M. Jacques Mahéas. Il y a même eu une suspension des cotations !

M. Roland du Luart. Cette crise de confiance dépasse désormais la sphère financière et pèse sur l’ensemble de l’économie mondiale, comme l’attestent les derniers indicateurs macroéconomiques et l’effondrement en Bourse des cours des actions d’entreprises réputées jusqu’à ce jour solides.

Face à cette crise de confiance, chacun doit prendre ses responsabilités. Le Président de la République et le Gouvernement ont pris les leurs, sur le plan national comme sur les plans européen et international, pour tenter de restaurer la confiance des marchés. Le groupe UMP du Sénat soutient les mesures qu’ils ont arrêtées pour secourir les établissements financiers en difficulté, pour prévenir un risque systémique et pour protéger les épargnants et les contribuables.

Sous l’impulsion de la France, l’Europe a amorcé une stratégie concertée, comme l’attestent la convocation des quatre puissances européennes membres du G8 samedi dernier à Paris et, hier, la déclaration commune des vingt-sept dirigeants de l’Union européenne et la réunion du conseil Écofin.

Nous saluons aussi la rapidité de la réaction de la France pour soutenir l’investissement de ses PME menacées par les risques d’assèchement du crédit. Vous venez de le confirmer, monsieur le ministre, plus de 20 milliards d’euros de ressources supplémentaires seront dégagés sous quinze jours pour assurer leur financement.

Le soutien du secteur du logement paraît également judicieux, car, faute de certitude sur les ventes, ce secteur est aujourd’hui paralysé par l’arrêt de nombreuses mises en chantier. Ce soutien permettra de sauvegarder des milliers d’emplois.

Bien sûr, ne nous le cachons pas, tout cela aura un coût pour la collectivité publique, même si ce dernier n’est pas nécessairement budgétaire, du moins dans un premier temps. Mais ne rien faire aurait été bien plus coûteux.

Nous devons nous féliciter d’avoir un Président de la République et un Gouvernement qui n’hésitent pas à prendre leurs responsabilités, et ce avec courage, célérité et pragmatisme.

M. Jean-Louis Carrère. Si vous êtes contents de vous, c’est bien !

M. Roland du Luart. À cet égard, nous devons placer l’opposition devant ses propres responsabilités. À titre personnel, je regrette que le parti socialiste ait rejeté l’appel à l’unité nationale et continue de pratiquer l’obstruction, comme lundi dernier à l’Assemblée nationale à propos du revenu de solidarité active. (Applaudissements sur les travées de lUMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Ensemble, mes chers collègues, sur toutes les travées, nous devons prendre la mesure de la crise (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) et nous montrer à la hauteur des enjeux économiques et financiers, sans esprit partisan.

Les membres de l’UMP ne sont pas des défenseurs acharnés de l’intervention de l’État dans tous les domaines, mais ils soutiennent sans réserve les initiatives prises par le Président de la République et le Gouvernement pour restaurer la confiance, pour protéger les épargnants et les contribuables, et pour soutenir les entreprises et l’emploi. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Nous approuvons les prises de participation directes ou indirectes de l’État dans des établissements financiers, car elles sont aujourd’hui indispensables, mais à la condition qu’elles restent temporaires.

À la dérégulation ne doit pas succéder la surréglementation. Nous devons renforcer les régulateurs, mais sans asphyxier définitivement les acteurs d’un secteur qui demeure essentiel au financement de l’activité économique. C’est toute la complexité de la tâche qui est la vôtre, monsieur le ministre, ainsi que celle de l’ensemble du Gouvernement.

Prendre ses responsabilités consiste aussi à dire la vérité et à en tirer toutes les conséquences en matière financière, mais aussi économique et budgétaire.

Au Sénat, nous n’avons jamais eu peur de dire la vérité en matière économique et budgétaire. Cela nous a parfois été reproché.

