Article 1er bis
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Article 2

Article 1er ter

À titre expérimental et pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2008, le salarié peut, en accord avec l'employeur, décider que le repos compensateur de remplacement qui lui serait applicable en application du II de l'article L. 212-5 du code du travail ou de l'article L. 713-7 du code rural soit pour tout ou partie converti, à due concurrence, en une majoration salariale dont le taux ne peut être inférieur à celui qui lui serait applicable en application du I de l'article L. 212-5 du code du travail.

Les I à IX, XII et XIII de l'article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat s'appliquent aux rémunérations ainsi versées. Cette expérimentation fera l'objet d'un bilan avant le 31 décembre 2009.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 35 est présenté par Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 104 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour défendre l'amendement n° 35.

Mme Patricia Schillinger. Notre amendement vise à supprimer l'article 1er ter, introduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale par un amendement de Pierre Méhaignerie, adopté par votre majorité, mais censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu'il constituait un cavalier.

Ce texte revient donc sur le pouvoir d'achat. D'un point de vue juridique, il présente les mêmes caractéristiques que les dispositions relatives au renoncement aux jours de RTT. Il favorise l'accord de gré à gré entre l'employeur et le salarié et réduit à néant la portée des accords collectifs.

C'est, bien évidemment, une fiction et l'on voit bien quel pourrait être l'intérêt d'une telle disposition pour un employeur : il pourrait faire pression sur ces salariés afin qu'ils renoncent à leurs repos compensateurs et effectuent des heures supplémentaires avec une majoration de 10 %.

Sur le fond, cet article vise à ouvrir une nouvelle flexibilité aux entreprises de certaines branches : l'utilisation du repos compensateur de remplacement en lieu et place du paiement des heures supplémentaires permet, en effet, d'économiser le paiement majoré de ces heures. L'employeur y trouve donc parfaitement son compte.

Les salariés peuvent bénéficier enfin d'un repos, alors que, durant d'autres périodes, ils doivent effectuer des heures supplémentaires jusqu'à atteindre le maximum de la durée maximale légale autorisée. Ce repos est indispensable pour préserver leur santé et leur permettre, au moins quelquefois, d'avoir des conditions de vie correctes.

Il peut cependant arriver que le patronat des branches et des entreprises qui connaissent une grande saisonnalité ait besoin d'augmenter la durée du travail des salariés. Comme il semble difficile de l'obtenir par un accord - des contreparties risqueraient d'être demandées -, mieux vaut trouver un parlementaire obligeant qui soit prêt à défendre un amendement sur le gré à gré !

Ainsi, dans des secteurs tels que l'agroalimentaire, très présent en Bretagne, région chère à M. Méhaignerie, les conditions de travail et les salaires ne sont pas très attractifs. Cette branche attire donc peu de candidats à l'emploi. La solution la plus simple est donc de jouer sur les repos compensateurs, en trouvant le moyen de les supprimer à la discrétion de l'employeur et à moindre frais.

Cet article vise donc, non pas à accroître le pouvoir d'achat, mais à permettre aux employeurs des secteurs à activité saisonnière d'augmenter la durée du travail sans renégocier les accords collectifs, sans toucher au contingent d'heures supplémentaires et en payant les salariés à un taux inférieur à celui auquel ils auraient droit si la loi était respectée.

M. le président. L'amendement identique n° 104 a déjà été défendu par son auteur

L'amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Procaccia et MM. del Picchia, Revet et Gaillard, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :

ou du I de l'article L. 713-6 du code rural. 

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à étendre les dispositions de l'article 1er ter aux salariés agricoles.

Je rappelle, en effet, que les personnels du Crédit agricole et de la Mutualité sociale agricole sont des salariés agricoles et que, à ce titre, ils sont concernés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. L'article 1er ter reprend une disposition que nous avions adoptée dans le PLFSS, mais qui avait été « retoquée » par le Conseil constitutionnel. Je trouve tout à fait normal que nous la replacions dans ce texte.

Nous émettons donc un avis défavorable sur les amendements de suppression nos 35 et 104.

En revanche, nous sommes favorables à l'amendement de précision de Mme Procaccia.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 35 et 104 et un avis favorable sur l'amendement n° 278 rectifié de Mme Procaccia, qui vise à étendre les dispositions de l'article 1er ter aux salariés agricoles, ce qui constitue une mesure de bon sens.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 et 104.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter, modifié.

