Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 303, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Il assure au titre de cette dernière le rayonnement international de la France par les moyens appropriés.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise simplement à préciser que RFI doit disposer des moyens suffisants pour assurer son fonctionnement normal.

En effet, je connais les inquiétudes qui existent sur ce point. Certes, je n’ai pas reçu de document particulier de la part des syndicats ou de leurs représentants, mais je voyage beaucoup. J’ai ainsi constaté que des émissions autrefois diffusées en langue étrangère ne l’étaient plus aujourd'hui.

C’est la raison pour laquelle je souhaite être certaine que RFI disposera effectivement des moyens appropriés pour garantir la diffusion de telles émissions en langue étrangère, notamment en arabe et en farsi, langue à laquelle je suis particulièrement attachée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. Je me demande si certains ne se trompent pas quelque peu de débat. Mes chers collègues, je vous le dis sincèrement, personne ne menace RFI ! (Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il s’agit seulement de simplifier et de clarifier une structure de détention capitalistique. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Cela signifie que RFI demeurera à 100 % contrôlée par l’État et conservera sa pleine personnalité et l’ensemble de ses missions. Mais, au lieu d’avoir une sorte de « râteau », avec un rattachement direct à l’État d’un certain nombre d’entités, vous aurez un groupe qui sera formé de plusieurs participations contrôlées par une seule holding. Pour autant, la société opérationnelle demeurera RFI, avec toute sa personnalité et ses rédactions, donc son autonomie.

En outre, je le rappelle, la holding « société de l’audiovisuel extérieur de la France » est seulement destinée à mutualiser des fonctions de support : sont évoquées l’administration, les ressources humaines, les finances et certaines tâches d’intérêt général en matière de distribution. Toutefois, aucune de ces finalités ne peut ni ne doit conduire à priver une antenne, et plus spécialement RFI, de la pleine maîtrise de sa programmation.

Il me semble donc que l’on se trompe de projet : cette réforme n’est qu’une simplification juridique ; il ne faut pas lui accorder plus d’importance qu’elle n’en a.

Il est vrai qu’un problème se pose par ailleurs, mais qui n’a pas été abordé à travers ces amendements : c’est celui du devenir de TV5 Monde, une chaîne de télévision francophone, et non purement française, qui est cofinancée par plusieurs institutions et États étrangers avec lesquels nous avons noué des partenariats.

Toutefois, il s'agit d’un autre sujet qui, naturellement, sera traité, si c’est nécessaire, en temps utile, dans les enceintes adéquates et par les moyens appropriés.

Pour rassurer nos collègues à propos du maintien de l’intégrité de RFI, nous pourrions peut-être donner satisfaction à l’amendement n° 303 présenté par Mme Nathalie Goulet, qui vise à réaffirmer que cette chaîne participe au « rayonnement international de la France par des moyens appropriés ». Ainsi, ses missions se verraient pleinement confirmées, ce dont, d'ailleurs, personne ne devrait douter.

Je suggère donc à Mmes Joëlle Garriaud-Maylam et Nathalie Goulet de bien vouloir retirer leurs amendements nos 310 et 1008.

S'agissant des amendements nos 476 et 1024, qui ont été présentés respectivement par les groupes CRC et socialiste, et en me référant surtout à la présentation qui en a été faite puisqu’ils sont identiques aux précédents, j’émets, au nom de la commission, un avis tout à fait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je fais miens les propos de M. le rapporteur.

Que de passions pour une réorganisation à caractère juridique, …

Mme Christine Lagarde, ministre. … qui n’est en aucune façon destinée à remettre en cause les missions, les moyens, l’excellence et la diffusion dans de nombreuses langues de Radio France Internationale ! Tel n’est pas du tout l’objet de cet article.

Je ne résiste pas au plaisir de vous présenter l’organisation de RFI avant et après cette réforme. (Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi montre deux organigrammes.)

Avant la réorganisation, la structure de RFI était effroyablement compliquée, comme le comprendrait même un juriste de bas étage, ce qui n’est d'ailleurs nullement votre cas, mesdames, messieurs les sénateurs.

