compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

dispositif « défense 2eme chance »

M. le président. La parole est à M. Michel Houel, auteur de la question n° 129, transmise à M. le ministre de la défense.

M. Michel Houel. Madame la ministre, le dispositif « Défense 2eme chance », lancé durant l'été 2005 et piloté par l'Établissement public d'insertion de la défense, l'EPIDe, vise à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes de dix-huit à vingt et un ans rencontrant des difficultés scolaires et sociales, grâce à une formation comportementale, scolaire et professionnelle dispensée en internat. L'EPIDe fait appel, à des anciens militaires recrutés pour l'encadrement et l'enseignement civique, mais aussi à des enseignants de l'éducation nationale, ainsi qu'à des formateurs extérieurs.

Près de 60 000 jeunes sont identifiés chaque année comme étant dans une situation proche de la marginalisation. Dans l'objectif de remettre ces jeunes sur le chemin de l'emploi, ce projet innovant et prometteur prévoyait l'accueil de 20 000 volontaires dans cinquante centres à la fin de l'année 2007.

Deux ans après le début de l'expérimentation du dispositif, chacun s'accorde à reconnaître son intérêt et l'enjeu social de première importance auquel il répond. Les premières générations de volontaires ont obtenu des résultats qui montrent toute la pertinence de ce dispositif d'insertion : 95 % ont obtenu le certificat de formation générale, 80 % ont obtenu un certificat de qualification professionnelle, 90 % ont trouvé un emploi ou intégré une formation classique de type certificat d'aptitude professionnelle ou une formation en alternance dans des secteurs comme le bâtiment, les travaux publics, la restauration, le transport ou la sécurité.

Les entreprises de ces secteurs d'activité ont besoin de recruter, mais elles n'ont pas le temps d'insérer socialement un jeune éprouvé par la vie. Ce dispositif constitue donc le chaînon manquant dans l'intégration de ces publics, car passer d'une non-activité à une activité régulière n'est pas chose facile. Ainsi, madame la ministre, dans ma commune, qui comprend une zone d'activité, les chefs d'entreprises qui ne parviennent pas à recruter du personnel vont, sur mon initiative, rencontrer le directeur du centre de mon département.

Malgré ces constats encourageants, seuls vingt-deux centres sont ouverts aujourd'hui et n'accueillent que 1 850 jeunes pour une capacité totale de 2 500 places.

Ma déception est d'autant plus forte que le premier centre de ce type a ouvert ses portes en septembre 2005 dans mon département, à Montry, dans les anciens locaux du Centre régional d'éducation populaire et de sport, le CREPS. Le succès de Montry a d'ailleurs rendu nécessaire la création d'une antenne dans une commune proche, à La Haute-Maison.

Je souhaite donc savoir quelles suites seront données au dispositif « Défense 2eme chance », sachant qu'il apparaît comme une évidence que le succès de ce programme dépend de la reconnaissance de son utilité par l'ensemble des parties prenantes, de la mobilisation indispensable des acteurs économiques et des moyens que nous pouvons y consacrer.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur Houel, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de M. le ministre de la défense, qui assiste aux obsèques des trois gendarmes décédés tragiquement vendredi dernier.

Vous avez attiré l'attention de M. le ministre de la défense sur l'importance du dispositif « Défense 2eme chance ». Ce dispositif, vous l'avez rappelé, existe depuis un peu plus de deux années, l'ouverture du premier centre datant du mois de septembre 2005. Il est organisé sous la tutelle du ministère de la défense et du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi.

Le ministère de la défense apporte un soutien en actifs immobiliers et met à disposition des personnels et des moyens matériels. À ce jour, il a consenti des cessions immobilières pour plus de 60 millions d'euros et d'autres cessions de terrains sont à l'étude.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi apporte une subvention constituant l'essentiel du budget de fonctionnement de l'établissement public. L'effort budgétaire pour 2008 traduit la priorité gouvernementale. Les crédits de l'EPIDe sont en augmentation de 30 % et s'élèvent à 94 millions d'euros, notamment grâce à une première participation du ministère du logement et de la ville.

