M. Henri de Raincourt. Effectivement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela a d’ailleurs conduit le Conseil constitutionnel à rappeler ces principes qui nous paraissent indispensables.

À partir du moment où la mention « en tenant compte de [la] population » figure depuis longtemps dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n’y a pas de raison d’avoir des doutes, et ce n’est donc pas la peine de l’inscrire dans la Constitution.

Nous avons considéré, dans un premier temps, qu’il ne fallait pas nous cantonner à une partie de la jurisprudence et qu’il était plus utile de nous intéresser à sa totalité. À la réflexion, il m’a paru préférable de proposer à la commission des lois d’en revenir à la rédaction actuelle de l’article 24 de la Constitution. Au demeurant, madame Boumediene-Thiery, le suffrage universel indirect s’applique au scrutin sénatorial et non à son corps électoral : il ne faut pas confondre !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mais je n’ai fait aucune confusion, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement de la commission me semble de nature à éviter toute polémique. Il nous sera toujours possible, si chacun veut bien s’y employer, de nous remettre au travail pour trouver une meilleure adéquation entre la représentation du Sénat telle qu’elle doit être, c’est-à-dire des membres élus essentiellement par des élus, et la prise en compte de la population, laquelle connaît bien sûr des évolutions.

Mes chers collègues, je rappelle que les contraintes en matière de découpage électoral concerneront également l’Assemblée nationale. À cet égard, une commission indépendante sera instituée pour essayer de trouver une solution. Le Sénat a déjà su adapter lui-même, en fonction des évolutions démographiques, le nombre de sénateurs par département. C’est lui qui en a pris l’initiative, et cela a été fait d’une manière consensuelle.

M. Bernard Frimat. Il l’a augmenté !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, monsieur Frimat. Mais, dans ce domaine, nous étions très en retard par rapport à l’Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour ma part, j’avais même souhaité que le Sénat ait le courage de prévoir, là où nous avions constaté une baisse de la démographie, de supprimer des postes de sénateurs. Cela n’a été accepté ni par la majorité ni, d’ailleurs, si mes souvenirs sont exacts, par l’opposition.

MM. Jean-Patrick Courtois et Henri de Raincourt. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sans doute s’agit-il des « facilités » qu’évoquait M. Pasqua…

Quoi qu’il en soit, je vous rends attentif à ceci : à partir du moment où l’Assemblée nationale, par courtoisie, n’a pas touché au nombre de sénateurs, nous avons tout intérêt à le faire nous-mêmes. En effet, si nous n’inscrivons pas une telle disposition dans la Constitution, l’opinion publique ne manquera pas de souligner que les sénateurs ne veulent avoir aucune contrainte, aucune limitation, et entendent agir comme bon leur semble. Elle rappellera en outre que nous avons effectivement augmenté le nombre de sénateurs.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a pas si longtemps !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, dans la mesure où on limite le nombre des députés, je vous propose, par parallélisme, de plafonner celui des sénateurs.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tel est l’objet de l’amendement n° 103 rectifié, qui a été adopté par la commission des lois.

M. le président. Le sous-amendement n° 296 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Amoudry, Vanlerenberghe, Biwer, Deneux et Fauchon, Mmes Férat et Gourault, M. Merceron, Mme Morin-Desailly, M. Nogrix, Mme Payet et MM. Soulage, J.L. Dupont, C. Gaudin et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de l’amendement n° 103, supprimer les mots :

, dont le nombre de membres ne peut excéder trois-cent quarante-huit,

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. À notre sens, le nombre des sénateurs, comme celui des députés, n’a pas à être fixé par la Constitution. Il s’agit d’un blocage numérique inutile, que nous proposons donc de supprimer.