Dire la vérité est aujourd’hui un devoir si nous voulons rétablir la confiance. Vous vous y employez avec honnêteté et pédagogie, monsieur le ministre, dans un esprit de transparence et de responsabilité qui vous honore, vous et le gouvernement auquel vous appartenez. Les Français peuvent compter sur le Sénat pour vous y aider, et en particulier sur sa commission des finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Roland du Luart. Prendre ses responsabilités consiste ensuite à tenir le cap des réformes pour valoriser le travail et l’initiative, pour maîtriser les dépenses obliques et pour se rapprocher le plus possible de l’équilibre des comptes publics en 2012. Malgré les contraintes actuelles, c’est le seul moyen de permettre à la France de franchir les difficultés conjoncturelles et de créer les conditions structurelles d’une reprise forte et durable.

Le 25 septembre dernier, à Toulon, le Président de la République a fixé une feuille de route que le président de notre groupe, Henri de Raincourt, a très justement qualifiée de « claire et exigeante ».

Le chef de l’État souhaite refonder le système financier et monétaire international, mieux organiser les marchés financiers et bâtir de nouvelles régulations, afin d’encourager les entrepreneurs et de dissuader les spéculateurs.

Nous devons également inciter, et si nécessaire contraindre, les entreprises à mieux encadrer les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs pour favoriser les comportements responsables.

Nous devons enfin faire en sorte que les régulateurs et les agences de notation ne se contentent pas de contrôler et d’évaluer a posteriori, mais permettent d’anticiper l’avenir et de prévenir les difficultés internationales en limitant les prises de risque systémique. Plus que de régulateurs plus forts, c’est de régulateurs plus proches des marchés et de la réalité économique que nous avons besoin.

De même, les normes comptables doivent être conçues pour prévenir les difficultés et absorber les chocs, sans produire d’effets pervers comme ceux de l’obligation faite aux banques d’enregistrer leurs actifs à leur valeur de marché. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelles pistes de réformes vous privilégiez dans ces domaines.

Vous pouvez compter sur le Sénat pour apporter sa contribution sur ces sujets essentiels, en s’appuyant notamment sur les réflexions de la commission des finances, de son président, Jean Arthuis, et de son rapporteur général, Philippe Marini.

Comme l’a souligné le Premier ministre, l’heure est au rassemblement des bonnes volontés. C’est ensemble, et ensemble seulement, que nous pourrons, au côté du Président de la République et du Gouvernement, faire face à la crise financière et tenter de répondre aux défis qu’elle nous impose. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pensée économique libérale, hier si arrogante, si sûre de détenir la vérité incontestable, semble découvrir aujourd’hui un mot qu’elle rejetait jusque-là : régulation.

La crise financière a au moins un résultat : avoir fait vaciller le dogme de l’établissement d’une démocratie universelle fondée sur un marché libre et sans entrave.

Nous connaissons tous les causes de la situation actuelle, dont la première est indiscutablement la déconnexion totale entre l’activité financière et l’économie de production.

Or ces causes n’ont pu jouer que grâce à un abandon politique général : nous avons consenti au retrait quasi total de la puissance publique du champ économique. Je dis bien « nous » car la gauche, notamment la gauche européenne, s’est montrée parfois aussi empressée que la droite à se prosterner devant le marché roi, limitant alors son projet à une redistribution sociale à la marge.

Alors oui, il faut réguler : le système de Bretton Woods doit être totalement repensé ; les marchés de bourse doivent être encadrés ; il faut imposer aux institutions financières de nouvelles règles de responsabilité quant à leurs risques et à leurs liquidités.

Enfin, il est impératif que la puissance publique rassure les épargnants, affolés par l’imprévoyance et sans doute l’incompétence de spécialistes réputés.

Mais quand nous aurions fait tout cela, nous n’aurions encore fait que trop peu et trop tard. Et nous aurions surtout échappé à l’essentiel du diagnostic : quand l’économie, la technique l’emportent sur la politique et la culture, quand l’argent vaut plus que l’homme, il s’agit non plus d’une crise financière mais d’une crise de civilisation.

Dès lors que faire si l’on ne se contente pas du rôle de Cassandre ?

Il convient d’abord de revenir à l’économie réelle. Dans le plan d’urgence esquissé par le gouvernement français, chacun voit que la préoccupation essentielle va vers les banques, avec le souci de rassurer les particuliers. Même si je ne minimise pas l’annonce du rachat de 30 000 logements ni celle d’une ligne de crédits en faveur de l’investissement des PME, il m’apparaît que c’est bien peu à côté de la garantie accordée aux risques bancaires. Or nous ne rééquilibrerons pas le système sans changer cette disproportion.