Vos préoccupations en matière de reconnaissance du dispositif et d'implication de tous les acteurs rejoignent exactement celles du Gouvernement. Depuis son arrivée, Hervé Morin, vous l'avez rappelé, s'est efforcé de recentrer le dispositif sur son coeur de métier : l'insertion professionnelle des jeunes majeurs entre dix-huit et vingt et un ans. Le ministère de la défense a ainsi considérablement renforcé sa coopération avec le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, qui partage la tutelle de ce dispositif.

Le ministère de la défense souhaite également étendre cette tutelle au ministère du logement et de la ville afin que tous les ministères concernés soient étroitement associés aux principales orientations à donner à ce dispositif.

Vous le constatez, la mobilisation est globale. Tout le Gouvernement est mobilisé en faveur d'une méthode d'insertion qui, peu à peu, porte ses fruits : le taux d'insertion est flatteur pour les centres les plus anciens, la notoriété du dispositif est grandissante, de plus en plus de jeunes se portent volontaires sur la recommandation d'anciens sortis des centres.

Après deux années de montée en puissance, il s'agit à présent d'organiser la pérennisation et le développement maîtrisé de ce formidable outil d'insertion professionnelle. Sous l'impulsion du ministre de la défense, l'ensemble des parties prenantes gouvernementales élaborera au printemps prochain un contrat d'objectifs et de moyens offrant pour la première fois à ce dispositif une visibilité stratégique sur cinq ans.

En vous transmettant cette réponse au nom de mon collègue Hervé Morin, monsieur le sénateur, la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports que je suis tient à souligner l'engagement global du Gouvernement en faveur de notre jeunesse. Le dispositif « Défense 2eme chance » en est un témoignage, mais il y en a d'autres, portés par le ministère de l'éducation nationale, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le ministère du logement et de la ville, ainsi, bien entendu, que mon ministère, sur les questions liées spécifiquement à la jeunesse, mais également à la santé et à l'éducation par le sport.

Ce dispositif constitue véritablement une action interministérielle. Le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports jouera pleinement son rôle, ainsi que l'ensemble de mes collègues du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Madame la ministre, le fervent défenseur du dispositif « Défense 2eme chance » que je suis vous remercie de votre réponse très encourageante.

Si l'arrivée dans nos petites communes de 200 jeunes en structuration en provenance de banlieues difficiles a au début inquiété les maires, il faut reconnaître que tout se passe très bien. C'est un fait exceptionnel, car seulement 5 % des jeunes quittent le dispositif, ce qui est marginal. Il faut donc poursuivre cet effort. On a trop tendance dans notre pays à parler de ce qui ne va pas bien. Quand un dispositif fonctionne bien, il faut le dire !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est vrai !

ravages causés par la consommation d'alcool et de cannabis par les jeunes

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, auteur de la question n° 109, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur une certaine pratique de consommation d'alcool qui devient, pour de nombreux jeunes, un véritable fléau. Il s'agit non pas d'excès ponctuels, mais d'un phénomène d'alcoolisation lié, comme le souligne l'association de prévention en alcoologie et en addictologie de mon département, à des pratiques addictives de toutes sortes, comme la consommation de cannabis.

Je souhaite tout particulièrement évoquer les ravages dus à l'alcoolisation massive de certains adolescents. Si l'usage du cannabis est aujourd'hui dans la ligne de mire des politiques de santé publique, l'alcoolisme des jeunes ne me paraît pas suffisamment pris en compte et combattu.

Pour reprendre les termes du constat alarmant fait par cette association, « un phénomène de banalisation de l'alcool est en train de toucher les jeunes qui boivent à n'en plus pouvoir ». Ce phénomène, on le sait, nous vient des pays scandinaves, qui pratiquent le binge drinking. Cette pratique, qui consiste à consommer une quantité considérable d'alcool en un court laps de temps pour obtenir une ivresse rapide, a parfois des conséquences dramatiques.

Nous avons tous en tête le drame des deux lycéennes d'Abbeville qui ont été retrouvées dans le coma dans les toilettes de leur établissement scolaire, après avoir, à l'heure du petit-déjeuner, consommé plusieurs verres de vodka.