M. le président. Le sous-amendement n° 40 rectifié ter, présenté par M. Cointat et Mme Kammermann, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de l’amendement n° 103 rectifié, remplacer les mots :

ne peut excéder trois cent quarante-huit

par les mots :

doit être inférieur à trois cent cinquante et supérieur à trois cents

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Compte tenu du débat qui a eu lieu tout à l’heure, je vais bien évidemment retirer ce sous-amendement, au profit de celui qui vient d’être défendu par Mme Payet.

Si nous n’avons pas, comme cela nous a été rappelé, à nous prononcer sur ce que décide l’Assemblée nationale pour ce qui la concerne, nous sommes maîtres des dispositions relatives au Sénat.

Puisque l’Assemblée nationale, par courtoisie, n’a pas voulu toucher au nombre de sénateurs, par courtoisie, nous n’avons pas voulu modifier les choix de l’Assemblée nationale. Mais cela ne doit pas nous empêcher d’affirmer notre identité, pour sauvegarder, dans le respect des prérogatives des deux assemblées, la « pureté » de notre Constitution.

Cela étant, monsieur le président, je retire ce sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 40 rectifié ter est retiré.

Le sous-amendement n° 262 rectifié, présenté par MM. Mercier, Arthuis, Badré et Biwer, Mme Dini et MM. Fauchon, Deneux, Merceron, Nogrix, J.L. Dupont, Dubois, C. Gaudin, Jégou, Zocchetto et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de l’amendement n° 103, remplacer les mots :

trois-cent quarante-huit

par les mots :

trois-cent quarante sept

Ce sous-amendement n’est pas soutenu.

Le sous-amendement n° 266 rectifié, présenté par MM. Mercier, Amoudry et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mme Payet, MM. Soulage, Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly et MM. Nogrix, J.L. Dupont et C. Gaudin, est ainsi libellé :

Remplacer la seconde phrase du dernier alinéa de l’amendement n° 103 par deux phrases ainsi rédigées :

Toutes les catégories de collectivités territoriales doivent y être représentées. La représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes doit tenir compte de la population qui y réside.

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je retire ce sous-amendement, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 266 rectifié est retiré.

L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin et A. Boyer, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 24 de la Constitution :

Son corps électoral et la répartition des sièges tiennent compte de la population des diverses collectivités représentées.

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, je souhaite transformer cet amendement en sous-amendement à l’amendement n° 103 rectifié, pour y intégrer la précision figurant dans l’amendement n° 247 qui avait été déposé par M. Laffitte. Ainsi, le texte de l’amendement de la commission serait complété par la mention suivante : « Son corps électoral et la répartition des sièges tiennent compte des territoires et de la population des diverses collectivités représentées. »

L’amendement n° 12 rectifié bis, que j’ai cosigné, ne fait référence qu’à la population. Mieux vaut donc reprendre la rédaction de l’amendement de M. Laffitte.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 12 rectifié ter, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin et A. Boyer, et ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de l’amendement n° 103 rectifié par une phrase ainsi rédigée :

Son corps électoral et la répartition des sièges tiennent compte des territoires et de la population des diverses collectivités représentées.

Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.

M. Michel Charasse. Cela veut simplement dire que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, représente bien entendu à la fois les territoires et la population, et que son corps électoral doit aussi tenir compte, c’est la moindre des choses, de la population des collectivités représentées.

Cela veut dire aussi que rien ne nous oblige à ne tenir compte que des seuls critères des territoires et des populations représentées, même si ce sont bien sûr les deux critères essentiels, et qu’il peut y en avoir d’autres.

À l’instar de M. Laffitte, je considère qu’une telle rédaction est plus précise et plus nette que celle du Gouvernement qui figure dans le texte qui nous a été transmis.

M. le président. L’amendement n° 334, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. - Au début de la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 24 de la Constitution, ajouter les mots :

Pour assurer le respect de l’égalité du suffrage,

II. - Dans la même phrase, remplacer les mots :

en tenant compte

par les mots :

en fonction

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La question de la représentativité du Sénat est d’actualité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions soutenu la position du groupe socialiste en la matière.

