Mme Catherine Procaccia. Lors de la discussion générale, j’ai évoqué, à l’instar de Mme le rapporteur, le cas des entreprises vertueuses qui ont une politique salariale dynamique et ne doivent donc pas, à notre sens, être pénalisées.

Hier, la commission des affaires sociales a décidé de déposer un amendement identique au mien. Je laisse, par conséquent, le soin à Mme le rapporteur de présenter le dispositif.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 101.

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Cet amendement vise à différer l'entrée en vigueur de l'article 5 et à donner toutes ses chances à la négociation avant d'appliquer, éventuellement, des pénalités aux entreprises.

Monsieur le président, lorsque vous étiez ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, vous aviez mis en place une méthode qui a porté ses fruits puisque, aujourd’hui, seules six branches versent des salaires inférieurs aux minima, alors que, auparavant, elles étaient au nombre de dix-huit. Pour autant, aucune obligation n’avait été imposée, aucune sanction n’avait été prévue : ont prévalu la volonté politique, le dialogue, la négociation.

Dans le même esprit, l’amendement n° 101 tend à ce que ne soient pas appliquées de pénalités à l’encontre des entreprises pratiquant une politique salariale vertueuse et donc à différer la mise en œuvre des dispositions de l’article 5 si, dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur de la loi, le nombre de branches de plus de 5 000 salariés dont les minima salariaux sont inférieurs au SMIC est divisé par deux.

La commission des affaires sociales a estimé cette solution plus simple et plus lisible que celle qu'elle avait d'abord imaginée et qui prévoyait la conclusion d'accords d'entreprise. C’est pourquoi elle a déposé un amendement identique à celui de Mme Procaccia.

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Printz, Alquier, Bricq, Chevé et Demontès, MM. Desessard, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du dernier alinéa de cet article, remplacer la date :

1er janvier 2011

par la date :

1er janvier 2010

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à réduire le délai dont disposeront les branches pour revaloriser les salaires minimaux.

Le délai proposé est d’un an, ce qui semble tout à fait raisonnable pour permettre aux partenaires sociaux de régler ce problème précis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Debré, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 58, je rappelle que la commission a présenté un amendement n° 101 visant à différer l’entrée en vigueur du dispositif présenté à l’article 5 sans toutefois le supprimer purement et simplement.

En effet, nous souhaitons que ce mécanisme soit conservé pour servir de moyen de pression sur les branches dont les minima salariaux sont encore inférieurs au SMIC.

Cela étant, madame Jarraud-Vergnolle, j’éprouve quelques difficultés à saisir la cohérence de vos propositions : d'une part, vous souhaitez, au travers de l’amendement n° 58, la suppression de l’article 5, et, d'autre part, vous défendez un amendement n° 60 qui, au contraire, vise à durcir ce dispositif ! Je ne parviens pas à comprendre la logique de votre position, mais peut-être suis-je fatiguée par notre dernière séance de nuit…

Quoi qu'il en soit, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 88 tend à substituer à la logique incitative du texte une obligation d’aboutir. Or, je le répète, telle n’est pas notre philosophie. Nous ne voulons pas contraindre mais inciter, en affichant une véritable volonté politique.

Dans la mesure du possible, nous entendons responsabiliser – j’y insiste ! – les partenaires sociaux, et nous estimons qu’il n’appartient pas au législateur de décider d’emblée quel doit être le résultat d’une négociation. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Me permettez-vous de vous interrompre quelques instants, madame le rapporteur ?

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je vous en prie, monsieur le président.

M. le président. J’indique au Sénat que les deux scrutins pour l’élection des membres titulaires et suppléants représentant la France à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et à l’assemblée de l’Union de l’Europe occidentale sont clos. J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder à leur dépouillement en salle des conférences.

Veuillez poursuivre, madame le rapporteur.