(L'article 1er ter est adopté.)

Article 1er ter
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Article 3

Article 2

I. - Les droits au titre de la participation aux résultats de l'entreprise qui ont été affectés avant le 31 décembre 2007 en application de l'article L. 442-5 du code du travail sont négociables ou exigibles avant l'expiration des délais prévus aux articles L. 442-7 et L. 442-12 du même code, sur simple demande du bénéficiaire pour leur valeur au jour du déblocage.

Dans les entreprises ayant conclu un accord dans les conditions prévues à l'article L. 442-6 du même code, l'application des dispositions de l'alinéa précédent à tout ou partie de la part des sommes versées aux salariés au titre de la participation aux résultats de l'entreprise supérieure à la répartition d'une réserve spéciale de participation calculée selon les modalités définies à l'article L. 442-2 du même code est subordonnée à un accord négocié dans les conditions prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 du même code ou, à défaut, à une décision unilatérale de l'employeur de permettre le déblocage de la totalité des sommes mentionnées à la phrase précédente.

Lorsque l'accord de participation prévoit l'acquisition de titres de l'entreprise ou d'une entreprise qui lui est liée au sens du deuxième alinéa de l'article L. 444-3 du code du travail ou de parts ou d'actions d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières relevant des articles L. 214-40 et L. 214-40-1 du code monétaire et financier, ou l'affectation des sommes à un fonds que l'entreprise consacre à des investissements en application du 2° de l'article L. 442-5 du code du travail, le déblocage de ces titres, parts, actions ou sommes est subordonné à un accord négocié dans les conditions prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 du code du travail. Cet accord peut prévoir que le versement ou la délivrance de certaines catégories de droits peut n'être effectué que pour une partie des avoirs en cause.

II. - Le salarié peut demander le déblocage de tout ou partie des titres, parts, actions ou sommes mentionnés au I. Il doit être procédé à ce déblocage en une seule fois. La demande doit être présentée par le salarié avant le 30 juin 2008.

III. - Les sommes versées au salarié au titre du I ne peuvent excéder un plafond global, net de prélèvements sociaux, de 10 000 €.

IV. - Les sommes mentionnées aux I et II bénéficient des exonérations prévues à l'article L. 442-8 du code du travail.

V. - Le présent article ne s'applique pas aux droits à participation affectés à un plan d'épargne pour la retraite collectif prévu par l'article L. 443-1-2 du même code.

VI. - Dans un délai de deux mois après la publication de la présente loi, l'employeur informe les salariés des droits dérogatoires créés par l'application du présent article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 2 du projet de loi vise à permettre le déblocage des sommes attribuées au titre des régimes de participation dans les entreprises qui les appliquent. Pour les autres entreprises, le versement d'une prime exceptionnelle est prévu par l'article 3. Comme le précise l'exposé des motifs du projet de loi, « la synchronisation des deux mesures (...) au premier semestre 2008 vise à garantir leur lisibilité optimale et un effet rapide et massif sur le pouvoir d'achat des salariés ». Or, de cela nous doutons fortement, monsieur le ministre !

C'est désormais un grand classique des périodes de ralentissement de l'activité : pour faire repartir l'économie, les trois gouvernements auxquels vous avez appartenu ont tous joué régulièrement aux éclusiers et ouvert en grand les vannes de l'épargne salariale. En effet, il ne s'agit ni plus ni moins que de la troisième vague de déblocage en quatre ans.

Ainsi la mesure que nous examinons maintenant est-elle identique à celle qu'avait fait voter M. Sarkozy en 2005, alors qu'il était ministre des finances du gouvernement Villepin. Il me semble donc judicieux d'observer les résultats d'hier pour avoir une idée de son impact demain. Hélas, force est de constater que le résultat de la mesure de 2005 est loin d'être probant.

En effet, son effet sur le plan économique a été limité puisque, sur les 7 milliards d'euros débloqués, seulement 1,3 milliard à 1,5 milliard d'euros ont alimenté le circuit de la consommation. Le reste, les salariés l'ont placé sur des plans d'épargne logement ou des livrets d'épargne. Les incertitudes économiques et financières conduisent effectivement les particuliers à mettre l'accent sur l'épargne plus que sur la consommation. Le taux d'épargne des ménages français reste à un niveau particulièrement élevé : il a atteint 16 % l'an dernier. Or, tous les économistes sont d'accord pour le dire, les incertitudes de la conjoncture militent en faveur d'une épargne de précaution. Cette propension des Français à l'épargne ne risque donc pas de changer dans le contexte actuel !