Le rapport de l'Académie nationale de médecine, livré l'automne dernier, est très préoccupant : selon une enquête, un pourcentage significatif des adolescents de dix-sept ans avouent s'être adonnés au binge drinking dix fois au moins au cours des trente derniers jours.

Loin de moi l'idée de stigmatiser la fête ! En revanche, il faut dénoncer un phénomène qui tend à associer la fête à une consommation excessive et brutale d'alcool. Les conséquences, sur lesquelles je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sont ravageuses.

Frédérique Gardien, dans un excellent ouvrage : L'alcoolisme adolescent, en finir avec le déni, pointe du doigt le fait que, trop souvent aujourd'hui, on ne souhaite pas reconnaître l'alcoolisme comme un risque potentiel à l'adolescence, et souligne également que cette recherche de la défonce est le signe d'un mal-être profond chez les adolescents, qui veulent ainsi échapper à la réalité.

Je pense que le Gouvernement se préoccupe de cette question, mais je souhaite que vous nous en disiez un peu plus ce matin, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, la consommation d'alcool et de cannabis par les jeunes, sur laquelle vous m'interrogez, est un sujet qui me tient tout particulièrement à coeur.

Globalement, et il n'est pas inutile de le rappeler, la consommation de boissons alcoolisées est en baisse en France, et ce même parmi les jeunes de moins de vingt-cinq ans.

Pour autant, cette situation est loin d'être satisfaisante, puisque 9 % à 10 % des jeunes Français âgés de dix-huit ans à vingt-cinq ans présentent les signes d'une consommation problématique d'alcool. De plus, et vous l'avez très bien souligné, les ivresses alcooliques sont en hausse parmi les plus jeunes.

S'agissant du cannabis, la tendance à la consommation est maintenant à la stagnation, voire à une légère baisse, après une augmentation entre 2000 et 2002. En revanche, le niveau de l'usage régulier est stable et on constate que la part des usages quotidiens s'est accrue.

Ces tendances ont été confirmées par l'Académie nationale de médecine pour la consommation d'alcool, puis, récemment, par l'Académie nationale de pharmacie pour la consommation de cannabis.

Afin de lutter contre de tels phénomènes, des consultations mises en place en 2004 à destination des jeunes consommateurs de cannabis s'ouvriront aux jeunes en difficulté avec l'alcool, en particulier à ceux qui sont confrontés à des problématiques d'ivresse massive.

Ces consultations se dérouleront dans les centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie, les CSAPA, structures issues de la fusion entre les centres de cure ambulatoire en alcoologie et les centres spécialisés de soins aux toxicomanes depuis la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 et un décret du 14 mai 2007, qui en définit les missions.

Cessant d'être centrés sur un produit et traitant l'ensemble des addictions, les CSAPA se révéleront particulièrement adaptés à la prise en charge des polyconsommations, associant drogues licites et illicites.

Cette amélioration de la prise en charge comprendra également l'offre de soins hospitalière, qui sera réorganisée, en particulier avec la création de services et de pôles d'addictologie spécifiques. En outre, la formation des professionnels sera renforcée, notamment par la création d'une filière addictologie au cours de la formation médicale.

Par ailleurs, l'articulation entre le secteur sanitaire et le système judicaire est importante. La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance réorganise le système des injonctions thérapeutiques, qui peut désormais être mobilisé à tous les stades de la procédure pénale.

Améliorer la prise en charge globale des jeunes est nécessaire, mais pas suffisant. Diminuer l'accessibilité au produit est également indispensable.

La législation relative à la vente d'alcool aux mineurs de plus de seize ans est complexe et obsolète. Si ces derniers ont interdiction de consommer des alcools forts, c'est-à-dire les boissons des troisième, quatrième et cinquième groupes, dans les bars, ils peuvent les acheter en toute légalité dans les grandes surfaces et les épiceries. Inversement, ils peuvent consommer de la bière ou du vin dans les bars ou les cafés. Or nous savons que les ivresses massives des jeunes sont surtout liées à l'achat de boissons alcoolisées dans les grandes surfaces.