Mme Isabelle Debré, rapporteur. L’amendement n° 89 est sous-tendu par la même logique que l’amendement n° 88. Il vise, lui aussi, à remplacer la démarche incitative retenue dans le projet de loi par une nouvelle contrainte légale. La commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 90 a pour objet d’instaurer une grille de salaires fixée par la loi alors que les grilles de rémunérations sont négociées à l’échelon des branches. Là encore, il s’agit d’instaurer une obligation alors que nous voulons susciter des négociations.

La commission ne veut pas que l’État impose une police des salaires qui risquerait, dans certains cas, d’aboutir à des rémunérations dépourvues de rapport avec les réalités du marché du travail. Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 91 vise quant à lui à supprimer une série de mesures introduites en 2006 afin de favoriser l’épargne salariale et l’actionnariat salarié.

Vous comprendrez, mes chers collègues, que la commission ne souhaite pas revenir sur ces dispositions. Au contraire, elle est plus que jamais attachée au développement de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, qui constitue l’objectif même du présent projet de loi. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 59. Le projet de loi prévoit que des pénalités s’appliqueront dans les branches n’ayant pas porté leurs minima à un niveau supérieur au SMIC depuis moins de deux ans. L’amendement n° 59 tend à supprimer ces dispositions : il suffirait alors que les minima de branche soient inférieurs au SMIC au cours d’une année donnée pour que des pénalités s’appliquent.

Or l’article 5 vise à sanctionner uniquement les branches confrontées à des difficultés structurelles en matière de négociations salariales. Il serait donc déraisonnable de durcir à ce point ce dispositif, d’autant que, comme je le soulignais au début de mon intervention, les auteurs de l’amendement souhaitent par ailleurs le supprimer ! La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 66 rectifié a pour objet de prendre en compte le cas de figure où la partie patronale émettrait, lors de la négociation, une proposition tendant à porter les minima de branche à un niveau supérieur au SMIC et où celle-ci serait refusée par les syndicats.

L’adoption de cet amendement rendrait très largement inopportun le dispositif présenté à l’article 5. En conséquence, monsieur Dominati, je vous demande de bien vouloir vous rallier à l’amendement n° 101 de la commission visant à suspendre l’application de l’article 5 dans l’attente des résultats de la négociation de branche, et donc à retirer votre propre amendement.

L’amendement n° 97 tend à proposer une solution analogue à celle que prévoit l’amendement n° 66 rectifié. La commission sollicite également le retrait de cet amendement, au profit de son amendement n° 101.

J’en viens à l’amendement n° 31 rectifié.

Mme Catherine Procaccia. Qui mérite quelques explications !

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous écouterons celles de M. le secrétaire d'État, madame Procaccia !

En tout état de cause, cet amendement vise à prendre en compte, pour déterminer si les pénalités prévues à l’article 5 doivent s’appliquer, non seulement un accord de branche, mais aussi une recommandation patronale comportant des minima supérieurs au SMIC. Dans l’esprit, il n’est pas très éloigné des amendements nos 66 rectifié et 97, et il fait donc lui aussi l’objet d’une demande de retrait de la part de la commission.

L’amendement n° 98 a le même objet que l’amendement n° 97 et appelle le même avis défavorable.

L’amendement n° 60 tend également à durcir le dispositif prévu, dont la commission souhaite au contraire différer l’entrée en vigueur. Je le répète, ces dispositions sont incohérentes avec celles de l’amendement n° 58 visant la suppression de l’article. La commission émet bien entendu un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Tout d'abord, je tiens à souligner qu’il s'agit d’un sujet important : voilà des années que nous nous battons pour que certaines branches ne conservent pas durablement des minima salariaux inférieurs au SMIC.

En 1988, une action engagée par Michel Rocard en ce sens n’avait que partiellement abouti. Vous-même, monsieur le président, alors que vous étiez ministre chargé du travail, aviez pris une initiative qui fut couronnée d’un véritable succès puisque, aujourd'hui, seules sept branches présentent des minima inférieurs au SMIC.

À présent, notre objectif est d’inciter toutes les branches à consentir les efforts nécessaires pour porter leurs minima au niveau du SMIC.

J’en viens maintenant à l’avis du Gouvernement sur les différents amendements.