Incontestablement, le « choc de croissance » attendu par le Président de la République n'a pas eu lieu et les prévisions pour 2008 laissent peu de place à l'optimisme ; à titre d'exemple, selon l'INSEE, l'évolution du pouvoir d'achat ralentirait au premier semestre 2008, jusqu'à atteindre 1,2 % en rythme annuel, et le regain d'inflation, avec un pic de 2,8 % en février, y serait pour beaucoup.

De surcroît, monsieur le ministre, le dispositif que vous nous proposez est terriblement inégalitaire, le nombre des salariés qui relèvent d'accords de participation étant estimé entre 10 millions et 12 millions. Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir qu'un certain nombre d'entreprises ayant récemment franchi le cap des cinquante salariés ne verse toujours pas de participation et que, dans certaines PME disposant de peu de fonds propres, la réserve de participation n'est pas liquide et ne peut donc pas être ponctionnée pour être distribuée de manière exceptionnelle.

En fait, vous faites une erreur fondamentale en traitant la participation comme une cagnotte. Cela me surprend toujours de devoir rappeler à ceux qui sont censés être les héritiers du gaullisme les fondements de la participation et de l'intéressement, à savoir encourager une certaine collaboration entre capital et travail.

Dans cette optique, l'épargne salariale a une valeur inestimable pour la cohésion sociale au sein des entreprises qui la pratiquent. En effet, elle repose sur une conception de la société où le salarié est considéré comme un partenaire - si tel pouvait être le cas partout ! - avec lequel l'entreprise s'efforce de bâtir une relation de partage : partage du savoir avec la formation ; partage du pouvoir, afin de lui permettre de prendre des initiatives et de mettre en pratique ses « bonnes idées » ; partage de l'avoir, car la participation récompense la contribution au résultat de l'entreprise et s'ajoute au salaire, qui rémunère le travail.

Loin de cette idée originelle, vous vous servez aujourd'hui de la participation et de l'intéressement comme d'un palliatif pour ne pas répondre à la vraie question, celle des salaires ; c'est une question qui exigeait, il est vrai, une conférence salariale, laquelle aurait dû être la priorité au lendemain de l'élection présidentielle.

M. Jean-Pierre Godefroy. Toutes les mesures contenues dans ce texte n'ont rien à voir avec la négociation salariale et ne constituent pas une réponse correcte à la vraie question qui se pose actuellement en France, celle du pouvoir d'achat, notamment des salariés et des retraités, lequel est mis à mal par l'augmentation des loyers, des matières premières, de l'énergie, etc.

On le voit bien, votre réponse consiste à bricoler le dispositif de la participation. En effet, un déblocage, même massif, n'aurait qu'un effet limité sur la consommation de produits français et la croissance économique, profitant surtout aux achats de produits high-tech importés. En revanche, ce choix de court terme présente de graves inconvénients non seulement pour les entreprises, dont vous asséchez le financement, mais aussi pour les salariés aux revenus les plus faibles, et ce pour une double raison.

D'une part, il est essentiel que la participation soit considérée par ces salariés comme un supplément et non comme une part intégrante du salaire que l'on peut consommer immédiatement. La participation varie selon les années : en cas de moins bons résultats de l'entreprise, sa baisse serait perçue comme une baisse du pouvoir d'achat. Le blocage de cinq ans constitue un lissage bénéfique dans le temps.

D'autre part, ces salariés sont peu sensibles à l'incitation fiscale et restent avant tout concentrés sur le court terme. C'est pourquoi seule la règle du blocage de cinq ans peut les aider à se constituer une épargne, qui est pour eux une véritable réserve de sécurité. C'est ce dont ils ont besoin aujourd'hui. Or vous faites l'inverse, monsieur le ministre !