Je vois aussi venu le temps d’une grande initiative européenne inspirée, disons-le, du keynésianisme et non plus de la stricte orthodoxie monétaire dont chacun ici peut mesurer les effets.

Pourquoi pas un programme européen de grands travaux aussi bien pour l’Europe elle-même que pour les pays en développement ?

Pourquoi pas aussi un Fonds européen de développement ayant pour double objectif de soutenir le regroupement des entreprises européennes en les aidant à faire face à la concurrence extérieure, en particulier celle des pays émergents en forte croissance, mais également d’imposer la constitution de pôles européens de développement industriel et de services à forte valeur ajoutée ?

La crise doit nous aider à concevoir aussi une nouvelle éthique du rapport entre le pouvoir politique et le pouvoir économique. Demain, comme l’exemple des entreprises mondiales les plus performantes le montre déjà, l’aide publique ne sera utile que si elle est assortie de critères environnementaux, de conditions sociales et d’un impératif démocratique, dans les pays de production comme à l’intérieur des unités de production. Soyons inventifs et tâchons d’exporter un nouveau modèle de civisme d’entreprise !

Enfin, permettez-moi de poser une question précise au Gouvernement : puisque le dogme du marché et de la sacro-sainte concurrence s’écroule, est-il encore temps de faire du dogmatisme ?

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je ne prendrai qu’un seul exemple puisqu’il est dans l’actualité, celui de La Poste, pour laquelle l’expression « ouverture du capital » cache mal l’objectif véritable de privatisation. À l’heure où même les États-Unis volent au secours d’institutions privées avec de l’argent public, à l’heure où la Grande-Bretagne nationalise une banque aussitôt prise d’assaut par des épargnants rassurés, à l’heure où Mme Merkel renonce à son libéralisme pour sauver « sa » banque, est-il bien raisonnable de démanteler un service public qui garantit la solidarité entre nos territoires et la proximité avec les personnes les plus faibles ?

C’est au contraire le temps de réhabiliter le service public et de plaider pour de grands services publics européens – l’eau, les trains, la poste – qui feraient enfin vivre concrètement l’idée européenne aux yeux et au cœur de nos concitoyens.

Je suis, comme la plupart d’entre vous, un militant engagé, c’est-à-dire un optimiste pour qui le pire n’est jamais certain. Vous avez tous en mémoire la formule consacrée : « Vive la crise ». Les radicaux de gauche pensent que ce que nous hésitions à faire pour l’environnement, pour le droit social, pour l’homme plus généralement, la crise va nous forcer à l’entreprendre.

Dès lors, nous devons dépasser les querelles stériles ou les clivages partisans et aller de l’avant. La résignation creuserait la dépression, seule une action politique résolue et volontariste nous permettra de la surmonter. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, que je salue à l’occasion de sa première intervention au sein de la Haute Assemblée.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, devant une crise majeure qui se répercutera immanquablement dans l’ordre international et dans la vie de dizaines de millions de nos concitoyens, l’appel à dépasser des clivages devenus secondaires n’est pas à rejeter a priori. Mais on ne peut pas parler d’« union nationale » sans qu’un grand débat national ait eu lieu. Or M. le ministre nous a dit, d’une part, qu’aucune banque ne ferait faillite, d’autre part, que le cap des finances publiques serait tenu : c’est « Docteur Jekyll et Mister Hyde » ; on nous tient deux discours juxtaposés dont je ne vois pas clairement la cohérence.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. Ne nous voilons pas la face ! Contrairement à ce que semble croire M. le président de la commission des finances, cette crise sera profonde et durable, à la mesure des déséquilibres qui se sont creusés non seulement entre l’économie réelle et l’économie financière, mais aussi dans l’habitude prise par les États-Unis, au cœur d’une globalisation qu’ils ont impulsée depuis plus de trente ans, de vivre très au-dessus de leurs moyens, s’endettant à tout va – 316 % de leur PIB –, captant 80 % de l’épargne mondiale, avec un déséquilibre de leurs comptes extérieurs équivalant à six points de leur produit intérieur brut.