S'agissant de l’amendement n° 58, qui vise à supprimer l’article 5, vous comprendrez, madame Jarraud-Vergnolle, que je sois défavorable à une telle proposition, au-delà même de l’incohérence relevée par Mme le rapporteur.

En ce qui concerne l’amendement n° 88, le dispositif que nous proposons présente l’avantage d’inciter à revaloriser toute la grille des salaires dans le cadre de la négociation organisée, en augmentant les salariés dont les rémunérations sont comprises aujourd'hui entre les minima et le SMIC. Or, si cet amendement était adopté, nous ne bénéficierions pas de cet effet d’entraînement vers le haut de toute l’échelle des salaires.

C’est pour cette raison que je suis défavorable à cet amendement, quelles que soient les divergences que nous puissions avoir par ailleurs, madame David.

Les amendements nos 89 et 60 visent tous deux les délais impartis pour les négociations. Or celles-ci portent sur des questions lourdes de conséquences, comme la réévaluation de la hiérarchie des qualifications, et supposent la mise en place d’un véritable dialogue avec les syndicats. Il me semble donc que les dates du 30 juin 2009 et du 1er janvier 2010 ne sont pas réalistes compte tenu des délais de transposition de ce type d'accord, même si je conviens avec les auteurs des amendements qu’il est nécessaire d’avancer rapidement.

L’amendement n° 90 est cohérent avec vos options politiques, madame David, puisqu’il tend à établir une quasi-police des salaires, mais pas avec les nôtres ! Nous divergeons véritablement sur ce point, et j’émets donc un avis défavorable.

Au travers de l’amendement n° 91, qui tend à supprimer certains articles de la loi de décembre 2006, vous rappelez votre opposition d’ensemble à ce texte, madame David. Je vous renvoie à nos précédents débats, notamment sur l’épargne salariale, et j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

S'agissant de l’amendement n° 59, son adoption entraînerait un effet pervers qui, me semble-t-il, n’a pas été aperçu par ses auteurs : si l’on portait automatiquement les minima de branche au niveau du SMIC sans les plafonner à cette hauteur, on risquerait d’alourdir considérablement la facture acquittée par l’État au titre des allégements de charges sociales.

En effet, les branches dont les minima dépassent ce seuil pourront prétendre à de nouvelles exemptions de charges, ce qui, me semble-t-il, n’est pas cohérent avec les thèses défendues par les auteurs de cet amendement.

Je suis un grand défenseur des allégements de charges, mais tout de même, point trop n’en faut ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Surtout à ce niveau !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. L’amendement rédactionnel n° 18 de la commission est très utile. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

En ce qui concerne les amendements nos 66 rectifié et 97, ils relèvent de la même philosophie.

En fait, nous ne devons pas nous cacher que le dispositif prévu à l’article 5 pose deux problèmes, qui ont d'ailleurs été soulignés par Mme Procaccia dans son intervention.

Tout d'abord, comment articulerons-nous branches et entreprises ? Une entreprise sera-t-elle pénalisée si la négociation n’a pas abouti dans la branche dont elle relève ?

Ensuite, qu’en sera-t-il du monde agricole, où les branches d’activité comptent souvent moins de 5 000 salariés, du fait de leur segmentation territoriale ?

Je tenterai de répondre à ces deux interrogations, en commençant par la seconde, qui a été soulevée par Mme Procaccia. Étant moi-même l’élu d’un territoire rural, j’accorde beaucoup d’attention à ces questions et à la spécificité du monde agricole en matière de droit du travail.

Nous avons consulté les représentants du monde agricole et les principaux syndicats, notamment la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. Ils nous ont indiqué que ce dispositif ne leur posait aucun problème en ce qui concerne les négociations. Certes, quelques petites difficultés subsistent ici ou là, mais, pour toutes les zones où l’embauche est problématique, les représentants du monde agricole nous ont assuré que les branches de moins 5 000 salariés ne seraient nullement gênées par ce dispositif.