La nouvelle organisation est beaucoup plus simple, car elle permet de concentrer en une holding l’ensemble des participations de l’État dans trois grandes chaînes, à savoir France 24, Radio France Internationale et TV5 Monde, sachant que nous finançons cette dernière avec certains partenaires, notamment francophones.

Nous n’avons absolument aucune autre intention, et surtout pas celle de remettre en cause la mission de Radio France internationale !

D'ailleurs, je rejoins Mme Monique Cerisier-ben Guiga pour me réjouir que Radio France Internationale soit si largement diffusée que ses émissions aient pu parvenir à Ingrid Betancourt et jouer le rôle, nous le savons, d’un fil la rattachant à la vie et à l’espoir.

Il ne s’agit pas de porter aux nues tel canal ou telle chaîne, mais, si RFI émet en français en Colombie et diffuse également en farsi ou en arabe, contribuant ainsi à l’attractivité de notre territoire au-delà de ses frontières, c’est tant mieux.

À ceux qui affirment que cet article constituerait un cavalier, je rétorque qu’il n’en est rien. L’usage de la langue française, la diffusion de concepts nationaux et la promotion de notre culture, fût-ce en Iran et en farsi, relèvent parfaitement de l’attractivité du territoire, et je maintiens que cet article 37 ter trouve parfaitement sa place dans ce projet de loi.

C'est pourquoi je ne suis pas favorable à ces amendements identiques, même si j’invite Mmes Nathalie Goulet et Joëlle Garriaud-Maylam à retirer ceux qu’elles ont présentés, au bénéfice de mes explications qui, je l’espère, les auront convaincues.

J'ajoute que je suis prête à émettre un avis favorable sur l’amendement n° 303, qui est, si je ne m’abuse, un amendement de repli. En effet, je le répète, il n’est pas question de remettre en cause les missions et les moyens de RFI.

M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 310 est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Comme un certain nombre de garanties m’ont été apportées et qu’un avis favorable a été émis sur mon amendement n° 303, je retire l’amendement n° 310, monsieur le président.

Toutefois, madame la ministre, RFI doit être soutenue non parce qu’elle diffuse dans toutes les langues, « fût-ce en farsi », mais parce qu’elle émet « aussi en farsi », ce qui est quelque peu différent !

M. le président. L'amendement n° 310 est retiré.

Madame Garriaud-Maylam, l'amendement n° 1008 est-il maintenu ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1008 est retiré.

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 476 et 1024.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous maintenons notre amendement, parce que, selon nous, derrière cet article il n’y a non pas seulement la création d’une holding – cela aurait été très intéressant à étudier si les conditions d’un dialogue social normal avaient été respectées, ce qui n’a pas été le cas –, mais bien plutôt une fusion.

Si TV5 Monde a connu plusieurs crises ces derniers mois, c’est bien parce que nos partenaires francophones se méfient terriblement de l’uniformisation que l’on voudrait leur imposer en matière éditoriale, s'agissant de l’information et de la couverture de l’actualité politique.

Nous savons bien que le système du News Office que l’on veut mettre en place est destiné à produire une information commune pour tout l’audiovisuel international francophone, et nous ne souhaitons pas une telle évolution pour RFI.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J’ai bien compris l’esprit de l’amendement n° 303, présenté par Mme Nathalie Goulet.

Mais tout de même, cet amendement, qui a reçu un avis favorable de M. le rapporteur – lui qui se veut si rigoureux d’ordinaire ! – et de Mme la ministre, vise à inscrire ceci dans la loi : « Il assure au titre de cette dernière le rayonnement international de la France par les moyens appropriés ». Voilà un texte de droit qui va tout changer !

Ainsi, désormais, il serait possible d’utiliser la loi pour donner des instructions ou fixer des objectifs ? Il ne faudra pas que M. le rapporteur ou le Gouvernement nous rétorque, lorsque nous voudrons inscrire dans un texte législatif notre souhait d’atteindre le plein emploi ou d’augmenter les salaires, que de telles mentions n’ont pas de portée normative ! Vous faites preuve de bien peu de rigueur, me semble-t-il !

