Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. Madame la ministre vous souhaitez la « mobilisation des acteurs » du logement, termes d’ailleurs repris dans l’intitulé du chapitre Ier du projet de loi.

Or, dès l’article 3, vous concentrez votre action à amputer les partenaires sociaux de leurs moyens financiers en organisant le « pillage » du 1 % logement.

Certes, après de rudes négociations, l’État soutirera un peu moins d’argent que prévu. Cependant, il vous faut bien compenser votre désengagement. Par conséquent, 850 millions d’euros par an seront prélevés sur la période 2009-2011, au lieu de 1,05 milliard initialement prévu.

À terme, vous souhaitez budgétiser les fonds du 1 %, suivants ainsi à la lettre les propositions du rapport Attali. Pour ce faire, le présent projet de loi refonde totalement la gouvernance du 1 %.

Depuis quelques mois, les critiques fusent concernant la gestion paritaire du 1 %.

Permettez-moi de souligner qu’en ces temps de réformes cette polémique tombe à pic. Nous ne serions pas vraiment étonnés si cette campagne de presse avait été savamment orchestrée en haut lieu pour justifier pleinement l’opération à laquelle nous assistons.

La gestion de la participation des entreprises à l’effort de construction serait opaque, d’après le rapport pour avis de notre collègue Philippe Dallier. Cette opacité justifierait que le ministère du logement mette la main sur le magot !

Opacité pour opacité, mes chers collègues, parlons quelque peu de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et expliquez-nous pourquoi, madame la ministre, à situation sociale équivalente, un programme de restructuration urbaine mené à Meaux – ville de M.  Jean-François Copé, avocat à la cour – dispose de deux fois plus de financement qu’un autre programme de rénovation urbaine mené à Orly, ville que je connais bien ?

Vous placez donc sous tutelle gouvernementale l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction, l’ANPEEC, et l’Union d’économie sociale du logement, l’UESL, et vous cantonnez les partenaires sociaux au rang de simples observateurs.

Cet article n’est pas acceptable, car il renvoie bon nombre de décisions à des décrets en Conseil d’État.

Ainsi, « pour chaque catégorie d’emplois, la nature des emplois correspondants et leurs règles générales d’utilisation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis des représentants des organisations syndicales et patronales ».

Il n’est pas étonnant, madame la ministre, que, à l’annonce de la réforme du 1 %, les partenaires sociaux, du MEDEF à la CGT, aient conclu ensemble un protocole national interprofessionnel afin de vous proposer une solution de remplacement.

Le Gouvernement et le Président de la République se targuent de favoriser le dialogue social. Il semble que, en ce qui concerne le 1 %, vous ayez quelque peu dérogé à cette pratique.

La prise en main du 1 % est d’autant plus contestable qu’il s’agit d’une forme de confiscation – des mots beaucoup plus durs, tel hold-up, ont déjà été employés – de la richesse créée par les salariés, par leur travail.

Votre réforme dénature l’esprit du décret de 1953 qui, je le rappelle, officialisait une pratique en vigueur depuis près d’un siècle et participait, à l’époque, au redressement de l’économie du pays.

C’est effectivement en 1853 qu’une quinzaine d’entreprises s’étaient regroupées afin de créer la Société mulhousienne des cités ouvrières pour loger leurs travailleurs.

L’histoire du 1 % se fonde depuis toujours sur une gestion propre. Vous mettez à mal cette exception française en l’éloignant encore plus de son rôle premier : le logement des travailleurs.

Depuis quelques années déjà, le 1 % logement sert à financer les politiques publiques : l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, et l’ANRU ne pourraient fonctionner sans son apport financier. Il participe également pour beaucoup à la solidarité nationale. Vous souhaitez le ponctionner un peu plus encore, quitte à entraîner une baisse du volume des sommes collectées via les retours sur prêt.

Madame la ministre, l’argent que vous prenez au 1 % ne palliera pas les manques du budget national. J’en veux pour preuve un article publié dans Les Échos du 9 octobre dernier mettant en avant les graves difficultés financières de l’ANRU et l’impossibilité de mener à terme les projets de rénovation déjà enclenchés.