Le manque de volonté politique et le souci de préserver certains privilèges, aux mains de la droite française depuis une cinquantaine d’années (Marques d’exaspération sur plusieurs travées de l’UMP),

M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n’est pas cela !

Mme Alima Boumediene-Thiery. …nous ont conduits à une situation qui est devenue intolérable.

Même si les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect, ils sont tout de même élus par le peuple et pour représenter le peuple : le Sénat doit donc représenter la population de la manière la plus fidèle.

Plusieurs de nos concitoyens nous ont récemment interrogés : comment expliquer que 60 % des Français vivent dans des communes administrées par la gauche et que cela ne se reflète pas au niveau du Sénat ? C’est une question à laquelle il sera de plus en plus difficile de répondre ! Je sais bien que nous n’aurons pas de réponse aujourd’hui.

Toutefois, écrire à l’article 9 que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population » agit comme un verrou à notre besoin de modernisation du Sénat. Il importe de le souligner, « tenir compte » de la population, ce n’est pas du tout la même chose que « en fonction » de la population.

L’amendement n° 103 rectifié, présenté au nom de la commission des lois par M. Hyest, illustre, à cet égard, une certaine défiance, comme si la situation n’était pas déjà arbitraire aujourd’hui.

L’objet de notre amendement est donc simplement d’inscrire ces deux principes dans la Constitution : l’objectif de la représentation proportionnelle de la population ; le nécessaire respect du principe de l’égalité du suffrage en ce qui concerne l’élection des sénateurs.

M. le président. L’amendement n° 272 rectifié, présenté par M. Biwer, Mme Payet et MM. Merceron, Nogrix, J.L. Dupont et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Dans l’avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 24 de la Constitution, supprimer les mots :

en tenant compte de leur population

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 272 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 182 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L’amendement n° 434 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 24 de la Constitution, remplacer les mots :

tenant compte

par le mot :

fonction

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 182.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 434.

M. Bernard Frimat. Cet amendement, très court dans son libellé, n’en est pas moins extrêmement important sur le fond. J’ai déjà eu l’occasion, tout à l’heure, de m’en expliquer lors de ma prise de parole sur l’article 9 ; je n’allongerai donc pas le débat outre mesure.

Monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous nous avez fait part de votre appréciation sur les expressions « en fonction » et « en tenant compte », qu’avez-vous fait de la volonté exprimée par le Gouvernement dans l’exposé des motifs ? J’en rappelle en effet les termes : « L’objet de cette disposition est de surmonter les contraintes résultant de la décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000 du Conseil constitutionnel, laquelle a eu pour effet d’interdire toute évolution de la composition du collège électoral sénatorial dans le sens d’un équilibre plus juste, en termes démographiques, entre petites, moyennes et grandes communes »

J’entends bien tout ce qui nous est dit, notamment sur le caractère sans doute plus rigoureux des termes « en fonction ». Mais le fait que le Gouvernement change de position par rapport à l’état d’esprit qui l’animait, au moment où il introduit dans le débat sa réponse à cette disposition constitutionnelle, pose problème.

Il est très important de savoir réellement ce qu’il en est, car l’amendement de la commission détruit le dispositif qui a été adopté par l’Assemblée nationale. Bien sûr, il y aura la navette, mais je n’ai pas la certitude que nous aurons l’occasion d’examiner de nouveau cette question lors de la deuxième lecture. En effet, nous le savons, en deuxième lecture, le sort des textes a désormais tendance à être réglé en amont, au détour d’une discussion préalable entre les rapporteurs. Celle qui aura lieu au Sénat risque donc de revêtir un caractère symbolique.

Sur notre amendement, je connais d’avance la réponse du Gouvernement : il l’a annoncé, il y sera défavorable, préférant sa propre rédaction où figurent les termes « en tenant compte ».