Il convient également, et vous l'avez souligné, de réfléchir aux nouveaux modes d'alcoolisation - je pense notamment au phénomène que l'on appelle le « binge drinking » - et de s'interroger sur les campagnes de prévention et d'information du public, qui sont plus centrées sur des consommations d'alcool de convivialité. Avant, ces pratiques étaient la norme ; aujourd'hui, nous assistons à des changements sociétaux. Parfois, l'objectif est non plus simplement de boire dans une ambiance festive, mais bien de s'alcooliser massivement pour obtenir une sorte de « shoot » qui amène très rapidement à l'ivresse.

Aussi, face à de tels changements du mode de consommation et à ce qui demeure un véritable problème de santé publique, je présenterai très prochainement un certain nombre de mesures destinées à mieux protéger notre jeunesse contre le phénomène des alcoolisations massives.

Le moment venu, la représentation nationale, donc la Haute Assemblée, sera amenée à se prononcer sur cet important sujet.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Le Gouvernement a une conscience très aiguë des phénomènes sociaux et des nouvelles modalités que prennent certains types d'addiction.

Les dispositifs que vous venez de décrire sont intéressants. Je me réjouis surtout des mesures nouvelles que vous avez annoncées et qui permettront, j'en suis persuadé, d'améliorer une situation intolérable.

Toutefois, madame la ministre, l'alcoolisation des jeunes est le signe d'une forme de malaise de la jeunesse, que nous devons également essayer de dissiper. Certes, c'est beaucoup plus difficile. Mais je crois que c'est le devoir d'un Gouvernement de s'en préoccuper. (Mme la ministre acquiesce.)

prévention de l'alcoolisation des jeunes

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 117, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la ministre, ma question, qui rejoint celle de mon collègue Adrien Gouteyron, concerne les recommandations formulées par l'Académie nationale de médecine contre l'alcoolisation des jeunes.

S'il est vrai que la consommation de boissons alcoolisées diminue régulièrement dans notre pays depuis quarante ans -vous venez de le préciser, madame la ministre -, l'alcool représente néanmoins la deuxième cause de mortalité évitable, après le tabac, dans la population, et la première chez les jeunes. Ainsi, l'intoxication alcoolique aiguë séduit les jeunes à un âge de plus en plus précoce.

En outre, grâce à la neuro-imagerie, une étude récente a démontré que la consommation d'alcool à un âge très précoce provoque une diminution de la matière grise dans plusieurs zones cérébrales. Devant un constat aussi alarmant, il est vraiment urgent de mettre en place des mesures de prévention adaptées à ce public.

Dans ce contexte, l'Académie nationale de médecine a formulé un certain nombre de recommandations que je trouve des plus pertinentes et qui sont articulées autour deux axes principaux : restreindre l'accessibilité aux boissons alcooliques et modifier la réglementation existante. Voici ses principales propositions.

D'abord, appliquer strictement l'interdiction de vente aux mineurs, notamment en simplifiant les textes législatifs et réglementaires en la matière, afin de faciliter leur mise en oeuvre.

Ensuite, interdire à toute heure la vente de boissons alcoolisées dans les stations-service.

Interdire également la vente et la consommation de boissons alcooliques dans toutes les manifestations sportives.

Enfin, ramener le taux d'alcoolémie légale au volant à 0,2 gramme par litre pour les conducteurs de véhicules à moteur titulaires d'un permis de conduire probatoire.

Je souhaiterais également vous proposer d'ajouter à cette liste l'interdiction totale pour les restaurants d'entreprise de servir des boissons alcoolisées quelles qu'elles soient, car les jeunes qui arrivent dans l'entreprise doivent souvent subir un rite initiatique et boire de l'alcool pour montrer qu'ils sont des hommes, des vrais. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Pour ce faire, il faudrait modifier l'article L. 232-2 du code du travail, qui proscrit toutes les boissons alcoolisées dans l'entreprise, sauf « le vin, la bière, le cidre, le poiré, l'hydromel non additionnés d'alcool ».