À ce jour, seul 1 milliard d’euros est sorti des caisses de l’État, soit 8,3% des engagements annoncés par Jean-Louis Borloo dans le cadre du plan de cohésion sociale.

Le 1 %, quant à lui, a déjà versé plusieurs milliards d’euros depuis la création de l’ANRU. Cet exemple est frappant. Il démontre à lui seul que la ponction du 1 % ne pallie pas la baisse des crédits gouvernementaux.

Vous ne réglerez pas la crise du logement en prenant à Paul pour donner à Jacques… ou à Nicolas ! (Sourires.)

Seul un engagement financier ambitieux de la part de l’État, concernant notamment l’aide à la pierre, permettra de répondre à l’enjeu majeur qu’est le logement en France.

Vous n’apportez pas de réponse efficace à la crise du logement : d’un côté, vous décentralisez la collecte du livret A et souhaitez privatiser La Poste et, d’un autre côté, vous étatisez le 1 % logement. Tout cela souffre d’un cruel manque de cohérence ! Tels sont les points qu’il convenait de souligner dans le cadre de la discussion de cet article.

Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC proposent, pour leur part, de relever le seuil du 1 % logement et d’appliquer la collecte aux entreprises de dix salariés et plus, comme c’était le cas avant 1992. Ils s’opposent à la mise sous tutelle des organismes gestionnaires et souhaitent renforcer la gestion paritaire du 1 % logement. C’est pourquoi ils voteront contre cet article dans sa forme actuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, sur l’article.

M. Thierry Repentin. Madame la présidente, pour examiner la portée de cet article 3, je voudrais tout d’abord revenir sur l’accord que Mme la ministre a conclu vendredi dernier avec les partenaires sociaux.

Cet accord, que vous avez obtenu quelque peu à l’arraché, madame la ministre, va vous permettre, dès que le conseil d’administration de l’Union d’économie sociale pour le logement, l’UESL, l’aura ratifié, de ponctionner encore une fois le 1% logement.

Après avoir revu vos ambitions à la baisse, vous avez obtenu un prélèvement de 850 millions d’euros par an pendant trois ans sur le budget du 1 % logement. Si vous avez accepté de diminuer cette somme de 200 millions d’euros par rapport à votre souhait initial, c’est que, selon vos propos, « la rénovation des quartiers anciens dégradés a besoin de temps pour finaliser ses projets ». Autrement dit, vous annoncez une opération plus large d’assèchement des crédits dès lors que le plan de rénovation sera bien lancé.

Outre le financement du logement des salariés des entreprises qui cotisent, le 1 % logement a été sollicité pour la production de logements locatifs sociaux, la rénovation urbaine, l’accession à la propriété, la garantie des risques locatifs, l’assistance financière aux associations et autres organismes agréés réalisant des opérations de logements d’insertion destinés aux ménages précarisés. Vous nous proposez maintenant, par cette sorte d’« extrême ponction », ni plus ni moins que la quasi-nationalisation de ses fonds propres, issus de 0,45 % du total de la masse salariale des entreprises de France !

Nous savons maintenant comment interpréter vos déclarations selon lesquelles le budget du ministère du logement et de la ville ne diminuera pas en 2009. En fait, l’État fait des économies en prélevant l’équivalent de son désengagement sur le budget de ses partenaires. C’est, en quelque sorte, être généreux avec l’argent des autres ! L’une des premières politiques publiques de la République, la garantie d’un toit pour tous nos concitoyens, va maintenant reposer sur des financements de plus en plus aléatoires.

Pour vous suivre, c’est une nouvelle grille de lecture de l’action publique qu’il faut désormais adopter. Vous faites des annonces assez médiatiques – par exemple, la relance de la politique du logement, le rachat de 30 000 logements ou encore l’aide aux PME –, mais on comprend ensuite que la mise en œuvre de ces annonces repose en réalité sur l’investissement d’autres acteurs – le 1 % logement, le prélèvement sur les organismes de logement social, la Caisse des dépôts et consignations ou encore le livret A –, et vous déclarez enfin, comme vous le faites pour le 1 % logement, que c’est du « gagnant-gagnant » !