Un tel encouragement à la dépense ne serait pas choquant si, parallèlement, les mêmes ménages ne se faisaient pas sermonner pour investir à long terme, en prévision de leur retraite. Le Gouvernement n'a pas osé débloquer les sommes investies dans les PERP et les PERCO. Dans cette logique, l'épargne salariale est régulièrement présentée comme le troisième pilier du financement de nos pensions futures. Le message a été si bien reçu que bon nombre de salariés sanctuarisent les sommes ainsi accordées par leurs employeurs.

On le voit bien, monsieur le ministre, votre projet est inadapté. Il ne s'agit en fait que d'un montage trompeur pour les salariés, destiné à masquer l'inefficacité de la politique du Gouvernement et de ses choix économiques dans un contexte international en pleine dégradation.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet article 2 a, chacun le sait, un air de « déjà vu ».

En effet, parmi les mesures qu'il comporte figure le déblocage anticipé de la réserve spéciale de participation, réserve constituée de manière obligatoire dans l'ensemble des entreprises de plus de cinquante salariés et qui vise, depuis les ordonnances de 1967, à faire « participer les salariés aux fruits de l'expansion de l'entreprise » ; Mme Debré nous l'a d'ailleurs rappelé cet après-midi.

Mais cette mesure a déjà été expérimentée dans le passé puisque la loi Sarkozy du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement comprenait une disposition analogue, dans son article 5. La mesure a donc clairement un air de « déjà vu again », comme disent nos amis anglais.

Nous avions souligné à l'époque certains éléments clés du débat.

Nous avons toujours eu, expliquions-nous alors, une approche critique de l'épargne salariale, dès qu'il a été question de participation et d'intéressement des salariés aux résultats.

Depuis quelques années, constations-nous, l'épargne salariale s'inscrit dans le cadre de la modération salariale, qui est elle-même liée au pacte de stabilité et au fléau que constitue le chômage de masse.

Pour certains, l'épargne salariale serait un équivalent fonctionnel des augmentations de salaire et renforcerait la culture d'entreprise. En fait, l'épargne salariale vise avant tout à faire peser une partie du risque financier sur les salariés. Il ne s'agit en rien d'augmentations de salaire puisque les sommes placées sont indisponibles pendant cinq ans et ne peuvent donc être consacrées à la consommation.

Toutefois, l'article 3 du texte initial du projet de loi initial de 2004, dont l'enjeu était relativement important puisque les estimations évoquaient le déblocage de 5 milliards d'euros d'épargne salariale constituée, nous conduisait à nous interroger sur l'objectif réel de la mesure et se représenter ses éventuels effets pervers.

En effet, au bout du compte, nous le savons, ce sont toujours l'emploi, les capacités de production, les investissements durables qui paient la note des épuisantes guerres boursières.

À la limite, cet article 3 était contre-productif au regard des intentions et des objectifs affichés dans le projet de loi !

Nous demandions en fin ce qui nous garantissait que l'épargne débloquée serait affectée à la consommation de biens et de services. Vous le savez, cela n'a pas été le cas ! Certains d'entre vous nous l'ont même rappelé !

Nous doutions que ce fût l'objectif essentiel de cet article 3. Nous pensions même qu'il était plutôt chaudement recommandé aux salariés d'orienter leur épargne vers les nouveaux plans d'épargne retraite populaire, qui étaient, miraculeusement - et comme par hasard ! -, épargnés par la mesure de déblocage.

La réalité est là : en prônant la modération salariale, l'État ne peut que prendre ce type de mesures qui consistent, en fait, à modifier le point de chute de l'épargne salariale sans trop en modifier l'encours. Pour ne pas avoir à augmenter les salaires, l'État décide d'utiliser autrement l'épargne, fût-elle modeste, que se constituent les salariés.

Cette analyse que nous faisions à l'époque est donc toujours d'actualité. Au demeurant, nous n'avions alors qu'esquissé ce qu'est devenu cet article de loi, c'est-à-dire tout sauf un vecteur de croissance puisque l'argent débloqué a souvent été réinvesti, et non dépensé.

C'est notamment vrai pour les cadres supérieurs et les cadres dirigeants d'entreprise, qui sont largement pourvus en PEA défiscalisés et autres placements rémunérateurs.

Les doutes que nous exprimons sont d'ailleurs renforcés par l'avis, plutôt autorisé, rendu par notre collègue Serge Dassault, dont je vous invite à lire, si ce n'est déjà fait, le rapport pour avis fait au nom de la commission des finances.