Outre son rôle bien connu dans l'accidentalité routière, en particulier, le mésusage de l'alcool serait également impliqué dans 40 % à 50 % des homicides, dans 26 % à 39 % des agressions sexuelles ou physiques et dans 20 % des accidents du travail.

Nous ne devons pas oublier que le premier objectif de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est de faire passer la consommation annuelle d'alcool par habitant de 10,7 litres par an à 8,5 litres par an. Pour l'atteindre, des messages de prévention et d'information sont nécessaires.

C'est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir m'indiquer les suites que vous entendez réserver aux propositions formulées par l'Académie nationale de médecine, ainsi que les mesures que vous souhaitez adopter pour faire baisser la consommation d'alcool dans notre pays.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, je vous remercie, car il n'est pas inutile d'avoir aujourd'hui deux questions sur l'alcoolisme des jeunes et, plus généralement, sur l'alcoolisme dans notre pays, étant donné le défi que cela représente en termes de santé publique.

Comme vous l'avez rappelé, d'un point de vue quantitatif, la consommation d'alcool reste stable parmi les nouvelles générations - elle est même en légère régression -, mais les modes d'alcoolisation ont changé et les ivresses alcooliques sont en hausse. Entre 2003 et 2005, les différentes enquêtes de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies montrent une nette augmentation de la fréquence des ivresses, phénomène dont les conséquences en termes d'accidents de la route sont d'ailleurs dramatiques.

Ainsi, les maires qui doivent annoncer aux familles le dimanche matin la mort de leur enfant savent ce qu'il en est et le drame que cela représente. Ceux et celles d'entre nous qui ont eu à le faire en ont gardé un impérissable souvenir.

Plus de la moitié des jeunes de dix-sept ans déclarent avoir été ivres au cours de leur vie. Près de la moitié l'ont été au cours des douze mois précédents, et un sur dix au moins dix fois au cours de cette période.

Cette forme d'intoxication alcoolique aiguë massive peut notamment entraîner des comas éthyliques parfois mortels. Certains ont été signalés dès l'âge de douze ans. De récentes informations ont très justement suscité l'émotion.

La gravité des problèmes d'addiction chez les jeunes est majorée par les polyconsommations. Pour endiguer ce phénomène, il n'y a pas une mesure efficace, mais il existe toute une série d'actions synergiques. Celles qui sont proposées dans le rapport du professeur Roger Nordmann de l'Académie nationale de médecine - vous y avez fait allusion, madame la sénatrice - me paraissent répondre aux nouveaux modes de consommation des jeunes et au problème de l'accroissement de la violence routière liée à la prise de boissons alcoolisées.

Madame Payet, les mesures coercitives que vous avez recommandées, et que j'approuve, ne prendront leur sens qu'accompagnées d'un meilleur suivi des jeunes ayant des difficultés avec l'alcool. Les CSAPA, dont je parlais à M. Gouteyron à l'instant et qui ouvriront des consultations pour les jeunes consommateurs, notamment pour ceux qui ont des problèmes d'ivresses aiguës, pourront assurer ce suivi.

En prenant en charge les différentes addictions, les CSAPA permettront également un traitement plus adéquat des polyconsommations. Nous le savons bien, quand on est « accro », on l'est en général à plusieurs types de drogues licites ou illicites.

Toutefois, évoquer l'alcoolisme des jeunes ne doit pas occulter la consommation de populations plus âgées, voire celle des seniors, qui, liée à la solitude, est trop souvent oubliée, car méconnue.

J'ai l'intention de proposer un certain nombre de mesures très prochainement. Les propositions de l'Académie nationale de médecine y tiendront une part importante.

Je compte revenir les présenter devant la représentation nationale très prochainement. Certaines de ces dispositions viseront plus spécifiquement à lutter contre l'alcoolisation des jeunes. D'autres porteront sur l'offre, dont la réduction devrait nous aider à réduire la consommation d'alcool pur par habitant.