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Si vous le savez d’avance…

M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai besoin de savoir si vous êtes également défavorable à la position du Gouvernement telle qu’elle est exprimée dans l’exposé des motifs. Avez-vous donc abandonné l’idée de « surmonter les contraintes » ? Vous êtes-vous rallié à une position qui ne fait que s’en tenir à l’état actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ?

Si telle est bien désormais la position du Gouvernement, les parlementaires socialistes la considéreront comme un recul par rapport à celle qu’il avait prise lors de la présentation de son texte.

Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, loin de permettre un progrès s’agissant de la représentativité du Sénat, vous vous apprêtez à reculer. C’est votre droit, mais nous en prendrons acte !

M. le président. L'amendement n° 273 rectifié, présenté par MM. Biwer, Fauchon, Deneux, Merceron, Nogrix, J.L. Dupont et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :

et de leurs territoires

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 180 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :

, et la participation citoyenne

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En fait, cet amendement ne devrait pas être en discussion commune avec les autres, puisqu’il porte sur un tout autre sujet.

Cela étant, je tenais absolument à présenter aujourd’hui cette proposition, que j’avais déjà défendue au sein du groupe de travail sur la réforme du Sénat présidé par M. Hoeffel.

Dans un État qui n’est pas fédéral, la deuxième chambre doit avoir une légitimité particulière et ne peut être une copie conforme de la première. Cela vaut, certes, pour son mode d’élection, mais aussi pour son champ d’action. Il me semble donc intéressant de réfléchir aux spécificités du Sénat.

Dans cette logique, j’ai pensé que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, pourrait être habilité à reprendre les initiatives législatives émanant des citoyens ou des collectivités territoriales. Il serait tout à fait intéressant que l’une des fonctions de cette chambre soit de pouvoir faire passer du particulier au général, en les transformant en propositions de loi, des initiatives législatives issues d’une fraction significative du corps électoral ou d’un certain nombre de collectivités territoriales réparties sur l’ensemble du territoire. Je vous invite à y réfléchir, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements autres que celui qu’elle a elle-même présenté, ainsi que sur les sous-amendements ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par coordination avec leur position sur le plafonnement du nombre des députés, les auteurs du sous-amendement n° 296 rectifié proposent de supprimer le plafond prévu pour l’effectif des sénateurs.

Je rappelle que tout à l’heure, après débat, nous avons accepté, rejoints en cela par M. Mercier, que le nombre des parlementaires soit fixé dans la Constitution. Par cohérence, il serait donc préférable de retirer le sous-amendement n° 296 rectifié.

Je vous rends attentifs, mes chers collègues, aux dégâts que pourrait provoquer, dans l’opinion publique, l’absence de fixation d’un effectif maximal des sénateurs, alors que le nombre des députés est plafonné !

En ce qui concerne le sous-amendement n° 12 rectifié ter, je comprends parfaitement le souci de ses auteurs d’essayer de préciser les choses, car c’était le mien au départ : la formulation présentée dans le projet de loi n’était pas satisfaisante.

S’agissant du Sénat, mon souhait initial était de rappeler ce qu’est non le mode de scrutin, mais la composition du corps électoral et le suffrage indirect. L’intention a été mal comprise, y compris par d’éminents spécialistes, qui ne connaissaient sans doute notre amendement qu’au travers d’une dépêche de l’Agence France-Presse. Ce sont des choses qui arrivent…

Après réflexion, je n’ai pas voulu entrer dans le débat. En particulier, comme me l’avait conseillé M. Badinter, je n’ai pas voulu emprunter à la jurisprudence constitutionnelle, pas même la formule « en tenant compte de leur population », que j’ai supprimée.

Par conséquent, il me paraît que les auteurs du sous-amendement pourraient se satisfaire de ce que je ne précise plus les choses comme initialement.

En ce qui concerne l’amendement n° 334, madame Boumediene-Thiery, nous ne sommes pas d’accord sur les termes. Je n’y insiste pas !