En effet, il « estime indispensables les limites apportées au dispositif de déblocage exceptionnel proposé au présent article ». Il « souhaite cependant souligner les incertitudes quant à l'impact attendu sur le pouvoir d'achat ». Enfin, il estime que « le déblocage proposé au présent article pourrait s'élever à 12 milliards d'euros, dont un tiers, soit 4 milliards d'euros, serait affecté à la consommation des ménages, et les deux tiers restants à d'autres produits d'épargne ».

En clair, la mesure qui nous est proposée ne vise, en fin de compte, qu'à permettre aux salariés aux rémunérations les plus élevées d'en tirer réellement parti. Pour la grande masse des actionnaires obligés que sont les salariés des entreprises de plus de cinquante salariés, l'article 2 ne représente qu'un tout petit bonus de quelques dizaines d'euros, c'est-à-dire même pas ce qu'un rattrapage du SMIC à hauteur de l'inflation finalement constatée en 2007 aurait permis de dégager.

Et puis, mes chers collègues, il faudrait tout de même vous entendre sur la question de la détention du capital de nos entreprises ! En effet, en 2004, on débloque les fonds de la réserve spéciale de participation, en 2006, on encourage le développement de la participation, et, en 2008, on « redébloque » de nouveau !

Est-ce ainsi que l'on va faire en sorte de stabiliser l'actionnariat populaire, l'actionnariat salarié, qui correspond tout de même, ne l'oublions pas, à l'un des meilleurs outils de préservation de nos entreprises face aux raids boursiers ?

Il faudrait que le Gouvernement soit cohérent avec son propre discours !

Mme Nicole Bricq. La cohérence, ils ne connaissent pas !

Mme Annie David. Ce sont là quelques points que nous souhaitions relever à l'occasion de ce débat. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 107, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous proposons la suppression de l'article 2 parce que le déblocage des sommes perçues par les salariés au titre de la participation n'est aucunement une mesure de nature à favoriser le pouvoir d'achat. Elle traduit en revanche une certaine incohérence de la politique économique du Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne peux pas laisser dire cela !

M. Guy Fischer. Cet article n'aura, je le crains, que peu d'effets sur le pouvoir d'achat des Français et encore moins d'effets positifs.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne peux pas laisser dire cela non plus !

M. Guy Fischer. Et comment pourrait-il en être autrement quand votre projet de loi ne vise en fait qu'une minorité de salariés ?

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est faux ! Une majorité !

M. Guy Fischer. Quelle majorité ? La majorité de la majorité ?

Mme Annie David. Toutes les entreprises n'ont pas signé d'accord !

M. Guy Fischer. Nous sommes bien sûr opposés à une telle disposition.

Plus on avance dans le texte, plus on s'aperçoit qu'il s'adresse à un public réduit. Cela pourrait se résumer ainsi : si vous ne pouvez pas bénéficier de l'article 1er, peut-être bénéficierez-vous de l'article 2 ; si tel n'est pas le cas, peut-être bénéficierez-vous de l'article 3 ; et si l'article 3 n'est pas opérant, le Gouvernement a le regret de vous annoncer que vous ne pouvez bénéficier d'aucune autre mesure ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Une nouvelle loi arrive !

M. Guy Fischer. Pour un gouvernement qui veut parler à tous les Français et qui vante la culture de la réussite, c'est pour le moins curieux !

Selon une étude de l'INSEE en date de mars 2006 et intitulée Épargne salariale : des pratiques différenciées selon les entreprises et les salariés, 4,7 millions de Français ont constitué une épargne salariale. Mais cette étude ne vous fait pas bonne presse, tant s'en faut. En fait, on y vérifie ce que nous dénoncions déjà lors de l'adoption de ce dispositif, à savoir une inégalité flagrante entre les salariés. On y lit notamment que 10 % des salariés les mieux lotis en matière d'épargne salariale ont perçu 40 % des sommes versées à ce titre.

Les conclusions de cette enquête sont claires : partout où il existe des inégalités de salaires, l'épargne salariale, loin de les corriger, les amplifie.

Il faut ajouter qu'entre 2000 et 2004 l'épargne salariale a fait un bond de 6,7 % par an, alors que, sur la même période, les salaires n'ont pas progressé. C'était, en fait, de la confiscation de pouvoir d'achat.