On incrimine à juste titre les dérives du capitalisme financier, mais pourquoi ces dérives se sont-elles produites ? Qui les a encouragées sinon ce demi-dieu, M. Alan Greenspan, qu’on encensait hier et qui est aujourd’hui jeté à bas de son piédestal ? N’est-ce-pas lui qui a encouragé l’endettement des ménages américains et la titrisation qui a déresponsabilisé les prêteurs ?

On sait très bien que, pour sortir de la crise née de l’éclatement de la bulle technologique, M. Greenspan a encouragé la bulle immobilière qui lui permettait de relancer l’économie et de financer les projets dispendieux de l’administration Bush, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

L’endettement des ménages ne touche pas que les États-Unis, mais, pour l’essentiel, la crise est américaine. Elle obéit à une logique qui est d’abord américaine.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est très juste !

M. Jean-Pierre Chevènement. Notons que les partenaires des États-Unis, par suivisme, et les institutions internationales, par inféodation, se sont trouvés incapables d’enrayer cette dérive qui ne date pas d’hier.

Il faudra du temps pour que les ménages américains se remettent à épargner, pour que les États-Unis rétablissent leurs comptes extérieurs et délaissent en définitive le rêve impossible d’un empire universel qu’ils n’ont plus les moyens de soutenir en acceptant d’être la grande nation qu’ils sont, dans un monde devenu irréversiblement multipolaire.

Cette crise n’est pas simplement psychologique, n’en déplaise à M. Minc. Elle clôt un cycle de trente ans qui avait commencé avec l’élection de Mme Thatcher et de M. Reagan et peut-être avant avec le flottement des monnaies autour du dollar. Elle clôt le cycle de la finance globalisée, des marchés ouverts « à coups de barre à mine », la fin de toutes les protections avec l’OMC se substituant au GATT, le cycle des privatisations, la mise en concurrence des territoires et des mains-d’œuvre, avec son cortège des délocalisations, pour satisfaire aux exigences insatiables de la théorie de « l’acquisition de valeur pour l’actionnaire ». Nous commençons à en payer le prix aujourd’hui.

Rappelez-vous le marché roi censé assurer l’intérêt général, la concurrence libre et non faussée inscrite dans l’Acte unique de 1987, reprise dans le traité de Maastricht et dans le protocole n° 6 du traité de Lisbonne. Rappelez-vous la vigilance si sourcilleuse de la Commission européenne vis-à-vis de toute intervention qui aurait pu fausser le libre jeu du marché !

C’était hier, mais cela paraît soudain dater de plus de cent ans ! M. Francis Fukuyama décrétait en 1992 la fin de l’histoire, mais elle continue…

Monsieur le ministre, un débat surréaliste a surgi il y a quelques jours, lors des journées parlementaires de l’UMP, à propos des critères de Maastricht, que M. Guaino semblait vouloir relativiser. Vous-même et les thuriféraires de l’orthodoxie vous en êtes donné à cœur joie, comme s’il n’était pas évident que les dotations allouées aux banques, à travers un établissement public bénéficiant de la garantie de l’État, les plans de soutien multipliés n’allaient pas, en dernier ressort, obérer le budget de l’État.

D’ailleurs, le lendemain, le 3 octobre, M. Jouyet l’a reconnu dans une interview donnée au quotidien Les Échos, en disant que l’Union européenne s’était affranchie de deux règles majeures : le principe de la concurrence, d’une part, et l’interdiction des aides d’État, d’autre part.

Le 4 octobre, Mme Merkel, qui avait critiqué l’Irlande pour avoir garanti les dépôts dans les banques irlandaises impose une simple coordination de mesures nationales sous le régime de l’urgence, c’est-à-dire en dehors des règles posées par la Commission et par les traités européens.

Le 5 octobre, elle est la première à annoncer, sans prévenir ses partenaires, une garantie illimitée pour tous les déposants allemands, ce qu’avait fait l’Irlande.