Vous l'avez rappelé, madame la sénatrice, l'alcoolisme se situe au deuxième rang des morts évitables en France. Si les chiffres de la santé sont bons dans notre pays, celui de 100 000 morts évitables est mauvais. Il faut donc promouvoir une véritable politique de santé publique, avec de la prévention et du dépistage. Cela donne tout son sens aux grandes réformes de santé que je veux engager.

Nous voyons également bien l'intérêt de régionaliser toutes ces politiques de santé - vous êtes sénatrice de la Réunion - et de les adapter aux réalités du terrain.

C'est pourquoi je souhaite confier des missions aux agences régionales de santé, afin de mener des politiques de santé publique adaptées. Cela prendra tout son sens dans la lutte que nous souhaitons mener contre l'alcoolisme, en particulier chez les jeunes.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la ministre, je vous remercie de toutes ces précisions.

À travers votre réponse, j'ai bien senti votre détermination à lutter contre ce problème.

Pour ma part, lors de l'examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique, j'ai également fait voter des amendements qui tendaient à sensibiliser les jeunes sur le problème particulier du syndrome d'alcoolisation foetale. Il s'agissait d'inclure systématiquement ce thème dans les campagnes de prévention. Si elles sont de plus en plus nombreuses, on a tendance encore à occulter le sujet.

Certes, ce n'est pas le cas à la Réunion, mais, en l'occurrence, il s'agit plutôt de campagnes menées par des associations. En revanche, dans les campagnes organisées par les organismes d'État, le thème est malheureusement occulté.

Madame la ministre, nous allons organiser cette année le grand colloque international sur le thème du syndrome d'alcoolisation foetale que nous n'avions malheureusement pas pu réaliser l'année dernière, comme prévu. Nous comptons sur votre présence.

J'attends tout particulièrement les mesures que vous venez d'annoncer en faveur des jeunes.

Avenir des drones

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, auteur de la question n° 125, adressée à M. le ministre de la défense.

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie d'excuser mon retard, dû à des problèmes de signalisation à la SNCF. Je déplore l'absence de M. le ministre de la défense, même si j'en comprends la raison. Lors des questions orales, il est tout de même sympathique d'avoir le ministre en face de soi, mais je me contenterai de la réponse de Mme la ministre avec beaucoup de plaisir. (Sourires.)

L'entrée en service des trois appareils de reconnaissance du Système intérimaire de drones moyenne altitude longue endurance, dit SIDM, est retardée mois après mois, semestre après semestre, depuis le mois de mai 2006, date initialement prévue par vos services pour le début de son utilisation opérationnelle.

Ces appareils, sans présence humaine à bord, sont réalisés par la société EADS à partir d'un appareil de type Eagle produit par une société israélienne. La commande initiale du ministère français de la défense remonte au 16 août 2001 ! Cette commande visait à éviter la rupture capacitaire des moyens de surveillance de notre espace aérien, alors assurée par des drones Hunter, devenus trop coûteux à maintenir en vol à partir de la fin de 2004. Que d'années passent !

Je vous rappelle que des manifestations importantes comme le G8 d'Évian, en juin 2003, ou les cérémonies du soixantième anniversaire du débarquement allié en Normandie, en mai 2004, ont été sécurisées par la surveillance aérienne assurée par les drones Hunter.

À l'heure où quasiment tous les pays, occidentaux ou non, dotés d'une armée de qualité n'engagent leurs forces sur un champ de bataille qu'appuyées par des drones de reconnaissance, et sans revenir sur les nombreux aléas qui n'ont pas permis la mise à disposition prévue en mai 2006, il me semble discerner aujourd'hui une absence de volonté de notre pays de posséder une telle capacité de surveillance par des drones MALE. Ce renoncement semble remonter à l'échec du projet EuroMALE, conçu par la France pour réaliser un appareil de ce type en coopération européenne.

Nous apprenons incidemment que des industriels français développent des projets comme l'Advanced UAV en Allemagne. Mais ni le niveau de développement, ni l'engagement financier de ces projets ne sont clairement identifiés, sans parler de l'échéance de leur mise à disposition, ni du nombre d'appareils qu'il est envisagé de commander.