Je puis donc rassurer Mme Procaccia et les autres sénateurs qui souhaitent ne pas voir altérer les spécificités du monde agricole en la matière.

En ce qui concerne maintenant l’articulation entre branches et entreprises, l’apport du Sénat sur ce point aura été important.

En effet, les amendements identiques nos 99 et 101 seront utiles. Ils tendent à prévoir une clause de rendez-vous en 2010, qui nous permettra d’évaluer la situation des branches n’ayant pas porté leurs minima au niveau du SMIC. Nous examinerons en particulier la situation des branches de plus de 5 000 salariés, celles que nous connaissons le mieux.

À cette date, si la moitié des branches ou davantage ont déjà porté leurs minima au niveau du SMIC, nous laisserons aux autres le temps nécessaire pour conclure les négociations. Si, comme je l’espère, toutes les branches ont atteint cet objectif, nous pourrons sereinement mettre en application le nouveau dispositif.

Ainsi, nous disposerons d’une clause de rendez-vous qui concernera le secteur sur lequel nous souhaitons faire porter par priorité notre effort, à savoir les branches de plus de 5 000 salariés, et nous pourrons articuler très correctement branches et entreprises.

J’émets donc un avis favorable sur ces amendements identiques et je félicite les membres de la commission des affaires sociales de leur travail sur ce sujet, qui permet d’enrichir le texte du Gouvernement.

M. le président. Monsieur Dominati, les amendements nos 66 rectifié, 97 et 98 sont-ils maintenus ?

M. Philippe Dominati. Monsieur le secrétaire d'État, vous ne nous avez apporté en réalité qu’une demi-satisfaction : les entreprises vertueuses risquent malgré tout d’être pénalisées si un accord n’est pas conclu dans la moitié des branches.

Cela dit, je retire mes amendements, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 66 rectifié, 97 et 98 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote sur l'amendement n° 31 rectifié.

M. Gérard César. Je ne suis pas entièrement d’accord avec M. le secrétaire d’État, car je n’ai pas reçu les mêmes informations de la FNSEA. Néanmoins, je retire cet amendement.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 31 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 99 et 101.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 5
Dossier législatif : projet de loi en faveur des revenus du travail
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Comme nous l’avons constaté tout au long du débat, les rédacteurs de ce projet de loi n’ont qu’un seul objectif : affaiblir la part des salaires dans les revenus du travail. Ils veulent ainsi donner corps à la doctrine selon laquelle le coût du travail est essentiellement constitué par les salaires.

Cependant, de ce fait, ce projet de loi est facteur d’inégalités et de discriminations, car il repose sur des rémunérations très aléatoires, et ce n’est pas une tentative de prétendue généralisation des stock-options qui modifie la donne.

De plus, en s’appuyant sur une logique d’exonération de cotisations ou de développement des fractions de rémunération non soumises à cotisations sociales, le Gouvernement fragilise la protection sociale et la retraite des salariés.

Vous prétendez, monsieur le secrétaire d’État, vous préoccuper du pouvoir d’achat et de l’emploi, mais c’est le troisième texte en seize mois tendant au même objectif que dépose le Gouvernement, sans malheureusement jamais l’atteindre.

Ce ne sont pas les nombreuses suppressions d’emplois intervenues ces derniers temps qui vont venir contredire mes propos. Mon groupe y voit un constat d’échec frappant de la politique sociale menée par le Gouvernement.

Nous déplorons en outre l’absence de politique salariale : non seulement aucun coup de pouce ne sera donné au SMIC – il s’agit là d’une décision politique –, mais, de plus, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, a laissé entendre, cette nuit, que l’existence même du SMIC était remise en cause. De manière générale, les salaires ne seront pas augmentés. Le Gouvernement est impuissant lorsqu’il s’agit de soutenir les salariés, pourtant il l’est bien moins quand il s’agit de sauver les banques ou l’économie. Je ne reviendrai pas sur les chiffres : 360 milliards d’euros consacrés au plan de sauvetage des banques, voilà qui est suffisamment éloquent !