Mais gagnant pour qui ? Gagnant pour ceux qui se voient attribuer de nouvelles missions d’intérêt général tout en subissant des restrictions budgétaires ? Ou gagnant pour votre équipe gouvernementale qui, derrière ce jeu d’apparences, espère masquer son abandon des politiques volontaristes et solidaires ?

Vous rendez-vous compte que le 1% logement, qui finance depuis 1953 la construction de logements sociaux et l’accession des salariés à la propriété, va bientôt financer, entre autres choses, la moitié de l’ANRU et qu’il finançait déjà l’ANAH à hauteur de 450 millions d’euros ? Le jour où il ne sera plus à même de contribuer au logement de ses salariés, il n’aura plus de raison d’exister et disparaîtra purement et simplement. On prépare, à l’échéance de deux ou trois ans, la suppression d’une taxe qui ponctionne les entreprises.

En dépit de la nouvelle contribution que vous exigez de notre partenaire, la liste des missions de ce dernier ne cesse de s’allonger : il va devoir favoriser la construction de 30 000 logements en trois ans, grâce à la formule du Pass-foncier, et devra également participer à l’application du droit au logement opposable, le DALO, en faveur des ménages dits « prioritaires », en réservant un quart de sa production de logements aux bénéficiaires de cette loi.

Conséquence de toutes ces délégations, le nouveau président de l’UESL, que notre groupe a auditionné, nous avait annoncé qu’il serait obligé de mettre fin à certaines prestations si le Gouvernement persistait dans sa volonté. C’est chose faite puisqu’il a confirmé, entre autres, que le Pass-travaux, qui représente actuellement 900 millions d’euros par an, sera amené à disparaître par nécessité. Il s’agissait de l’aide accordée aux salariés des entreprises qui souhaitaient réaliser des travaux dans leur appartement.

Mme Christine Boutin, ministre. C’est incroyable ! Nous nous trouvons à front renversé !

M. Thierry Repentin. Voilà pourquoi nous ne pouvons que nous prononcer contre une telle disposition : nous devons vous mettre en garde contre ce « détricotage » organisé du financement de la politique du logement. En effet, ce n’est pas, quoi que vous en disiez, en décidant autoritairement des choix d’orientation des fonds du 1 % logement que vous échapperez au seul choix qui s’impose : un engagement budgétaire de l’État digne des attentes de nos concitoyens !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Avant que ne s’engage le débat sur cet article 3, madame la ministre, je souhaiterais que vous nous précisiez les termes de l’accord en cours de négociation avec l’UESL, notamment sur un point qui ne sera probablement pas abordé au travers de la discussion des amendements puisqu’il n’y a pas matière, à savoir les contreparties que l’UESL vous demande en échange d’un apport financier supplémentaire en faveur de l’ANRU, de l’ANAH et du programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés, le PNRQAD.

Dans le communiqué de presse que vous avez diffusé la semaine dernière, vous faites effectivement état d’un certain nombre de droits d’attribution que l’UESL pourrait se voir déléguer sur le contingent préfectoral dans le cadre des dossiers relevant de l’ANRU, et vous dites également que la négociation est toujours en cours sur le PNRQAD. On peut effectivement imaginer que l’UESL, apportant plus de fonds, puisse demander un certain nombre de contreparties.

Cela étant dit, nous savons bien qu’avec la mise en œuvre du droit au logement opposable, le DALO, le contingent préfectoral est déjà fortement sollicité. Certes, on ne devrait pas, théoriquement, reloger des personnes éligibles au titre du droit au logement opposable en zone urbaine sensible ni dans les programmes de rénovation urbaine les plus lourds, mais on voit bien que cette contrepartie pourrait, dans une certaine mesure, gêner l’État dans le fonctionnement d’un certain nombre de dispositifs déjà existants.