M. le ministre connaît mon attachement à doter nos armées de moyens de surveillance et de communications susceptibles de préserver nos forces sur le terrain, moyens qui sont à usage dual, puisqu'ils permettent aussi aux autorités civiles de surveiller des manifestations d'ampleur. Il faut que M. le ministre nous donne des éclairages précis sur sa volonté de doter notre pays d'une telle capacité.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à excuser le ministre de la défense retenu, comme je l'ai dit tout à l'heure, aux obsèques des trois gendarmes décédés tragiquement vendredi dernier.

L'essor des technologies d'aéronefs sans pilote a donné naissance à plusieurs familles de drones aux applications variées, en fonction de leur vitesse, de leur altitude de vol et de leur endurance. Du mini-drone issu de l'aéromodélisme au drone endurant de la taille d'un avion de tourisme, toutes ces familles exploitent les atouts majeurs que constituent la réduction des risques humains et la permanence sur zone.

C'est ainsi que les systèmes de drones de surveillance ont pris une place importante dans notre dispositif de maîtrise de l'information sur les théâtres d'opération : l'analyse des images recueillies par leurs capteurs optique, infrarouge ou radar offre une aide précieuse à la décision.

Depuis plus d'une décennie, l'armée française met en oeuvre de tels systèmes dont les capacités s'améliorent significativement au fil des générations de matériels.

Si l'on met de côté les drones de combat, qui font l'objet d'une démarche de coopération européenne ambitieuse avec le démonstrateur Neuron, les programmes en cours se rangent en deux catégories : les drones tactiques et les drones endurants.

Votre question, monsieur le sénateur, porte sur les drones endurants et plus précisément sur le programme actuel, à savoir le Système intérimaire de drones moyenne altitude longue endurance, le SIDM, d'une part, et sur le programme futur Moyenne altitude longue endurance, dit « MALE », d'autre part.

Il est exact, monsieur le sénateur, que l'industriel a pris du retard dans la mise au point du SIDM. Composé de trois drones et d'un segment sol, le SIDM est actuellement testé au Centre d'expériences aériennes militaires de Mont-de Marsan, où il a fait son premier vol le 20 décembre dernier. La formation des futurs utilisateurs débutera en février, et la livraison à l'armée de l'air est prévue à l'été 2008.

Au-delà du SIDM, le programme MALE prépare la prochaine génération de drones endurants. L'objectif est d'apporter une plus grande capacité de surveillance de théâtre, avec des drones plus performants et plus nombreux.

Le projet de démonstrateur technologique « EuroMALE », annoncé lors du salon Eurosatory de 2004, n'a pas vu le jour faute d'avoir pu réunir trois partenaires majeurs afin d'en supporter le coût.

La société EADS a proposé une autre solution de nature à répondre aux besoins opérationnels de la France, de l'Allemagne et de l'Espagne.

Nos trois pays ont signé un arrangement technique en juillet 2007, afin d'approfondir la faisabilité de ce projet, et le contrat d'études a été notifié à la société EADS en décembre 2007.

L'engagement financier de la France est d'environ 20 millions d'euros, identique à celui de ses deux partenaires.

Voilà, monsieur le sénateur, la réponse que je souhaitais apporter, au nom de mon collègue Hervé Morin.

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Je dois vous faire part de ma déception, car la description des technologies ne peut me satisfaire.

Je constate que nous avons de plus en plus d'hommes engagés sur le terrain. Aujourd'hui, avec les technologies qui sont mises en oeuvre sur le champ de bataille, il est nécessaire de n'engager nos troupes que lorsque nous savons ce qui se passe de l'autre côté de la ligne de démarcation.

Or, depuis maintenant quatre années, nous n'avons plus les moyens d'assurer la sécurité de l'engagement de nos troupes. Le retard pris dans un programme comme celui-là, qui pourrait très bien être inclus dans les investissements de nos armées, montre que nous n'avons pas su prendre les bonnes décisions.

Est-ce la faute de la DGA, des ministres successifs ? Il faut absolument que nous obtenions des réponses à ce sujet. Je vous demande de faire part de mon inquiétude à M. le ministre de la défense.