La réalité de l’Union européenne éclate aux yeux mêmes de ceux qui ne veulent pas voir – j’espère qu’ils ne sont pas nombreux ici –, c’est le « chacun pour soi ». Je ne m’en réjouis pas, croyez-le, bien qu’ayant toujours prédit que le fait national ne disparaîtrait pas.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. La leçon est claire : il faut innover franchement, se délivrer des mythes, du politiquement correct, du parler faux libéral et pseudo-européen, comme l’a relevé d’ailleurs justement M. le rapporteur général.

Autant d’Europe que possible oui, notamment par la création d’un gouvernement économique de la zone euro, mais autant de national que nécessaire ! Car nécessité fait loi : mieux vaut l’Europe des États que pas d’Europe du tout. Il faut revenir à un interventionnisme qui redonne aux États, c’est-à-dire aux peuples, la possibilité d’encadrer et de réguler le marché, si possible de concert.

À mon sens, l’urgence impose d’agir dans quatre directions.

Premièrement, il faut empêcher les faillites bancaires en chaîne et, pour cela, privilégier les recapitalisations publiques et les conversions de dettes en actions plutôt que la reprise aléatoire, d’ailleurs tout à fait insuffisante, d’actifs toxiques par l’État, sur le modèle du plan Paulson.

Le contribuable, à défaut de rentrer dans ses frais, doit trouver des contreparties solides à l’effort qu’on lui demande. Puisque les contribuables seront contraints de payer, il faut que les financiers soient expropriés en conséquence. Ne serait-ce pas justice que des banques qui remplissent en fait une véritable mission de service public, qui ont acquis le monopole de fait de la création monétaire, redeviennent, conformément au préambule de la Constitution de 1946, propriété de la collectivité et que les conséquences en soient tirées dans le choix des dirigeants et dans la définition de nouvelles conditions d’octroi des crédits ? La recréation d’un grand pôle financier public est d’ailleurs un élément de la solution comme outil d’un plan de relance ciblé.

Deuxièmement, il est urgent d’enrayer la contraction massive du crédit aujourd’hui observable.

Troisièmement, il faut concevoir rapidement un plan de relance économique ciblé et il n’est pas besoin pour cela d’obérer de façon excessive les finances publiques. Il suffit d’orienter l’épargne vers l’économie réelle. Les Français ont une épargne très abondante. Il faut la transformer au bénéfice de l’investissement productif et ne pas hésiter à utiliser, par exemple, les excédents de collecte du livret A – au moins 12 milliards d’euros – pour amplifier l’effort sur le logement social. Il faut aider par priorité les PME et les collectivités locales par des prêts bonifiés en utilisant les fonds d’épargne en gestion financière de la Caisse des dépôts et consignations.

Il faut aussi mettre en œuvre un programme d’aides aux industries en difficulté comme l’automobile pour favoriser la recherche sur les véhicules électriques et hybrides, la pile à combustible et l’économie de l’hydrogène, avec une obligation de localisation ou de relocalisation des sites de production. Il faut aider la mutation énergétique. Bref, il faut remettre la politique industrielle, si longtemps décriée, à l’ordre du jour.

Enfin, il faut lancer un grand plan d’infrastructures ferroviaires, avec de nouvelles lignes TGV et de fret ferroviaire, moderniser et fiabiliser le réseau.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Chevènement. Je termine, monsieur le président !

Ne serait-il pas réaliste d’envisager le lancement d’un grand emprunt d’État d’équipement d’une trentaine de milliards d’euros, ainsi qu’une relance du pouvoir d’achat à l’échelle européenne, ce qui ferait jouer la préférence communautaire, et à l’échelle internationale, ce qui aiderait les États-Unis à rétablir leurs comptes.

Enfin, le dernier axe est de dimension internationale. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, je dirai simplement qu’il faut rétablir les équilibres financiers mondiaux en stimulant la demande des pays excédentaires pour aider les États-Unis à retrouver un taux d’épargne positif.

Ce n’est que si toutes ces conditions sont réunies que l’on pourra fixer des fourchettes à la fluctuation des parités monétaires.

Il faut donc, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, frapper vite et fort. Vous réclamez l’union nationale, mais commençons par définir ensemble des solutions pour que la paille des mots ne couvre pas le grain des choses ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’irai à l’essentiel pour respecter mon temps de parole.

La situation internationale justifie que nous ayons ce débat afin que chacun puisse bien en mesurer les enjeux.