Il me semblerait donc utile, madame la ministre, que vous nous apportiez des précisions, qui pourraient également s’étendre à l’organisation du conseil d’administration de l’ANRU, laquelle pourrait être amenée à évoluer en fonction des demandes de l’UESL.

Mme la présidente. Pour la clarté de nos débats, je rappelle qu’il a été décidé, à la demande de la commission des affaires économiques, de procéder à l’examen séparé de quatre amendements : les amendements nos 173 et 311 de suppression de l’article 3, l’amendement n° 174 tendant à la rédaction globale de l’article et l’amendement n° 181 de suppression des 6° et 16° du I de cet article.

Je suis tout d’abord saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 173 est présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché.

L’amendement n° 311 est présenté par MM. Repentin, Courteau, Lagauche et Raoul, Mme Herviaux, MM. Ries et Patient, Mme Khiari, M. Caffet, Mmes San Vicente-Baudrin et Voynet, M. Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat et Jeannerot, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour défendre l’amendement n° 173.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les membres du groupe communiste républicain et citoyen s’opposent à la mainmise de l’État sur les fonds du 1 % logement. Comme cela a déjà été dit, cette disposition laisse présager un désengagement croissant de l’État en matière de logement.

Madame la ministre, vous critiquez la gouvernance du 1 % logement. Dois-je vous rappeler que ce dernier, loin d’être géré selon un juste paritarisme, est en réalité sous le contrôle du MEDEF et des organisations patronales ? Est-ce à dire que vous remettez en cause la capacité du MEDEF à faire preuve d’équité et de transparence dans la gestion des affaires publiques ? Nous pourrions presque nous retrouver sur ce point – si vous me permettez ce clin d’œil !

Certes, il fallait réformer la gouvernance du 1 % logement. Il aurait cependant été plus pertinent de mettre fin à ce paritarisme faussé, en accordant à l’ensemble des organisations syndicales la place qu’elles méritent. Au lieu de cela, vous ponctionnez les sommes issues du 1 % logement en réorientant leurs emplois vers des affectations bien éloignées de sa mission initiale.

Vous déclarez vouloir optimiser la gouvernance du 1 % logement mais, en réalité, vous placez l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction, l’ANPEEC, et l’UESL sous la tutelle du Gouvernement ! Pis, vous excluez les syndicats et les associations du conseil d’administration de l’ANPEEC pour les remplacer par des personnalités directement nommées par le ministre ! Enfin, vous cantonnez l’ANPEEC à une mission de contrôle et d’évaluation et remplacez les politiques de conventionnement par des décrets en Conseil d’État !

Or, dès l’origine, la participation des entreprises à l’effort de construction s’est appuyée sur trois principes : interprofessionnalisme, décentralisation et gestion paritaire. Avec ce projet de loi, vous remettez en cause les deux derniers piliers du système. Pour quelle efficacité ? La gestion décentralisée permettait de répondre avec cohérence aux enjeux territorialisés du logement. Vous proposez au contraire de centraliser à nouveau le pouvoir décisionnel. Plus généralement, aucune disposition spécifique à l’Île-de-France et aux zones dites « tendues » n’est présente dans le projet de loi. En somme, je ne pense pas que le modèle que vous proposez constitue une réponse efficace aux enjeux du 1 % logement.

Nous faisons tous le même constat, le secteur du logement traverse une profonde crise. La demande en logements sociaux est criante. Cette situation réclame un engagement fort et constant de la part du Gouvernement. Nous le savons tous, l’ANAH et l’ANRU ont besoin de fonds, tout comme le programme national de réhabilitation des quartiers dégradés que vous souhaitez mettre en place. Nous pouvons difficilement nier cette évidence !

Mais vous ne pallierez pas le désengagement de l’État en détournant les crédits du 1 % logement ! Vous ne pouvez pas, par exemple, supprimer le neuvième réservé au logement des travailleurs immigrés et de leurs familles, pour financer la politique en faveur des mal-logés car, bien souvent, ce sont les deux faces d’une même médaille !