M. Guy Fischer. Elle a raison !

Mme Annie David. Pas plus que les salaires, les emplois ne seront renforcés. L’application des récents textes, qu’ils soient relatifs au nouveau « pôle emploi », aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi ou au RSA, ne se traduira que par une précarité accrue, et donc par une baisse du pouvoir d’achat, tout en introduisant une confusion entre salaire et revenu.

Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, la première partie du présent projet de loi ne nous convient vraiment pas.

Quant aux deux derniers articles, que nous avons examinés cet après-midi et qui visent, paraît-il, à relancer la négociation, qu’il s’agisse des grilles salariales, évoquées à l’article 5, ou des négociations annuelles obligatoires, ils sont bien loin d’être à la hauteur de l’enjeu : en effet, pour nous, une politique salariale digne de ce nom contribue non seulement à l’augmentation du pouvoir d’achat, mais aussi à la relance de l’économie.

De surcroît, ces articles légitiment en fin de compte les grilles comportant des minima inférieurs au SMIC et confortent dans leur attitude les entreprises où les négociations n’aboutissent jamais. L’adoption, après avis favorable du Gouvernement, du dernier amendement de la commission, qui ouvrira de nouveaux délais aux branches pour conclure les négociations, me fait dire, monsieur le secrétaire d’État, que si vous parlez souvent d’actes, vous reculez toujours lorsque vient le moment d’agir.

La seconde partie de ce projet de loi ne nous satisfaisant donc pas non plus, nous nous opposons farouchement à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Isabelle Debré, rapporteur. « Farouchement », c’est un peu fort !

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Ce texte pourrait, à première vue, sembler assez décalé dans la conjoncture actuelle. Certains n’ont pas manqué d’observer que, eu égard à la crise financière, il est prévisible que les bénéfices à partager entre les différents acteurs des entreprises seront en diminution.

Néanmoins, au-delà de l’intérêt que présentera ce texte à moyen terme, lorsque la situation se sera améliorée, il se révélera également utile en situation de crise.

En effet, le mécanisme du crédit d’impôt au titre de l’intéressement ne pourra qu’encourager les entreprises à recourir à ce dernier dispositif, qui est facultatif, comme chacun le sait.

Par ailleurs, en matière de participation, la possibilité offerte aux salariés de ne pas bloquer les sommes afférentes paraît tout à fait intéressante, car elle permettra de soutenir le pouvoir d’achat.

Enfin, soumettre le bénéfice de certaines exonérations de charges sociales patronales à l’engagement d’une négociation au sein de l’entreprise nous semble être une mesure intéressante.

Ce projet de loi tend donc, d’une part, à encourager le dialogue dans l’entreprise, et, d’autre part, à introduire de la souplesse, la possibilité étant offerte au salarié de disposer plus facilement des revenus de son travail. Le groupe de l’Union centriste estime qu’il s’agit d’un bon texte, et il votera en faveur de son adoption.

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il s’agit là, en un an, du quatrième texte par lequel le Gouvernement affiche sa volonté de revaloriser le pouvoir d’achat.

Les trois premiers textes n’ont en rien amélioré la situation des Français, si ce n’est celle des 13 000 ménages bénéficiaires du bouclier fiscal, instauré aux termes de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, de juillet dernier.

Les dispositions de cette loi n’ont, malgré leur coût abyssal pour les finances publiques, pas eu les effets escomptés sur l’évolution du pouvoir d’achat : les salariés ont, d’après le rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale présenté par M. Louis Giscard d’Estaing, perdu 0,4 point de pouvoir d’achat.

Elles n’ont pas eu non plus les effets escomptés d’un point de vue macroéconomique. Compte tenu du contexte actuel d’implosion financière et d’insécurité, une politique à même d’améliorer la situation de tout un chacun aurait pu être envisagée. Une telle politique aurait eu un sens !