La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 182 et 434, pour la même raison.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 180 rectifié, je ne vois guère, madame Borvo Cohen-Seat, comment intégrer la notion de participation citoyenne. L’idée a certes été lancée par certains de faire siéger au Sénat des responsables de formations non représentées à l’Assemblée nationale. Nous avons entendu toutes sortes de suggestions de cet ordre, parfois baroques, mais telle n’est pas la position de la commission des lois, qui est donc défavorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements et sous-amendements ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Tout a été dit et, contrairement à ce qu’espère M. Frimat, je serai très bref !

Sur l’amendement n° 103 rectifié, le Gouvernement émettra un avis de sagesse, comme il l’a fait à l’Assemblée nationale au sujet de la fixation d’un plafond de l’effectif des députés. Il est naturel de laisser à la Haute Assemblée le soin de définir son effectif maximal, le Gouvernement n’a pas à intervenir sur ce sujet.

Sur l’ensemble des autres amendements et des sous-amendements, j’émettrai, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.

En effet, sans revenir sur tout ce que j’ai dit en réponse aux intervenants au tout début de la discussion sur l’article 9, je soulignerai que le texte que nous avions préparé a été maintenu à l’Assemblée nationale. Au Sénat, la commission des lois, après en avoir débattu, a préféré revenir au texte initial de la Constitution.

La vérité est extrêmement simple.

Tout d’abord, la prise en compte de la population des collectivités territoriales est déjà un élément clé du suffrage indirect, puisque le nombre des grands électeurs varie en fonction de la population des communes.

Ensuite, comme je l’ai dit à l’instant, nous n’entendons pas que le mode de scrutin, qu’il s’agisse des députés ou des sénateurs, soit défini et fixé dans la Constitution. Ce n’est nullement notre intention ! C’est la raison pour laquelle nous nous sommes opposés tout à l’heure aux amendements prévoyant que 10 % des députés soient élus à la proportionnelle.

Je n’y insiste pas, mais le Sénat a, dans le passé, déjà accepté un certain nombre d’évolutions, notamment la réduction de la durée du mandat et l’introduction de la proportionnelle dans davantage de départements. En 1999 ont été déposées des propositions de loi d’initiative sénatoriale, en particulier par MM. de Raincourt, Hyest, de Rohan, Mercier et un certain nombre d’autres sénateurs. Si le Sénat veut faire évoluer son mode de scrutin, il lui reviendra d’aborder ce thème de son propre chef, mais, très clairement, je ne souhaite pas que cela soit inscrit dans la Constitution.

M. le président. Madame Payet, le sous-amendement n° 296 rectifié est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet. Il l’est, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 296 rectifié.

M. Christian Cointat. J’en appelle à la logique.

Nous avons tout à l’heure reconnu qu’un « droit coutumier » devait s’appliquer : l’Assemblée nationale est libre de faire ce qu’elle souhaite pour ce qui la concerne, et, en corollaire, nous sommes libres de faire ce que nous voulons pour ce qui nous concerne.

L’Assemblée nationale a fait le choix de fixer un nombre maximal de députés, mais, par courtoisie et par respect pour ce droit coutumier que j’évoquais à l’instant, elle ne s’est évidemment pas prononcée sur l’effectif du Sénat. Cela signifie que nous sommes libres à cet égard !

Sur ce point, je ne suis pas en harmonie avec M. le rapporteur, qui nous explique que nous sommes libres, mais sans l’être, puisque nous devrions, selon lui, nous aligner sur le choix de l’Assemblée nationale. Dans ces conditions, l’Assemblée nationale dicterait au Sénat la position qu’il doit prendre, autant dire qu’il ne serait plus du tout libre ! Ce ne serait pas acceptable !

Il faut savoir ce que nous voulons : ou bien nous souhaitons inscrire un effectif maximal dans la Constitution, et il revient alors au Sénat de le fixer ; ou bien nous estimons que ce serait une erreur et nous restons muets sur ce point, laissant à la navette le soin de décider si le Sénat doit faire un geste ou si c’est l’Assemblée nationale qui doit se raviser.