Depuis plusieurs semaines, alors même que le Gouvernement ne cessait de marteler que les caisses de l’État étaient vides, les milliards pleuvent pour venir au secours des établissements bancaires. Vous aussi, madame la ministre, avez su débloquer plusieurs milliards d’euros pour financer l’achat de 30 000 logements. Certes, 10 000 d’entre eux seront finalement pris en charge par le 1 % logement, mais le cours pris par les choix du Gouvernement depuis l’emballement de la crise financière a démontré qu’il était possible de débloquer d’importants crédits quand une volonté politique forte s’exprimait. La France pourrait donc faire le choix d’une politique du logement volontariste et continue dans le temps, notamment dans les zones dites « tendues ».

Les dispositions contenues dans l’article 3 ne sont pas de nature à répondre efficacement à la crise du logement que traverse aujourd’hui notre pays. Nous nous opposons donc à la mainmise de l’État sur les fonds du 1 % logement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour présenter l’amendement n° 311.

Mme Odette Herviaux. Nul ne conteste dans cet hémicycle la nécessité de donner une nouvelle jeunesse au 1 % logement, de clarifier les rôles de l’UESL et de l’ANPEEC, ainsi que de recentrer l’emploi des ressources collectées comme l’avaient préconisé le Conseil économique et social dès 1998 et, plus récemment, la Cour des comptes.

Mais cet article 3 ne se contente pas d’une réforme de structure ou de gouvernance, il supprime directement un mode de fonctionnement conventionnel équilibré pour la définition de l’emploi des sommes collectées. Le soutien à la construction passe désormais au second plan, au profit de la mise en œuvre des programmes nationaux.

Si nous votions votre projet en l’état, les politiques nationales d’emploi des fonds seraient de l’unique ressort du Gouvernement. Il s’agit, disons-le clairement, d’une mise à mort du principe de gestion paritaire. Pour ce faire, l’État renforce le rôle des commissaires du Gouvernement dans le conseil d’administration de l’UESL : leur nombre passe de deux à trois, et ils disposeraient d’un droit de veto étendu.

Le 1 % logement a toujours été géré sur un mode consensuel entre syndicats de salariés et organisations d’employeurs, parties prenantes du processus de décision. Le scandale de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie, l’UIMM, a certes éclaboussé le milieu du 1 % logement ; certaines dérives ont été dénoncées dans la presse, et la Cour des comptes devrait bientôt publier un rapport accablant sur les pratiques de quelques-uns. Est-ce une raison pour tuer le système ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Il faut être vertueux pour survivre !

Mme Odette Herviaux. Nous sommes rompus, madame la ministre, aux méthodes du Gouvernement. Nous savons qu’il procède désormais toujours de la même manière : il montre du doigt les mauvais élèves et les dérives pour mieux tuer le système entier. Que faites-vous de tous les autres acteurs : les comités interprofessionnels du logement, les CIL, qui font bien leur travail, les employés qui apprécient le dispositif ?

Même incomplètes, les réformes du 1 % logement entreprises depuis dix ans commençaient à porter leurs fruits : le nombre de services délivrés a été multiplié par cinq et l’action a été orientée en direction des plus fragiles, en investissant fortement dans la rénovation urbaine des quartiers en difficulté.

Tous ensemble, les acteurs du 1 % logement sont dépositaires d’une mission d’intérêt général et ont démontré ces dernières années leur capacité à répondre aux besoins des salariés et des mal-logés.

Si l’État souhaite mettre la main sur le 1 % logement, en récupérant ses ressources et en confisquant sa gestion, c’est peut-être pour mieux masquer sa propre incurie et son incapacité à élaborer des politiques publiques du logement efficaces.

Mais depuis le dépôt de votre projet de loi devant la Haute Assemblée, vous conviendrez avec nous, madame la ministre, que tout le monde s’est remis en ordre de marche. Un protocole interprofessionnel a même été présenté au début du mois,…

Mme Christine Boutin, ministre. Nous en tenons compte !