Nous pouvons en conclure qu'il existe un réel danger de substitution de cette solution à une vraie politique salariale, qui devrait être centrée sur le bulletin de paie. Mais n'est-ce pas là l'un de vos objectifs ?

Ce texte participe de votre volonté de faire adhérer progressivement l'ensemble de la société, et les travailleurs en particulier, au modèle capitaliste et libéral : on fait pression sur les salaires et on en confisque une partie, ce qui permet de renforcer le capital de l'entreprise avec l'argent des salariés.

Cela est confirmé par l'étude de l'INSEE, qui indique que « plus de la moitié des détenteurs ont une partie de cette épargne en titres ». Vous faites donc croire aux salariés que ce mode d'épargne est un complément légitime du salaire, alors que, indexé sur la Bourse, il fait varier le montant des sommes perçues là où le salaire est préalablement défini et individualise de plus en plus la relation salariale.

De façon insidieuse, ces formes de rémunération contournent les structures collectives existantes, qui protègent le salarié dans la relation inégalitaire qui le lie à son employeur.

L'article 2 s'inscrit dans cette logique, ce que nous ne pouvons tolérer. Nous savons pertinemment que cela n'aura que peu d'effet sur la consommation et le pouvoir d'achat puisque, comme nous l'avons vu par le passé, ce sont d'abord et avant tout les banques qui captent massivement ces sommes pour les placer dans d'autres formes d'épargne, souvent d'ailleurs sur des plans épargne en actions.

Autant dire que, de façon indirecte, votre mesure alimentera la Bourse et la spéculation au meilleur moment, en cette période de crise, ce qui ne me paraît pas judicieux. Cette analyse est partagée par le journal Les Échos, sous le titre « Un impact final très léger ». Il y est écrit : «e risque, souligné par les économistes, est aussi que le phénomène constaté en 2005 se répète. Bénéficiant à l'époque d'une même mesure, les ménages avaient en effet consacré plus des deux tiers des 7,5 milliards débloqués à rembourser des emprunts immobiliers ou à réépargner sous d'autres formes, et non à consommer, pour un impact final très léger sur la croissance. Dans ces conditions, le jeu n'en vaut pas la chandelle, estiment les professionnels de l'épargne salariale ».

Je conclurai sur l'analyse, ô combien juste, de Michel Lamy, secrétaire national de la CFE-CGC : « C'est une technique de pickpocket : on laisse entendre aux Français qu'on va leur donner du pouvoir d'achat en plus, mais en fait on pique dans leur épargne ». Et cela, ni plus ni moins, pour le plus grand bénéfice des actionnaires !

M. Nicolas About, rapporteur. Pourquoi des actionnaires ?

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - L'article premier de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social est abrogé.

La parole est à Mme Annie David. Si vous le souhaitez, ma chère collègue, vous pouvez défendre plusieurs amendements en même temps !

Mme Annie David. Je vous le ferai savoir en temps utile, monsieur le président !

En 2006, sous prétexte d'améliorer la rémunération des salariés, vous avez créé une notion nouvelle, celle de « dividende du travail ».

La rétribution du travail est et doit rester le salaire. Quant à la notion de dividende, elle fait référence, chacun le sait, aux placements boursiers et aux actions, qui restent l'apanage des grands dirigeants d'entreprise ou de quelques cadres supérieurs. Je rappelle que la part des salaires dans le produit intérieur brut a baissé de douze points, ces dernières années, au bénéfice des revenus provenant de placements industriels et financiers.

S'il s'agissait vraiment de partager les dividendes, il faudrait que tous les salariés soient concernés par le dispositif présenté. Or, tel n'est pas le cas, loin s'en faut ! Il faudrait sans aucun doute relever le niveau des salaires minimaux et, également, que les entreprises remplissent enfin leurs obligations en matière de négociations salariales, les fameuses négociations annuelles obligatoires, ou NAO, qui, très souvent, ne sont pas correctement menées.

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela va changer !

Mme Annie David. J'attends de voir !

Par ailleurs, les quelque 3 millions de travailleurs pauvres, c'est-à-dire ceux qui touchent une rémunération ne leur permettant pas de vivre au-dessus du seuil de pauvreté, comprendront difficilement la notion de dividende du travail.