C’est ainsi que sera, à mon sens, préservé l’équilibre entre les deux assemblées. Sinon, nous perdrions notre libre-arbitre.

Voilà pourquoi je voterai le sous-amendement n° 296 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Raffarin. Mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur l’évolution de ce débat.

Nous avons tous beaucoup de choses à dire sur tous ces sujets. Toutes les convictions sont légitimes, et les débats sont passionnants. Pour autant, il faudrait peut-être que nous pensions à l’issue de nos travaux.

Je comprends tout à fait le sens de l’intervention de M. Cointat. Ne nous engageons pas, sur la question qui nous occupe, dans des impasses dont nous ne sortirons pas forcément dans des conditions positives.

Monsieur le rapporteur, notre soutien, qui vous est acquis, sera encore plus affirmé si vous voulez bien nous écouter ! En tout état de cause, je demande à mes collègues de nous rejoindre sur ce sujet, car il serait assez grave d’entrer en conflit avec l’Assemblée nationale.

J’ai, sur la question du référendum relatif à l’élargissement de l’Union européenne, une vraie conviction, qui est partagée par la majorité de la commission des affaires étrangères. J’aimerais que, avec une ou deux autres, elle trouve une traduction dans ce texte. C’est à mes yeux une priorité ! Or, en nous éparpillant, nous risquons d’affaiblir la position du Sénat. C’est la raison pour laquelle je soutiens M. le rapporteur ! (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 296 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 12 rectifié ter.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur l'amendement n° 103 rectifié.

M. Christian Cointat. Ayant pu m’exprimer longuement pour défendre mes arguments, je puis maintenant me rallier au point de vue de la commission des lois, dont je voterai l’amendement. (M. Jean-Pierre Raffarin applaudit. – Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi. Et voilà : une petite fessée, et il rentre dans le rang !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Mes chers collègues de la majorité, ce n’est pas une mince décision que celle que vous prenez aujourd'hui.

Le Sénat est une assemblée parlementaire,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Merci de l’information !

M. Robert Badinter. … élue selon des modes qui sont propres à la représentation des collectivités territoriales. Tout le monde est d'accord sur ce point.

Or le fondement de toute institution de ce type, c’est l’expression du suffrage universel. En d’autres termes, quand une assemblée parlementaire élue au suffrage indirect ne reflète pas, n’exprime pas la volonté du peuple, elle n’a plus de légitimité.

Examinons de plus près la situation des collectivités territoriales. Lorsque l’on étudie les scrutins qui sont intervenus localement, on constate que les citoyens, au cours d’une succession d’élections, ont manifesté – du moins pour l’heure, car il en ira peut-être autrement à l’avenir – leur volonté de faire gérer les collectivités territoriales par la gauche. Dès lors, tout le monde imagine, tout à fait naïvement, que le Sénat va refléter cette évolution. (Marques de lassitude sur les travées du groupe de l’UMP.)

En effet, si le peuple a décidé d’une orientation politique pour les collectivités territoriales, on s’attend à retrouver celle-ci au Sénat, qui constitue leur expression – ou alors, c’est qu’il existe quelque part un biais, qui met en cause la démocratie représentative indirecte ! (M. Jean-Pierre Raffarin proteste.)

Aujourd'hui, sur vingt-deux assemblées régionales, vingt sont dominées par la gauche. Nous savons tous que les grandes municipalités se situent pour la plupart à gauche, et je ne reprendrai pas le décompte pour ce qui concerne les conseils généraux.

Or, malgré cela, nous avons la certitude que, lors des élections de 2011 – je laisse de côté celles de 2008, car on ne change pas la règle du jeu électoral si près d’un scrutin –, et même de 2014, la majorité actuelle restera en place ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)