Mme Odette Herviaux. … et vous admettrez que les dernières rencontres, si elles n’ont pas toujours été des plus chaleureuses, ont néanmoins permis de progresser.

Mes chers collègues, nous vous demandons donc de prendre acte du coup de fouet porté par ce projet aux acteurs sociaux, qui se sont tous remis à travailler. Peut-être fallait-il menacer le 1% pour que les errements de certains cessent enfin.

Mais mieux vaudrait ne pas aller plus loin, rejeter cette réforme quelque peu précipitée et inspirée sans doute plus – cela a déjà été dit – par le ministre du budget que par le ministre du logement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Heureusement que personne ne conteste l’impérieuse nécessité de revoir la gouvernance du 1 % logement : les intéressés, ainsi que la plupart des acteurs du secteur du logement, l’estiment en effet indispensable.

M. Daniel Raoul. C’est vrai !

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous avons tous pu constater toutes les dérives du système conventionnel qui permettait à l’État et aux partenaires sociaux de se mettre d’accord sur les grandes politiques d’emploi des fonds sans que le Parlement ait son mot à dire.

Madame Herviaux, le 1 % logement, ce n’est pas que le MEDEF et la représentation patronale ; c’est le MEDEF et la représentation patronale, d’un côté, et la représentation syndicale, de l’autre. Les deux parties sont extrêmement liées, et l’on ne pourrait pas glisser une feuille de papier à cigarette entre elles sur la majorité des problèmes qui les séparent. C’est quand même quelque chose qui, compte tenu de la différence des acteurs, en a étonné plus d’un !

J’ai moi-même essayé, madame la ministre, de rencontrer séparément les deux parties. Je suis parvenu à rencontrer l’acteur de la représentation syndicale indépendamment, mais quand j’ai voulu faire de même avec la représentation patronale, il n’en a jamais été question ; ils sont venus tous ensemble ! (Sourires.) Ils refusaient de venir si je ne les recevais pas tous en même temps. C’était « un pour tous et tous pour un » ! (Nouveaux sourires.)

Mme Christine Boutin, ministre. C’est vrai, c’est assez exceptionnel !

M. Dominique Braye, rapporteur. Combien de fois, madame la ministre, nous est-il arrivé de devoir adopter un amendement visant à modifier la législation en vigueur afin de rendre le droit conforme à certaines situations résultant de ces conventions ? D'ailleurs, à ce moment-là, personne, du côté gauche de cet hémicycle, n’a protesté parce que le Parlement était mis devant le fait accompli. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Manifestement, les acteurs en question avaient des moyens de convaincre les parlementaires que nous-mêmes n’avons pas. (M. Daniel Raoul proteste.)

Pour autant, je ne souhaite pas, madame la ministre, jeter le bébé avec l’eau du bain. Sans le 1 % logement, de nombreuses politiques décidées par l’État n’auraient pu être mises en œuvre, à commencer d’ailleurs par le programme national de rénovation urbaine et le plan de cohésion sociale.

Ce système conventionnel compte à son actif – l’objectivité nous oblige à le noter – de grandes réussites, comme la création de la Foncière Logement.

Certes, madame la ministre, nous pouvons quand même déplorer les conditions dans lesquelles la négociation entre l’État et les partenaires sociaux a eu lieu, puisque le Parlement en a été complètement écarté ; mais peut-être aussi était-ce indispensable, compte tenu du contexte. Pour être totalement honnête, je dois reconnaître que nous avons été constamment tenus informés par vos services ou par vous-même de l’avancée des négociations.

En tout cas, il me semble que l’article 3 contient des avancées tout à fait notables, et c'est la raison pour laquelle la commission y est favorable. Elle ne peut donc qu’être opposée aux amendements nos 173 et 311 qui visent à le supprimer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre. Ma réponse sera un peu longue, car il me semble nécessaire de vous communiquer aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, la teneur de l’accord qui doit être officialisé devant le conseil d'administration de l’UESL le 23 octobre.

Les discussions que j’ai menées de juin à octobre avec les acteurs du 1 % logement et qui se sont conclues jeudi dernier ont porté sur deux sujets : la réforme de la gouvernance et la réorientation des fonds du 1 % vers les priorités de la politique du logement.