Mme Christine Lagarde, ministre. C’est l’exception culturelle ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Oui, comme avec « l’amendement foie gras » !

M. Philippe Marini, rapporteur. C’est l’expression « par les moyens appropriés » qui a une portée normative.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 476 et 1024.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 127 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l’adoption 125
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 303.

M. Jean Desessard. Je m’abstiens !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 37 ter, modifié.

(L'article 37 ter est adopté.)

CHAPITRE V (priorité)

Garantir l'indépendance du service statistique public

Article 37 ter  (priorité)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'économie
Article 38 (priorité)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé du chapitre V du titre III :

Créer une Autorité de la statistique publique

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. Mes chers collègues, avec cet amendement, nous en arrivons à la question de l’information économique. Comme vous le savez, la commission spéciale vous propose, à l’article 38 du projet de loi, de revenir à la rédaction initiale du Gouvernement.

Il nous semble particulièrement important que soit créée une autorité indépendante de la statistique publique, dont le champ de compétence s’étendra bien au-delà de celui de l'INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, puisque des moyens de statistiques publiques existent, par exemple, au sein de la Banque de France.

Du point de vue de la méthodologie et afin d’établir des programmes de travail, il est important que cette fonction – tout à fait essentielle dans une démocratie, plus particulièrement quand celle-ci se trouve partie prenante de l’Union européenne – soit exercée dans des conditions d’indépendance absolument irréprochables.

Or il a semblé à la commission spéciale que les modalités intermédiaires choisies par l’Assemblée nationale n’étaient pas de nature à garantir de manière suffisamment incontestable cette indépendance.

C'est pourquoi nous souhaitons que soit indiquée dès l’intitulé du chapitre V du titre III du projet de loi de modernisation de l’économie notre volonté de créer une autorité de la statistique publique.

Dans la version initiale proposée par le Gouvernement, il s’agissait d’une « Haute autorité ».

M. Jean Desessard. « Basse autorité » conviendrait mieux ...

M. Philippe Marini, rapporteur. Pour notre part, nous nous contenterons d’une « Autorité » car, vous le savez, nous sommes ennemis de toute forme d’inflation. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.

J'ajoute que l’adjectif « haute » n’est vraiment utilisé à bon droit qu’à propos de la Haute Assemblée ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je m’étais inscrite pour prendre la parole sur l’article 38, que nous examinerons juste après, mais je renonce à cette intervention.

En effet, il m’avait échappé qu’à travers cet amendement, discuté avant l’article 38, M. le rapporteur ne se contentait pas de proposer une modification de pure forme : bien qu’il supprime la qualification de « haute », il suggère de revenir au principe de l’autorité de la statistique publique qui figurait dans le texte initial du Gouvernement, lequel a été modifié par l’Assemblée nationale.

Mon intervention me permettra donc de présenter les raisons pour lesquelles je voterai contre l’amendement n° 22 ; bien entendu, elle vaudra aussi explication de vote sur l’article 38.

Il s’agit d’un article très important, tout particulièrement dans le contexte des polémiques qui se sont développées ces derniers mois sur la fiabilité de notre outil statistique public. Rappelons que ces polémiques, qui concernent la mesure du pouvoir d’achat, les indicateurs de chômage et la conjoncture économique, visent principalement l’INSEE.

Tout le monde est attaché à l’indépendance de la statistique nationale. Cette indépendance, que nul ne remet en cause et qui n’est plus à démontrer, est d’ailleurs confirmé tant par le rapport « d’évaluation par les pairs » de l’INSEE, effectué en janvier 2007, que par l’étude conduite par le FMI en 2003 sur les quatre critères principaux que sont les données, l’accès aux données, l’intégrité et la qualité.

