire.

La France compte 7 millions de pauvres, soit plus de 10 % de la population totale. Cette réalité n'est pas digne de notre pays.

Depuis plusieurs années, nous sommes convaincus de la nécessité de mesures permettant d'accompagner et de consolider le retour à l'emploi. Monsieur le haut-commissaire, le dispositif que vous nous proposez ne répond que partiellement à cet objectif, car il comporte un important effet pervers.

Le RSA ne bénéficiera qu'à ceux qui sont les plus proches de l'emploi. Plus spécifiquement, il contribuera à créer une catégorie quasi institutionnelle de travailleurs pauvres, car les employeurs seront incités à multiplier les contrats à temps partiel. Or, vous le savez bien, le contrat précaire est fortement corrélé à la pauvreté.

Par ailleurs, je note qu'à contrat identique les salariés ayant autrefois été allocataires du RMI percevront un peu plus que les autres.

D'ailleurs, monsieur le haut-commissaire, vous ne contestez pas l'existence de tels effets pervers, puisque vous proposez que votre dispositif soit expérimental.

Nous approuvons la philosophie générale du RSA, mais son application et son financement sont l'objet de trop de zones d'ombre, notamment s'agissant de la clé de répartition avec les conseils généraux.

C'est la raison pour laquelle nous émettrons une « abstention positive » sur l'article 8. (Murmures ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Lorsque je militais au sein du mouvement national des chômeurs et précaires, la possibilité de cumuler une activité salariée, par exemple un travail à temps partiel, avec les minima sociaux, comme le RMI, était une revendication constante des organisations de chômeurs.

À cet égard, votre objectif est louable, monsieur le haut-commissaire. Il est courageux de vouloir expérimenter un tel dispositif, d'autant que sa mise en oeuvre sera particulièrement compliquée.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Oui !

M. Jean Desessard. Comme vous l'avez vous-même souligné, un tel dispositif suscitera d'interminables débats dans les départements, puisque les acteurs concernés voudront sans cesse se livrer à des contrôles et établir des comparaisons entre les niveaux de prestations reçus par les différents allocataires.

J'évoquais tout à l'heure le revenu universel d'existence. Voilà une mesure qui, sans bouleverser le système économique, présente l'avantage d'être à la fois simple, importante et même révolutionnaire.

En réalité, je m'abstiendrai sur ce dispositif pour une raison simple. L'article 8 fait partie d'un projet de loi dont les dispositions fiscales ne sont favorables qu'à une certaine catégorie de la population. Dans ce contexte, je crains qu'un éventuel échec dans la mise en place du cumul entre activité salariée et minima sociaux n'offre à certains un nouveau prétexte pour stigmatiser les chômeurs. C'est bien connu, quand on n'arrive pas à faire disparaître la pauvreté, on essaie de faire disparaître les pauvres ! De fait, en cas d'insuccès du RSA, certains seront tentés d'en imputer la faute à ces derniers. Le dispositif, qui est en apparence généreux, finira alors par se retourner contre les plus pauvres.

Par conséquent, je m'abstiendrai et je laisserai à la majorité la responsabilité de mettre en oeuvre le RSA. Au bout d'un an, il faudra dresser le bilan des expérimentations qui auront été réalisées. Si le dispositif se révèle un succès, je serai le premier à reconnaître m'être trompé et à vous féliciter. Mais, si c'est un échec, j'espère que vous aurez le courage de l'admettre et que vous accepterez alors de reconsidérer ma proposition d'instaurer un revenu universel d'existence.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Alors que nous sommes dans la plus totale obscurité, je m'étonne du silence de certains grands spécialistes ; je pense notamment à M. Fourcade ou à M. le président de la commission des finances.

Aujourd'hui, nous sommes en présence de droits universels, conséquence d'un empilement progressif, chaque minimum social ayant son histoire. Et personne n'est capable de dire avec précision combien un allocataire du RSA percevra, tant ce revenu sera personnalisé !

Par ailleurs, je partage l'opinion de Mme Khiari. Les bénéficiaires du revenu de solidarité active seront effectivement ceux qui étaient déjà les plus proches d'une activité professionnelle.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Mais non !

M. Guy Fischer. Nous en rediscuterons, monsieur le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Oui.

M. Guy Fischer. Actuellement, le problème central est bien celui de la formation. À ce sujet, je crains que l'on n'institutionnalise les emplois précaires.

Monsieur le haut-commissaire, permettez-moi d'aborder de nouveau le sujet dont je me suis entretenu avec vous avant le début de la séance.

Le taux de chômage du Royaume-Uni, qui est de l'ordre de 5 % pour une population comparable à celle de la France, est souvent montré en exemple. Pourtant, la première conséquence des politiques menées par M. Tony Blair a été l'explosion de la précarité. Au Royaume-Uni, il y a deux fois plus de travailleurs pauvres qu'en France !

Je crains qu'avec la « smicardisation » des salaires, qui est une tendance lourde observée en France depuis plusieurs années, la politique économique actuellement menée - je fais notamment référence aux exonérations fiscales de l'ordre de 23 milliards d'euros ou de 24 milliards d'euros - ne fasse que le dispositif du RSA contribue à l'aggravation de la flexibilité de l'emploi.

J'aimerais vous en fournir une illustration. On a évoqué l'ouverture des commerces le week-end, certains allocataires du RSA pourront ne travailler que le dimanche ! J'ai peut-être beaucoup d'imagination, mais je me fonde simplement sur les informations qui nous ont été fournies dans le cadre de l'examen du projet de loi.

Pour ma part, j'estime qu'il y a là un véritable problème. Par conséquent, même si j'abuse du temps de notre assemblée, ce qui n'est pas dans mes habitudes, je suis surpris d'être ainsi montré du doigt simplement parce que j'évoque un problème aussi important. Il est vrai que cela risque peut-être de faire durer nos travaux jusqu'à une heure ou deux heures du matin. Mais je vous rappelle que nous pensions initialement siéger toute la nuit !

Quoi qu'il en soit, je trouve profondément regrettable qu'après avoir discuté pendant quatre jours d'exonérations fiscales comprises entre 14 milliards et 16 milliards d'euros pour les contribuables les plus fortunés, nous réglions le sort de millions de travailleurs pauvres en quelques minutes !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il s'agit juste d'une expérimentation !

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)