Je puis vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces discussions ont toujours été menées avec franchise et avec un véritable sens du dialogue de part et d’autre. Je peux confirmer ce qu’a vécu M. le rapporteur : c’était « un pour tous et tous pour un » en ce qui concernait les négociations avec les acteurs du 1 % logement.

Il y a convergence de vues avec les partenaires sociaux sur ces deux sujets.

Le projet de loi reprend les orientations essentielles des discussions en ce qui concerne la gouvernance du 1 % logement, pour clarifier les rôles respectifs de l’État et des partenaires sociaux. Les grandes catégories d’emploi des ressources du 1 % logement seront désormais définies par la loi et le décret, de manière à conforter leur utilisation au service des priorités de la politique du logement.

Les partenaires sociaux, dans le cadre de l’Union d’économie sociale pour le logement, seront pleinement responsables de la mise en œuvre des orientations définies dans la loi.

L’État, par l’intermédiaire de ses commissaires du Gouvernement auprès de l’UESL, aura un droit de veto portant sur les aspects essentiels : le respect de la réglementation et l’équilibre financier du 1 % logement.

Ce dispositif donne une meilleure place à la fois au Parlement et au Gouvernement, dans un souci de clarification des responsabilités et de transparence que vous appelez de vos vœux.

Il n’est plus question pour le Parlement d’entériner par la loi des dispositions qui ont déjà fait l’objet de conventions engageant l’État et les partenaires sociaux. C’est le législateur qui définira désormais a priori les grands emplois du 1 % logement, comme cela vous est proposé à l’article 3. Cela n’empêchera évidemment pas la concertation préalable avec les partenaires sociaux.

Le Gouvernement pourra s’assurer, au sein du conseil d’administration, du respect des dispositions législatives et réglementaires ainsi que des équilibres financiers du 1 % logement.

L’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction, l’ANPEEC, au conseil d’administration duquel ne seront plus représentés les acteurs du 1 % logement, sera recentrée sur ses fonctions de contrôle des collecteurs et des autres organismes associés.

Je suis bien évidemment disposée à accepter les amendements qui permettront de préciser les dispositions du projet de loi sur cette question de la gouvernance, sur laquelle nous avons travaillé avec les rapporteurs.

En ce qui concerne les emplois, il y a également convergence de vues avec les partenaires sociaux sur les grands objectifs concernant l’emploi des ressources du 1 % logement durant les trois prochaines années.

Il s’agit de mobiliser les ressources pour accroître nos efforts conjoints en faveur du logement de nos concitoyens, notamment des salariés des entreprises.

Nous sommes d’accord pour produire plus de logements économiquement abordables sur la base des propositions des partenaires sociaux. Dans ce cadre, l’État apportera un contingent spécifique de 10 000 PLS par an pendant trois ans, ce qui représente un accompagnement de plus d’un milliard d’euros au total. Dans la conjoncture immobilière que nous traversons, c’est bien sûr essentiel.

Par ailleurs, les partenaires sociaux ont accepté, à ma demande, de porter le montant des subventions au programme annuel de production de logements locatifs sociaux de 225 millions d’euros à 300 millions d’euros, soit un accroissement de 33 %.

J’ai également convaincu les partenaires sociaux de renforcer les actions destinées à faciliter l’accès au logement des personnes les plus fragiles. Je souhaite notamment que la garantie des risques locatifs soit opérationnelle d’ici à la fin de l’année.

Une disposition importante demandée par les associations et préconisée par le rapport Pinte a été acceptée, sur ma proposition, par les partenaires sociaux : 25 % des réservations du 1 % logement seront mobilisés pour le logement des salariés de droit privé déclarés prioritaires par les commissions de médiation au titre du droit opposable au logement.

M. Dallier s’est inquiété de cette disposition. Vous savez, monsieur le rapporteur pour avis, ainsi que cela a été souligné ce matin par Mme Voynet, que les publics prioritaires du DALO ne sont pas obligatoirement des personnes en très grande difficulté.