Évidemment, pour éviter que chaque nouvelle publication d’un indice statistique important ne donne lieu à une vague de suspicion et de méfiance, nous pensons également qu’il convient d’inscrire dans la loi le principe d’indépendance de la statistique publique. Cette démarche, qui permettrait de se conformer au code de bonnes pratiques de la statistique européenne, adopté en 2005, ne devrait d’ailleurs pas se limiter à l’INSEE, certains ministères possédant également leurs propres services de statistiques, comme par exemple le ministère du travail avec sa direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, qui publie des études fort lues et commentées.

Après un important travail parlementaire, nos collègues députés ont substantiellement modifié l’article 38 et sont allés jusqu’à modifier le titre du chapitre V. Pour aboutir à ce résultat, ils ont suivi les recommandations de la mission d’information commune aux trois commissions des finances, des affaires économiques et des affaires sociales de l’Assemblée nationale, chargée d’examiner la gouvernance de l’INSEE. Leur rédaction est donc le fruit d’un véritable consensus, le rapport de la mission d’information qui l’a motivée ayant été adopté à l’unanimité des trois commissions. Je précise par ailleurs que cette mission d’information, très diversifiée dans sa composition, était présidée par Pierre-Alain Muet et qu’elle avait comme rapporteur Hervé Mariton.

Le texte proposé par l’Assemblée nationale définit le service statistique public et pose le principe de son indépendance, ce que ne faisait pas le texte du Gouvernement et ne ferait pas l’amendement de M. Marini, s’il était adopté. À l'instar des députés, nous ne sommes pas favorables à la création d’une autorité « indépendante » supplémentaire, ce que nous propose M. le rapporteur en changeant le titre du chapitre V. Il nous semble que le Conseil supérieur de la statistique, qui reprend les compétences du Conseil supérieur de l’information statistique, le CNIS, lequel n’a pas démérité, doit être maintenu. Il faut sans doute créer également un comité scientifique de neuf membres qui serait chargé de veiller au respect du principe de l’indépendance professionnelle dans la production et la diffusion de la statistique publique.

Si je développe ces explications maintenant, monsieur le président, c’est parce qu’en adoptant l’amendement n°22, qui semble de prime abord purement rédactionnel, on amputerait en réalité la discussion à venir sur l’article 38. Bien évidemment, pour ne pas allonger la discussion, je ne réitérerai pas ces arguments lors du débat sur l’article 38.

Ainsi, monsieur le rapporteur, vous proposez de revenir au texte initial, qui créait une Autorité de la statistique publique. Mais ce faisant, vous ne satisfaites personne. Il faut surtout éviter de traiter l’INSEE avec défiance. Les statisticiens qui y travaillent sont sans doute, de par leur statut de fonctionnaire, les plus aptes à affronter toutes sortes de pressions contraires et à respecter la déontologie de la profession en préservant la transparence et la qualité des outils méthodologiques employés. Nous nous opposons donc à la modification du titre que vous proposez, monsieur le rapporteur. Elle emporterait en effet une modification totale de l’article 38, pour revenir à une rédaction initiale qui ne se justifie nullement au regard de notre outil national de statistiques, et qui serait de plus interprétée comme une marque de défiance à son égard.

Mme Odette Terrade. Très juste !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’intitulé du chapitre V du titre III est donc ainsi rédigé.

Intitulé du Chapitre V
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'économie
Article 38 bis (priorité)

Article 38 (priorité)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 477, présenté par Mmes Beaufils, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet article 38 du présent projet de loi vise, concrètement, à instituer une nouvelle autorité administrative indépendante appelée, selon les cas, Haute Autorité ou Autorité de la statistique publique. Ce dispositif a pourtant été remis en cause par les députés, qui ont préféré renforcer le rôle du Conseil national de l’information statistique.

À vrai dire, l’article 38 est présenté comme devant traduire dans notre droit français la logique qui préside aux pratiques statistiques des autres pays de l’Union européenne où, contrairement à la France, ce ne sont en général pas des organismes publics comme l’INSEE qui assurent l’essentiel de la production statistique.

Le grief que l’on semble d’ailleurs faire à l’INSEE serait de souffrir d’un manque d’indépendance au regard de la puissance publique, ce qui nuirait à la qualité de ses prestations.