Au lieu de cela, le Gouvernement nous propose, en déclarant là aussi l’urgence, un texte qui, sans améliorer le pouvoir d’achat de la grande majorité des Français, va grever encore davantage les finances publiques et introduire la confusion, s’agissant des revenus du travail, entre SMIC et RSA. De surcroît, est annoncé un démantèlement du SMIC, considéré comme « relativement élevé » par le rapport du Conseil d’analyse économique.

Le Gouvernement affiche sa volonté de moraliser le capitalisme, mais brouille les cartes avec des « mesurettes » qui ne sont que des effets d’annonce. Quel dommage d’avoir mobilisé tant d’énergie pour n’accoucher que d’une souris !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Je voudrais remercier tous ceux qui ont pris part à nos travaux : vous-même, monsieur le secrétaire d’État, M. le ministre Xavier Bertrand, M. le président de la commission des affaires sociales et les deux rapporteurs. Un véritable débat a pu avoir lieu entre les différents intervenants, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.

M. Zocchetto ayant parfaitement souligné tout l’intérêt de ce texte, je ne répèterai pas ses propos.

Pour sa part, le groupe de l’UMP se félicite tout particulièrement des dispositions tendant à favoriser l’incitation : les PME rencontrent suffisamment de difficultés, liées notamment à la conjoncture, il n’eût pas été de bonne méthode de leur imposer des contraintes supplémentaires. La voie qui a été suivie me paraît être la meilleure et la plus efficace.

Moi qui suis toujours salariée, même si mon contrat de travail est actuellement suspendu, je puis affirmer que les salariés apprécient la liberté qui leur sera donnée s’agissant du déblocage total ou partiel de la participation, liberté qu’ils apprécient déjà en matière d’intéressement. Nous répondons ainsi à l’une de leurs attentes.

Je me permets d’insister à nouveau sur la nécessaire information des entreprises et des salariés. Il s’agit là de mécanismes très compliqués. Nos débats ont été, quelquefois, des débats d’initiés, mais lorsqu’il s’agira d’appliquer ces dispositions dans les petites entreprises, le « service après-vote » sera une étape absolument indispensable.

Enfin, en tant qu’ancien rapporteur du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, j’estime que le présent texte permet de réaffirmer l’importance du dialogue social, au travers de toutes les notions de conditionnalité qu’il comporte.

Je ne saurais terminer cette intervention sans me féliciter que certains de mes amendements aient été adoptés ! Le groupe de l’UMP votera sans aucune réticence en faveur de l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je tiens à remercier de leur contribution M. le ministre, M. le secrétaire d’État, M. le président de la commission des affaires sociales, M. le rapporteur pour avis, que l’on ne peut que féliciter de la constance de ses positions, la présidence, ainsi que tous nos collègues, qui ont veillé jusqu’à une heure cette nuit. Nos débats, s’ils furent fermes, n’en restèrent pas moins sereins et très constructifs. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je remercie l’ensemble des participants à ce débat.

Je salue en particulier le travail remarquable qu’a accompli Mme le rapporteur, avec toute la précision, le professionnalisme et l’énergie que chacun lui connaît, notamment sur la partie qui me concerne plus spécifiquement, à savoir l’article 5, mais aussi sur les questions relatives aux entreprises d’intérim. Ses observations judicieuses ont permis d’améliorer le texte.

Je remercie M. Dassault, rapporteur pour avis de la commission des finances, dont la contribution a permis d’approfondir le débat sur les allégements de charges.

Je remercie également Mme Procaccia : par ses interventions toujours pertinentes, elle a attiré l’attention du Gouvernement, à très juste titre, sur la situation des branches de moins de 5 000 salariés, plus particulièrement dans le secteur agricole.

Au-delà du soutien apporté par la majorité à ce texte, je me plais à saluer le travail accompli par les sénateurs de l’opposition, qui nous a permis d’avoir un débat véritable, fondé sur l’échange.

J’ai ainsi apprécié la participation de Mme David et de M. Fischer, qui sont des experts en matière de droit du travail et d’emploi. Même si nous ne partageons pas la même vision des choses, je trouve que nos échanges sont, malgré tout, toujours clairs, francs et constructifs,…