Le quota de réservation accordé au 1 % logement concernera en particulier les travailleurs pauvres. Ainsi, 30 % des travailleurs pauvres qui sont actuellement accueillis en centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, devraient pouvoir vivre dans un logement ordinaire. Dans la mesure où la contribution du 1 % logement participe au financement de ces logements, il est normal que les salariés puissent y accéder quand ils relèvent du DALO.

Grâce à la contribution du 1 % logement, nous allons pouvoir aussi intensifier la lutte contre l’habitat indigne et la rénovation urbaine, avec l’ANRU et l’ANAH. À cette fin, 1,3 milliard d’euros sera engagé chaque année sur les trois prochaines années.

C’est ainsi que le programme national de rénovation urbaine est assuré de son financement sur trois ans. C’est naturellement un point positif pour l’ANRU.

Pour répondre aux inquiétudes manifestées par M. Dallier, je souligne que le Gouvernement s’engage à ce que les moyens financiers soient apportés à l’ANRU pour mener à terme le programme national de rénovation urbaine.

Enfin, le développement de l’accession populaire à la propriété sera amplifié, conformément à la volonté du Président de la République, en réponse à la crise actuelle, de porter à 30 000 le nombre de Pass-foncier financés par le 1 % logement.

Ces objectifs sont compatibles avec l’équilibre financier du 1 % logement et ne remettent aucunement en cause sa pérennité.

Au contraire, la réorientation sur les priorités que j’ai indiquées est possible, car nous sommes convenus avec les partenaires sociaux que certains emplois n’étaient plus aussi prioritaires.

Je citerai un exemple, celui du Pass-travaux. Je suis d'ailleurs surprise, monsieur Repentin, que vous vous soyez appuyé sur cet exemple, car il va à l’encontre de votre préoccupation sociale telle que vous l’avez affirmée. Le Pass-travaux, c'est-à-dire les prêts consentis aux salariés pour effectuer des travaux de petit montant, n’a plus de raison d’être à partir du moment où l’État met en place des aides fiscales plus avantageuses pour aider à la rénovation des logements. Une marge de manœuvre de près d’un milliard d’euros est ainsi dégagée au bénéfice des priorités définies à travers le 1 % logement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le voyez, il y a donc une vraie convergence de vues avec les partenaires sociaux sur les actions et les moyens à mettre en œuvre pour répondre aux enjeux auxquels nous sommes actuellement confrontés.

Les négociations que nous avons menées avec les partenaires sociaux depuis le mois de juin ont été franches et responsables. Nous avions à cœur, les uns et les autres – partenaires sociaux, représentants du MEDEF mais également de l’État –, compte tenu de nos responsabilités, de répondre à l’obligation majeure de loger nos concitoyens. C’est d'ailleurs la vocation du 1 %, et c’est la raison pour laquelle il a été créé en 1953. Aujourd'hui, le 1 % est dans la continuité de sa mission.

Ce qui est proposé aujourd'hui, monsieur Repentin, est un accord gagnant-gagnant. Nous sommes parvenus, en ce début du XXIe siècle, à rénover le 1 % logement. Il est nécessaire d’en revoir la gouvernance – tout le monde ici, me semble-t-il, en est d’accord –, notamment en ce qui concerne les emplois, de façon très pragmatique et concrète, en pensant en particulier aux plus fragiles d’entre nous. Nous avons, sur la base d’un accord clair et serein, ciblé les aides que le 1°% va permettre de développer sur ceux qui en ont le plus besoin.

C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur les deux amendements identiques de suppression.

Mais peut-être, madame Gonthier-Maurin, madame Herviaux, pourrez-vous, après avoir entendu mon exposé, retirer ces amendements ? En effet, je vous accorde que vous ne connaissiez pas le détail de notre accord avec le 1 %, qui est un accord responsable, pragmatique, concret et dirigé vers les plus fragiles d’entre nous. Maintenant que vous êtes bien informées, je vous invite à retirer vos amendements.