Je formulerai d’abord quelques observations.

Ces temps-ci, il est à la mode de vouloir donner à penser qu’il ne s’agirait que d’un problème de liquidités et de crédits interbancaires. Oui, ce problème se pose, mais il y a eu auparavant destruction de valeur. Des entreprises, des investisseurs et des particuliers vont donc nécessairement enregistrer des pertes. Celles-ci seront d’autant plus importantes qu’il y a eu auparavant création de valeur virtuelle, notamment dans les banques et leurs filiales, qui en ont bien profité… En témoigne l’affaire Kerviel, qui a coûté 5 milliards d’euros à la Société générale. Mais ce n’était pas grave, car elle faisait encore des bénéfices…

Nous devons garder cette situation antérieure présente à l’esprit, car elle a bien souvent été à l’origine du désintérêt porté à toutes les activités créatrices de richesses mais qui ne « rapportaient » pas suffisamment pour attirer les placements.

Les enseignements à tirer sont nombreux. La dérégulation, c’est une chose, mais c’en est une autre que de ne pas avoir été capable de tirer la sonnette d’alarme ! Il conviendra donc d’être particulièrement attentif aux systèmes d’alerte.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’affirme ma solidarité à l’égard des initiatives que vous avez déjà prises. Toutefois, je regrette que, dans le cas de Dexia, vous n’ayez pas procédé à une décote suffisante avant d’intervenir, en retenant la moyenne du mois précédent. Les intérêts de la nation auraient été mieux préservés avec une vraie décote.

J’approuve également la remise en ordre concernant les parachutes dorés et autres formules.

Dans ce contexte, le Premier ministre a appelé à l’unité nationale. Je partage cette volonté en reconnaissant cette nécessité, mais cela suppose qu’un certain nombre de conditions soient réunies : la lucidité, la cohérence, la confiance et la crédibilité.

La lucidité nous impose d’admettre que nous avons encore peu subi les conséquences de cette crise. Celle-ci ne saurait servir d’alibi à une situation qui est, de toute façon, extrêmement difficile sur le plan de l’équilibre budgétaire, du déficit du commerce extérieur, des comptes de la sécurité sociale et de l’endettement.

M. Philippe Adnot. Nous devons en être conscients, la crise qui, au-delà des problèmes monétaires, va provoquer une diminution de la demande internationale ne fera qu’amplifier cette situation difficile. Si nous voulons faire bloc, nous devons avoir une politique cohérente, en mettant fin à toutes les mesures qui, chaque jour, viennent alourdir le fardeau des entreprises ou grever le budget de nos concitoyens.

À cet égard, je citerai un exemple. Cette semaine, j’ai reçu le dirigeant d’une entreprise dont l’activité n’est peut-être pas très noble, me direz-vous,…

M. Philippe Marini, rapporteur général. Toutes les activités sont nobles !

M. Philippe Adnot.… puisqu’elle fabrique des essuie-mains, des serviettes en papier, etc.

M. Philippe Adnot. La mise en place de la nouvelle taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, va augmenter de 60 % le prix de vente de ces produits. De deux choses l’une : ou des milliers d’emplois seront mis en cause, ou ce sont les consommateurs qui trinqueront ! Et, dans ce domaine, les exemples sont légion !

Quant à la confiance, on le voit bien, elle est primordiale au niveau des marchés, mais elle l’est tout autant dans notre pays si l’on veut rassembler les énergies et ne pas désespérer les uns ou les autres. Il faut donc se concentrer sur l’essentiel et ne pas proposer, monsieur le ministre, des textes qui ne peuvent que contribuer à déchaîner les passions sans produire d’effets sur le seul sujet qui vaille : la création de richesse dans notre pays.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Adnot. La confiance suppose la crédibilité qui, elle-même, a besoin de continuité dans les prises de position.

À cet égard, je prendrai deux exemples.

Après la publication du rapport Attali, le Président de la République a pris l’engagement de ne pas remettre en cause les départements.

M. Philippe Adnot. Je souhaite qu’il tienne son engagement, mais tel n’est malheureusement pas mon sentiment à l’heure actuelle.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’est-ce que cela a à voir ?