Au contraire, nous pensons que c’est justement parce que l’INSEE et les services statistiques des ministères, administrations et institutions spécialisées sont publics qu’ils sont indépendants. L’action des services publics de statistique est en effet guidée par ces missions essentielles que sont la transmission et la diffusion au public d’informations objectives, documentées, qui sont une source utile de réflexion et d’action pour chacun. Au lieu de constituer un handicap, le caractère public de ces organismes apparaît au contraire comme un atout, qui est d’ailleurs validé par les études internationales comparant la qualité des appareils statistiques.

Ainsi, malgré l’absence de toute inscription formelle de l’indépendance des organismes de statistiques dans les textes juridiques, on a toujours considéré que l’indépendance était réalisée de façon satisfaisante en France. De plus, cela n’a pas empêché la statistique publique d’évoluer très profondément, et ce sans difficulté majeure, à l’exception de quelques tensions assez vives de temps en temps.

La comparaison avec d’autres pays doit d’ailleurs être regardée à la lumière de deux traits profondément originaux de la statistique française dans le paysage européen : premièrement, elle est la seule à disposer d’un système formalisé et effectif de concertation approfondie de ses programmes grâce au CNIS ; deuxièmement, elle est la seule où existe une forte tradition d’articulation entre production statistique et études économiques et sociales au sein même des principaux organismes statistiques.

Il est certes possible de débattre du contenu même de l’information statistique et, surtout, de son interprétation par l’usager. Mais, de la même manière que ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fera tomber la fièvre, ce n’est pas en mettant l’INSEE, et la statistique publique en général, sous la coupe d’une énième autorité administrative indépendante, que l’on réglera les questions récurrentes que se pose naturellement l’opinion sur des sujets aussi sensibles que l’indice des prix à la consommation ou encore le chômage.

C’est donc au bénéfice de ces observations que le groupe CRC vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression de l’article 38, ne serait-ce que pour signifier clairement le rejet de toute mise en cause de la qualité de l’intervention du service public de la statistique.

M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

La loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques est ainsi modifiée :

1° L'article 1er est remplacé par deux articles ainsi rédigés :

« Art. 1er. - I. - Il est créé une Autorité de la statistique publique qui veille au respect du principe d'indépendance professionnelle dans la conception, la production et la diffusion de statistiques publiques ainsi que des principes d'objectivité, d'impartialité, de pertinence et de qualité des données produites.

« II. - L'Autorité est composée de neuf membres :

« - un président nommé par décret en conseil des ministres en raison de ses qualifications dans les domaines juridique, économique et technique ;

« - une personnalité qualifiée désignée par le Président de l'Assemblée nationale ;

« - une personnalité qualifiée désignée par le Président du Sénat ;

« - un membre du Conseil économique et social désigné par le Président de ce dernier ;

« - le président du comité du secret statistique du Conseil national de l'information statistique ;

« - un membre de la Cour des comptes nommé par le Premier président de la Cour des comptes ;

« - un membre de l'inspection générale des finances nommé par le chef du service de l'inspection générale des finances ;

« - un membre de l'inspection générale des affaires sociales nommé par le chef de l'inspection générale des affaires sociales ;

« - une personnalité qualifiée en matière statistique nommée par le ministre chargé de l'économie.

« III. - Un décret en Conseil d'État précise les attributions et les modalités de fonctionnement de l'Autorité de la statistique publique.

« Art. 1er bis. - I. - Le Conseil national de l'information statistique est chargé, auprès de l'Institut national de la statistique et des études économiques, d'organiser la concertation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique. Il fait des propositions pour l'élaboration du programme de travaux statistiques et la coordination des enquêtes statistiques menées par les personnes chargées d'une mission de service public.