Lorsque M. de Villepin avait instauré ce mécanisme, les partenaires sociaux avaient déjà dénoncé une méthode scandaleuse, qualifiée de « poudre aux yeux » utilisée par le Gouvernement pour faire diversion par rapport aux vrais sujets, et particulièrement par rapport au premier d'entre eux : le salaire.

En 2008 comme en 2006, les méthodes sont les mêmes et les effets également. On se demande bien où se situe la fameuse rupture ! Nous comprenons que, en matière d'économie, il y a une France d'après, identique à la France d'avant...

C'est par cohérence avec notre principale préoccupation, la hausse immédiate de tous les salaires, que nous soumettons cet amendement à votre vote.

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. - L'article 11 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social est abrogé.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. L'article 11 de la loi relative à l'actionnariat salarié, adoptée en 2006, a eu pour effet de généraliser les plans d'épargne pour la retraite collectifs, ou PERCO, et de faire glisser vers ces plans les sommes placées sur les comptes épargne-temps.

Il s'agit tout bonnement, mais ce n'est qu'un outil parmi tant d'autres, de mettre fin à notre système de retraite fondé sur la solidarité intergénérationnelle. Il faut dire que la réforme Fillon de 2003 relative aux régimes de retraite, et celle de M. Bertrand sur les régimes spéciaux, participent également à cette destruction.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous n'avez pas le sentiment d'exagérer un peu, président Fischer ?

M. Guy Fischer. Pas du tout !

M. Xavier Bertrand, ministre. Votre sourire dit pourtant le contraire !

M. Guy Fischer. Nous connaissons votre intention de généraliser l'épargne individuelle en prévision de la retraite et d'obliger chaque salarié à financer les grandes entreprises et leurs actionnaires par le biais des fonds de pension.

Vous le savez, ce système de retraite assurantiel individuel est parfaitement inégalitaire, puisque chacun cotise en fonction de ses moyens. Avec un tel dispositif, les salariés les plus précaires, ou ceux qui ont des revenus modestes, ne disposeront d'aucune couverture complémentaire ni d'aucun revenu en fin de vie, si ce n'est un revenu fortement affaibli. Ils dépendront donc de la solidarité nationale, qui, selon nous, est largement en voie de disparition.

Nous avons déjà longuement protesté contre cette évolution au cours des débats sur les réformes des retraites et des régimes spéciaux. On ne peut d'ailleurs pas qualifier ce dernier de « débat ». En effet, le 2 octobre dernier, vous nous avez demandé, monsieur le ministre, à l'occasion d'une déclaration, de donner notre avis sur la situation. Nous avons eu à peine le temps de dire ouf ! Et depuis, nous n'avons rien vu venir et nous n'avons pu discuter de rien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous m'avez interrogé lors d'une séance de questions au Gouvernement !

M. Guy Fischer. Oui, mais c'est tout !

Mme Annie David. Cela a duré deux minutes et demi !

M. Xavier Bertrand, ministre. Plus, car, ce jour-là, j'ai dépassé mon temps de parole ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Tout fût réglé par décret !

La suppression de l'article 11 aurait pour effet de revenir sur ces mécanismes passés et de permettre qu'une partie de l'argent de la solidarité soit réinvestie là où cet argent devrait légitimement se trouver, à savoir dans les comptes sociaux. Cela est d'autant plus vrai que, pour précipiter le démantèlement et l'affaiblissement des régimes solidaires, vous avez, comme toujours, négocié avec le patronat auquel vous avez offert de nouvelles exonérations.

Plus globalement, c'est toute la société qui sera modifiée. En matière de santé, par exemple, pour les pauvres, ceux qui ne peuvent payer, faudra-t-il en revenir à la charité ? En matière d'accès aux soins et de dépendance, ce sera la même chose : ceux qui ont les moyens de recourir à une assurance se constitueront un pécule ; les autres devront compter sur la solidarité familiale, bien souvent intergénérationnelle, qui se substitue trop souvent à celle de la nation.

C'est une France de plus en plus inégalitaire que vous dessinez, et nous y sommes fortement opposés.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

avant le 31 décembre 2007

par les mots :

au plus tard le 31 décembre 2007

II. - A la fin du II de cet article, remplacer les mots :

avant le 30 juin 2008

par les mots :

au plus tard le 30 juin 2008

La parole est à M. le rapporteur.