« II. - Un décret en Conseil d'État fixe les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil national de l'information statistique, ainsi que la représentation, en son sein, du Parlement et du Conseil économique et social. Il précise les conditions dans lesquelles l'autorité administrative décide du caractère obligatoire ou non de chaque enquête qui s'inscrit dans le cadre du programme annuel qu'elle a fixé. »

2° A la fin de l'article 3, les mots : « en vertu de l'article 1er » sont remplacés par les mots : « en vertu de l'article 1er bis ».

La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. Permettez-moi d’être surpris par ces démonstrations que je qualifierais de « corporatives ».

Lorsque je lis le texte qui vient de l’Assemblée nationale, je vois qu’il crée un comité d’experts au sein d’un organe interne à l’INSEE. Or l’INSEE n’est rien d’autre qu’une direction d’administration centrale du ministère de l’économie, sous l’autorité directe de Mme le ministre.

Vous parlez d’indépendance, ma chère collègue, mais, très sincèrement, si l’on veut se doter, à l’instar des autres États européens, d’un outil véritablement indépendant quant aux méthodes, aux concepts et aux programmes de travail, mieux vaut suivre la solution qui était initialement proposée par le Gouvernement et que la commission spéciale vous suggère précisément de rétablir.

L’amendement n° 23 rectifié a ainsi pour objet de créer une Autorité de la statistique publique qui veillerait « au respect du principe d’indépendance professionnelle dans la conception, la production et la diffusion de statistiques publiques ainsi que des principes d’objectivité, d’impartialité, de pertinence et de qualité des données produites ». Franchement, êtes-vous opposée à ces principes, madame Terrade ? Considérez-vous qu’une sorte d’autogestion professionnelle les garantisse mieux que cette autorité ? C’est bien la question qui est posée, et je préfère, mes chers collègues, la poser en toute clarté, et en public.

Quant à la composition de cette autorité, elle comprend un président nommé par décret en conseil des ministres en raison de ses qualifications, une personnalité qualifiée désignée par le président de l'Assemblée nationale, une personnalité qualifiée désignée par le président du Sénat, un membre du Conseil économique et social désigné par le président de ce dernier, le président du comité du secret statistique du Conseil national de l'information statistique, un membre de la Cour des comptes nommé par le Premier président de la Cour, un membre de l'Inspection générale des finances nommé par le chef du service de l'Inspection générale des finances, un membre de l'Inspection générale des affaires sociales nommé par le chef de l'Inspection générale des affaires sociales, enfin une personnalité qualifiée en matière statistique nommée par le ministre chargé de l'économie.

Sincèrement, je ne vois là nul représentant d’un quelconque intérêt mercantile ou économique de nature à porter atteinte à l’indépendance professionnelle de nos chers amis les statisticiens publics ! Relisez bien la composition de cette autorité, madame Terrade, ainsi que toutes les motivations de ce texte ; je pense que vous serez alors totalement rassurée.

Par ailleurs, le texte proposé par l’amendement n° 23 rectifié pour l’article 1er bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 prend le soin de préciser le rôle du Conseil national de l’information statistique qui demeure, auprès de l’INSEE, chargé d’organiser la concertation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique.

Vous voyez donc que ce Conseil est maintenu dans ses fonctions. Simplement, à ses côtés, un organe extérieur aura pour rôle de garantir l’exercice indépendant de ces fonctions, tout à fait essentiel pour la transparence.

Enfin, madame le ministre, ne faudrait-il pas également que l’on progresse pour doter Eurostat, organisme essentiel sur le plan européen, d’un vrai statut indépendant ? En effet, si l’INSEE est une direction du ministère des finances, Eurostat est un service dépendant du vice-président de la Commission chargé des affaires financières et monétaires. Nous progresserions beaucoup dans la comparabilité de nos finances publiques, notamment dans le respect des engagements issus du traité de Maastricht, ainsi que dans la transparence, si nous avions une vraie autorité européenne en charge des méthodes de comptabilité publique.

Pour en revenir à la France et pour conclure, il me semble, madame le ministre, que votre intention initiale était excellente. C’est pourquoi la commission spéciale sollicite du Sénat le rétablissement de l’article 38 dans une version très proche de celle initialement proposée par le Gouvernement.